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22 février 1835 - Numéro 8 |
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Elections du Conseil des Prud’hommes. [1.1]Les élections de la section de soieries du conseil des prud’hommes auront lieu les sept et huit mars prochains. Dix-sept nominations seront faites. Les membres réélus trouveront dans une nouvelle marque de confiance la récompense de leurs travaux passés ; ils y puiseront de nouvelles forces pour leurs travaux futurs. Ceux qui ne seront pas réélus pourront philosophiquement se consoler avec ce Spartiate, qui se félicitait que sa patrie eût trouvé trois cents citoyens plus dignes que lui ; ils pourront ensuite réfléchir, et sur les vicissitudes de la faveur populaire, et plus encore, Sur la manière dont ils auront rempli leur mandat. Nous voudrions n’avoir des paroles de blâme pour personne, parce que blâmer irrite sans corriger ; cependant c’est notre devoir d’exprimer l’opinion et nous accomplirons ce devoir, quoiqu’il nous en coûte ; mais auparavant quelques considérations préliminaires ne seront pas sans importance ; elles feront le sujet de cet article. Plût à Dieu que notre voix fût assez puissante pour se faire entendre de tous et porter des paroles conciliatrices au milieu de tous les intérêts divergens. Loin d’aigrir les esprits, nous sentons la nécessité de les rallier, et notre langage se ressentira de cette disposition où nous sommes. Nous dirons aux négocians : vous êtes intéressés plus que qui que ce soit au maintien de l’ordre, vous avez donc le plus grand intérêt à réprimer ces petites injustices qui aigrissent l’ouvrier et lui font déverser sur toute une classe les récriminations que quelques-uns seulement méritent ; ne l’oubliez pas : l’injustice est la goutte d’eau qui creuse le rocher, et à un temps donné le rocher s’écroule. Punissez donc l’injustice individuelle pour que la masse n’en souffre pas. Nous leur dirons : votre fortune, votre position sociale, vos lumières vous défendent suffisamment, ce n’est pas vous qui avez besoin de protecteurs ; vous savez, parce que vous le pouvez, vous savez vous défendre vous-même. Ce sont donc des arbitres, des hommes de paix et de conciliation qu’il vous faut choisir, plutôt que, d’âpres et colères tribuns. Nous dirons aux fabricans : Cessez en ce jour de malheureuses et folles dissensions, dont les ennemis de votre émancipation triomphent. C’est l’union morale qui fait la force, plus encore que l’union physique ; et celle-là est inattaquable, aucune loi ne peut l’atteindre. Vous étiez unis en octobre 1831 ! Quel mauvais génie vous a inspirés, n’ayant tous qu’un seul intérêt, qu’un seul but, de vous obstiner à marcher dans des voies différentes. La route la plus droite et la plus large est toujours la meilleure ; faites donc sur l’autel de Minerve prolétaire le sacrifice de vos animosités, de vos jalousies individuelles, ce sont ces animosités, ces jalousies qui vous ont fait rétrograder de la voie du progrès, où vous étiez entrés ; acceptez enfin ce toast à la concorde, que l’un de vous portait dans cette fête ouvrière, [1.2]qui n’a pu avoir de suivantei. – Réunis ensuite dans une même pensée, choisissez quelques-uns parmi les plus dignes, et que ceux-là soient vos chefs naturels ; entourez-les de votre confiance ; la confiance est nécessaire réciproquement ; ne la donnez donc pas légèrement, mais ne la retirez pas non plus par caprice. Il vous faut des hommes, non-seulement probes, ce n’est qu’un devoir ; non-seulement consciencieux et justes, c’en est un autre ; mais fermes, la fermeté est une vertu ; éclairés et capables, la capacité est un don providentiel. Nous dirons encore aux ouvriers le contraire de ce que nous avons dit aux négocians. Nous leur dirons : vous avez besoin d’être protégés, parce que vous ne pouvez être vos protecteurs à vous-mêmes. Vos prud’hommes doivent donc être toujours des arbitres, mais ils doivent aussi être vos tribuns. Nous dirons enfin aux candidats : savez-vous quelle charge vous assumez sur vos têtes ; il faut plus que de la bonne volonté pour ne pas succomber sous le faix ; être prêts à toute heure à entendre vos collègues ; les conseiller, les concilier, faire respecter leurs droits. Voilà votre devoir, car vous n’êtes pas seulement des juges ; pour y parvenir, vous devez faire abnégation même de vos intérêts privés. Nous avons dit : Quelques jours sont encore donnés ; il est temps de se préparer à ces élections, dont nous n’avons pas besoin de faire ressortir l’importance, abstraction faite de toutes les considérations sociales et politiques dont l’examen nous est encore interdit. Il faut employer le temps qui reste non à des intrigues occultes, non à des commérages de coteriesii, mais à une appréciation consciencieuse des candidats. Il faut se rendre compte des diverses candidatures, en discuter les mérites sans prévention, sans engouement, sans esprit de camaraderie, sans subir en un mot aucune influence que celle du bien public.
i. Le banquet pour l’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique qui eut lieu en novembre 1832. ii. Nous ne saurions blâmer les réunions préparatoires, elles pourraient même être très utiles ; mais les meilleures choses périssent en certaines mains ; c’est ce qui est malheureusement arrivé. MM. Bret, Lyonnet, etc., ont obtenu la permission d’assembler leurs collègues de la 2 me section dans la salle du conseil des prud’hommes ; mais au lieu de donner de la publicité à cette réunion, et (quelles que soient d’ailleurs leurs opinions) d’envoyer la note de cette convocation à notre journal, ils se sont contentés de faire insérer cette note dans… l’Indicateur. Aussi, qu’est-il arrivé ? 26 fabricans seulement, sur 255, se sont rendus à cette assemblée.
de la CAISSE D’EPARGNE et de la CAISSE DE PRÊTS établies à lyon. Lyon compte au nombre de ses établissemens d’utilité publique deux caisses, l’une, destinée à recevoir les économies des travailleurs de toutes les classes, l’autre instituée seulement pour faire des avances aux chefs d’atelier, fabricans d’étoffes, La première existe [2.1]depuis 1823 ; la seconde date de l’année 1832. Toutes deux ont déjà rendu de véritables services à l’humanité ; mais elles sont appelées par une bonne gestion à en rendre de plus éminens encore. En discutant l’opportunité de ces deux caisses, l’on conviendra facilement avec nous que si l’une est utile dans les temps prospères, l’autre nous semble, à raison des temps calamiteux où nous vivons, tout-à-fait indispensable ; c’est surtout pendant et après ces crises commerciales qui ruinent négocians et fabricans, que des capitaux deviennent absolument nécessaires pour les rappeler à la vie, et donner de l’activité à leur industrie. Le négociant trouve des ressources dans le crédit, dans le sein de sa famille, auprès de ses amis ; l’ouvrier n’en trouve nulle part. Ce n’est pas lorsque la peur a fermé toutes les bourses que le crédit viendra le visiter dans son humble atelier : l’institution d’une caisse de prêts a donc été une pensée éminemment philanthropique. Mais en comparant la caisse de prêts et la caisse d’épargne, en remarquant la similitude qu’elles ont entr’elles, nous aurons droit de nous étonner de la sollicitude de nos autorités pour l’un de ces établissemens, et de l’oubli dans lequel elles s’obstinent à laisser végéter l’autre. Ainsi, pour mieux faire sentir la différence et la partialité sur laquelle nous croyons devoir appeler l’attention de nos lecteurs, l’analyse succincte des rapports de la caisse d’épargne et de la caisse de prêts devient nécessaire. Le dernier compte rendu de la caisse d’épargne, au 10 janvier 1833, porte le montant des dotations provenant des autorités municipales, départementales et des diverses corporations, à 11,300 fr. Les dons particuliers ont élevé cette somme à 34,045 fr. 30 c. Ces sommes s’accroissent encore, depuis 1830, de celle de 15,000 fr. que la ville alloue pour faire face au déficit courant. A cette allocation, il faut encore joindre celle de 1,500 fr. accordée par la chambre de commerce. Au total, c’est 16,500 fr. d’allocations portées au compte de profits et pertes, qui ont élevé l’avoir général des dotations à 42,621 fr. 63 c. La première dotation de la caisse, en 1823, s’éleva à 22,360 fr. 30 c., et c’est dans l’espace de dix années que cette caisse est parvenue à la somme précitée. Parmi ces dotations il en est de remarquables ; le conseil des prud’hommes y figure pour 200 fr., plus 500 fr. que son président stipula au profit de ladite caisse, dans une conciliation entre deux négocians, ce qui n’a pas empêché ce même président, M. Guerin-Philipon, de figurer au nombre des donateurs particuliers. On remarque encore dans le nombre de 347 donateurs de toutes classes, 32 marchans-fabricansi. Malgré cette dotation, malgré tous les encouragemens que l’on n’a cessé de prodiguer aux déposans, malgré tout le luxe d’affiches apposées hebdomadairement sur nos murs pour faire appel aux chalans, le nombre des dépôts, à la caisse d’épargne, n’a été que de 34,533 depuis 1823 jusqu’à 1832 ; ce qui donne une moyenne de 3,153 dépôts par année, 60, environ, par semaine. Le nombre des livrets distribués était alors de 4,597 ; de ce nombre, 3,460 avaient été retirés, et il ne restait en cours, lors du compte rendu au 10 janvier 1832, que 837 livrets. Quant aux versemens faits pendant cette période de dix années, ils se sont élevés seulement à la somme de 1,852,256 fr. 42 c. ; c’est une moyenne de 182,025 fr. par année, environ ; 3,434 fr. par semaine. Le chiffre total des opérations était alors de 2,008,829 fr. 02 c. Sur ces opérations, la caisse est restée, comme nous l’avons dit plus haut, par les diverses allocations qu’elle a reçues, avec un avoir de 42,621 fr. 63 c. Examinons maintenant la caisse de prêts : pour bien apprécier ce nouvel établissement, le seul que la France possède encore, il faut se reporter à la pensée qui présida à sa création. Cette pensée philanthropique est due à deux citoyens recommandables de notre ville (MM. Isaac Rémond et Dugas-Montbel). Leur conviction intime était qu’elle serait un moyen d’empêcher la ruine de nombre de fabricans, lors de cessations d’ouvrage. Leur but était ainsi en maintenant la stabilité parmi les chefs d’atelier, de leur conserver leur propriété [2.2]acquise si souvent au prix de tant de fatigues et de privations. C’était ainsi qu’ils espéraient attacher le fabricant à son atelier, prévenir ces émigrations si fréquentes, et qui, à toutes les époques, furent si funestes à Lyon. C’était dans ce noble but que la caisse était instituée. Nous fournissons la preuve de cette destination spéciale en citant l’art. 1er des Statuts. Il est ainsi conçu : « La caisse de prêts est instituée pour venir au secours des chefs d’atelier de la fabrique d’étoffes de soie, qu’une suspension générale ou particulière de travail, ou tout autre cause privée ou publique, mettrait dans la nécessité momentanée de vendre à vil prix, tout, ou partie, des ustensiles garnissant leurs ateliers. » L’article 2 admet à participer aux avantages de la caisse, non-seulement les chefs d’atelier intra muros, mais encore ceux qui habitent les communes de la Guillotière, Croix-Rousse et Vaise. Cette addition était indispensable, puisque ces communes possèdent la moitié des ateliers. C’était sur ce cercle que la caisse a dû baser ses opérations. Jusques-là, tout semblait devoir assurer la stabilité des ateliers, et concourir plus tard à leur prospérité. Nous ne rappellerons pas les promesses de M. le préfet Dumolard, qui pensait que le gouvernement fournirait 500,000 fr. à la caisse, et que les dotations de la ville et de nos négocians devaient surpasser cette première somme. Il en parlait comme de chose convenue avec Casimir Perrier, et ce qui nous fait croire qu’il disait vrai, c’est que le même langage fut tenu plus tard par M. de Gasparin. Bref. Bien que l’ordonnance royale qui institue la caisse de prêts date du 9 mai 1832, elle ne commença ses opérations qu’au mois de novembre suivant, après que nous eûmes alors, par divers articles, insérés dans l’Echo de la Fabrique, éveillé la sollicitude de nos magistrats. 25,000 fr. avaient déjà été mis en 1831, par le gouvernement à la disposition du conseil municipal, à titre de secours pour les ouvriers de la fabrique de Lyon. Cette somme s’augmenta de celle de 15,000 fr. prélevés sur le produit libre de la condition des soies, et enfin de 150,000 fr. fournis par le gouvernement à titre de subventionii ; c’est cette somme qui a remplacé l’allocation de 500,000 fr. d’abord promise. Le gouvernement s’est réservé le droit de retirer son autorisation en cas d’inexécution des statuts, et partant la somme de 150,000 fr., par lui allouée, à titre de don ou de subvention (ce qui ne nous paraît pas clairement exprimé) ; il est donc urgent de veiller à l’exécution des statuts pour éviter l’effet de cette clause pénale. Eh bien ! nous le disons franchement, le gouvernement pourrait retirer son autorisation à la caisse, parce que les paragraphes 3 et 4 de l’art. 1er n’ont pas été mis à exécution, c’est-à-dire, parce que la commission exécutive a omis de faire un appel à la libéralité de MM. les négocians, marchands fabricans, propriétaires, rentiers, et enfin aux personnes de toutes classes, intéressées au maintien de la fabrique à Lyon ; parce qu’aucune allocation n’a été demandée, ni par conséquent votée par les conseils municipaux de Lyon, de la Guillotière, de la Croix-Rousse [3.1]et de Vaise, ni par aucune corporation, pas même par le conseil des prud’hommes, à qui l’administration, comme la garde de la caisse, a été confiée. Cet oubli grave de la part de l’administration, ne pourrait-il faire présumer à l’autorité supérieure que la caisse de prêts n’est d’aucune utilité à Lyon, qu’elle n’y a d’ailleurs rencontré aucune sympathie. Notre tâche est de prouver l’erreur dans laquelle ce raisonnement peut induire, elle sera facile, puisque nous n’avons qu’à comparer les résultats que ces deux établissemens ont apporté, et à mesurer leur degré d’utilité, par le nombre des individus qui les ont fréquentés. La tribune prolétaire ayant donné le compte rendu de la caisse de prêts (v. les Nos 2 et 3 de cette année), nous y renvoyons ; seulement, nous rappellerons que le montant des emprunts s’est élevé à la somme de 249,505 fr. Le nombre des emprunteurs s’est élevé à 2,849. Sur ce nombre, 1,047 individusiii ont été obligés de contracter plusieurs emprunts. Ce mouvement s’est opéré dans le cours de 20 mois. Dans l’année 1833, il a été prêté 161,190 fr. à 1,909 chefs d’atelier ; c’est une moyenne de 36 emprunteurs par semaine, et environ 84 fr. 50 c. par individus. Les 6 premiers mois de 1834 présentent 290 nouveaux emprunteurs et 469 anciensiv. La caisse a prêté pendant ce semestre la somme de 68,985 fr., qui, répartie à 759 individus, fait environ 92 fr. pour chacun. La somme prêtée à chaque individu aurait donc été augmentée de 9 fr. Maintenant, si nous comptons 10,000 chefs d’atelier, nous voyons qu’un cinquième a été forcé d’avoir recours à la caisse d’épargne. Ce nombre, qui semble effrayant, n’est pourtant que trop réel, et s’il ne nous donne pas encore une idée bien exacte de toutes les misères de chefs d’ateliers au moment actuel, du moins il nous fait sentir l’importance et l’utilité de cette caisse. Si nous mettons en regard la statistique que M. Charles Dupin1 a dressée sur les caisses sur les caisses d’épargne de France, avec celle que nous venons d’établir pour la caisse de prêts : nous aurons pour 10,000 chefs d’atelier, en y comprenant leur famille de 4 personnes, environ 40,000 individus. Sur ce nombre, 2,849 ont donc été obligés de recourir à la caisse de prêts ; c’est 48 par 1 000. M. Dupin ne porte le nombre des déposans à la caisse d’épargne de Lyon qu’à 3 sur 1 000 individus. (Il a compris, sans doute, dans son calcul tout le département ; car nous aurions trouvé, en comptant à Lyon et les communes suburbaines, en comptant à Lyon et les communes suburbaines, 200,000 âmes, ce qui nous amènerait 4 à 5 déposans sur 1,000 individus). Le nombre des déposans à la caisse d’épargne a dû augmenter depuis 1832 ; mais loin d’en augurer un signe de prospérité pour notre ville, cette augmentation n’est due, qu’à la stagnation du commerce, c’est-à-dire que ceux qui ne savaient pas où placer leur argent l’auront porté à la caisse d’épargne, ne trouvant ni à le faire valoir, ni qui veuille s’en charger. Quelque soit le nombre des déposans actuel à la caisse d’épargne, nous le croyons dans une disproportion frappante avec celui des emprunteurs à la caisse de prêts. Ce n’est donc pas une opinion hasardée que nous émettons en concluant que la caisse de prêts est d’une utilité plus immédiate que la caisse d’épargne pour Lyon, et peut [3.2]être pour toutes les villes manufacturières qui, comme elle, opèrent par la division du travail. La caisse de prêts doit être la banque des petites industries ; elle doit opérer dans sa petite sphère, et rendre les mêmes services que les banques rendent au commerce et aux manufactures. La statistique de M. Dupin nous fournit encore la preuve de ce raisonnement, Partout, dans les villes manufacturières, les déposans sont en minorité, comparativement aux villes bourgeoises. Voici le résumé de cette statistique. Le nombre des déposans est calculé sur 1 000 individus : Villes. Déposans. Metz : 71 Paris : 44 Bordeaux : 35 Brest : 30 Nantes : 23 Rennes : 20 Versailles : 17 Rouen : 15 Mulhouse : 12 Troyes : 10 Toulon : 10 Reims : 6 Marseille : 5 Avignon : 4 Lyon : 3 Cet aperçu ne nous amènera-t-il pas à penser sérieusement que les villes manufacturières réclament des établissemens destinés à faire des avances plutôt qu’à recevoir des économies, et nous pourrions ajouter que l’opinion que nous émettons aurait pu passer pour erronée il y a quelques années, mais que l’état actuel du commerce nous la fait regarder comme rigoureusement vraie. Après avoir démontré l’importance et l’utilité, non contestée, de la caisse de prêts, il serait superflu d’en démontrer l’urgence actuelle, nous croyons qu’elle est sentie ; pourquoi ne veut on pas l’avouer ? Y aurait-il une arrière-pensée ? En effet, ne sommes-nous pas bien fondés, lorsque nous venons réclamer, en faveur de l’Industrie de la fabrique de Lyon qui se meurt, l’exécution des statuts du seul établissement conservateur, qui soit spécialement fondé dans son intérêt. Le mal n’a-t-il pas atteint sa dernière période ? Le dénuement et la misère ne sont-ils pas assez grands, lorsque les deux tiers des métiers sont inoccupés depuis plusieurs mois, et menacés d’une destruction complète ? Mais si nous poussions plus loin nos investigations, si nous rapportions les calculs faits par les propriétaires auxquels il est dû plus de deux millions de location par les ouvriers ; ceux faits par les fournisseurs de comestibles, boulangers, bouchers, etc. ; auxquels une somme aussi considérable est due. – Ces considérations nous mèneraient bien loin, plus loin que nous ne pouvons aller. F.....t2.
i. Ce nombre est loin sans doute de prouver une grande sympathie de leur part en faveur de la caisse d’épargne (il y a près de 600 marchands fabricans) ; mais il est juste de penser qu’ils ne croyaient pas que cet établissement fut jamais d’une grande utilité pour leurs ouvriers ; journellement en contact avec eux, ils étaient à même de juger du petit nombre de ceux qui étaient dans le cas de pouvoir y déposer. Très souvent obligés de faire des avances aux fabricans pour obtenir leurs métiers, les négocians ont presque toujours été à même de connaître les ouvriers qui sont dans le besoin, de ceux qui jouissent d’une petite aisance. Ces derniers ont l’habitude de laisser jouir le négociant de leurs façons pendant plusieurs mois. Ils obtiennent par cette condescendance le meilleur ouvrage avec plus de suite. Une avance en fait toujours une autre, et ce placement vaut bien pour le fabricant qui peut le faire la caisse d’épargne. ii. Nous devons faire observer que lorsque le gouvernement alloua cette somme aux ouvriers de Lyon, le conseil municipal restait libre de l’employer, soit en travaux, soit en la distribuant, comme don, aux nécessiteux. Il préféra en faire la première subvention pour la caisse de prêts. Dans l’intérêt de la morale et de l’émancipation, nous devons lui en savoir gré ; mais son œuvre ne doit point rester imparfaite. iii. Nous ferons remarquer que ce n’est pas la prospérité de la fabrique qui a pu récupérer de leurs dettes les fabricans, puisqu’elle n’a fait que décliner depuis ; dès-lors, s’il est une chose qui doit surprendre, c’est que tous ceux qui déviaient une première fois n’aient pas été amenés à contracter de nouveaux emprunts. Dans tout autre moment, ce résultat pourrait être regardé comme satisfaisant, et un signe de prospérité. Voilà comment nous nous rendons compte des causes qui ont produit ce chiffre. Elles sont au nombre de six ; 1° l’émigration continue des chefs d’atelier ; 2° la vente des ateliers pour cause de changement de profession ; 3° la crainte du chef d’atelier de déplaire au négociant, qui ne voit pas la caisse avec plaisir, et de se voir ainsi refuser de l’ouvrage ; 4° pour contracter un 2 me emprunt, il faut avoir remboursé les deux tiers du premier ; 5° la lenteur des formalités à remplir pour emprunter ; 6° l’offre de sommes trop minimes. iv. Cette différence, pendant ce semestre, entre les nouveaux et les anciens emprunteurs, justifie en quelque sorte ce que nous avons donné à comprendre dans la note précédente.
AU RÉDACTEUR.
Puisque votre journal est une tribune ouverte aux ouvriers pour publier leurs griefs, et qu’il est trop vrai de dire que cette publicité est leur seul moyen de défense, je viens vous prier d’accueillir mes plaintes contre la maison laforêt et Ce. Depuis 4 ans je travaillais pour cette maison, ; sur la fin de l’année dernière, elle m’engagea à acheter deux mécaniques à la Jacquard, et me fit, pour cet objet, une avance de 145 fr., avec promesse de ne retenir cette somme que par huitième. Confiant dans sa probité, j’ai eu la bonhomie de ne pas demander par écrit cette convention, et aujourd’hui la maison Laforêt me porte, en compte d’argent, avance sur mes façons cette même somme de 145 fr. ; cela n’est pas juste, et ce paiement immédiat et intégral me réduit à la misère. Ce n’est pas là que se bornent les vexations, que j’éprouve : j’avais jusqu’à ce jour été en avance de matières, et aujourd’hui, je ne sais comment, je me trouve en solde de 800 grammes. Est-ce une erreur des commis de MM. Laforêt et Ce ? Est-ce le résultat de mon changement de domicile ? Je l’ignore ; mais je puis dès à présent signaler deux causes qui y ont sans doute contribué, 1° la maison Laforêt a réglé mon livre à moitié déchets, et ce contrairement aux décisions du conseil des prud’hommes ; 2° cette maison a pour habitude de n’allouer aucun déchet sur les pesées d’étoffes fabriquées qui n’atteignent pas 500 grammes. Cela ne me paraît pas juste non plus : parviendrai-je à faire réparer ces deux injustices ?… MM. Laforêt ont été plus loin, et ont refusé de me livrer de la trame pour continuer les étoffes commencées, à moins que je ne consentisse à leur donner en nantissement deux mécaniques ; je m’y suis refusé et les ai fait appeler devant le conseil des prud’hommes ; ils ne se sont pas présentés ; mais seulement à une audience particulière que M. le président a bien voulu nous accorder, il a été ordonné que la trame nécessaire pour continuer me serait remisei. Je croyais mon affaire terminée, mais hier matin le commis de MM. Laforêt est venu, et, sans être assisté d’aucun prud’homme, [4.1]sans ordre du conseil, il a cacheté les deux pièces qui sont sur mes métiers ; en conséquence, je suis sans travail en ce moment, et cela par un acte arbitraire. Je fais appeler de nouveau MM. Laforêt devant le conseil pour en avoir justice ; mais j’ai cru utile d’appeler l’attention publique sur la conduite de ces négocians, et c’est pourquoi je m’adresse à vous, seul et véritable organe de la fabrique, dont vous représentez l’ancien echoii. J’ai l’honneur, etc. dumas-perouse. Lyon le 18 février 1835.
i. n. d. r. Nous nous sommes aperçu que depuis un certain temps, les audiences, dites de cabinet, se multipliaient au détriment de celles publiques, et que les négocians qui avaient fait défaut à ces dernières s’y rendaient avec empressement. Nous ne doutons nullement que ce soit dans l’intérêt des parties et dans un esprit de conciliation, que M. le président du conseil s’est imposé ce surcroît de travaux ; mais comme ce pourrait être aussi un acheminement au rétablissement du huit clos, nous devons appeler l’attention publique sur ce mode de procéder, et le proscrire quelque avantages particuliers qu’il puisse pour le moment apporter à quelques-uns. Il ne faut, sous aucun prétexte, laisser introduire de fâcheux précédens. Aujourd’hui ces comparutions sont volontaires, demain elles seraient forcées ; ainsi marche l’arbitraire. La légalité est la sauvegarde de tous. Nous invitons donc les chefs d’atelier à ne plus solliciter d’audience particulière, et à s’en tenir aux audiences publiques. Cette publicité est déjà une peine pour le plaideur de mauvaise foi. ii. Si les faits allégués par M. Dumas-PerouseDumas-Perouse sont exacts, MM. laforêt et C e ont des torts bien graves envers ce fabricant, et ils y ont mis le comble par la mesure vexatoire et illégale de poser un cachet sur les pièces en fabrication, sans être assistés d’un membre du conseil, seul compétent pour ordonner une semblable mesure. Le conseil des prud’hommes, aura dans cette affaire sa dignité et son autorité méconnues, à faire respecter par une condamnation sévère.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 19 février 1835. Président M. Riboud, Membres : MM. Bourdon, Ferréol, Gaillard, Jarnieux, Joly, Labory, Micoud, Milleron, Pellin, Teissier, Vérat, Wuarin. 23 causes ont été appelées, dont 3 sur citation, 1 a été retirée, 4 renvoyées à huitaine (Remond c. Mouron, etc., Cristophe c. Sandier, etc.), 1 à quinzaine, 6 jugées par défaut ; les autres ont été renvoyées en conciliation devant des prud’hommes ou jugées contradictoirement ; elles ne présentent aucun intérêt, et sont toutes relatives à des contestations insignifiantes entre maîtres et apprentis, à l’exception des suivantes : blanc c. broyas. Contestation entre un maître teinturier et un ouvrier, sur des noirs craquans. Un nouvel essai sera fait pour établir l’aptitude de l’ouvrier et le produit déposé au greffe. dupuy c. pinot (cette affaire concerne la section de chapellerie. Elle a été renvoyée par devant deux membres de cette section). niogret c. morier et Ce a été conciliée à l’audience même. perouse c. grillet et trotton. Renvoyée devant MM. Perret et Roux pour expertiser la malfaçon d’un châle. portier c. perret termier. Renvoyée devant MM. Joly et Labory pour une contestation relative aux prix à fixer sur une étoffe dont le fabricant a déjà fait échantillon.
Le tribunal de commerce, dans son audience du 19 de ce mois, a confirmé le jugement rendu par le conseil des prud’hommes le 6 novembre dernier (v. N° 8) au profit de Duchêne c. Perrichon. Me Vachon plaidait pour ce dernier et Me Mital pour Duchêne. – Nous reviendrons sur cette affaire.
SOUSCRIPTION
POUR L’AMENDE DE LA TRIBUNE PROLÉTAIRE. [4.2]7° liste ouverte au Bureau. MM. Str…, 5 fr. – Emile Marsais, 1 fr. – B. Paut, 50 c. – Fillet, 1 fr. – Morichon, 25 c. – Souzy, 25 c. – Bezen.., 1 fr. – Pertus, 75 c. Total : 9 fr. 75 c.
MONT-DE-PIÉTÉ. MARDI prochain 24 février courant et jours suivans, à 4 heures du soir, dans la salle ordinaire de vente, rue de l’Archevêché, aura lieu la vente des objets engagés pendant le mois de JANVIER 1834, numéro 1 à 8,356.
M. Léon boitel est vraiment infatigable comme homme de lettres et comme imprimeur. A peine a-t-il terminé son Lyon vu de Fourvière, qu’il commence la Revue du Lyonnais, œuvre artistique et littéraire, dont la 1re livraison, que nous avons sous les yeux, est de bon augure pour la suite. Il ne faut pas confondre cette Revue avec celle dite de Lyon. – Nous avons lu avec plaisir, dans cette livraison, la revue nécrologique (Jacquard, Dugas-Montbel, Comberry1, Vullierme). La notice sur jacquard, due à M. Léon Faucher2, est un morceau d’un grand mérite dont nous extrairons quelques passages dans un prochain numéroi. Au nombre des collaborateurs3 de M. Boitel nous avons remarqué MM. Pericaud, Michel-Ange Perrier, Collombel, Kauffmann, etc. – Sous le rapport typographique, cette livraison fait honneur aux presses de M. Boitel. – La seconde est annoncée pour le 28 de ce mois : elle doit contenir, entr’autres articles, une Lettre d’un canut en 1769. – Nous l’attendons avec impatience ; mais il y a loin du canut de 1769, au fabricant de 1855, nous en prévenons ceux qui chercheraient un rapprochement quelconque. Comme étude historique, cet article devra plaire ; nous connaissons plus d’un honnête marchand qui, le cœur contrit, dira, mais dans un autre sens, ce que le pieux Enée disait d’Hector, en voyant son spectre mutilé : quantum mutatus ab illo.
i. Dans le N° 2 de la Tribune Prolétaire nous avons consacré à Jacquard un article que plusieurs journaux ont répété, entr’autres le Grapilleur de Rheims. Nous avons aussi donné, dans notre N°12, une notice sur M. vullierme. M. Collombet, auteur de celle insérée dans la Revue du Lyonnais, a reproduit l’anecdote qui fait tant d’honneur à cet ecclésiastique. Son authenticité ne saurait donc plus être l’objet d’aucun doute. – Dans les Nos 11 et 15 nous avons aussi appelé un souvenir sur MM. Comberry et Dugas-Montbel.
GRAND-THÉÂTRE. Ce soir, 7me bal paré et masqué. Mercredi prochain, au bénéfice de M. crémont, le Pirate, opéra de Bellini et le Bazar, divertissement chorégraphique. GYMNASE. Mardi prochain, au bénéfice de M. danguin, Fretillon ou la bonne fille, vaudeville en 5 actes, par MM. Bayard et Decomberousse ; La fille de l’avare, comédie vaudeville en 2 actes, par MM. Bayard et P. Dupont ; Elle est folle, vaudeville en 2 actes, par M. Mélesville.
Le mot de la dernière charade est pot eau.
(27-3) A VENDRE, pour livrer toutes réparées, plusieurs mécaniques de rencontre, à dévider, rondes, longues et rangs à marches de toutes grandeurs, à bon marché ; s’adresser, place Croix-Paquet, à M. david, mécanicien, inventeur breveté des nouveaux devidages et canettages, lequel échange celles construites sur ses nouveaux procédés, avec les anciennes. (31-2) Fondation de l’HERMITAGE du Mont-Cindre et de la tour de la belle allemande, extrait d’une chronique de 1432, avec des détails sur Lyon et ses environs, orné de deux lithographies, par C. beaulieu. A lyon, chez l’Auteur, place de la Feuillée, n. 1 ; Babeuf, libraire, rue St-Dominique ; Bohaire, rue Puits-Gaillot. – A paris, chez Bohaire, boulevard des Italiens, n. 10. – Un vol. in-12. Prix : 2 fr. (29-5) Costumes de bal, dominos, etc., à des prix modérés, chez Mme Balleffin, marchande de nouveautés, cols, sacs, etc., rue St-Côme, n° 4, à l’entresol.
Notes
(de la CAISSE D’EPARGNE et de la CAISSE DE...)
Ces statistiques sont peut-être tirées de l’ouvrage de Charles Dupin, Forces productives et commerciales de la France. Ultérieurement, véritable zélateur de cette institution d’inspiration libérale qui combattait selon lui le vice de l’imprévoyance (« l’imprévoyance est le propre du sauvage, du barbare isolé, ignorant, insouciant » écrira-t-il en 1837), il publiera ses principaux textes sur les caisses d’épargne : La caisse d’épargne et les ouvriers (1837) puis Progrès moraux de la population parisienne depuis l’établissement de sa caisse d’épargne (1842). L’auteur de cet article est très probablement J. Falconnet.
Notes
(M. Léon boitel est vraiment infatigable...)
David Comberry (1792-1834) qui avait fondé la première école destinée aux sourds en France en 1815, l’installant ensuite à Lyon en 1824. Léon Faucher (1803-1854), économiste libéral puis homme politique. Parmi les premiers contributeurs de la Revue du lyonnais mentionnés ici, il faut surtout relever le nom de François Zénon Collombet (1808-1853), véritable collaborateur de Boitel. Est également cité Antoine Péricaud (1782-1847), bibliothécaire de la ville de Lyon depuis 1828.
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