L'Echo de la Fabrique : 1 mars 1835 - Numéro 9

Courte réponse à l’indicateur.

M. Marc derrion, rédacteur en chef de l’Indicateur, a, par une lettre insérée dans son dernier numéro, déclaré qu’il n’était pour rien, soit dans l’insertion, soit dans la rédaction de l’article intitulé : Un mot sur l’état actuel de l’Industrie contenu dans le numéro 21 du même journal, et qui lui est attribué. Nous tenons ce désaveu pour vrai ; mais pour ceux qui connaissent les fonctions et les prérogatives d’un rédacteur en chef, c’est le cas de dire que l’Indicateur est un journal comme il n’y en a guère, un journal comme il n’y en a pas… car c’est peut-être la première fois qu’un rédacteur en chef ignore ce qui est inséré dans le journal dont la responsabilité morale pèse sur lui comme la responsabilité légale pèse sur le gérant.

Après un tel désaveu, ce qu’avait de mieux à faire le gérant de l’Indicateur était de se taire ; mais au lieu de garder un silence prudent, il raconte sérieusement que cet article fut l’œuvre d’un écrivain emporté par l’indignation que lui fit éprouver un fait inouï commis par un négociant de cette ville. Il ajoute qu’il hésita plusieurs mois à l’insérer ; mais que, cédant à un mouvement involontaire produit par des plaintes sans cesse renouvelées des chefs d’atelier victimes de spéculations vraiment coupables, cet article fut porté à l’imprimerie à la hâte. – Nous dirons à notre confrère que quelque coupable que fut la conduite de ces négocians, elle n’autorisait pas à dire à la masse de plates injures qui ne prouvaient rien ; mais il y a mieux, il a manqué à son devoir de journaliste en ne publiant pas d’abord le fait inouï qui engagea l’écrivain de l’article malencontreux à le composer ; ensuite, les divers méfaits dont quelques chefs d’atelier se sont plaints. – Il nous semble que l’établissement des journaux de fabrique a eu lieu précisément pour signaler la conduite des négocians prévaricateurs.

L’Indicateur se plaint ensuite avec naïveté de ce que son article a été une bonne fortune pour notre journal : il se trompe, nous en avons été plus affligés que contens, malgré notre réalisé ! Et le seul motif qui nous a mis [2.2]la plume à la main a été de prémunir les ouvriers contre l’exagération d’une pareille doctrine. Nous n’avions pas tort, puisque l’Indicateur la désavoue lui-même aujourd’hui. Nous avions encore intérêt à ne pas laisser peser sur toute la presse populaire les récriminations que nous étions convaincus que cet article soulèverait dans le public éclairé.

En discutant avec l’Indicateur, nous sommes restés dans notre droit et nous avons prouvé autant qu’il était en nous, que la presse pouvait fort bien être son correctif lorsqu’on la laissait livrée à elle-même ; nous n’avons fait que suivre l’exemple du Censeur contre le Courrier de Lyon, du Réformateur contre le Bon Sens, du National contre la Gazette de France, etc. Certes, les journaux politiques n’ont jamais trouvé ces discussions insignifiantes, quoique parfois elles soient fastidieuses : l’Indicateur serait-il donc l’arche sainte à laquelle on ne pourrait toucher, ou croit-il pouvoir par un ton de suffisance, qui ne lui sied pas, cacher le vide de sa rédaction, et son impuissance de soutenir une discussion quelconque. Ceci répond à sa plate et calomnieuse remarque que la Tribune Prolétaire en fait de dénonciation mensongère et de style réquisitorial n’aurait plus rien à reprocher à certaines feuilles, etc. Nous avons prouvé que la dénonciation, si l’on peut appeler de ce nom une controverse de journal à journal, n’a rien de mensonger. Quant à notre style, il vaut sans doute bien celui de l’Indicateur. – A l’égard de ce que dit encore l’Indicateur que nous sommes désolés de ne pouvoir le suivre dans ses efforts pour l’amélioration du sort des travailleurs ; nous rions de bon cœur de sa bonhomie vaniteuse. Il paraît que l’Indicateur est décidément plus malade que nous le pensions : il ne se connaît pas.

 

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