L'Echo de la Fabrique : 7 juin 1835 - Numéro 23 bis

NOTICE SUR LES IMPOTS INDIRECTS.

Les Romains avaient soumis la Gaule à des tributs. Les Francs y levèrent ceux qu?ils trouvèrent établis ; puis leurs institutions présentèrent deux espèces de dîmes : l?une pour l?état, l?autre pour l?église. Chilpéric fut le premier qui imposa en même temps le sol et ses produits en levant un huitième sur le vin récolté et un huitième de muid pour chaque arpent de vigne ; sous ses successeurs des droits furent attachés à titre de salaire à différens offices de police, tels étaient ceux des jaugeurs dont il est fait mention dans une ordonnance du prévôt de Paris de 1303 ; ceux des quatre-vingts courtiers de vins que l?on voit en fonctions dans une ordonnance de Charles le Bel, du 12 mars 1312 et celle des jurés-vendeurs, des jurés courtiers et des jurés-déchargeurs de vin créés par une ordonnance du roi Jean, du 30 janvier 1350. Les premiers impôts perçus en France portèrent ainsi sur le vin et l?industrie.

Charlemagne maître des richesses des Lombards et des trésors des Huns, n?eut pas besoin de subsides ; mais après lui la féodalité s?empara de l?état, les grands fiefs furent établis, le roi réduit à son domaine et à quelques redevances payées par les seigneurs. Les personnes et les biens furent asservis ; la féodalité multiplia les impôts indirects de toute manière et ils furent exigés sous le nom d?aides.

Le 17 octobre 1356, les trois classes qui représentaient la nation s?assemblèrent à Paris. Le Dauphin régent leur demanda aide pour délivrer le roi Jean son père fait prisonnier à Poitiers et continuer la guerre. Les états consentirent à l?accorder. La levée des aides eut lieu dès lors au profit du roi et une ordonnance du 5 décembre 1360, nomma des députés généraux pour asseoir l?impôt ; elle les investit du recouvrement et de la juridiction des aides.

Un droit sur le sel venait d?être créé sous le nom de gabelle ; des lettres-patentes l?avaient introduit le 20 mars 1342, sa perception en fut organisée.

[3.2]Les villes appelées à donner des secours y pourvoyaient en établissant les droits que comportaient les localités ; une partie du produit fut affectée à leurs besoins et là commencèrent les octrois concédés aux communautés.

Le mot d?aides comprit dans son origine toute espèce de subsides ; Charles VI les supprima en 1380, mais il les rétablit après la bataille de Rosebeck ; le mot gabelle employé d?abord dans le même sens, ne s?appliqua ensuite qu?à l?impôt sur le sel. Les aides ne furent point établis partout en même temps. Les provinces furent séparément appelées à consentir les droits qui étaient les plus applicables à leur position et à leurs ressources. Dans ce cas, des assemblées, où le peuple était représenté, délibéraient avant d?admettre l?impôt ; la répartition en était faite par des notables nommés par les paroisses qui prenaient le nom d?élus. Ainsi, ce fut à l?occasion de l?établissement des contributions, qu?en France le peuple commença à avoir séance dans les assemblées délibérantes et à former le corps du tiers état (voyez Pasquier1, liv. 7, ch. 7). ? Les élus et les généraux des aides créés en 1356, connaissaient des contestations sur cette matière ; leurs devoirs sont tracés dans un édit de 1372. Alors l?aide consistait en un treizième du vin qui, introduit dans les villes, y était vendu en gros ou en détail ; de là le droit à la vente au gros, et le droit à la vente au détail. Les mêmes droits pesaient sur les marchandises et les denrées et celui qui était perçu en détail sur le vin, s?élevait au quart de sa valeur, quand Louis XI le réduisit en 1465, à un huitième. Là ne fut pas borné cet impôt : le commerce du détaillant subordonné à une permission du roi fut frappé d?un droit particulier qui forma la taxe appelée l?annuel, un siècle après le même impôt grandit encore : le vin fut imposé dans les caves du propriétaire ; une ordonnance de 1554 soumit ses récoltes à un inventaire, régla sa consommation et taxa l?excédent non représenté d?un droit qui fut désigné sous le nom de gros manquant. Une nouvelle taxe de cinq sols par muid fut établie en 1561, à l?entrée du vin dans les villes et bourgs ; elle subit ensuite une augmentation qui fut encore de Cinq sols et cette perception continua sous le nom des anciens et nouveaux cinq sols.

D?autres taxes remontent au même temps : en 1565 un droit fut assis sur le papier et les parchemins ; les cartes, tarots et balles de dés, furent imposés en 1583 et c?est vers l?année 1596, que fut introduit le privilège qui donna lieu à la ferme des messageries et voitures publiques.

Dans ce siècle, l?administration des aides n?avait pas fait autant de progrès que l?impôt ; l?insuffisance de la législation laissait, dans un grand nombre de cas, la perception abandonnée à l?arbitraire ; cependant la compétence de la cour des généraux des aides avait été réglée par ordonnance du 24 juin 1500. Cette cour augmentée sous Henri II, par un édit du mois de mars 1558, avait reçu le titre de cour des aides, et les élus placés au premier degré de prédiction, composaient les sièges de justice nommés élections.

Avec le 17e siècle commencèrent les fermes générales ; établies en 1604 et chargées de la levée des aides, elles donnèrent un mouvement rapide à la perception des droits et leur assiette en fut bientôt accrue.

C?est de 1625 que date le contrôle établi sur la bière, qui fut suivi d?un droit de fabrication.

C?est en 1626 qu?un impôt fut levé sur le fer ; il eut pour motif apparent l?importance d?en surveiller la qualité ; mais la véritable cause fut dans les projets de guerre que méditait le cardinal de Richelieu et qui se réalisèrent par la seconde des guerres de religion et le siège de la Rochelle. Ce droit était : 1° de 13 sols 6 deniers par quintal de fer ; 2° de 18 sols par quintal de quincaillerie grosse ou menue ; 3° de 20 sols par quintal d?acier ; 4° de 3 sols 4 deniers par quintal de minerai de fer.

En 1633 des conservateurs des fermes avaient été créés ; des lieutenants-conservateurs leur furent adjoints en 1639. Le prélèvement de 6 deniers par livre était attribué sur les aides à ces deux classes d?officiers ; mais leur suppression en 1640, profita au roi qui se rendit maître de cette allocation ; une nouvelle taxe de 12 deniers y fut [4.1]réunie, et un édit de 1654 créant un nouveau sou par livre, éleva à cinq sous cette subvention qui depuis fut perçue sous le nom de parisis. La guerre qui venait de finir avait rendu nécessaire cet accroissement d?impôt, mais le traité de Westphalie qui amena la paix n?en fut pas le terme.

En 1656, une subvention fut imposée sur les vins sortant des six élections de la Bourgogne, et depuis elle fut connue sous le nom de droit du pont du Joigni.

Des péages avaient été anciennement perçus par les seigneurs dans leurs fiefs sur les routes et les rivières ; en 1633 le roi supprima ceux qui existaient sur la Seine et les remplaça par un droit de navigation établi sur ce fleuve, d?un port à l?autre et sur les rivières affluentes jusqu?à Rouen.

En 1658 une subvention nouvelle de 12 deniers fut ajoutée au parisis et forma la perception connue sous le nom d?augmentation.

Le doublement de l?octroi des villes fut ordonné en 1633 et la moitié de la perception attribuée au roi franche de toute charge.

Le tabac importé en France, ne fut d?abord imposé qu?à l?entrée du royaume ; mais en 1674 la consommation était devenue si générale que l?état put y puiser une importante ressource. Le commerce en fut dès lors interdit aux particuliers et la vente exclusive réservée au roi.

La nouvelle guerre qui remplit l?intervalle de 1688 à 1697, créa de pressans besoins et avec elle reparut en 1689 le droit de jauge et de courtage ; deux ans après celui de poids-le-roi, perçu dans les fiefs sur la pesée des marchandises devient domanial, et le droit sur les suifs et chandelles introduit sous Charles VII, puis supprimé, fut rétabli en 1693.

En 1704 la création des inspecteurs des boucheries, et celle des inspecteurs des boissons en 1705, les droits qui leur étaient dévolus, abolis et ensuite reproduits, donnèrent naissance à une perception, connue dès lors sous le nom de droits rétablis.

En 1716 les huiles et les savons furent imposés à la fabrication par une déclaration du 21 mars.

En 1722 les octrois, furent étendus et leur nouveau produit fut affecté aux hôpitaux et aux besoins des villes, ce qui les fit nommer octrois des hôpitaux et octrois municipaux.

Une subvention frappa en 1758 la plupart des villes ; diverses taxes furent créées pour l?acquitter. Le terme de leur perception était de six années, mais à l?expiration de ce temps, ces taxes furent déclarées revenus du roi et elles prirent le nom de droits réservés.

Les droits attribués aux offices supprimés furent reçus au nom du roi en 1758.

Eh 1759 un édit imposa un droit unique sur les cuirs tannés et apprêtés.

(Suite au prochain numéro.)

Notes de base de page numériques:

1 Il s?agit très probablement ici du  juriste et historien Etienne Pasquier (1529-1615) auteur notamment des Recherches de la France (1560).

 

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