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19 avril 1835 - Numéro 16
 
 



 
 
     

SUR LA BROCHURE DE M. DERRION,

Intitulée : Constitution de l?industrie et organisation pacifique du commerce et du travail ou tentative d?un fabricant de Lyon, pour terminer d?une manière définitive la tourmente sociale.i

[1.1]On nous a fait un reproche de n?avoir répondu que par des plaisanteries au système de M. Derrion, formulé dans l?Indicateur. Ce reproche est peut-être fondé, mais en vérité nous ne pouvons croire qu?il fut convenable de répondre sérieusement à une telle aberration d?esprit. Autant aurait valu, selon nous, réfuter le roi de l?intelligence humaine, etc.ii ou le naïf auteur1 du Mouvement Perpétuel, problème résolu, etc.iii ? Il ne suffit pas d?avoir de bonnes intentions, d?être ou de se dire l?ami des travailleurs, il faut encore concevoir un plan raisonnable, et dont l?exécution soit possible. Mais c?est là l?écueil où viennent échouer tous les novateurs.

On ne comprend pas assez peut-être combien il y a de folie dans ce mot système, car si on le comprenait, nous doutons que des hommes qui, d?ailleurs jouissent de leurs facultés mentales, consentiraient à se proclamer champions d?un système quelconque. Plus modestes que nos antagonistes, nous ne voulons pas quitter le monde positif, quelque mauvais qu?il soit, pour entrer dans un monde idéal où dans ses visions, fruits d?une hallucination morale, à défaut d?opium, tout se range au gré du croyant.

Voici notre profession de foi. Nous croyons à la possibilité de faire progressivement des améliorations, mais nous ne croyons pas qu?il y ait pour les établir tout d?un coup de système complet, parce que pour cela il faudrait une connaissance exacte des lois qui régissent l?univers tant au physique qu?au moral, et cette connaissance n?a pas été donnée à l?homme, parce que plus encore il faudrait changer la nature humaine.

L?homme est susceptible de progrès, mais non de perfectibilité. En effet, s?il devenait parfait, il cesserait d?être homme, il serait Dieu. Jusqu?où peut aller ce progrès? nous l?ignorons ; mais nous sommes convaincus que l?humanité a long-temps à marcher avant d?atteindre la somme de progrès que la providence lui a destinée ; nous disons l?humanité, car nous ignorons également si dans sa sagesse la providence a appelé tel ou tel monde, et dans ce monde telle ou telle race, et dans cette race telle ou telle nation, à jouir des bienfaits d?une organisation sociale plus harmonique. Nous devons donc, c?est notre devoir, autant et plus que notre intérêt, quelle que soit notre position sociale, quelles que soient nos opinions, appeler le progrès par toutes les voies raisonnables ; mais il est ridicule à nous de croire l?atteindre un jour d?une manière complète, et telle qu?il n?y ait plus à aller au-delà. Les auteurs de systèmes [1.2]n?ont pas cette prudence, aussi est-on tenté de mettre par ironie à la fin de leurs savans discours ce qui termine les anciens contes dont on récréé encore nos jeunes ans : une suite de prospérités, etc. ; voilà l?erreur contre laquelle nous protestons, au risque de déplaire à quelques-uns ; cette erreur est d?autant plus grave que ses conséquences morales en sont bien désastreuses. Les hommes simples sont faciles à être impressionnés, et lorsque leurs illusions cessent forcément, ce qui arrive toujours trop tôt pour eux, mais trop tard pour l?émancipation de la raison humaine, ils ne veulent plus croire au progrès, le découragement et l?égoïsme les saisissent. [?]

Nous en étions là lorsque nous avons eu connaissance de l?arrêt de la cour de Lyon, qui a condamné le gérant de l?Indicateur pour avoir ouvert les colonnes de ce journal à cette question de réforme commerciale. Obligé de se soumettre, le gérant à déclaré dans son dernier numéro qu?il renonçait à toute discussion de ce genre ; dès-lors il ne serait pas généreux de notre part d?attaquer un adversaire, mis dans l?impuissance de se défendre. Nous abandonnerons donc aussi cette polémique jusqu?à ce que les armes puissent être égales entre nous. Nous terminerons seulement par inviter les ouvriers à se tenir en garde contre un système qui se ressent des circonstances qui ont présidé à sa naissance et à son achèvementiv, et d?être bien convaincus que toute amélioration qui change immédiatement l?ordre social est absurde en théorie, impossible en pratique. Heureusement pour les souscripteurs que l?engagement a été pris par M. Derrion, qui est un homme d?honneur (nous n?en doutons pas) de leur rendre le montant de la souscription dans les trois premiers mois de l?année 1837, si l?exécution du système n?a pu avoir lieu. Ils n?auront perdu que les intérêts. Nous les renvoyons au surplus à la lettre de M. Gauthier, insérée dans le dernier numéro.

[2.1]Nous ne sommes pas seuls à nous élever, dans l?intérêt bien compris des travailleurs et du progrès social, contre ces prétendues réformes nées dans quelques cerveaux malades et qu?adoptent avec confiance des hommes séduits par le charlatanisme naturel aux novateurs. Peut-être serions-nous moins sévères si le résultat de ces tentatives insensées n?était pas de rendre à peu près impossibles les véritables améliorations.

La tribune, dont on ne suspectera ni le patriotisme ni le talent, nous vient en aide et s?exprime ainsi au sujet d?un ouvrage publié par une Mme C? sous le titre ambitieux de nouveau contrat social ou place à la femme2.

« Toute manifestation hardie nous paraît inopportune en ce temps : notre conviction est qu?il est utile d?attendre les résultats des principes qui germent dans les c?urs? Nous ne craignons pas de dire hautement avec notre franchise républicaine, qu?espérer changer le monde d?un seul coup est une pensée qui ne peut appartenir qu?à un cerveau égaré. Nous terminerons en remarquant que rien, dans l?histoire des changements sociaux, ne se présente à nous d?une manière brusque et instantanée ; tout au contraire marche à pas très lents mais positifs ; tout dis-je s?est transformé partiellement, progressivement et ces changements avaient existé, dans les esprits bien long-temps avant de passer dans les faits. La grande erreur de Mme C? a donc été de publier un système au lieu d?ajouter seulement une idée à celles qui sont en circulation et qui travaillent à amener les améliorations de l?avenir. » Adèle miguet.

Que dirait donc la Tribune si elle avait connaissance de la boutique d?épiceries de M. Derrion devant commencer la réforme commerciale? elle ne lui ferait peut-être pas même l?honneur d?appeler cela un système.


i. Nous ne savons par quelle loi morale, mais infaillible, on doit être certain que tout ouvrage dont le titre est long et pompeux, est mauvais. On peut faire cette vérification comme nous.
ii. M. monfray a publié en 1833 un opuscule sous ce titre : Prophéties, ordonnances, proclamations et discours du roi de l?intelligence humaine. Il y a de la verve, des morceaux bien écrits, mais tout cela est absurde.
iii. Il est impossible de lire deux pages de cet opuscule (imprimé chez Dlle Perret, Lyon, 1835, 52 pages in-8). Le style est en rapport avec le sujet. L?auteur propose une souscription pour faire connaître son projet, et demande à y prélever la modeste somme de cent mille francs, sans quitter prétention. ? Le véritable génie est plus désintéressé.
iv. M. Derrion raconte qu?il s?est occupé de rédiger son projet chaque soir, pendant quelques heures prises sur son sommeil, et qu?il l?a achevé au bruit de la fusillade, pendant les journées d?avril.

elections du conseil des prud?hommes

MM. bender, dervieux, robert et troubat, prud?hommes négocians, ayant donné leur démission, il a été procédé le 13 de ce mois à de nouvelles élections dont voici le résultat.

Electeurs inscrits 524. Votans 30. Manquans 494.

MM. Mathevon 30 voix, Blanc-Ferrouillat 29, Pascal 29, Bourcier 29, Luquin 1, Durand-Voyont 1, Gamot 1.

M. mathevon a été nommé prud?homme titulaire et MM. blanc-ferrouillat, bourcier et pascal, suppléans.

On ne saurait trop déplorer l?apathie des électeurs. Nous voulions nous plaindre de ce que la préfecture s?était contentée d?envoyer des lettres aux électeurs et n?avait pas fait poser des affiches et imprimer l?arrêté portant cette nouvelle convocation ; mais en vérité, à la vue d?une telle insouciance nous n?en avons pas le courage.

Nous ferons, puisque l?occasion se présente, une courte réflexion sur la difficulté qu?on éprouve à instituer le conseil des prud?hommes. Est-ce que le titre de prud?homme ne paraîtrait pas à MM. les négociants aussi honorable que celui de juge au tribunal de commerce ? Vraiment, nos m?urs ont besoin d?une amélioration notable. ? Nous reviendrons sur ce sujet.

On nous annonce que tous les procès-verbaux des élections ont été envoyés au ministre de l?intérieur pour être approuvés par lui, conformément à la loi. Ainsi nous espérons que l?installation du conseil aura lieu prochainement.

Sur une lettre de M. derrion à l?Indicateur.

Lorsque certain article malencontreux dont les lecteurs n?ont peut-être pas perdu le souvenir, parut dans l?Indicateur, nous ne crûmes pas devoir, dans l?intérêt des ouvriers et de la presse populaire accepter, en gardant le silence, la responsabilité d?un semblable article, et nous adressâmes quelques réflexions à M. Marc Derrion, [2.2]réputé par nous rédacteur en chef de l?Indicateur. M. Derrion, par une lettre insérée dans le numéro 23 de ce dernier journal, déclara que comme il était juste que chacun portât la responsabilité de ses ?uvres, il informait le public et en particulier la Tribune Prolétaire qu?il n?était pour rien, soit dans l?insertion, soit dans la rédaction de cet article, etc. Il ne désavoue pas la qualité de rédacteur en chef, c?était cependant bien l?occasion. Mieux avisé aujourd?hui, M. Derrion déclare dans le dernier numéro de l?Indicateur, qu?il n?en est pas et n?en a jamais été rédacteur en chef. Il a raison, tout mauvais cas est niable, nous concevons qu?on ne tienne pas à honneur d?avoir la responsabilité morale d?une rédaction dont le moindre défaut est de faire une guerre acharnée à la grammaire, et qui est convaincue de baraterie littéraire.

Maintenant qu?il est constant que M. Derrion n?a jamais été le rédacteur en chef de l?Indicateur, comment se fait-il que ce soient précisément ses articles qui aient toujours été mis en tête du journal comme article de fonds ; plus encore que ces articles, n?aient jamais été suivis de ceux du véritable rédacteur en chef. Ce dernier regarderait-il donc son emploi comme une sinécure, ou bien encore, est-ce que par hasard l?Indicateur n?aurait pas de rédacteur en chef. Ce serait alors le cas de répéter que c?est un journal comme il n?y en a guère, un journal comme il n?y en a pas. Qu?on nous cite, en effet un seul journal qui n?ait pas un rédacteur en chef, à moins que le gérant soit en même temps homme de lettres ; mais peut-être que le nom du rédacteur en chef de l?Indicateur est aussi un mystère.

COMPÉTENCE DU CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Nous n?avons pas hésité à résoudre négativement la question que nous avons examinée dans notre dernier numéro de la compétence du conseil des prud?hommes à l?égard des industries non représentées dans son sein. Cette incompétence s?étend plus loin que nous ne le pensions. L?action contre une personne étrangère à la fabrique n?est pas plus admissible par voie de garantie que par voie de demande principale ? C?est ce que la cour de cassation a décidé le 11 novembre dernier dans l?espèce suivante.

Defer, contremaître d?une fabrique de coton en la commune du Mesnil (Somme), avait employé Coupez comme ouvrier et lui avait fait une avance de 55 fr. qui fut portée sur son livret. Coupez abandonna la fabrique et fut recueilli chez M. Duquesnoy, propriétaire, qui l?occupa à des travaux agricoles.

21 mars 1833. Citation par Defer à Coupez, devant le conseil des prud?hommes de Bapaume pour le faire condamner à rentrer dans la fabrique et à acquitter les 55 f. d?avance. ? Assignation à Duquesnoy en garantie et dommages-intérêts, pour avoir employé un ouvrier sorti d?une fabrique sans avoir justifié de l?acquit des avances portées sur le livret.

4 avril 1833. Jugement du conseil des prud?hommes qui sans avoir égard à l?incompétence, accueille ces doubles conclusions. Duquesnoy interjette appel.

20 septembre 1833. Jugement du tribunal de commerce d?Arras qui infirme en se fondant sur l?article 10 du décret du 11 juin 1809 et sur le décret du 2 août 1810.

Pourvoi en cassation par Defer, pour violation de l?article 12 de la loi du 22 germinal, an 11, fausse application de l?article 168 et violation de l?article 174 du code de procédure civile.

M. Nicod, avocat-général, a conclu au rejet du pourvoir, et la cour avait la question suivante à juger.

La compétence du tribunal des prud?hommes sur l?action principale entraîne-t-elle nécessairement la compétence de la même juridiction sur l?action en garantie formée contre un non-fabricant ?

Elle a ainsi décidé.

Attendu que la juridiction du conseil des prud?hommes, créée dans les intérêts industriels est spéciale à la matière qu?elle régit, à la classe d?individus employés aux travaux de la fabrique et aux engagemens [3.1]qui se forment entr?eux ; que l?article 10 du décret du 4 juin 1809 porte textuellement que nul ne sera justiciable de ces conseils, s?il n?est fabricant, chef-d?atelier, contremaître, ouvrier, ou apprenti.

Attendu que dans l?espèce, le jugement attaqué a jugé dans les limites de la compétence, en statuant sur la demande formée par le maître contre l?ouvrier ; mais qu?à l?égard d?un tiers, étranger à la fabrique et contre lequel une demande en dommages-intérêts avait été formée il a dû, comme il l?a fait délaisser les parties à se pourvoir devant la juridiction commune.

Par ces ces motifs la cour rejette, etc.

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Séance du 9 avril 1835.

Président M. Riboud, Membres : MM. Arragon, Berthaud, Bourdon, Chantre, Fichet, Gaillard, Joly, Labory, Micoud, Milleron, Vérat, Wuarin.

22 causes sont appelées, dont 3 sur citation. ? Cinq sont arrachées ; 4 sont renvoyées à huitaine, 1 au mois ; 5 jugées par défaut, et 1 par congé de défaut.

calmin c. copier. Il s?agissait d?une contestation entre un graveur et un imprimeur sur étoffes. Le conseil a donné acte aux parties de la nomination par elles faite de MM. Campiche et Ainé pour experts, et en cas de discordance, il nommera un tiers pour les départager.

chenavier (Dlle) c. bonnet. La Dlle Chenavier réclame 65 c. par aune au lieu de 60 c. marquées sur son livre, seulement à la réception de son ouvrage, d?après son allégation, Bonnet a représenté d?autres livres desquels il résulterait qu?il ne paye que 60 c. à ses autres ouvriers, et le conseil a débouté la demoiselle Chenavier de sa demande.i

gayeton c. pionin. Ce dernier a été condamné à payer à Gayeton 15 f. pour journées faites sur un métier de tulles. La cause avait paru à une petite audience, et sans nouveaux débats, le conseil a confirmé la décision du bureau de conciliation.

demaison c. viallet et guillard. Demaison demandait d?être autorisé à lever la pièce (gros de Naples écossais à 65 c. l?aune), que MM. Viallet et Guillard lui ont remis à fabriquer, attendu son infériorité ; il assure ne pouvoir en faire qu?une aune par jour. Le conseil, vu le rapport de MM. ? Prud?hommes, a décidé que la pièce était faisable et serait achevée d?ici au 20 mai : alors Demaison a offert la façon entière à l?ouvrier qui voudrait bien s?en charger : personne n?a accepté son offre, et M. le président lui a imposé silence.


i. Nous ne pensons pas que cela puisse tenir lieu de la mercuriale. Il fallait, ce nous semble, que le conseil fit enquête pour connaître le prix véritable. A propos de la mercuriale, nous prévenons les amateurs d?antiquités qu?ils la trouveront au greffe du conseil, et pourront en prendre connaissance, si les araignées qui la couvrent veulent bien le permettre. ? On devrait la faire porter au musée.

Le conseil des Prud?hommes s?est réuni extraordinairement samedi 11 courant, pour statuer sur la question des tirelles. Il a été arrêté que ce supplément de déchet, accordé par un usage de temps immémorial serait continué aux étoffes : courantes quant aux écharpes, colliers et mouchoirs, une nouvelle enquête a été ordonnée pour connaître quelle était la règle admise, lorsqu?on substitua 15 grammes, à la réception des tirelles tissues en bourre.

Le National a reproduit l?article du Censeur, auquel nous avons répondu dans notre dernier numéro, mais il a eu soin de retrancher le passage injurieux pour la presse populaire que nous avons signalé, Nous attendons encore la réponse du Censeur, et il paraît que nous l?attendrons longtemps. Est-ce que notre grand confrère deviendrait aristocrate ?

Nous avons reçu de M. charnier, une lettre que nous regrettons de ne pouvoir insérer en entier ; nous en extrayons les passages suivans :

« Vous terminez votre premier article, en renouvelant votre approbation [3.2]sur un moyen indiqué par M. Falconnet, pour retenir par un lien moral les apprentis dans les ateliers. Ce moyen, je le revendique, l?ayant moi-même émis en 1827, lorsque je rédigeais les statuts de la première organisation du mutuellisme ; car c?est à moi et à moi seul, qu?est dû le titre de premier fondateur de cette société industrielle, ainsi que cela est constaté par une lettre qui me fut adressée à cette époque et que j?ai déposée au Musée lyonnais de M. rosaz1; et c?est à tort que le rapport de M. Girod (de l?Ain) indique la création du mutuellisme à la date du 25 juin 1828. Je relève cette erreur, dans l?intérêt historique autant que dans celui de mon amour-propre. [?]

« Pour en revenir à ce qui fait le sujet de cette lettre, je ne doute pas que M. Falconnet, en consultant ses souvenirs, ne reconnaisse la justice de ma réclamation. Lorsque je lui fis part de mon projet, qui consistait à faire décerner, par le conseil des Prud?hommes, aux apprentis reconnus bons sujets, des primes d?encouragement consistant en épingles en or qui auraient représenté des instrumens relatifs au tissage des étoffes de soie (navettes, etc. en miniature). M. Falconnet était accompagné de M. Rivière, et il me parlait de la création d?un journal semblable à celui qu?il a fondé sous le titre d?Echo de la Fabrique, remplacé aujourd?hui par la Tribune prolétaire. Le fondateur du journal des ouvriers n?ayant rien à envier au fondateur du mutuellisme, je ne doute pas que M. Falconnet s?empresse de faire droit à ma demande. [?]

MONT DE PIÉTÉ.

Vendredi prochain, 24 courant, et jours suivans, à quatre heures du soir, aura lieu dans la salle ordinaire de l?Archevêché, la vente des effets mobiliers engagés pendant le mois de mars 1834, c?est-à-dire du n° 15601 au n° 22645.

DE LA LOTERIE.

L?origine de la loterie se perd dans la nuit des temps. On peut en effet regarder comme des loteries la division des terres faite par Moïse aux Israélites, le partage de la Laconie en trente-neuf mille parts ordonné par Lycurgue, le tirage au sort qui suivit l?enlèvement des Sabines par les Romains, etc. ; le partage du butin qui a existé et existe encore chez tous les peuples est une espèce de loterie. Le savant jésuite Ménestrier1 a publié à Lyon, en 1700 (chez Laurent Bachelu fils, in-8°, 150 pages), une dissertation des loteries dans laquelle il prend leur défense sous le rapport moral. A cette époque les loteries n?avaient lieu qu?en faveur du gouvernement ou des établissements publics et la part des pauvres y était assurée. Elles n?étaient censées faites que pour leur procurer du soulagement. La première loterie établie à Lyon, le fut en faveur du grand Hôtel-Dieu ; c?est à son sujet que le père Ménestrier a publié sa dissertation. Le parlement anglais en institua une en 1694, pour se procurer des ressources. En 1695 deux Lyonnais, Troachin Dubreuil et Jean Tourton en établirent une à Amsterdam pour la diaconie Wallonne, composée en grande partie de réfugiés français. Ce genre de loterie existait depuis long-temps en Egypte, en Allemagne et en Italie. Il était semblable à celles qui se pratiquent encore en Allemagne et à l?égard desquelles les gouvernements de France et de Belgique viennent tout récemment de prendre des mesures pour empêcher l?insertion de leurs prospectus dans les journaux, et à celles qui ont eu lieu en France en faveur des Polonais, etc. Dans ces loteries, les lots consistaient alors comme aujourd?hui dans le gain de meubles précieux, d?immeubles, de sommes plus ou moins considérables ; le nombre des billets est illimité et divisé en plusieurs séries.

Il existe encore une espèce de loterie qui consiste à tirer au sort des lots, les uns importans, les autres de peu de valeur ou même ridicules. Néron, Titus, Héliogabale se sont livrés à ce genre de loterie, plusieurs directeurs des spectacles, pour attirer des souscripteurs à leurs bals, ont tenté de les ressusciter.

On trouve encore dans quelques villages près de Paris, des loteries de bienfaisance dans lesquelles chaque lot est un acte de charité à remplir. On n?admet à y concourir que les personnes auxquelles leur fortune le permet.

La loterie fut introduite en France par Mazarin, en 1644, sous le titre de banque royale. Laurent Tonti2, [4.1]napolitain, auteur des tontines, l?organisa. Les lots étaient comme nous l?avons dit des maisons, des bijoux, tableaux, etc., qui étaient délivrés au porteur du numéro que le sort désignait. Les six corps de marchands s?en plaignirent, et elle fut supprimée en 1658 ; mais on la rétablit l?année suivante. En 1758, la loterie fut réformée par un Gênois, sous le titre de loterie de l?école militaire, et établie telle qu?on la voit aujourd?hui, c?est-à-dire restreinte à quatre-vingt-dix numéros, dont 5 gagnant des sommes proportionnées à la mise du joueur qui peut spéculer sur extrait, ambe, terne, quaterne et quine ; ce dernier ne se joue plus.

À compter du mois de septembre 1776, elle prit le titre de Loterie nationale de France, et fut restreinte à deux tirages par mois. Elle subsista ainsi jusqu?au mois de novembre 1793 ; à cette époque elle fut supprimée par la Convention nationale ; mais par un décret du 9 vendémiaire, an 6 (30 septembre 1797), elle fut rétablie sur les mêmes bases par le directoire exécutif.

Une loi rendue dans l?une des dernières sessions a ordonné l?abolition de la loterie, à compter du 1er janvier 1836 ; et une ordonnance du 22 février 1829 l?a supprimée dans 28 départements et porté le minimum de chaque mise à 2 fr., au lieu de 50 c.

Considéré sous le rapport des contributions indirectes, le produit de la loterie est devenu nul depuis quelques années. En 1832, il avait monté à 11,109,000 fr. ; en 1833, il est descendu à 10,140,000, et en 1844, il n?a plus que 5,583,000 fr. (Voy. n° 14, tableau du produit des impôts indirects).

Commerce des soieries en Angleterre.

Vers le milieu du sixième siècle, deux missionnaires chrétiens ayant pénétré dans l?empire chinois, racontèrent à leur retour, entr?autres merveilles, qu?ils avaient vu une étoffe dont le tissu était fourni par un espèce de ver. Que cette étoffe était plus riche que toutes celles d?Europe, plus brillante que la pourpre des rois, et que cependant en Chine servait à l?habillement même des gens du peuple. Ils se laissèrent persuader à force de promesses et de récompenses, de tenter un second voyage pour rapporter cet insecte précieux. Mais ce ne fut qu?avec de grandes difficultés qu?ils parvinrent enfin à dérober une certaine quantité de vers à soie, qu?ils enfermèrent dans une canne de bambou. C?est ainsi que la soie fut apportée en Europe. Elle passa bientôt dans l?Asie mineure et dans la Grèce, mais elle resta long-temps d?un prix si élevé, que les plus riches personnages en faisaient seuls leur parure. On raconte que la femme d?un empereur lui ayant demandé une robe de soie, il la lui refusa, en lui disant qu?il ne lui convenait pas de donner l?exemple d?un tel luxe.

Le midi de l?Europe fut long-temps en possession exclusive de la culture de la soie et de la fabrication des étoffes. Ce ne fut que vers le quinzième siècle que la culture s?étant rapprochée de l?Occident, et le commerce de l?Angleterre commençant à s?étendre, la fabrication des étoffes de soie pénétra dans ce pays. Elle y demeura stationnaire pendant long-temps, mais enfin les richesses de la nation s?étant accrues, elle fit des progrès, et le préambule d?un édit passé sous Charles II, montre qu?en 1666 elle donnait du travail à plus de 40,000 personnes. Après la révocation de l?édit de Nantes, en 1685, plus de 55,000 réfugiés vinrent du midi de la France, doter l?Angleterre de leur expérience dans cette intéressante industrie, et s?établirent dans le voisinage de Londres, au lieu nommé Spitalfields ; ils tentèrent aussi d?y introduire la culture du mûrier, et l?on voit encore dans tous les jardins de ce quartier les plantations qu?ils ont faites. Les arbres y sont d?une beauté remarquable et presque tous du genre morus rubra, mais la feuille, même dans les premiers jours de son développement, en est dure et peu propre à la nourriture du jeune insecte.

Le gouvernement entoura la nouvelle colonie de priviléges et de secours, et le quartier où elle s?établit est encore celui qui s?occupe exclusivement de la fabrication de la soie. Une chose bien digne de remarque, c?est [4.2]que sa population a conservé dans son langage devenu anglais un grand nombre d?expressions méridionales, et dans ses manières, ses habitudes et son aspect une grande ressemblance avec les ouvriers de Nîmes et de la Croix-Rousse. Dans ce temps le commerce d?introduction des étoffes de soie était libre, et la valeur des importations annuelles s?élevait de 600 à 700,000 livres sterl., ce qui n?empêchait pas cette colonie de prospérer ; ce ne fut qu?en 1162 que les réfugiés obtinrent un privilége pour la fabrication et la vente exclusive de certains articles ; jusqu?à ce qu?enfin ils obtinrent du parlement, en 1697, après de longues sollicitations, la prohibition complète des étoffes fabriqués en France et dans les autres états européens. En 1701, la prohibition s?étendit aux fabrique de l?Inde et de la Chine.

Les dates ci-dessus servent assez à prouver que ce n?est pas au système prohibitif que la fabrication de la soie doit son établissement en Angleterre, mais au contraire qu?elle y avait pris ses premiers développemens sous le régime de la liberté illimitée.

(La suite au prochain numéro).

THÉÂTRES.

GRAND-THÉÂTRE. ? Demain, clôture de l?année théâtrale 1834-1833.

GYMNASE. Demain, pour la clôture de l?année théâtrale, et au bénéfice de Mme adam, les premières représentations de Être aimé ou Mourir, comédie-vaudeville, et les Gants jaunes, vaudeville.

Nota. A compter du 21 avril, les anciens billets ne seront plus admis. Ils seront changés pour la prochaine année théâtrale.

CHARADE.

Si vous devenez mon dernier,
Cher lecteur prenez mon entier
Pour qu?où vous fasse mon premier.

Le mot de la dernière charade est sou-vent,

(45-1) A VENDRE, trois métiers de chales 5/4, et divers accessoires. ? S?adresser Cours Morand, N. 8, au portier.

(42-2) Le jugement rendu en 1er ressort qui avait condamné les sieurs Belly, Jaud, Delaigue et Bailly aux dépens, à l?amende, à des dommages envers le sieur david et à la confiscation de l?objet contrefait (l?Arbre Central principal moteur dans la mécanique à dévider de forme ronde dont ce dernier était breveté), vient d?être confirmé le 3 de ce mois par le tribunal civil de Lyon. Le public est prévenu que le sieur david, mécanicien, place Croix-Paquet, est le seul qui puisse confectionner et vendre ces nouvelles mécaniques pour les dévidages et cannetages, ensemble ou séparément, qui apportent une grande économie à la fabrique. Il fait des échanges pour les vieilles et revend celles-ci toutes réparées.

(43-2) A louer à la St-Jean prochaine, un appartement propice pour atelier quelconque, ayant cave, grenier et réservoir d?eau. Impasse St-Clair, n. 7, s?y adresser chez M. revolat, imprimeur.

(41-2) On demande à acheter un métier de velours en bon état. S?adresser au bureau.

(35-4) On demande une fille qui sache dévider ; on lui donnera un gage. S?adresser chez M. martinon, place de la Croix-Rousse, n. 17, au 2e.

(44-1) A LOUER très bel atelier plafonné, ayant 100 pieds de longueur, éclairé par 11 fenêtres au nord et 11 au midi, rue imbert-colomès, au 2e. Ce local serait propre à un atelier d?apprêt de tulle ou d?étoffes de soie.
Autre atelier au rez-de-chaussée de la maison, ayant 45 pieds de longueur sur 21 de largeur et 5 d?élévation ; il a 5 fenêtres au nord et 5 au midi.
Un bel Emplacement tout clos de murs et non encore couvert, propre à une corderie ou autres grands établissements, pouvant s?exploiter au rez-de-chaussée.
S?adresser pour ces diverses locations, à M. thiaffait, passage Thiaffait, n. 3, au premier.

Notes (SUR LA BROCHURE DE M.  DERRION , Intitulée :...)
1 Référence ici à Jean-Célestin Jannin, et à sa brochure : Problème résolu : mouvement perpétuel par dissertation et avec plan, publié à l?imprimerie Perret en 1835.
2 E. A. Casaubon, Le nouveau contrat social ou Place à la femme, ouvrage publié à Paris en 1834.

Notes (Nous avons reçu de M.  charnier , une lettre...)
1 Référence ici au collectionneur lyonnais Louis-Sébastien Rosaz (1777-1849) qui venait de publier, Musée lyonnais, ou Collection générale des monuments lyonnais modernes (depuis 1789 jusqu'en 1834 inclusivement).

Notes (DE LA LOTERIE. L?origine de la loterie se perd...)
1 Mention ici du jésuite, historien et héraldiste lyonnais Claude-François Ménestrier (1631-1705), auteur en 1700 d?une Dissertation des loteries.
2 Lorenzo de Tonti (vers 1602 ? vers 1684), banquier d?origine napolitaine qui, protégé à Paris du cardinal Mazarin (1602-1661), proposa au milieu du 17ème siècle la première expérience de tontine.

 

 

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