L'Echo de la Fabrique : 26 février 1832 - Numéro 18

AU MÊME

Monsieur,

Par suite d?une plainte portée par M. Cock, négociant de cette ville, j?ai subi un interrogatoire, une confrontation, une détention de 24 heures ; justice m?a été rendue par M. le juge d?instruction, mais le bien se répand avec peine, le mal trouve mille échos : père de famille, je tiens à ce que le soupçon le plus léger ne puisse atteindre le nom que je transmets à mes enfans ; chef d?atelier, rien ne doit altérer la confiance que veulent bien m?accorder les fabricans pour lesquels je travaille : il est donc nécessaire que l?on sache que la plainte portée contre moi a été sans motifs réels ni plausibles, que j?ai été victime d?une démarche irréfléchie de la part de M. Cock, et que je n?ai pas mérité le moindre reproche. Je crois que j?aurai atteint le double but que je me propose, si vous voulez bien donner la publicité à mes explications en leur consacrant une place dans votre journal.

Au commencement de septembre 1831, M. Cock me remit une pièce pour fabriquer des schals d?un dessin nouveau et particulier, je fus obligé de monter un métier exprès, mais je n?hésitai pas, il m?avait promis d?autres pièces. Le 8 octobre suivant, je lui remis un schal échantillon, il fut satisfait, je continuai la fabrication, je livrai les schals au fur et à mesure de leur exécution ; le 29 décembre il a reçu le 18me, c?était le dernier ; il ne me fut point remis d?autres pièces, je réclamai une indemnité, je n?ai pu l?obtenir de M. Cock que par l?intermédiaire du conseil des prud?hommes ; aurait-il conservé le souvenir de cette légère poursuite ? faut-il attribuer à ce motif la plainte qu?il a portée contre moi ? J?aime mieux penser qu?il a commis une erreur involontaire.

Le 5 de ce mois, M. Cock rencontra une dame qui portait un schal conforme à ceux qu?il a fait fabriquer, il la suit, prend son adresse, et le lendemain elle est appelée ainsi que moi devant M. le commissaire central de police ; elle est interrogée, déclare avoir acheté ce schal d?un marchand qu?elle fait connaître, que l?on fait appeler, qui à son tour déclare le tenir d?un tiers, dont il produit la facture : confronté avec cette dame et le marchand, ni l?un ni l?autre ne me connaissent. M. le commissaire central me demande si je n?ai pas fabriqué et vendu ce 19me schal, je lui donne la preuve mathématique que la chose n?est pas possible, mais M. Cock insiste, et l?on me met à la disposition de M. le procureur du roi. Conduit devant M. le juge d?instruction, j?ai reproduit la même défense, et là, du moins, le magistrat a écouté ma voix.

Cette défense est bien simple, elle résulte de mon [5.2]livre, et des écritures faites par la maison Cock elle-même ; tous les négocians et les fabricans le pourront approuver.

17 septembre. Reçu de M. Cock une pièce de 31 aunes pour schal 6/4 de 63 pouces de large et 6 pouces de franges.

8 octobre. Rendu un échantillon 3/4.

14, 19, 22, 27 octobre. ? 3, 5, 10, 12, 16 et 19 novembre. - 3, 8, 12, 16, 19, 23 et 29 décembre. Livraisons de schals.

Il m?est resté 2 aunes 1/8 chaîne, j?en ai rendu 5/4 avec le peigne, il en est resté 3/4 et 1/8 sur mon métier pour le laisser-passer ; il est donc évident qu?il m?était impossible de faire un schal de plus, et par conséquent de le vendre ; il était bien plus simple ou plus naturel de penser que c?était l?un de ceux vendus et livrés par M. Cock.

Voilà, Monsieur, les observations que j?avais besoin de faire pour obtenir du tribunal de l?opinion publique un jugement conforme à celui de M. le juge d?instruction.

Agréez mes remercîmens pour la publicité que j?espère que vous voudrez bien leur donner dans l?intérêt d?un père de famille, d?un ouvrier qui ne peut laisser à ses enfans d?autre fortune qu?une réputation exempte de blâme.

Pelosse.

 

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