L'Echo de la Fabrique : 18 mars 1832 - Numéro 21

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Votre journal est comme une vigie toujours prête à signaler les abus. En voici un, Monsieur, que je me garderai bien de qualifier, tant, selon moi, il est scandaleux et préjudiciable, soit au fabricant, soit à l?ouvrier. Voici le fait.

Plusieurs ouvriers occupés par M. Charron se sont présentés chez moi pour me demander le prix de la façon des velours que je fabrique. Ayant affaire à des négocians, hommes justes, j?ai cru devoir, dans l?intérêt des ouvriers en général, donner tous les renseignements possibles aux chefs d?ateliers du sieur Charron. Voici, Monsieur, ce que j?ai appris dans ces nombreux entretiens : les velours coupés, fond satin à lisse, que MM. Ricard et Jacquarie me payent 7 fr. l?aune, ne sont payés par M. Charron que 4 fr. et 4 fr. 50 c. ; et les velours ciselés à corps plein qu?on me paye dans la même maison 6 fr. et 6 fr. 50 c., ne sont payés par la maison Charron que 5 fr. 50 c. Je vous laisse à penser s?il est possible de tolérer une telle différence de prix, et si celui qui ose spéculer ainsi sur la misère de l?ouvrier est un homme juste.

J?ai dit qu?un tel abus était autant préjudiciable à l?honnête fabricant qu?à l?ouvrier ; parce que celui qui arrache ainsi 2 fr. 50 c. par aune au chef d?atelier, peut livrer à meilleur marché au commissionnaire, et rend victime de son peu de délicatesse le négociant probe qui exige une belle fabrication, mais qui veut que ses ouvriers vivent du fruit de leur travail.

Veuillez, Monsieur, donner la publicité à ma lettre, et ce sera encore un service que vous rendrez à la classe industrielle.

Je suis, etc.

J. M. Martinon.

 

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