L'Echo de la Fabrique : 26 avril 1835 - Numéro 32

félicité des hommes par leur rapport entre eux.

[1.1]L’homme porte en son cœur un désir insatiable de bien-être ; toutes ses actions, tous ses travaux tendent à le réaliser : et cela est tellement vrai, que dans les positions les plus défavorables de la vie, l’espérance d’un avenir meilleur soutient son courage et lui aide à supporter ses maux. Mais pour étancher cette soif de félicité, il faut que les hommes de tous les rangs, de toutes les classes contribuent, chacun en ce qui le concerne, à la jonction des anneaux de cette chaîne de prospérité, de laquelle dépend le bonheur de notre existence. L’homme au faîte des grandeurs, en possession de la plus brillante fortune, ne saurait arriver à la félicité sans être lui-même la cause du bien-être de ceux qui, par leurs travaux, leurs talens ou les agrémens qu’ils peuvent lui procurer, concourent à l’accroissement de ses désirs : et à leur tour les artistes, les hommes de génie et la classe immense des travailleurs de tous genres, ne peuvent être heureux sans être redevables entre eux de leurs jouissance. De là découle cet avantage, cette jouissance commune, auxquels nous participons tous. Pour donner de l’extension à notre pensée, nous parlerons d’abord de ces hommes qui, par leurs soins assidus et leurs lumières, s’attachent à l’instruction de notre génération naissante, de ceux dont le génie et la plume féconde récréent nos esprits dans l’âge mûr ; de ceux dont les veilles sont employées à la défense du criminel et de l’opprimé : puis nous tracerons l’esquisse de cette masse immense des travailleurs à laquelle nous nous faisons gloire d’appartenir, et qui par ses travaux ou son génie concourt à la prospérité générale.

Parmi ceux qui contribuent par leurs lumières au bien-être de la société, nous plaçons d’abord ceux qui, pour donner à l’esprit ce premier développement qui le met à même d’apprécier le juste de l’injuste, le vrai du faux, le beau du futile, ne craignent pas de vouer leur existence au profit de la jeunesse et […]1

En effet, que de gratitudes ne leur doit-on pas à ces professeurs dont les bienfaits s’étendent depuis la plus haute classe de la société jusqu’à l’humble chaumière dont ils civilisent la rusticité des habitans ? Combien de fois dans le cours de la vie, après avoir été le jouet de l’inconstance de la fortune, ne recourons-nous pas avec plaisir aux bienfaits d’une éducation devenue notre ancre contre le naufrage ; combien de fois ne portons-nous pas avec plaisir notre pensée sur les temps heureux des leçons du jeune âge ! Que de malheureux trompés par les fausses insinuations d’un ami perfide, égaré dans les détours tortueux [1.2]du vice, portent parfois leurs pensées sur les premières notions de vertu qu’une bonne éducation leur avait transmise ? Que ne vous doivent-ils pas aussi à vous, écrivains consciencieux, dont la plume féconde, tout en distrayant leurs esprits par vos images riantes et pures, les a ramenés à la vertu ? de quelle utilité n’êtes-vous pas pour […]

Mais il est une autre classe à laquelle l’humanité entière doit aussi son tribut de louanges, parce qu’elle a pour but l’intérêt de tous, dont la voix éloquente sait pallier les erreurs en même temps qu’elle fait ressortir toute la candeur de l’innocence. Que de larmes n’a-t-elle pas taries ! que de familles lui doivent et leur chef et leurs membres ! Combien de fois, orateurs sublimes, n’ont-ils pas fait passer dans l’ame des juges cette persuasion qui animait leurs paroles, qui électrisait leurs pensées ! que de demi-coupables arrachés à la sévérité de la justice par leurs efforts généreux, leur doivent les délices d’une vie nouvelle dont ils leur ont tracé la route ? Leur mission […]

Si l’homme, pour satisfaire ses désirs, doit non-seulement jouir des avantages que son pays lui procure, mais encore recourir aux productions étrangères et livrer en échange les céréales des tropiques : qu’exporterait-on au retour si d’autres moteurs de l’industrie humaine n’avaient bravé la chaleur ou l’intempérie des climats, pour nous faire jouir des fruits que notre sol ne saurait nous procurer ? qui distribuerait à nos heureux du siècle, à […] car que ne vous doivent-ils pas, à vous dont le génie créateur sait leur offrir en perspective, et les beautés de la noble antiquité, et le fini subtil du moderne ; à vous dont le pinceau délicat fait passer dans leurs ames ces impressions touchantes que font naître le coloris gracieux de vos peintures ; qui voilez d’une gaze légère ce que la pudeur ne saurait contempler, et qui faisant renaître sur la toile les actions mémorables de ces guerriers fameux qui ont immortalisé leurs noms en faisant notre gloire, laissez dans les cœurs glacés de ceux [2.1]qui contemplent vos chefs-d’œuvre, une étincelle du feu qui vous anime ?

Que ne vous doit pas la postérité, à vous dont le ciseau semble animer un marbre insensible pour perpétuer jusqu’à la génération la plus reculée, l’image révérée du bienfaiteur de l’humanité, de cet ange de la nature dont tous les instans ont été marqués par des bienfaits ? Qui ne vous adresserait des louanges en contemplant ces monumens somptueux qui vous doivent la richesse de leur structure et […]

Que dirons-nous ensuite de cette harmonie surnaturelle, de ces accords enchanteurs qui font l’agrément et le passe-temps des riches ? et de combien de jouissances vraiment indicibles ne sont-ils pas épris ces riches dans ces concerts où leurs ames énervées trouvent encore des délices qu’ils ne s’attendraient pas à retrouver ; combien de fois par eux-mêmes, grâce à cet art enchanteur, n’ont-ils pas rompus une monotonie accablante en exécutant ce que le génie leur avait tracé !

C’est donc en vain que certains hommes […] Mais en revanche, si l’artisan de toutes les professions contribue par ses peines à la félicité générale, cessez de […] Que les arts et le travail fructifient par ses soins, tout en satisfaisant à ses désirs et que […]

Notes de base de page numériques:

1 « […] » On trouve, dans l’ensemble du texte original, de longs paragraphes composés de pointillés : ces espaces laissés blancs symbolisent la façon dont cette presse industrielle, accablée par les poursuites pour délit d’opinion politique, est alors dans l’obligation de s’autocensurer.

 

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