L'Echo de la Fabrique : 8 avril 1832 - Numéro 24

M. B. Rolland nous adresse la lettre suivante en réponse à notre article sur son projet d’association, inséré dans notre avant-dernier numéro, et nous prie de l’insérer. Nous nous empressons de satisfaire à sa demande parce que dans le projet de M. Rolland, nous trouvons des pensées dignes d’être méditées par tous ceux qui veulent le bien de la classe industrielle, et quoique nos opinions soient différentes sur quelques points de celles de M. Rolland, nous devons rendre justice à ses bonnes intentions.

Au rédacteur.   

Monsieur,

Vous êtes dans l’erreur si vous croyez que je veuille faire de l’aristocratie. Cette pensée ne saurait appartenir ni à ma position ni à ma manière de voir : je veux de la justice, toujours je la voudrai ; je tiens à vous convaincre qu’elle existe dans les articles de règlement que vous critiquez.

Avant toute autre question, il en est une essentielle sur laquelle il est rigoureusement nécessaire de tomber d’accord, je crois que vous devez être convaincu, du moins je l’admets, c’est que les ouvriers en soie ne peuvent pas, par leurs seules ressources, suffire à toutes les charges d’une association qui doit pourvoir à tant de résultats.

Secours en cas de maladie, secours en cas de cessation de travail, encouragemens pour le travail, pour l’assiduité, pour la conduite, pour l’instruction, fondation d’une bibliothèque industrielle, nonobstant ceux qu’il reste à signaler, et dans le nombre desquels on pourrait introduire le projet d’une caisse de prêt, celui de l’assurance des locations, qui tendrait plus efficacement qu’aucun autre moyen à la rédaction du taux des loyers.

Jamais seuls, les ouvriers ne pourraient atteindre ce but : à qui donc recourir ? à ceux qui peuvent y trouver convenance ; il est dans celle de tous les citoyens, il est de leur intérêt d’y parvenir, et ils consentiront à y contribuer ; mais vous conviendrez que la proposition telle que vous la posez n’est pas engageante pour eux, et si je ne me trompe, elle se résume en ces mots : « Apportez, mais pour rendre l’action plus honorable, laissez-nous le soin de la distribution. » Entendons-nous, ce n’est point un langage que je vous prête, à vous personnellement, c’est à l’industriel qui a cette pensée, que je m’adresse.

Qu’il permette qu’à cette proposition, nous qui aimons sincèrement l’ouvrier, nous qui lui désirons la plus grande part possible de bien-être ; qui la désirons dans son intérêt comme dans le nôtre, parce qu’ils se trouvent liés l’un à l’autre. Nous qui sommes ouvriers aussi, ou industriels, car tout est industrie aujourd’hui, nous lui répondions par votre propre argument : « On doit penser à l’avenir », et supposer que les hommes qui seront aujourd’hui à la tête de l’association, comme industriels, peuvent être remplacés par d’autres qui ne seront pas aussi profondément pénétrés du véritable esprit de l’association, il se pourrait alors que ceux chargés de l’administration, prodigueraient les ressources de l’association, et entraîneraient sa ruine. Alors les sociétaires honoraires verraient leurs sacrifices rester infructueux.

Je suis intimement convaincu qu’aujourd’hui surtout, les ouvriers en soie entendent assez leurs véritables intérêts [6.1]pour que jamais une pareille calamité fût à craindre ; mais comme les bons comptes font les bons amis, réglons les choses de manière à ce que jamais ou le moins possible, il puisse y avoir des empiétemens de prérogatives.

Pour cela, reconnaissons d’où ils pourraient partir ; vous avez désigné les sociétaires honoraires, je crois plutôt que vous avez pensé désigner les fabricans ; prenez pourtant bien garde que tous les honoraires ne sont pas fabricans, que même relativement à la population, ils n’y seront qu’en beaucoup plus petit nombre, et cependant vous ne vous occupez que d’eux et de vous.

Mais nous qui ne sommes pas plus fabricans qu’ouvriers en soie, nous qui voulons la plus grande somme de bonheur et de prospérité pour tous, nous qui, dans ce but, apportons notre offrande, notre contribution comme eux, vous nous comptez pour rien : vous conviendrez que ce n’est ni juste ni même politique ; car non seulement il est probable que nous serons les plus nombreux, surtout pendant les premières années, mais j’admets que nous devons exercer l’influence la plus utile, la plus heureuse.

(La suite au prochain N°).

au même.   

Monsieur,

Veuillez signaler dans votre estimable journal les faits suivans : Quelques fabricans, forcés de donner des tirelles à raison de 15 grammes, et ne voulant pas que la masse des ouvriers en soit instruite, prient les chefs d’ateliers de n’en rien dire, et payent incognito : de ce nombre, est M. Michel, fabricant, place de la Comédie.

Je dois vous signaler aussi la maison Brisson, qui fait fabriquer les gros de Naples 11/24 à 80 c. l’aune, tandis que M. Ch. Depoully les paye 95 c.

Agréez, etc.

Vincent.

 

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