L'Echo de la Fabrique : 25 mars 1832 - Numéro 22

des améliorations à apporter à la fabrique.   

Quoique les travaux aient repris, qu?une légère augmentation ait été faite dans quelques articles, et que le fabricant ait vu sa position s?améliorer depuis un mois, on ne peut se dissimuler que la crise qui a affligé notre industrie est profonde, et que chaque instant peut la voir renaître. Il est patent pour tous que de nouvelles secousses anéantiraient le peu d?activité qui nous reste, et que les petites étoffes unies, par exemple, ne peuvent pas long-temps soutenir la concurrence du dehors. Il importe donc, au suprême degré, de rechercher quels [2.2]remèdes on pourrait apporter au mal, et par quels moyens on pourrait prévenir de nouveaux désastres.

Nous croyons qu?une des grandes causes de la décadence de notre industrie, est le manque d?union entre ceux qui l?exploitent. L?égoïsme a totalement détruit la confiance qui devrait régner, pleine et entière ; il empêche toute amélioration d?avoir lieu. Chacun, en effet, agit isolément, au hasard, sans direction, sans avoir de but fixe, si ce n?est celui de l?intérêt ; point de grandes pensées, point de vues larges, point d?améliorations sur une grande échelle. Et comment cela serait-il possible, avec les cachotteries, les petites jalousies, les sentimens étroits qui dominent généralement l?esprit de commerce ? L?homme ne devient meilleur que par le contact obligé de ses semblables ; isolé, il n?est capable de rien par lui-même ; en société, il veut et peut de grandes choses. Nous sommes donc convaincus que le premier moyen pour amener des améliorations successives, est la cessation de l?esprit d?égoïsme et d?isolement dans lequel chacun se débat, et que pour parvenir à ce but, il y aurait une voie possible. Ce serait :

1° La réunion de tous les fabricans, au moins tous les deux mois en assemblée générale. On y discuterait les hauts intérêts de la fabrique, des questions de douanes, de primes, de culture de soie, etc. etc. Un bureau serait élu chaque année, et procès-verbal tenu de chaque séance.

2° La réunion au moins une fois par mois de tous les fabricans du même article ; elles auraient lieu à des jours différens, afin que les individus, ayant plusieurs genres de fabrication, pussent assister à toutes. On s?y entretiendrait des moyens de perfectionnement à appliquer aux branches moins avancées ou souffrantes ; on y spécialiserait, en un mot, ce qu?on aurait généralisé dans les assemblées de tous les deux mois. Des questions à résoudre pourraient y être choisies et soumises ensuite à l?assemblée générale, qui déterminerait une prime à accorder à leur solution.

3° Une cotisation annuelle serait faite entre tous les fabricans, à l?effet de produire un capital, dont la rente serait affectée aux essais divers de machines ou procédés dont la découverte pourrait être utile, et qui d?ordinaire ne peuvent être employés faute de fonds nécessaires pour leur confection première.

4° Enfin, on admettrait dans toutes les réunions mensuelles les chefs d?ateliers qui voudraient en faire partie, et dont les connaissances toutes spéciales pourraient produire les effets les plus heureux dans l?intérêt général.

On sent facilement combien de semblables mesures seraient utiles et praticables. Elles auraient pour résultat immédiat de donner à tous les fabricans un amour de leur bien-être réciproque, une espèce de confraternité, de solidarité de réussite, qui ne leur manque que parce qu?ils s?évitent au lieu de se rechercher ; chacun se croirait obligé d?apporter à la masse le tribut de ses lumières ; les procédés les plus économiques, les plus fructueux naîtraient sous leurs efforts réunis ; d?un autre côté, les fonds applicables aux inventions, laisseraient le champ libre aux imaginations industrielles, et les effets les plus inattendus pourraient en surgir ; enfin le contact habituel des ouvriers et des fabricans leur apprendrait à s?aimer, à s?estimer les uns les autres, et révélerait une foule de capacité qui meurent impuissantes à se faire jour. La fabrique de Lyon, mue alors par un même esprit, animée d?une même tendance, prendrait une vie nouvelle ; nous croyons ces moyens efficaces, et appelons sur eux l?attention et les observations des manufacturiers de notre ville.

Léon F.........

 

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