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27 juin 1835 - Numéro 41
 
 



 
 
     

[1.1]MM. les souscripteurs dont l’abonnement est fini le 21 courant sont priés de le renouveler, s’ils ne veulent éprouver du retard dans l’envoi du journal.

S’appliquer à la réforme des abus est louable ; mais en faire connaître la cause ne laisse pas d’avoir son mérite, en ce que l’on peut en saper l’édifice avec plus de sûreté en le prenant par sa base. Tel est le but de cet article dans lequel nous nous proposons de démontrer que trois incidens contribuent essentiellement à la formation des abus dans la fabrique. D’abord l’indolence, en ce qu’elle ne s’affecte de rien ; la timidité, qui redoute la moindre conséquence ; enfin l’égoïsme, qui sacrifie à son intérêt particulier le bien-être public.

L’indolence a cela de condamnable, qu’elle rend l’homme qui en est atteint incapable de rien ressentir, soit en bien, soit en mal, et c’est en quoi elle diffère de l’indifférence qui parfois éprouve de l’inquiétude ou de la satisfaction. L’indolent n’apprécie rien, n’analyse rien, ne tire partie de rien ; il se berce mollement dans son apathie et contribue souvent par son peu d’énergie à la naissance des abus qui plus tard peuvent porter à son industrie un préjudice immense. Pour nous rendre plus intelligible, nous allons nous servir d’un exemple : supposons qu’un négociant ait l’intention de dénaturer tel ou tel usage, ou d’en substituer un qui lui soit plus avantageux tout en devenant défavorable aux chefs d’atelier ; il choisira de préférence pour essai de son entreprise celui de ses ouvriers en qui il aura remarqué le plus d’insouciance. En effet, l’indolent peut bien être surpris de la nouveauté du fait sur le moment même où il s’en aperçoit, il peut bien susciter en lui-même une courte réflexion ; mais semblable à une fumée qu’une brise dissipe, sa considération s’évapore au même moment qu’elle a été faite, et il se trouve le premier qui ait ouvert la porte à cet abus qui par la suite peut devenir funeste à la classe des travailleurs.

Il est un autre incident qui ne contribue pas moins à la formation des abus que l’indolence ; c’est la timidité. La première n’agit pas en ce que rien ne saurait l’émouvoir ; [1.2]la seconde, au contraire, entrevoit le mal, sonde même la plaie ; analyse les tristes conséquences de cette infraction, mais n’a pas assez de force de caractère pour s’opposer sagement et prendre l’initiative de la discussion. L’homme timide craindrait d’être considéré comme exigeant, s’il réclamait ses droits ; il voit le piége, mais il craint de l’éviter. Sa conduite ne laisse pas de l’affecter ; il se reproche même son trop de faiblesse, mais il ne peut maîtriser sa crainte, et quoique à regret et tout en étant convaincu qu’il se porte préjudice à lui-même et à ses confrères, il souscrit aux conditions qui lui sont imposées et sert par-là de matériaux à l’édifice qui s’élève chaque jour.

Mais ce qui active le plus la marche des abus dans notre fabrique, est sans contredit l’égoïsme qui s’est emparé de toutes les classes ; car c’est lui qui les fait naître, c’est la cupidité qui les soutient, c’est l’intérêt qui les propage. Nous disons d’abord que l’égoïsme sert de voie par où s’infiltre les abus, et pour s’en convaincre, il suffit de décrire ce que c’est qu’un abus sous le rapport de la fabrique : c’est une entreprise injuste sur les droits d’une autre de laquelle l’on convoite un bénéfice. Il est donc évident que l’égoïsme est surtout le principe et la fin des abus. Il en est le principe, parce que sans cet espoir de thésauriser, l’on ne se lancerait pas dans la carrière ; il en est la fin en ce qu’il sert pleinement notre attente en nous faisant jouir d’un avantage illicite.

Nous avons dit en second lieu que la cupidité soutenait les abus ; en effet, combien de fois n’arrive-t-il pas que des chefs d’atelier, sans s’inquiéter de la perte qu’ils pourront occasioner dans la fabrique, consentent à supporter la conséquence d’un empiétement nouveau sur leurs droits, parce qu’ils sont anciens dans une maison, parce que parfois il leur est accordé tel ou tel avantage, et qu’ils calculent que ce qu’ils perdent d’un côté ils sont à même de le récupérer de l’autre ! C’est donc à leur cupidité qu’ils sacrifient et les intérêts de leurs frères et l’avenir de notre industrie. Aussi les envisageons-nous comme doublement coupables ceux-là, en ce que leur avarice non-seulement s’aide à détruire la bonne harmonie qui existe et les usages établis depuis des siècles, mais encore soutient l’égoïsme [2.1]de ceux qui essayent de s’éloigner de la route tracée, pour augmenter plus rapidement leur fortune.

Enfin en troisième lieu, l’intérêt est un des plus actifs propagateurs des abus. Pour donner la solution de notre assertion, nous emprunterons encore un exemple pris dans les usages de la fabrique : quelques négocians ont commencé à ne vouloir donner pour déchet que le 3 pour 0/0, afin d’augmenter leur bénéfice ; qu’est-il arrivé ? cet appât de gain, au mépris de la décision du conseil des prud’hommes qui blâme une pareille conduitei ; cet appât de gain, disons-nous, a fait insensiblement multiplier cette nouvelle coutume, et jaloux de participer à ce surcroît de bénéfice, bon nombre de fabriques se sont hâtées d’adopter ce mode de règlement de compte.

Ainsi, chefs d’atelier, défaites-vous de cette indolence, de cette timidité et parfois même de cet égoïsme, qui vous font sacrifier une à une toutes vos prérogatives. A Dieu ne plaise que nous cherchions à vous susciter des voies de rigueur ! Loin de nous une semblable pensée ; et nos intentions vous sont trop connues pour que vous puissiez songer que tel est notre désir. Mais que par la persuasion, que par une résistance constante et sage, nous arrivions graduellement à l’extirpation des abus, fléaux de notre industrie ; et nous aurons l’avantage de savourer les fruits dus à nos efforts pacifiques sans avoir encouru de blâme.


i. Nous reviendrons sur cet incident dans notre prochain numéro.

AVIS AUX CHEFS D’ATELIER.

Il est de notre devoir de signaler un fait qui se renouvelle souvent à l’audience des prud’hommes et qui est autant préjudiciable à l’humanité qu’à l’intérêt de ceux qui s’en rendent coupables ; nous voulons parler du peu de soin qu’apportent les chefs d’atelier de la partie des velours pleins, dans le choix de leurs élèves. Il en est, parce que quelquefois un engagement leur offrira quelque avantage, qui ne se font pas scrupule de contracter des conventions avec des parens qui, faute de connaissances, leur livrent des enfans soit trop jeunes, soit d’une constitution faible et dont ils compromettent la santé souvent pour le reste de leur vie. Les chefs d’atelier de cette partie n’ignorent pas que le travail des velours est un tout autre travail que celui des autres articles de la fabrique, que le battant est toujours très-lourd, que le travail des deux pieds et les grandes façures nécessitent l’élève à avoir toujours l’estomac contre le rouleau, et que par-là il ressent tous les contre-coups du battant, ce qui, lorsqu’il se trouve faible de constitution ou trop jeune, ne peut moins faire que de lui être très-préjudiciable, surtout si l’apprenti se trouve diligent ; car il veut braver ces inconvéniens ; il se force pendant un laps de temps plus ou moins long, jusqu’à ce qu’enfin des malaises commençant à se faire sentir, insensiblement il lui est impossible de fabriquer aussi long d’étoffe que dans le commencement de son apprentissage. De là les apparitions à la barre du conseil, les plaintes formées par le maître sur des arriérés de tâche, tandis qu’autrefois on la surpassait.

Mais que les chefs d’atelier ne perdent pas de vue que le conseil avant tout prend la justice pour base de ses décisions, et que lorsqu’il voit paraître en sa présence des jeunes gens sans corpulence et dont la taille est loin de coïncider avec cette profession, que de plus des plaintes sont formées par les apprentis qui déclarent ne pouvoir supporter un travail si pénible, il ne peut moins faire d’en référer au sentiment du docteur chargé spécialement de l’inspection des élèves ; tout en blâmant les maîtres qui ne craignent pas de compromettre la santé des jeunes gens en les livrant trop tôt à une profession qui par l’assiduité qu’elle nécessite, influe souvent sur leur avenir. Or, que résulte-t-il le plus souvent de l’inspection du médecin ? Il en résulte que le plus ordinairement l’élève est jugé incapable [2.2]de continuer sans porter une grave atteinte à sa complexion. Par-là les engagemens sont résiliés, il est vrai avec indemnité ; mais elle est toujours bien au-dessous du rapport que le chef d’atelier s’était promis dans l’exécution de ses conventions, et son peu de soin à prendre les précautions nécessaires est cause de la perte qu’il éprouve.

Nous engageons donc les maîtres veloutiers à faire à cet égard de sérieuses réflexions, s’ils ne veulent continuer ou courir le risque de compromettre leurs intérêts, tout en portant atteinte à la santé de leurs élèves souvent pour le reste de leur vie.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 25 juin.

présidence de m. ribout.

Sur 23 causes appelées, une a fait défaut, 3 ont été retirées, 4 renvoyées à huitaine, 2 renvoyées à samedi pour arbitrage devant MM. Vera et Pelin, et MM. Roux et Perret. 9 ont été appelées sur citation ; les autres ont été jugées contradictoirement.

Lorsqu’un chef d’atelier ne remplit pas les conventions qu’il a contractées et qu’il néglige l’instruction de ses élèves, fait constaté par le membre du conseil chargé de la surveillance de cet atelier, les engagemens sont-ils résiliés ? – Oui. Dans cette cause le chef d’atelier avait les deux frères pour apprentis ; l’aîné n’avait plus que quatre mois et le cadet qui avait encore plus d’un an à faire, les 200 fr. qui ont été comptés au maître en deux payemens pour l’apprentissage de l’aîné lui restent acquis, mais les 100 fr. qui restent à solder pour l’apprentissage du cadet seront annulés : les élèves ne pourront se replacer que comme apprentisi.

Ainsi jugé entre Ve Péron, pour ses enfans apprentis, et Journet, chef d’atelier.

Lorsqu’un chef d’atelier reçoit un élève de la main d’un tiers qui n’a pas qualité pour le placer, les parens peuvent-ils retirer leur enfant sans défrayement ? – Non. Mais le temps passé dans l’atelier n’est considéré que comme essai, et le minimum seulement a été accordé au maître dans cette circonstance, attendu que l’apprentie avait été occupée de préférence à des ouvrages en dehors de sa profession.

Ainsi jugé entre les mariés Bussac, oncle et tante de Ponchot, apprentie et dame Musquin, chef d’atelier.

Lorsqu’un élève porte par son insubordination un préjudice notoire à son maître et que d’après le rapport du membre du conseil chargé de la surveillance, il paraît impossible de ramener l’apprenti, à une meilleure conduite, les engagemens sont-ils résiliés avec indemnité ? – Oui. Et l’élève ne pourra se replacer que comme apprenti.

Ainsi jugé entre Besson, chef d’atelier, et Perrier, apprenti.

Un négociant est-il en droit, au bout de deux ans, de retenir à une dévideuse un solde pour une soie qu’il prétend avoir été graissée, lorsqu’il n’a pas fait constater le fait et qu’il ne peut en apporter aucune preuve ? – Non. Attendu la négligence qu’il a mise dans cette affaire, puisqu’elle traîne depuis si long-temps et qu’il n’a pas mis l’ouvrière en demeure, il est débouté de sa demande : le solde sera payé de suite, et comme il a fait défaut, les frais sont à sa charge.

Ainsi jugé entre Musi, dévideuse, et Besset, négociant.

Un élève qui a été condamné à rentrer chez son maître, de chez lequel il s’était absenté pour une maladie, peut-il, lorsqu’il est rétabli, s’abstenir de rentrer sous de frivoles prétextes ou des allégations mensongères. – Non. Le conseil considérant que l’apprenti n’avait nullement à se plaindre de la nourriture et que la déposition, d’après enquête faite, était controuvée, a décidé que l’apprenti rentrerait de suite. L’atelier continuera à être sous la surveillance, et s’il y a lieu, il statuera plus tard.

Ainsi jugé entre Chalus, chef d’atelier, et Verzier, apprenti.

Un chef d’atelier sur les velours pleins qui a pris un élève trop jeune et qui a déjà été contraint par maladie de quitter trois fois le domicile de son maître, ce dernier a-t-il le droit d’exiger la même journée que si l’apprenti avait la corpulence voulue ? – Non. Le conseil considérant que le maître est dans son tort, a bien voulu que l’élève rentrât dans l’atelier, mais à condition qu’on le ménagerait pour le travail et que si des indispositions, nouvelles survenaient, les engagemens seraient résiliés.

[3.1]Ainsi jugé entre Burgat, chef d’atelier, et Mulatier, apprenti.

Il s’est présenté une cause nouvelle à l’audience, qui est de savoir si une liseuse de dessins n’ayant point de livret (comme c’est l’usage dans cette profession) et débitrice d’une somme de … à un maître liseur ayant quitté son atelier pour travailler ailleurs, ce dernier maître peut-il être pris en contravention : une enquête sera faite à ce sujet et l’affaire jugée à l’audience prochaine.


i. Il nous semble que, vu le peu de temps qu’il restait à faire à l’aîné et l’intégralité de la somme qui est restée au maître, on aurait pu le libérer ; il est arrivé en d’autres circonstances où les engagemens avaient bien plus de temps à faire.

Nous avons reçu une lettre d’un de nos abonnés signée F., nous le prions de passer au bureau pour renseignement à cet égard.

institution pour les jeunes orphelins.

Le conseil d’administration composé de MM. les curés d’Ainay, de St-Polycarpe et de St-Jean ; de MM. Terme, Victor Arnaud, Etienne Gautier, et Casati, notaire, nommés : les trois premiers par Mgr l’archevêque de Lyon ; MM. Terme et Arnaud par l’administration des hospices, et MM. Gautier et Casati par M. le maire de cette ville, a arrêté, dans sa séance du 23 juin 1835, les conditions de l’admission des jeunes orphelins, de la manière suivante :

Art. 1er.

Les orphelins à admettre dans l’établissement devront être pris dans le nombre de ceux qui seront nés à Lyon, d’un légitime mariage, et dont les parens sont morts domiciliés dans cette ville.

Art. 2.

Quant à présent les orphelins de père et de mère seront seuls admis.

Art. 3.

Les enfans orphelins devront être âgés de 5 ans au moins, et appartenir à des familles pauvres et hors d’état de fournir elles-mêmes aux frais d’éducation de ces orphelins.

Art. 4.

Les pièces à fournir seront :
1° L’acte de mariage des père et mère ;
2° L’acte de naissance de l’enfant ;
3° Son acte de baptème ;
4° L’acte de décès des père et mère ;
5° Et un certificat de médecin constatant que l’enfant a été vacciné et qu’il n’est atteint d’aucune maladie contagieuse.

Art. 5.

Une liste d’inscription sera ouverte dans l’établissement même. C’est sur cette liste que le conseil d’administration choisira, en suivant les règles ci-dessus indiquées et sur le rapport d’une commission spéciale, les orphelins qu’il croira devoir admettre, d’après les ressources de l’établissement.

VARIÉTÉS.

le pont de la guillotière.

En 1640, la Guillotière ou Grillotière n’avait, pour point de communication avec Lyon, qu’un méchant pont de bois dont la mauvaise structure fut la cause d’un événement déplorable.

Sous l’archevêque Burchard1, le roi Philippe-Auguste et Richard, roi d’Angleterre, se rendirent à Lyon pour entreprendre de là le voyage de la Terre-Sainte. Ces deux princes venaient de séjourner en Bourgogne pendant les Octaves de saint Jean-Baptiste, et Mathieu Paris2 raconte que le monarque Breton y avait pris solennellement le costume de Pélerin. Ils traversèrent donc le Rhône, sur le pont de bois qui aboutissait à la Guillotière, avec leur suite et grand nombre d’autres personnes ; mais Richard et Philippe-Auguste avaient à peine mis le pied sur le sol que le pont se rompit. Il y eut beaucoup de gens noyés et Richard perdit, dans ce désastreux accident, un de ses plus fidèles serviteurs. Le chagrin qu’il en ressentit fut si vif qu’il ne put être adouci que par la piété profonde qui remplissait son cœur.

Ce pont était alors sous la direction de quelques religieux, ainsi que l’Hôpital qui l’avoisine. Richard, tristement affecté de l’événement, cause de la perte de tant de malheureux et qui lui coûtait son favori, donna à ces religieux l’autorisation d’aller quêter en Angleterre, pour la construction d’un nouveau pont et l’entretien de l’hospice. [3.2]Il fit plus encore : il leur remit des lettres de recommandation écrites de sa royale main, et adressées à tous les archevêques, évêques, abbés, prieurs et autres ecclésiastiques de son royaume, ainsi qu’aux comtes, barons, chevaliers et vassaux de ses états, à l’effet de leur faire obtenir les secours dont ils auraient besoin. Ce fut la première origine de la construction du pont de la Guillotière, tel qu’il existe de nos jours.

Mais son véritable auteur fut le pape Innocent IV, qui y contribua de ses propres deniers et plus encore des indulgences qu’il accorda à ceux qui participeraient à cette œuvre utile.

Ce fut en 1245, que ce pape vint tenir à Lyon un concile général. Il logea à l’ancien cloître de Saint-Just, auquel il fit présent de la rose d’or qu’on y conserve encore aujourd’hui. Son séjour à Lyon fut de sept années. Alors saint Louis fut prié par l’empereur Frédéric de ménager son accomodement avec le pape ; il vint à cet effet jusqu’à Cluny où le pape se rendit de son côté. Ce fut au retour de cette entrevue qu’Innocent IV entreprit le pont de la Guillotière. Sur l’une des tours de ce pont on lisait autrefois une inscription latine en l’honneur de son fondateur.

Parmi les personnes qui, après Innocent IV, ont le plus contribué à la construction de ce monument, on cite Clément Rosset, chanoine de Montbrison qui, par son testament de l’an 1294, laissa, pour une fois, dix sols viennois, destinés à l’œuvre du pont ; Guy, comte de Forez et de Nevers3, avant de partir pour la croisade, fit son testament comme c’était l’usage, et légua cent sols pour cette construction. Plus tard, sous le pontificat du pape Alexandre V, le cardinal de Sainte-Suzanne, Légat en France, étant à Lyon, donna des indulgences pour tous ceux qui contribueraient de leurs deniers à l’achèvement de cette construction.

En 1711, ce pont fut le théâtre d’un événement plus tragique encore que l’accident qui mit en relief la pieuse charité de Richard d’Angleterre. Une foule considérable s’était portée au faubourg Saint-Denis, à une lieue de la ville ; et, après y avoir, selon l’usage, célébré la fête du saint par des orgies, dont le souvenir est resté comme une tache à la moralité de nos ancêtres, chacun regagnait sa demeure, lorsqu’un employé de garde à la porte du pont, poussé par l’appât du gain, eut l’idée de fermer la barrière du côté de la ville, pour lever une contribution sur tous ceux qui rentraient. Personne ne voulut se soumettre à cette prétention ; la foule se pressait, à chaque instant plus nombreuses ; les voitures ajoutaient au désordre, et, l’encombrement étant parvenu à son comble, un grand nombre de personnes se précipitèrent ou furent précipitées dans le Rhône, beaucoup périrent écrasées ou étouffées ; mais qui le croirait ? au milieu de cette épouvantable scène, il se rencontra des hommes assez audacieux dans le crime, pour exploiter la terreur et la mort à leur profit, et, lorsqu’il fut possible de venir au secours des vivans, parmi les deux cents cadavres qui furent relevés sur le pont ; plusieurs furent trouvés chargés de bijoux précieux, dérobés à la faveur de cet épouvantable tumulte. Le lendemain de ce jour funeste, les deux cents cadavres étaient étendus sur les quais de la ville et chacun venait reconnaître ses morts. Les portes furent détruites et le coupable fut condamné à être pendu.

Le pont de la Guillotière a vingt arcades, deux cent soixante-une toises et trois pieds de longueur. C’est au pied d’une de ses arches que des pêcheurs trouvèrent, enfoui dans le sable, le célèbre bouclier sur lequel est représenté, selon quelques auteurs, le trait qui fait tant d’honneur à la continence de Scipion ; et suivant Vinkelman, la dispute d’Achille et d’Agamemnon, au sujet de Brisèis. Ce bouclier fut offert à Louis XIV par Guillaume Pilata, qui en était devenu possesseur. On le voit encore dans le cabinet des médailles de Paris.

(lyon vu de fourvière.)

NATATION.

Le corps humain, dans un état de santé ordinaire, avec la poitrine remplie d’air, est plus léger que l’eau.

Cette vérité opportune à publier empêcherait plus de [4.1]monde de se noyer que ne le feront jamais tous les moyens préservatifs que l’on pourrait imaginer, si elle était plus généralement connue.

Le corps humain, avec la poitrine pleine d’air, est plus léger que l’eau, il flotte naturellement avec environ la moitié de la tête hors de l’eau, et n’a pas plus de disposition à s’enfoncer qu’un morceau de bois. La seule chose donc qu’il y ait à faire pour vivre et respirer, est d’être assez maître de sa volonté pour que cette partie qui reste ainsi hors de l’eau soit le visage.

Tant de gens ne se noient dans les cas ordinaires que :

1° Parce qu’ils imaginent qu’un mouvement continuel est nécessaire pour empêcher le corps de couler à fond ; ce qui les porte à chercher généralement à s’étendre comme pour nager, position dans laquelle le visage est en bas, et où il faut tenir la tête entière hors de l’eau pour respirer. Mais, comme on ne peut rester dans cette position sans un mouvement continuel, on ne tarde pas à être épuisé, même quand on est bon nageur, et quand on ne l’est pas, d’inutiles efforts procureront à peine quelques respirations. Le corps, qui, par un effort, s’est élevé un moment au-dessus du niveau naturel, s’enfonce d’une quantité égale quand cet effort vient à cesser ; le nageur inexpérimenté, croyant alors commencer à couler à fond, perd la tête, et en devient plus facilement la victime de son malheureux sort.

2° Parce qu’on craint que l’eau en entrant par les oreilles ne noie, comme elle le ferait en entrant par le nez et la bouche, et l’on épuise mal à propos ses forces pour l’empêcher ; le fait est cependant qu’elle ne peut pas entrer plus loin que la membrane du tympan, et par conséquent ne peut faire aucun mal. Toute personne qui sait plonger ou nager laisse sans risque ses oreilles se remplir d’eau.

3° Parce que lorsqu’on ne sait pas nager, et qu’on se trouve en danger d’être noyé, on s’efforce généralement de tenir ses mains au-dessus de la surface, s’imaginant qu’elles sont comme liées si elles restent au-dessous ; mais cette tentative est très-nuisible, parce que toute partie du corps qui se trouve hors de l’eau, jointe au visage qui doit nécessairement l’être, demande pour être ainsi soutenue, un effort dont on est alors incapable.

4° Parce qu’on ne réfléchit pas que, lorsqu’un morceau de bois ou le corps humain flotte dans une position perpendiculaire, n’ayant qu’une petite partie au-dessus de la surface, dans de l’eau agitée, comme en mer, toute vague en passant couvre la tête pour un moment, mais la laisse libre par intervalle. L’habile nageur choisit ce moment pour respirer.

5° Parce qu’on ne sent pas l’importance de tenir la poitrine aussi pleine d’air que possible, ce qui produit à peu près l’effet que ferait une vessie pleine d’air attachée au cou, et sans autre effort, suffit pour tenir presque toute la tête hors de l’eau. Dès que la poitrine est vide, si, le visage étant sous l’eau, on ne peut plus respirer, le corps est alors spécifiquement plus pesant que l’eau, et s’enfonce.

(Elémens de physique par le docteur arnolt.)

CHRONIQUE.

Plusieurs journaux de département donnent de longs détails des malheurs qui ont eu lieu dans diverses communes par suite des derniers orages, et de nombreux accidens causés par la foudre.

La Gazette de Picardie1 rapporte les désastres suivans occasionnés dans le département de la Somme.

A Bertaughe, près Amiens, les deux tiers de la récolte sont perdus ; on n’ose calculer la perte.

A Flesselles aussi dégâts immenses.

A Villers-Boccage mêmes malheurs ; on porte la perte à 80,000 fr.

A Erancecourt et St-Romain, près Soix, perte considérable.

Il en est de même à Poulainville, près Amiens, à Argicourt, Bus et Tilloloy, villages entre Mareuil et Roye.

Dans ces six dernières communes, partie seulement du territoire a été ravagée.

A Thiepval et Irles, près Albert, les dommages sont incalculables.

Les villages de Choix et de Courcelles, placés dans la vallée de Conty, ont grandement souffert d’une très forte inondation.

AVIS.

– Catherine Gardet a disparu, le 25 mai dernier, de Colmar, où elle travaillait dans une filature de coton. On présume qu’elle est venue à Lyon, d’après l’intention qu’elle en avait manifestée quelque temps auparavant.
Signalement :
Agée de 11 à 12 ans, cheveux et sourcils noirs, teint blême. Elle a de fort belles dents et une cicatrice au front.
Elle portait une robe d’indienne bleuâtre et un tablier blanc.

– Le 16 juin, présent mois, on a retiré du Rhône, à Grigny, le corps d’un homme entièrement nu, et qu’on présume s’être noyé en se baignant.
Signalement :
Agé de 34 à 35 ans ; taille d’un mètre 60 centim. (4 pieds 11 pouces) ; cheveux et sourcils noirs, front découvert, nez aquilin, bouche grande, menton rond, visage rond, favoris roux ; un anneau en plomb à l’oreille gauche et un en cuivre à l’oreille droite.
En cas de renseignemens, les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.

ANNONCES.

CAVEAU DE LECTURE,
a un sou le journal,
Port Saint-Clair, n° 20.

Nous ne saurions trop recommander ce salon de lecture d’une nouvelle espèce, à ceux-là surtout qui craignent la chaleur en été et le froid en hiver.

– A vendre ou à louer, pour cause de santé, un atelier de pliage très-achalandé.
S’adresser au bureau.

– On désire trouver une personne connaissant bien le pliage de la soie, pour l’établir dans un atelier très achalandé, qui se compose de deux pliages et d’un métier de fabrique.
S’adresser au bureau.

A vendre, un atelier de pliage bien achalandé.
S’adresser au bureau.

– A vendre, un atelier de 4 métiers travaillant en façonnés, 3 mécaniques 600, une 400, plus une mécanique ronde propre au dévidage et au canetage. L’acquéreur pourrait prendre à volonté la suite de la location.
S’adresser chez Mme Ve Bimet, rue Duminge, n° 8, au 1er.

– A vendre, un métier d’unis, rouleaux, battant et accessoires.
S’adresser au bureau.

– A louer de suite, appartement composé de 3 pièces sur le devant, au 2e étage.
Et, un atelier de 4 à 5 métiers de large en lustré, le tout tout neuf et en activité, à vendre en totalité ou séparément. Plus, 2 pliages pour la fabrique, neuf et à engrenage et les accessoires.
S’adresser côte des Carmélites, n° 25, au 2e.

– A vendre, une mécanique en 600, travaillant en 400 en 12 chemins, 600 maillons à 4 trous, plombs de 9 et 12 deniers.
S’adresser à M. Chaudèze, rue Table-Claudienne, n° 7, au 5e.

– On demande une dévideuse à gage.
S’adresser à M. Laporte, rue du Chapeau-Rouge, n° 7, au 3me.

– A vendre, une mécanique en 600, plus une mécanique en 400, travaillant en 8 chemins.
S’adresser au bureau.

Notes (VARIÉTÉS.)
1 Il s’agit ici de Burchard Ier (vers 923–963), archevêque de Lyon entre 948 et 963.
2 Référence ici aux chroniques de Mathieu Paris (vers 1200-1259).
3 Guy III (vers 1160-1204), Comte de Forez.

Notes (CHRONIQUE.)
1 Mention ici de la Gazette de Picardie. Feuille politique, agricole, commerciale et littéraire, qui paraissait à Amiens depuis 1831.

 

 

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