L'Echo de la Fabrique : 1 février 1835 - Numéro 5

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 29 janvier 1835.

Président M. Riboud, Membres : MM. Blanc, Chantre, Cochet, Dufour, Dumas, Jubié, Micoud, Perret, Putinier, Rodet, Roux, Vérat, Wuarin.

19 causes sont appelées, dont 4 sur citation, 3 sont arrachées ; 2 renvoyées à huitaine ; 2 jugées par défaut, les autres jugées contradictoirement ou renvoyées en conciliation.

Au nombre de ces dernières se trouve celle de Bernard contre Luquin frères.

Les affaires suivantes ont présenté de l’intérêt ;

bernard contre biollay – Faits : Biollay avait pris pour apprenti le sieur Bernard, jeune homme de 13 ans, frère d’un négociant de cette ville. Le temps de l’apprentissage fut fixé à 3 années, Biollay devait lui apprendre la théorie pendant le cours de la dernière ; le prix fut fixé à 350 fr.i ; et Biollay s’en rapportant aux assurances [3.1]de la tante du jeune Bernard, et à la considération dont jouit la famille, omit de stipuler un dédit dans le cas où l’apprenti ne finirait pas son tempsii. Il en est résulté que ce jeune homme ayant beaucoup d’intelligence et Biollay lui ayant donné des soins particuliers, il se trouve en état d’être ouvrier au bout de 15 mois et en ce moment il fait plus que la tâche. Sous le prétexte de vouloir lui faire apprendre la fabrication des velours ; Bernard fait appeler Biollay en résiliation de l’acte d’apprentissage. L’indemnité n’ayant pas été fixée lors de la convention, parce que suivant l’idée de beaucoup de personnes qui s’imaginent que la délicatesse est en raison directe de la fortune, elle n’avait pas été prévue ; c’était au tribunal à la fixer. Le conseil a alloué, 50 fr. seulement, en sus du prix de l’apprentissage. La question suivante était donc à juger :

L’apprenti qui a traité pour 3 ans et 350 fr., peut-il racheter les 21 derniers mois de son apprentissage moyennant une indemnité de 50 fr. ? – Ouiiii.

bofferding contre gelot et ferrière. – La cause venait à l’audience pour la fixation des frais de montage réservés par le jugement du 20 décembre dernier. Ces frais ont été établis à 70 fr. 80 c., savoir : 40 f. 80 c. pour dépenses et 30 f., pour six jours de travail à 5 fr. Gelot et Ferrière ont été condamnés au paiement de cette somme, ils n’avaient offert que 30 fr.

gervais contre gouillon. – Cette affaire qui concerne la section de chapellerie a été renvoyée en conciliation devant MM. Rodet et Jubiéiv.

perton contre giraud. – M. Giraud négociant, s’était chargé de mettre en apprentissage un jeune enfant de Barcelonnette, il l’avait confié à Perton en lui faisant espérer des conventions avantageuses. N’ayant pas été ensuite d’accord, et Perton ne voulant pas garder l’élève, Giraud offrait pour toute indemnité 50 cent. par jour. La question à juger était celle-ci :

Lorsque l’apprentissage projeté n’a pas lieu, est-il dû une indemnité au chef d’atelier, indépendamment du prix de la nourriture ? – Oui.

Le conseil a condamné Giraud à payer 50 c. par jour pour la nourriture de l’apprenti, plus 40 fr. d’indemnité.

fixe contre kimmerlin. – Il s’agissait du prix de plusieurs planches gravées. La cause a été renvoyée à lundi prochain devant MM. Troubat et Vérat.

dumas contre mailloux – Le chef d’atelier reprochait à son élève des infidélités. La cause a été discutée à huis clos, mais le jugement a été rendu en audience publique. Le conseil a alloué 150 fr. au fabricant.

Notes de fin littérales:

i. Le prix d’un apprentissage se compose de deux sommes, si nous pouvons nous servir de cette expression qui rend notre pensée, 1° une somme en argent, 2° une somme en travail ou temps. Elle sont en proportion l’une de l’autre. Plus l’apprenti donne de temps, moins il donne d’argent et réciproquement. La résiliation des conventions en ce qui touche le temps fixé, cause donc au maître un préjudice aussi grand que si on diminuait arbitrairement la somme d’argent ajoutée.
ii. Les chefs d’atelier stipulent ordinairement 2 ou 300 francs.
iii. Cette décision n’est pas conforme à celles précédentes du conseil, dans des cas analogues. Elle nous paraît injuste et préjudiciable à la fabrique. Quel est, en effet, l’apprenti qui ne voudra pas, moyennant une faible somme de 50 fr. racheter vingt-un mois de travail, si le maître n’est pas assez prévoyant pour fixer une indemnité convenable. Il faut espérer que le tribunal de commerce réformera cette sentence, et que le conseil des prud’hommes n’adoptera pas une semblable base pour sa jurisprudence.
iv. Nous avons remarqué que le lieu du rendez-vous a été fixé chez M. RodetRodet, l’un des arbitres. Nous croyons qu’il serait préférable que toutes les séances arbitrales fussent indiquées au greffe du conseil, comme nous l’avons demandé et obtenu dans le temps, pour la section de soierie.

 

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