|
24 mai 1835 - Numéro 21 |
|
|
|
|
|
|
LYON VU DE SAINT-JUST. [1.1]Lyon dormait encore fatigué des travaux et des plaisirs de la veille. A peine quelques ouvriers matinaux commençaient tristes et silencieux à gagner leurs ateliers, et moi j’allais respirer l’air bienfaisant et pur du matin sur le plateau de Saint-Just, sur cette butte pittoresque où une adroite prévoyance bâtit une citadelle à côté des ruines des aqueducs […]. C’était à l’aube du jour, le soleil allait s’élancer des hauteurs de Montessuy, et la dernière étoile s’éteignait au haut du ciel ; une atmosphère limpide laissait mes regards atteindre les neiges étincelantes du Mont-Blanc. Là, je m’efforçais à l’aide de mon imagination échauffée de reconstruire ce Lyon célèbre, cet opulent Lugdunum tel que l’avait embelli Auguste1 […]. Sur la double colline une cité vaste, opulente […] du luxe, des palais, un forum, des temples de marbre, des théâtres immenses, des bains aux mosaïques élégantes, des écoles, des bibliothèques. A cette même place où je m’assieds, affluaient les marchands de l’Europe et de l’Orient. Là on voyait les armures brillantes des Ségusiens, les plaqués de Bibracte, l’étain de Thulé, l’or de l’Ibérie, les soies et la pourpre de Massillie. Une population nombreuse se presse et se cotoie : à côté de la majestueuse toge romaine, j’aperçois le justaucorps écourté du Celte […] à mes pieds, le long de ce riant coteau, une route, monument gigantesque suspendu sur les flots de la Saône, amène les rois vaincus de soixante peuples à ce palais des empereurs, devenu, par une cruelle dérision du sort, un hôpital ouvert à la plus déplorable, à la plus humiliantes des infirmités humaines. Ces terrasses soutenaient les jardins des sénateurs […]. Là-bas, dans cette presqu’île où s’entassent et s’amoncèlent maintenant ces amas confus de maisons […] sur les rives enchantées des deux fleuves […] se déroulaient de vertes prairies entrecoupées de bosquets et de maisons de campagne. Les cabanes des pêcheurs se groupaient en hameaux sur le penchant de la colline St-Sébastien […] tout à coup un incendie épouvantable, tombé du ciel, dévore en une nuit, toutes ces merveilles. Néron, Néron lui-même répare les pertes de Lugdunum, Néron qui bientôt après va mettre le feu dans Rome, pour se dédommager de l’horrible spectacle que ses yeux n’ont pu ; savourer dans les Gaules. Cependant Lugdunum renaît et fleurit. Revêtons pour quelques instans la robe sénatoriale : errant parmi ces précieux débris d’une puissance qui a rempli le monde, l’artisan grossier les exhume sans pitié pour en bâtir son ignoble maisonnette. Qui sait si quelque jour nos neveux ne fondront pas la colonne Vendôme pour en faire des grelots de mulets ? […] Ici fut un cirque […] C’est là que les jeunes gauloises, les jeunes vierges romaines, viennent repaître leurs regards de l’agonie des chrétiens livrés aux tigres ; c’est là que de vils gladiateurs se massacrent sans pitié pour l’amusement d’un peuple policé et d’un sexe plein de douceur. L’Ilote blessé sur un amas de victimes égorgées demande vainement la vie : les vierges patriciennes baissent leurs [1.2]blanches mains ; il faut qu’il meure. Il expire, et en tombant il savoure encore la volupté des applaudissemens. O Spartacus ! Là fut un temple : le sang des taureaux coula sur cette pierre brisée. Ce marbre profane fut un dieu redoutable : sur ce parvis, un peuple qui lisait Cicéron, s’agenouillait devant des dieux abominables […] Oh ! pourquoi le culte nouveau, si pur et si saint, n’a-t-il pas avec horreur la pompe théâtrale des rites anciens ? Qu’ai-je besoin de temples superbes, moi, spectateur d’un Dieu pauvre ? Dans Saint-Pierre de Rome je vois bien Michel-Ange, mais où est le Nazaréen ? […] Est-ce un apôtre du pauvre charpentier, ce pontife qui a une cour et un peuple, qui a des gardes et une armée, et dont le pied presse le cou des rois ? – J’aime une église de village dont le calice est d’étain, dont les murs sont lézardés et moisis. J’aime l’humble curé du hameau qui va à pied au chevet du malade, qui me serre cordialement la main en me disant : « Jésus nous a déclarés frères ; je viens à votre table, car nous sommes égaux. » Ainsi je méditais sur les ruines des siècles écoulés […] Mais voici venir les Barbares […] Depuis cinq siècles la Gaule était devenue romaine […] Soudain les forêts scythes vomissent sur l’Europe romaines des torrens de tartares. Ces hommes féroces et sauvages dont les noms mêmes sont devenus des injures, trouvèrent l’empire mal gardé. Ils se jettent sur cette belle proie ; ils la déchirent. C’en est fait […] Ils pillent les trésors sans s’enrichir, parce qu’ils tuent l’industrie qui renouvelle les trésors ; ils désolent les arts, dont ils ne savent ni jouir, ni profiter ; ils éteignent la civilisation qu’ils ne comprennent pas […]Lugdunum dévasté devient un corps de garde de Vandales ; de ses palais brûlés on bâtit un village bourguignon […] Bientôt il ne reste plus du grand empire que deux capitales démantelées ; on les saccage ! l’antiquité expire. Alors le monde recommence […] le christianisme s’avance […] la civilisation renaît de l’évangile. Long-temps étouffé sous les ronces, le jeune chêne, enfin, prend son essor, grandit, étouffe les ronces à son tour et aujourd’hui robuste et magnifique, il couvre deux hémisphères de son ombre. Franchissons les temps. Lyon du moyen-âge m’apparaît changeant de forme et d’aspect, ainsi qu’une ombre fantastique. Les Bourguignons aux cheveux roux, graissés de beurre rance, se sont déjà retirés, et l’antique cité des Ségusiens est devenue le patrimoine de ses évêques. La double colline reste couverte de ruines gisant sans gloire ; à la place du forum s’élève une chapelle à Thomas Becket2 […]Les pavés de la crypte de St-Just teints du sang des martyrs, sont féconds en miracles. Lyon est descendu sur les bords de la Saône […] là une noble métropole est érigée ; un château fort est la demeure des prélats, et des murs crénelés défendent l’oratoire des chanoines […] les évêques et leurs chanoines, despotes si peu évangéliques font peser sur un peuple grossier, mais malheureux, un joug intolérable, […] entre les mains des successeurs d’Irénée, la [2.1]la crosse se change en glaive, et le glaive tombe tantôt sur des voisins dépouillés, tantôt sur des serfs dévorés par la gabelle. Du trône épiscopal, la corruption descend dans les chapitres et dans les cloîtres. Ce sont des chanoines impies qui se disent trop bons gentilshommes pour fléchir le genou devant l’image de leur Dieu ; ce sont des religieuses de Saint-Pierre transformant en taverne leur monastère profané, et bravant la puissance du pape qui du haut du Vatican fulmine en vain contre le scandale […] Ce siège souillé devient le butin banal de l’intrigue ou de la force ; l’un l’achète, l’autre le prend. Un autre, comte de Forez, y fait asseoir un enfant de six ans, et la mitre du vénérable Halinard, devient le bourrelet d’un bambin. Cependant le peuple froissé gémit et murmure. Un Lyonnais, homme d’énergie, mais venu trop tôt, Pierre valdo3 se lève et dit à ses concitoyens infortunés : « Les chanoines font des saints mystères un commerce de luxe et de scandale […] un bon laïque n’est-il pas meilleur prêtre, qu’un prélat dissolu ? Belle transsubstantiation que celle qui s’opère entre les mains d’un mauvais prêtre sortant de chez des filles perdues ! […] Ne donnons point la dîme, le fruit de nos sueurs, à ces moines fainéans qui le dévorent dans leurs repas splendides […] » que répondre ? […] On répondit à coups de haches : la vengeance du clergé sonna le tocsin des croisades, dressa des potences, alluma les bûchers […] le féroce Montfort4, l’hypocrite Robert, furent envoyés à la chasse des pauvres Vaudois […] Quand tout fut massacré, ils firent brûler les livres d’Aristote […] et le clergé triomphant poursuivit le cours de ses débordemens, en attendant luther […] Laissons derrière nous des temps d’opprobre et de désolation ! Tirons le rideau sur la désastreuse invasion des Huguenots et sur les cruelles représailles des Guisards trop bien servis par le sanguinaire Mandelot5 ! oublions même un siège inutile […] et arrivons tout d’un saut à Lyon moderne, à la ville de 1834, riche, tumultueuse, turbulente, industrielle, l’une des capitales de notre civilisation ; aussi bien le soleil, dardant à plomb sur mon cerveau dépouillé, en évapore les rêves poétiques, et me réveille tristement à cette orageuse et prosaïque actualité […] Voici Lyon ; il a envahi les quatre rives des fleuves qu’unissent une foule de ponts, les uns, masses majestueuses assises au travers des flots ; les autres, légers rubans suspendus dans les airs. Mille navires élégans fendent rapidement les ondes […] des édifices somptueux ont remplacé l’austère architecture des monastères : le château fort des archevêques s’est écroulé […] et là-bas, du confluent part, en s’enfuyant sous les montagnes, un chemin de fer qui court, et dans un trajet de trente lieues, enchaîne les unes, aux autres, comme autant de faubourgs, sept villes industrielles. Un bruissement sourd et lointain apporté par la brise m’annonce le réveil de la grande cité […] adieu doux calme de la nuit ! adieu rêveries délicieuses […] avec la soif de l’or, voilà les passions qui se rallument, les pensées accablantes, les soucis rongeurs, les spéculations jalouses. Voilà l’ambition qui fermente, l’intrigue qui tend ses pièges, le luxe qui court à la joie, l’indigence fainéante qui se débat contre la faim, l’agiotage qui suce et tarit l’industrie […] l’inquiétude rentre au cœur des pères : heureux enfans […] hâtez-vous de jouir jeunes hommes, car le temps marche vite aujourd’hui, traînant après lui les soucis, l’instabilité, les bouleversemens ! hâtez-vous, car bientôt la foudre viendra aussi frapper vos têtes joyeuses ; car il arrive que lorsque les institutions humaines ont duré un temps donné, elles se vicient et dépérissent . Il est dans leur nature de porter toujours avec elles un germe de destruction, que le temps développe […] toujours uniforme au fond la famille humaine tend à changer ses formes extérieures […] elle appelle ces changemens des rénovations […] et puis, quand la rénovation est accomplie, quand la lutte a cessé de latitude, quand on s’imagine avoir tout nivelé et tout changé, le philosophe est surpris [2.2]de ne reconnaître dans la société nouvelle, que les matériaux de l’ancienne, que les passions de l’ancienne, que la même fougue dans les croyances, la même astuce dans l’égoïsme, la même incompatibilité dans les intérêts personnels ; en un mot, il ne voit qu’une nouvelle combinaison des anciens vices, et il prédit en gémissant, que ce sera encore et toujours à recommencer. Hélas ! au moment où je trace ces lignes affligeantes, nous sommes tourmentés par l’une de ces convulsions […] Que sortira-t-il du remaniement social ? une autre civilisation, ou la barbarie ? Mais cette autre civilisation trouvera-t-elle des anges ou des hommes ? des vertus d’ange ou des égoïsmes d’homme ? refondra-t-elle la nature immuable de l’humanité ? […] Oui, à l’aspect de ces mesquines, mais furieuses passions que je vais retrouver là-bas en me plongeant dans la foule […] oui, vous dis-je, si le destin venait m’ouvrir son livre redoutable, je prendrais la fuite et ne voudrais point y lire.i 6
i. Ce morceau remarquable que nous avons été obligés, vu l’exiguïté de notre cadre, d’abréger beaucoup (ce qu’indiquent suffisamment les points nombreux que nous avons mis), est dû à M. ed. lamarque, qui l’a inséré dans l’Épingle (n os 21, 22 et 23), journal littéraire de cette Ville, rédigé avec beaucoup de talent, par M. Adrien feytaud.
L’Indicateur n’a pas comme les autres journaux, de rédacteur en chef ; mais en place il a un bravo. Ce bravo c’est M. Ph. daverède. Tant pis ; nous avions de l’estime pour lui, nous ne parlons pas de l’Indicateur, sa provocation contre M. Charnier, nous force à en rabattre quelque peu. Les lecteurs ont pu lire (et dans le cas où ils ne l’auraient pas fait, nous les y engageons fortement) dans le dernier numéro de l’Indicateur la lettre de M. Daverède à M. Charnier. Ce dernier obligé de partir pour Paris, où il est appelé comme témoin, par les accusés d’avril, nous l’apporta le lendemain de sa réception, pour en faire tel usage que nous jugerions convenable. Quant à lui il ne croyait pas devoir répondre autrement que par le silence du mépris à un homme qui s’annonce comme un spadassin déterminé à employer l’argument du duel, le plus insignifiant de tous les argumens, à défaut de bonnes raisons. Nous avons hautement approuvé sa résolution ; il y a déjà long-temps que dans une occasion à peu près semblable, le Réformateur a prouvé que la manie du duel était un vice de l’ordre social, contre lequel tous les hommes amis du progrès devaient protester hautement. Le courage du duelliste, qui n’est pas même le courage militaire, est chose assez commune ; quant au courage civil, c’est différent ; et nous pouvons le dire parce que nous en avons plus d’une preuve, M. Charnier a donné des exemples de ce courage. – Nous ne ferons pas à M. Daverède la mauvaise plaisanterie de le prier de nous citer ce qu’il a fait pour la cause des travailleurs. Nantis de la lettre dont s’agit, notre intention première fut de la publier avec les fautes de grammairei qu’un prôte complaisant en a fait disparaître, mais nous réfléchîmes que c’était un brandon de discorde qu’il valait mieux étouffer, et que M. Daverède aurait le bon sens de comprendre la dignité du silence de M. Charnier et de la Tribune Prolétaire. –Nous sommes trompés dans notre attente, on nous jette le gant, nous devons le relever ; guerre à qui la cherche. M. Daverède avoue que c’est lui qui sous le nom d’un Solitaire de la Montagne a écrit la diatribe insérée le 26 avril dernier dans l’Indicateur ; il fait plus, il met sous les yeux du public la lettre par lui écrite à M. Charnier, dans laquelle il renouvelle ses injures, et qu’il termine par ces mots provocateurs dont les hommes mal élevés ont seuls l’usage. – Nous ignorons, maintenant que cette lettre est rendue publique, ce qu’il conviendra à M. Charnier de faire lorsqu’il en aura connaissance ; notre mission n’est pas d’intervenir dans un débat personnel ; mais, en son absence et comme partie neutre, il nous est permis de dire ce que nous pensons de cette polémique oiseuse. M. Charnier s’est déclaré fondateur du Mutuellisme. S’il ne l’est pas, c’est donc un autre. Pourquoi ne se montre-t-il pas ? – On nous [3.1]a communiqué le tableau des 105 premiers mutuellistes (dans lequel par parenthèse M. Daverède ne figure pas). Nous y voyons MM. Charnier, directeur ; Bouvery et Masson-Sibut, sous-directeurs ; Leborgne, secrétaire du bureau central ; Chaboud, trésorier, etc. Nous avons inséré, dans le n° 18 du journal, la lettre adressée à M. Charnier comme directeur par MM. Doucet, Masson-Sibut, Bouvery, Leborgne, Chaboud, Reynaud et Barthélemy, déposée au Musée Lyonnais, de M. Rosaz où l’on peut en aller prendre connaissance. Ce sont là des faits, ce nous semble, et des injures ne sauraient les détruire. – L’enquête proposée par M. Charnier ne serait-elle pas plus rationnelle ? Que les lecteurs de bonne foi prononcent. Maintenant, à l’indicateur. Lorsqu’on accuse ce journal de plagiat, il ne dit mot ; lorsqu’on lui reproche des actions peu délicates, il ne dit encore mot ; mais lorsqu’on attaque sa manière décrire, il grogne ; lorsqu’on cherche à mettre en garde les ouvriers, contre sa boutique d’épiceries qu’il appelle une réforme commerciale, réforme si belle en vérité que son avocat lui-même ne la comprend pas, il se fâche tout rouge. L’Indicateur a pris goût à la polémique, et il nous attaque lorsque nous avons bien autre chose à faire que de nous occuper de lui. Il veut la guerre ! Eh bien ! soit. A nous deux. L’Indicateur n’est pas un Matamore, voilà ce qui le distingue de M. Daverède. Si nous disions qu’il est un Basile, nous n’aurions qu’une crainte, ce serait de calomnier Basile. D’abord il commencé par parler de sa bonne foi, soyez sûr que l’Indicateur n’écrit jamais un article sans dire je suis de bonne foi. Nous avons été instruits à nous méfier de ces gens qui parlent à tout propos de leur probité, de leur bonne foi, avons-nous tort ? Nous ne le pensons pas. – Ainsi qu’on voit de malingres roquets courir en jappant sur les pas d’un dogue ameuté par des enfans méchans, l’Indicateur vient prêter aide et secours à M. Daverède. Il n’a pas inséré, dit-il, la lettre de M. Charnier, parce que dans un post-scriptum M. Charnier avait témoigné le désir d’éviter toute polémique : plaisante raison en vérité ! Mais il a abusé de ce post-scriptum… c’est que le commis a oublié de lui dire qu’il était confidentiel. Or, le mot confidentiel était écrit en marge, M. Charnier l’assure ; est-ce que M. Favier ne sait pas lire ? Vous croyez que nous avons fini. Pas du tout. L’Indicateur a l’art d’éterniser une querelle, et laissant bien vite la question de l’origine du Mutuellisme, il en aborde une autre ; comme le Parthe, il lance ses flèches en fuyant. « Chacun sait, dit le journal-Basile, en parlant de M. Charnier, qu’on ne l’a aperçu pour la défense des ouvriers qu’en exigeant de la caisse municipaleii un traitement qu’il n’avait pas gagné, attendu qu’il n’avait pas siégé, et qu’il est résulté de ce plat orgueil, une perte pour les chefs d’ateliers appelés au conseil, vu qu’ils avaient deux négocians contre un ouvrier. »iii. – Voilà ce qui s’appelle une calomnie, mais elle est trop plate et il nous est facile de justifier M. Charnier. Oui, M. Charnier n’a pas siégé au conseil. Mais pourquoi ? Toute la fabrique se souvient de la conduite de M. Labory, qui maintenu par le préfet comme prud’homme, quoique le sort l’eût déclaré sortant ne voulut pas, malgré sa promesse formelle, malgré les réclamations unanimes des journaux de la classe ouvrière, malgré la protestation de 45 chefs d’atelier de sa section, abandonner des fonctions qu’il ne pouvait plus remplir avec honneur. – La réprobation fut unanime contre ce scandale. Il paraît que l’Indicateur veut réhabiliter aujourd’hui la mémoire de M. Labory, il n’y réussira pas. Revenons à M. Charnier ; à cette même époque il fut réélu prud’homme par la 4e section ; mais à la condition expresse de ne pas siéger avec M. Labory. Cette condition lui fut imposée sur la demande de M. Rey, dernier gérant de l’Echo de la Fabrique. M. Charnier s’est conformé strictement à son mandat et ses collègues l’en ont récompensé en le renommant prud’homme à l’unanimité aux dernières élections. – Mais croira-t-on que M. Charnier soit resté inactif ? En dehors des séances, il s’est occupé toujours avec zèle des intérêts de ses commettans ; il a fait plus même que ses fonctions exigeaient, on peut le demander au faubourg [3.2]de Vaise. Nous ne pouvons en dire davantage. – Ainsi la calomnie tombe d’elle-même. Vous n’êtes pas adroits, Messieurs de l’Indicateur, il fallait dire cela tout bas, vous auriez trouvé des dupes ; mais l’imprimer, oh ! votre coup est manqué. Quant à ce qui nous concerne, si M. Charnier a été hostile à notre rédacteur en chef, et a contribué par là à la désorganisation de l’Echo de la Fabrique, c’est qu’alors il ne le connaissait pas, et sa présence aujourd’hui à la Tribune Prolétaire, montre qu’il a su reconnaître son erreur. Cela prouve en faveur de tous deux. Quoi qu’en dise l’Indicateur, c’est bien la Tribune Prolétaire qui, par sa rédaction, remplace et réunit l’Echo de la Fabrique et l’Echo des Travailleurs. Des hommes consciencieux et amis des ouvriers auraient respecté cette union, au lieu d’apporter le spectacle désolant d’une incapacité obligée de s’avouer elle-même. Tout le monde y aurait gagné.
i. M. Daverède écrit insérer par un C. ii. Nous serions bien aise de savoir si c’est à la caisse municipale même, que Messieurs de l’Indicateur ont aperçu M. Charnier. Cela prouverait qu’ils y étaient aussi. iii. Cela est faux, M. Charnier a toujours été remplacé par un de ses collègues.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 21 mai 1835. Président : M. Riboud ; membres : MM. Blanc, Chantre, Cochet, Dufour, Dumas, Jubié, Micoud, Perret, Roux, Wuarin. 21 causes sont appelées, dont 4 sur citation ; 3 ont été renvoyées à huitaine ; de ce nombre, celle de Carquillat contre Cotteret, négociant ; 6 ont fait défaut ; 1 a été jugée par défaut ; 2 ont été arrachées ; les autres renvoyées en conciliation. Les suivantes présentent de l’intérêt. joanin c. mercier et les mariés chazellet. Joanin avait eu pour apprenti Mercier ; ce dernier était sorti à cause d’une maladie contagieuse, et n’avait fait que 18 mois sur 3 années qui étaient la durée de son apprentissage. A fin de guérison, au lieu de se représenter chez Joanin, il fut travailler ouvrier chez le sieur Chazellet, son beau-frère. Le conseil a alloué 200 fr. d’indemnité à Joanin. Mercier pourra travailler comme ouvrier, les mariés Chazellet sont passibles de l’indemnité sauf leur recours contre Mercier. thezenas, mercier c. salles. Thezenas et Mercier réclament l’exécution d’une convention qu’ils ont avec Salles, pour la fabrication des gants tulles dits crochetés, laquelle devait leur être continuée pendant tout le temps que la vente des gants s’opérerait au prix de façon, selon le cours. De plus que ledit leur paie la somme de 125 fr., montant de façon faite qui leur est retenue. Salles prétend que la vente a cessé et qu’il ne peut continuer ; que la retenue des façons est pour le payement du loyer, craignant que sans ledit paiement, il ne puisse enlever son méfier. Le conseil décide que les façons seront payées comptant ; renvoie à huitaine pour faire une enquête, afin de savoir si la vente des gants a cessé ou non.
L’installation du conseil des prud’hommes, depuis long-temps attendue, a eu lieu hier, 23 courant, par M. le préfet, qui, après avoir présidé à la nomination du président et du vice-président, a félicité ces deux membres de leur nomination, en les assurant que le gouvernement se félicitait de voir des citoyens aussi recommandables, obtenir les suffrages de leurs concitoyens.
MONT DE PIÉTÉ. MARDI prochain, 26 mai courant, la vente des objets mobiliers engagés pendant le mois d’avril 1834, aura lieu dans la salle ordinaire de ventes, rue de l’Archevêché, c’est-à-dire, du n° 22646 au n° 28529.
MONTAGNES SAINT-CLAIR. [4.1]L’approche de la belle saison nous engage à appeler l’attention du public sur un établissement qui mérite toute sa faveur. Il faut au peuple des plaisirs peu dispendieux et soumis aux principes de l’hygiène. Le colysée établi sur le cours d’Herbouville remplit parfaitement ce double but. – Le prix d’entrée n’est que de 30 centimes et on peut, moyennant trois francs, se procurer des cartes d’abonnement. – On trouve ces cartes chez MM. Chambet fils, libraire, quai des Célestins ; Gaillard, horloger, quai St-Antoine et Delestang, débitant de tabac, place de la Comédie.
BIBLIOGRAPHIE LYONNAISE. Ceux de nos lecteurs qui voudraient recueillir les divers ouvrages relatifs à l’histoire de Lyon depuis la révolution de juillet, nous sauront gré de publier la notice suivante, par ordre de publication. Nous la croyons complète. Lettres historiques, sur la révolution de Lyon, ou une semaine de 1830, par le docteur Trolliet, 1830, in-8°, 150 pages. – Une semaine de révolution ou Lyon en 1830, par M. Mornand, 1831, id., 112 p. – Lettre de Mollard-Lefèvre à M. Mornand, 1831, id., 23 p. – Plusieurs pièces de vers ont été publiées à Lyon, en l’honneur de la révolution de juillet, nous croyons inutile de les rappeler, attendu qu’elles n’ont rien d’historique. Trois jours de guerre civile à Lyon, 1831, in-l8° – Les trois jours de Lyon, résumé, etc., par un témoin oculaire (M. Eugène de Lamerlière), in-18°, 36 pages. – Religion St-Simonienne. Evénements de Lyon, in-12°, 16 p. – Evénements de Lyon, ou les trois journées de novembre 1831, par J. F. M. (Mazon), 1831, in-8°, 48 p. – Louis Rosset à M. Duplan, 29 novembre 1831, in-4°, 2 pages. – Aux amis de la vérité par Lacombe, 10 décembre, in-12°, 11 p. (rédacteur, Adolphe St-Eve). – M. Lacombe par A. Granier, in-12°, 8 p. – Aux Lyonnais, par Rosset, trois lettres in-4° de 2 pages chaque. – Lettres de Mollard Lefèvre à ses concitoyens, in-4°, 4 p. – Compte-rendu des événemens qui ont eu lieu à Lyon, etc., par M. Bouvier-Dumolart, 1832, in-8°, 138 p. ; il y a aussi une édition in-4°. Ce compte-rendu a été inséré en forme de lettres dans le Constitutionnel, des 23, 24, 25, 26 et 27 décembre 1831 ; M. Falconnet, alors gérant de l’Echo de la Fabrique, le fit réimprimer sous le titre de « Evénemens de Lyon » en cinq feuillets in-4° de 4 pages : le compte-rendu ci-dessus est augmenté d’une réplique aux récriminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier. – Du sieur Bouvier dit Dumolart, par Louis Rosset, 4 janvier 1832, in-4°, 4 pages. – Notice par ordre alphabétique des morts et des blessés civils et militaires à la suite des événemens, etc., extrait des registres, etc., in-12°, 16 p. – Détails historiques sur les journées de Lyon et les causes, etc., par M. Collomb, 1832, in-12°, 19 p. – Histoire de Lyon pendant les journées des 21, 22 et 23 novembre 1831, Auguste Baron éditeur (par M. Beaune), 1832, in-8°, 288 p. – La Revue provinciale1 qui se publiait à Lyon, chez Sauvignet libraire, contient tome 5, 2e liv., 4 janvier 1832, un article très détaillé sur ces événemens, par M. J. S. P. (Passeron). – On trouve dans ces deux derniers ouvrages, une « lettre aux ouvriers Lyonnais » publiée le 23 novembre 1831i, par M. S. L. RosazS. L. , 2 p., in-4°. – Et dans celui de M. Beaune, la proclamation adressée aux Lyonnais, par M. Anselme Petetin, nouveau gérant du Précurseur. On a également réimprimé, dans ce dernier, les brochures de MM. Lacombe et Granier, rappelées ci-dessus. En général, ces ouvrages se ressentent, même celui de M. Beaune, de la précipitation avec laquelle ils ont été faits ; tous contiennent des documens précieux, mais l’insurrection de novembre attend encore un historien. Histoire des événemens de Lyon, du 9 au 14 avril 1834. Ayné, 15 pages, in-12°. – Relation historique, etc., extrait du Courrier de Lyon, Boursy, 8 pages, in-12°. – Journées des 12, 13 et 14 avril, faisant suite, etc., id., id., 8 pages. – Précis historique des événemens de Lyon (par madame Eugénie Niboyet), Boitel, 16 p., in-12°. – Insurrection Lyonnaise des 9, 10, 11, 12, 13 et 14 avril (par M. Eugène de Lamerlière), in-18°, 34 p. – Un St-Simonien au peuple de Lyon, par Terson, 16 p., in-12°. – La guerre civile à Lyon, poème (par M. Adolphe millioz, de Grenoble), in-8°, 12 p. – Lyon et Paris, en avril 1834, 1 vol. in-18°. – Histoire des insurrections de Lyon, par J. B. Monfalcon, juin 1834, 334 pages, in-8°. – Les ouvriers Lyonnais en 1834, esquisses hist. par M. Adolphe Sala, 164 p., in-8° ; réimprimé in-18°. – La vérité sur les événemens de Lyon au mois d’avril 1834 (par MM. Genton, Greppo et Allerat), avec 2 lithog., in-8°, 280 p. – La révolte de Lyon en avril 1834 ou la fille du prolétaire, par G..., Paris, Montardier, 2 vol., in-8°. – Des événemens de Lyon à propos de l’indemnité réclamée par cette ville, par Louis B… (Bonnardet) de Lyon, 80 p., in-8°.ii – Le discours de M. Jars sur l’indemnité lyonnaise, a été imprimé in-8° et probablement aussi ceux des autres députés qui ont porté la parole (MM. Sauzet, de Rance, etc.). – Les journaux (Précurseur, Censeur, Réparateur et Gazette du Lyonnais) contiennent beaucoup de documens que [?] devra y chercher.
i. Dans cette lettre M. Rosaz porte à 1 900 le nombre des victimes de la vengeance du parti terroriste vainqueur après le siège (le nombre exacte est 1901). M. Passeron en réimprimant cette lettre a mis 19 000. Est-ce avec, ou sans intention. ii. Cet ouvrage que nous regrettons de n’avoir pu annoncer plus tôt, se vend chez tous les libraires, au profit des victimes d’ avril, prix 1 fr. 50 c.
[4.2]Le Journal du Peuple à trois francs par an, paraissant tous les mois par livraisons de 16 pages, vient d’accomplir sa première année. Nous le recommandons aux ouvriers. Voici la note des principaux articles contenus dans le dernier numéro : Revue Intérieure. – Revue Extérieure. – Des corps politiques investis de fonctions judiciaires, par Eusèbe salverte, député. – Chambre des Députés. – De la publicité du vote, par glaize-bizoin, député. – Des effets du monopole électoral, par draut, idem. – De l’émancipation des Noirs, par cormenin, idem, etc., etc., – M. Édouard bucquet est rédacteur-gérant. – On s’abonne à Paris, rue Monsigny, n° 6 ; à Lyon, chez tous les libraires ; et au Bureau du journal.
L’exposition du Louvre a été close le 1er mai. Le Moniteur du 9 contient la liste des récompenses accordées aux artistes. Parmi eux figurent plusieurs de nos compatriotes. Savoir : Peintres d’histoire : MM. biard, genot et jacquand ; paysagistes : M. guindrand ; peintres de fleurs : MM. lepage et st-jean ; sculpteurs : M. legendre-herald. Ils ont obtenu des mentions honorables. M. decreuse (portraits 2e classe) a reçu une médaille. Plusieurs des tableaux exposés par M. guindrand ont été achetés par la liste civile.
LOGOGRIPHE. Au temps d’héroïque vaillance Je surmontais les trois couleurs, Et sur cinq pieds, des enfans de la France, Je guidais au combat les bataillon vainqueurs. Sans cœur chez le dindon c’est de moi que l’on tire, La plume, qu’au coup sûr, Viennet prend pour écrire.
AVIS A LA FABRIQUE. Le sieur david, mécanicien, place Croix-Paquet, à Lyon, seul inventeur breveté pour les nouvelles mécaniques, économiques simplifiées (par l’arbre central, principal et seul moteur), pour dévider, trancaner et faire les canettes ensemble ou séparément ; mécaniques dont les avantages sont au-dessus de toutes les autres, et pour lesquelles il a obtenu une médaille et l’approbation de la chambre de commerce ; prévient que ses confrères qu’il vient de faire condamner comme contrefacteurs, et d’autres à qui il est défendu d’en faire, cherchent à insinuer dans la fabrique de soierie, que les trois opérations ne peuvent s’y faire ensemble ; les fabricans sont priés de ne pas se rapporter aux on-dit, et de s’assurer de la vérité, en voyant fonctionner ces mécaniques qui sont répandues dans tous les quartiers de la ville, dans les faubourgs et même dans les communes environnantes. Les adresses leur seront données par le sieur david, qui fait des échanges, et revend à bon marché les vieilles mécaniques.
(54-3) M. ed. VIDAL vient d’établir des Salons de lecture ambulans, c’est-à-dire, des hommes qui parcourent les rues de Lyon et porteront à domicile les journaux de Paris ou de Lyon, que l’on désirera. Les journaux du jour coûteront deux sous, et ceux de la veille 1 sou. – On pourra s’abonner au prix de 3 fr. par trimestre, au cabinet littéraire, port St-Clair, n. 20. (58-1) PROCÈS des accusés d’avril devant la cour des pairs, publié de concert avec eux, par M. Pagnerre. PORTRAITS des principaux prévenus et défenseurs. FAIT préliminaires du procès, etc., 1 vol., in-8°. Voir les détails dans les précédens numéros de la Tribune prolétaire.
Notes
(LYON VU DE SAINT-JUST . [1.1] Lyon dormait...)
Référence ici au premier empereur romain Auguste (-63, -14) qui fit de Lugdunum le siège du pouvoir impérial pour les trois provinces gauloises et permit le premier développement d’envergure du réseau urbain, du théâtre et des voies d’eau de la cité. Référence ici à l’archevêque Thomas Becket (1117-1170). Pierre Valdo (1140-1206), riche marchand lyonnais, devint prédicateur, défenseur de l’idéal de pauvreté apostolique. Rapidement persécuté et pourchassé par l’Eglise, expulsé de Lyon, il fut à l’origine du mouvement vaudois, implanté notamment en Provence. Référence ici à Simon de Montfort (1165-1218) et à l’un de ses lieutenants Robert Mauvoisin lors des croisades et persécutions contre albigeois et vaudois François Mandelot (1529-1588), gouverneur de Lyon lors des massacres de la Saint-Barthélémy. L’Epingle, journal littéraire, déjà mentionné auparavant.
Notes
(BIBLIOGRAPHIE LYONNAISE. Ceux de nos lecteurs...)
A côté de nombreux titres déjà mentionnés auparavant, cette notice signale la Revue provinciale, dont les sept volumes furent publiés à Lyon en 1831-1832.
|
|
|
|
|
|