L'Echo de la Fabrique : 15 février 1835 - Numéro 7

Projet d’un canal souterrain à pratiquer dans la montagne de la Croix-Rousse pour la jonction du Rhône et de la Saône.

La ville de Lyon et les communes de la Guillotière et de Vaise ont fréquemment à souffrir des inondations du Rhône et de la Saône. Outre les dévastations que causent ces débordemens, ils ont encore l’inconvénient de laisser, après eux dans les bas-fonds qu’ils ont envahis, des eaux qui, à la longue, deviennent insalubres, et exhalent des miasmes morbifiques. C’est ainsi que le Rhône et la Saône, naturellement destinés à faire l’ornement et la richesse de la cité lyonnaise, compromettent la santé et la fortune de ses habitans. Préserver le pays de leurs débâcles et en diminuer la nocuité, faciliter les communications entre les populations placées sur les rives respectives, tel est le but que se propose l’auteur de ce projet.

Il a mis à profit l’expérience acquise sur la marche de l’inondation du fleuve et de celle de la rivière. Il a reconnu : 1° que l’inondation du Rhône s’effectue en 24 et 48 heures, et qu’elle se retire aussi promptement qu’elle est venue ; 2° que la crue de la Saône dure 9 jours, quelquefois 18 et même 27 jours et qu’elle est aussi lente à rentrer dans son lit qu’à en sortir ; 3° que les crues du Rhône et de la Saône sont rarement simultanées et que généralement elles se succèdent.

Il a conclu de ses observations, qu’en ouvrant un canal souterrain dans la montagne de la Croix-Rousse, on obtiendrait par là l’écoulement du trop-plein du Rhône dans la Saône et réciproquement de la Saône dans le Rhône.

Situation du canal : – Le canal serait percé souterrainement [3.2]comme l’on été, le canal de Givors, celui de Saint-Maur (Seine) ; comme les chemins de fer, etc. etc. Il serait percé en ligne droite : sous les murs de la ville, de la Barrière de Serin et de Saint-Clair.

La montagne de la Croix-Rousse a, de la rive de la Saône à la rive du Rhône, 1 950 mètres d’étendu, sa hauteur est de 85 mètres.

Le percé aurait 60 pieds de largeur dont 40 pour le lit du canal et 10 pour chacun des chemins latéraux destinés un à l’aller et l’autre au retour, tant pour le public que pour le service du halage. La voûte du percé serait à ogive, elle aurait 28 pieds de hauteur. Le lit du canal serait creusé de 18 pieds.

Les chemins latéraux devront être de 48 pouces en contrebas des eaux du fleuve ou de la rivière à déborder ; l’on conçoit bien qu’en cas de débordement, ce percé ne serait plus ni un canal ni une route, mais bien une rivière portant du Rhône à la Saône et vice versa les eaux surabondantes, et diminuant ainsi pour les rives respectives les dangers de l’inondation.

La position de ce canal serait unique en France. On ne saurait, en effet, en trouver une plus favorisée par la nature. Placé à l’entrée d’une cité qui est la seconde du royaume pour la population, et la première par le commerce et l’industrie, joignant un fleuve et une rivière, aboutissant à deux grandes routes, contigu à plusieurs points ; ce canal promet au commerce lyonnais une nouvelle ère de prospérité, les avantages que les populations doivent en retirer sont incalculables.

(La suite au prochain N°.)

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique