L'Echo de la Fabrique : 26 février 1832 - Numéro 18

AU RÉDACTEUR.

[4.2]Messieurs,

Outre l’école entièrement gratuite qui est confiée à M. Bailleul et dont vous parlez dans l’intéressant article : Instruction populaire, de votre feuille du 5, la société pour l’instruction élémentaire du Rhône1 compte à Lyon huit écoles lancastriennes établies par elle dans divers quartiers et où elle dispose de 330 places gratuites, sous la réserve de 50 c. par mois pour frais d’ardoises, plumes et papiers à la charge de chaque élève. On s’inscrit pour toutes ces écoles chez M. Chevrolet, grande rue des Capucins, n° 16.

Nous sommes persuadés, messieurs, que vous vous ferez un vrai plaisir de donner ces renseignemens à ceux de vos nombreux lecteurs qui peuvent les ignorer.

Il est trop vrai, messieurs, que ces écoles jointes à celles de frères, jointes à celles que la société pour l’enseignement élémentaire est sur le point d’établir avec les fonds que l’autorité municipale lui a confiés pour cet important objet, seront encore loin de suffire aux besoins de la cité et du régime où nous entrons, de ce régime où le pouvoir fait et doit faire le moins, où les mœurs et les lumières des citoyens doivent faire le plus.

L’intérêt de l’enseignement national nous appelle tous à de nouveaux, à de plus grands efforts ; ce qu’on a tenté sous une charte octroyée, ne suffit plus aux nécessités d’un peuple libre, on lui doit et l’on se doit à soi-même de faire pour lui bien davantage. Aujourd’hui, former des citoyens, c’est pour des citoyens une obligation bien autrement sérieuse, que n’était précédemment pour le riche celle de travailler à l’éducation du pauvre. Cette vérité inflexible, mais salutaire, vous contribuerez sans doute puissamment, messieurs, à la faire comprendre, à la faire triompher.

Mais ce ne sera point assez, car il est certain que si les écoles manquent à la population, la population manque aussi trop souvent aux écoles. Les écoles lancastriennes de Lyon se perfectionnent évidemment de jour en jour ; les honorables instituteurs qui les dirigent s’y montrent toujours mieux pénétrés de l’importance de leur mission, toujours plus dignes de la confiance et du respect public. Tous ont obtenu l’estime de l’Université : deux d’entre eux, MM. Germain et Lagier, viennent de recevoir des marques précieuses de son intérêt, une médaille d’argent et une médaille de bronze, et pourtant les places offertes gratuitement au public dans ces divers établissemens sont loin d’être toujours occupées.

Vous coopérerez sans doute, messieurs, de toutes vos forces à bien faire entendre aux classes les moins instruites que, pour acquérir de l’instruction, elles ont, elles aussi, quelque chose à faire, c’est de la désirer, de s’en montrer toujours plus dignes et de savoir en profiter. Ne flattons pas plus les routines du pauvre que celles du riche ; amis de tous également, signalons à tous avec bienveillance et franchise, la part que chacun est rigoureusement tenu d’apporter dans le faisceau fraternel de la prospérité commune.

Agréez, messieurs, etc.

Dessaix, D. M.
de la société pour l’instruction élémentaire du Rhône.

Note du Rédacteur. Nous publions avec plaisir cette lettre, parce qu’il n’entre point dans nos vues d’être exclusifs dans les citations honorables que nous faisons, et si nous avons mis le nom de M. Bailleul dans notre article intitulé : Instruction populaire, c’est que, à part le mérite, son école étant entièrement gratuite, elle nous est venue la première à la pensée, et qu’un de ses élèves, comme nous l’avons dit, est employé dans nos bureaux.

[5.1]Nous savons gré à notre correspondant de nous avoir fourni le moyen de rendre justice à tous les instituteurs qui se livrent, d’après la méthode lancastrienne, à l’éducation de la classe pauvre avec un courage sans exemple ; et nous les félicitons de leurs succès, notamment MM. Germain et Lagier qui nous sont connus.

Nous croyons avec notre correspondant que, si les écoles manquent à la population, la population manque aussi trop souvent aux écoles. Dans un prochain article sur l’instruction populaire nous nous ferons un devoir de faire un appel à la classe industrielle, car si nous croyons avec les publicistes qu’une nation est grande quand elle est bien gouvernée, nous y ajoutons : et quand elle est bien instruite.

Notes de base de page numériques:

1 Il s'agit probablement de la société d'instruction primaire du Rhône fondée à Lyon en 1828 et autorisée par ordonnance royale du 15 avril 1829.

 

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