L'Echo de la Fabrique : 1 mars 1835 - Numéro 9

Projet d?un canal souterrain à pratiquer dans la montagne de la Croix-Rousse pour la jonction du Rhône et de la Saône.

(Suite, v. N° 7).

Pourrait-on nier son extrême utilité, lorsque l?on considère,

1° qu?il passe, par année, au bureau maritime de Serin 19 à 20 mille bateaux, pour lesquels il se fait une dépense journalière de 2, 3 et 400 fr., occasionnée par les équipages soit d?hommes, soit de chevaux nécessaires au halage de chacun d?eux, et encore ce travail ne peut avoir lieu que lorsque la Saône n?est pas grosse ; 2° que les bateaux qui arrivent à Lyon par Serin pour être chargés ou déchargés sur les rives du Rhône, et ceux qui descendent le Rhône pour apporter leur charge sur les quais de la Saône sont obligés de doubler le cap de la Mulatière ou de faire le transport de leur cargaison par charrettes ; 3° que pour le trajet d?un bateau vide de St-Clair à Serin, il faut, outre les eaux et le vent favorables, employer un équipage de plusieurs hommes pendant. un jour entier ; 4° qu?un bateau chargé de bois ou de charbon, qui doit se rendre de Serin en amont du pont Morand, coûte à son propriétaire 200 à 350 fr. de frais, outre les risques et les inquiétudes pendant trois jours ; 5° que les blés et les grains de la Lorraine, de la Bourgogne et de la Bresse arrivant par la Saône pour être moulus à Lyon, doivent, de toute nécessité, être voiturés par terre des quais de la Saône aux moulins du Rhône ; 6° que la difficultés et les frais du transport sont tels qu?on ne voit généralement pas sur les ports du Rhône des pierres de Tournus et de Couzon, ni des tuiles, des carreaux, des foins et des pailles, des radeaux de bois de chêne de Bourgogne, et qu?il [4.1]n?existe pas sur les quais de ce fleuve de marchands de fer en gros ; de même qu?on ne trouve guère sur les rives de la Saône des productions ou radeaux venant de la Savoie, si ce n?est quelques pierres de Villebois, Brena, etc., dont le transport, se faisant par terre, en augmente de beaucoup la valeur ; 7° qu?enfin, la voie publique est trop souvent encombrée par le transport de ces grosses et longues pièces de bois que l?on débarque à Vaise, et sont conduites soit à St-Clair, soit aux Brotteaux, offrant aux passans une continuelle perspective de danger.

N?est-il pas hors de doute que si le canal projeté existait, le halage des bateaux serait dix fois plus prompt, plus sûr et dix fois moins coûteux ; que le transport des marchandises de la Saône au Rhône, et réciproquement, s?effectuerait avec célérité et économie et sans risques ; que les bateaux, après leur déchargement, circuleraient sans frais du Rhône à la Saône ; que le commerçant, outre l?économie qu?il obtiendrait sur le trajet d?un bateau, serait affranchi de toute inquiétude d?avariesi ; que la facilité du transport des grains aux moulins du Rhône amènerait une baisse dans le prix des farines ; que de nouveaux magasins seraient établis respectivement sur les quais du Rhône pour les arrivages de la Saône, et sur les quais de la Saône pour les arrivages du Rhône ; qu?enfin toute sécurité serait rendue à la voie publique débarrassée du transport d?énormes et dangereux fardeaux.

Ce canal n?exigerait point d?entretien. Il ne serait point comme tant d?autres canaux qui restent plusieurs mois de l?année fermés, soit par manque d?eau, soit par la rupture des digues, soit enfin par le curage. Taillé à plus des trois quarts dans le rocher, et pour le surplus dans un granit presque aussi dur, quoique en partie rocailleux, il ne donnera pas une heure de travail ni un centime de dépense par année. Sa construction devra au surplus être telle que l?on puisse au besoin en retirer les eaux. Cette opération s?exécuterait à l?aide d?une simple machine hydraulique modelée sur celles dont on fait usage en Hollande. Mise en mouvement par le courant, soit du Rhône, soit de la Saône, cette machine n?aurait pas fonctionné 10 heures consécutives que le lit du canal se trouverait à sec. Il pourrait être rempli de nouveau en 10 minutes.

(La suite au prochain N°)

Notes de fin littérales:

i. Ainsi que le public, qui n?aurait pus à gémir des accidens occasionnés par la remontée des bateaux.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique