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11 janvier 1835 - Numéro 17
 

 





 
 
     

AMÉLIORATION INDUSTRIELLE.

4e article.

(Voir les numéros précédens)

[1.1]Nous avons émis notre opinion sur le genre de réforme que tout ami du travailleur doit désirer d’opérer dans l’intérêt de tous ceux qui composent la société industrielle et commerciale.

Les accusations que nous avons formulées contre l’état de désordre, qui préside actuellement à la production et à la distribution des richesses, peuvent, quoique incomplètes, donner une idée de ce que doit avoir de différent l’ordre nouveau, sous les auspices duquel doivent également prospérer les classes laborieuses et commerçantes.

Si on a bien compris le sens de ces accusations, on aura compris également que les institutions que nous avons besoin doivent aboutir à une transformation progressive complète et radicale dans les rapports qui existent entre les hommes, relativement au travail et au négoce.

Mais, dira-t-on, les moyens d’opérer cette transformation, où les trouverons-nous ? Vous ne voulez pas de moyens violens, et jusqu’à présent ce sont les seuls dont il ait été en notre pouvoir de faire usage. Il est vrai que toujours leur emploi n’a fait qu’aggraver notre situation : mais enfin, si nous n’en avons pas d’autres et que vous nous ôtiez encore ceux-là, comment ferons-nous donc pour nous faire écouter dans nos justes réclamations.

Oui, vous avez raison, il est temps de vous indiquer une marche nouvelle vers l’avenir. Il est temps de vous révéler des moyens véritablement praticables et efficaces, qui puissent vous redonner l’espoir que tant de tentatives infructueuses, parce qu’elles étaient rétrogrades, vous ont presque fait perdre. Il est temps de vous apprendre à vous servir d’une puissance qui existe en vous et que vous ignorez encore, ou, dont jusqu’à présent, vous n’avez pas su faire un usage social.

Travailleurs ! quelle est la fonction que vous remplissez dans le mécanisme social ? Le nom sous lequel nous avons coutume de vous désigner l’indique suffisamment : lorsqu’on vous considère sous l’aspect industriel, vous êtes des producteurs.

Mais n’êtes-vous que cela ? Ne participez-vous pas aussi d’une autre manière également essentielle, au mouvement commercial ? N’êtes-vous pas aussi des consommateurs ?

Toute limitée, toute restreinte que soit votre consommation [1.2]individuelle, la classe de laquelle vous faites partie comme travailleurs, ne forme-t-elle pas par la multitude innombrable dont elle est composée, le principal élément de la consommation ? Oui, n’est-ce pas.

Eh bien ! c’est dans cette qualité de consommateurs que réside cette puissance, dont je vous parlais tout à l’heure. Ne cherchez pas ailleurs d’autres moyens d’action ; car c’est là que se trouve votre unique force réformatrice. Comme consommateurs, vous possédez le levier qu’Archimède demandait pour soulever le monde. Il ne faut plus qu’apprendre à vous en servir.

Voyons un peu. Comme industriels ou producteurs, quelle est votre position vis-à-vis des négocians ou entrepreneurs de travaux, qui, dans l’échelle sociale, se trouvent placés immédiatement au-dessus de vous ? Il est déplorable que cela soit ainsi ; mais avouez qu’en général il y a bien de la morgue, bien de la hauteur, et quelquefois bien de l’impertinence dans la manière dont vous êtes traités par ces suzerains de nouvelle espèce, à qui vous êtes forcés, sinon en droit, du moins en fait, de rendre hommage et respect.

Mais, pour être juste, il faut tout dire. Il est vrai qu’à leur tour ils rendent hommage à ceux qui se trouvent un échelon plus haut. Leur hauteur superbe s’abaisse devant le commissionnaire, le négociant en gros, ou l’armateur qui tiennent le haut rang dans l’échelle commerciale, et qui cependant baissent eux-mêmes pavillon devant le simple boutiquier, marchand au détail, chargé en définitive de la distribution directe des produits.

Il faut donc conclure de cela que sous l’aspect industriel, vous trouvant placés tout-à-fait au bas de l’échelle, vous êtes sous le poids d’une dépendance fatale et presque absolue. Vous êtes obligés de subir la loi des différens intermédiaires qui se sont placés par le commerce, à une position plus favorable que la vôtre pour intercepter au passage une notable partie du fruit de vos travaux. Or, cette dépendance ne peut que dégénérer en véritable exploitation, parce que jusqu’à présent l’égoïsme tout seul a été la règle générale de conduite du commerce et de l’industrie. Ces observations nous indiquent donc, qu’en commençant par le côté de la production, il serait extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de réussir à nous soustraire à la dure exploitation de nos supérieurs industriels. De ce côté, l’oppression vient de trop loin et remonte trop haut pour que nous puissions l’atteindre avec les faibles moyens que nous avons actuellement à notre disposition. Ainsi, il ne faut pas penser à opérer cette réforme industrielle d’une manière directe, c’est-à-dire en essayant d’abord de fonder de vastes établissemens, destinés [2.1]à fournir des matériaux au travail, tels que de grandes maisons de fabrique, à l’instar de celles des négocians. Tout nous manquerait pour cela, moyens pécuniaires et connaissances pratiques, nous ne possédons pas à un degré suffisant ces deux élémens, ou si nous les possédons, il serait encore trop difficile de les rassembler.

Oui, travailleurs, nous vous le répétons, notre conviction est que le moment n’est pas encore arrivé pour établir des maisons centrales. Vous chercheriez en vain à supprimer ou à envahir la position de l’intermédiaire, dont le contact est froissant pour vous, vous n’y parviendriez pas, et y parviendriez-vous, il s’en rencontrerait d’autres, puis d’autres encore contre l’oppression desquels vos moyens s’annulleraient. Car chaque intermédiaire se trouve lui-même dans une position relativement analogue d’oppresseur et d’opprimé ; position qui se prolonge de degré en degré, d’anneau en anneau, jusqu’à l’extrémité de la chaîne, aux deux bouts de laquelle on vous trouve également, soit qu’on parle de votre qualité de producteur, soit de celle de consommateur. Voyons maintenant en vous prenant sous ce dernier aspect, celui de consommateur, si nous ne trouverons pas ce qui vous manquait sous l’aspect de travailleur, examinons un peu quelle est votre situation vis-à-vis du marchand détaillant, avec lequel vous vous trouvez en rapport direct.

Oh ! alors les choses changent de face relativement à vous, la dépendance sous laquelle vous vous êtes trouvés d’abord, a été fidèlement transmise à chaque anneau de la chaîne sans interruption, et à son tour le commerce vous rend hommage par le marchand en détail, son représentant le plus redouté, celui devant lequel sont venus s’abaisser tous les autres intermédiaires.

Et en effet, avez-vous remarqué combien il y a de prévenances et d’honnêtetés de la part du marchand, lorsqu’il vous arrive d’aller dans ses magasins y porter votre argent en échange de sa marchandise. Avouez qu’alors les rôles sont bien différens, à votre tour vous pouvez être sans gêne, capricieux, brusque même, tout cela impunément, ce n’est plus avec dédain que vous êtes regardés ; nulle impatience, nul procédé n’est à craindre du commerçant, avec lequel vous avez à traiter ; bien au contraire ; on fait usage envers vous de la politesse la plus exquise ; les plus gracieuses paroles vous sont adressées ! Et ces devantures dorées ou peintes avec tant de goût, ces enseignes symboliques, ces étalages si brillans, tout cela est pour captiver votre attention, pour vous plaire enfin. Heureux le marchand qui a su attirer vos regards et mériter vos faveurs, en se distinguant de ses rivaux par des manières plus aimables ou une bonhomie mieux jouée. L’affluence des consommateurs le dédommage bientôt de sa complaisance sans borne : le soir, lorsqu’il évalue le bénéfice de sa journée, il se console assez facilement de cette gêne obséquieuse, en trouvant chacune de ses courbettes et de ses protestations de dévoûment, transformée en beaux écus.

Eh bien ! qu’est-ce que cela vous indique, sinon que le commerce, sous la dépendance duquel vous vous êtes trouvés comme travailleurs, et dont vous avez subi la loi, quelque dure qu’elle fût, se trouve à son tour soumis à votre volonté et dépendant de votre autorité suprême. Oui, travailleurs, en votre qualité de consommateurs, vous avez le droit et le pouvoir de donner au commerce telle forme qu’il vous conviendra ; comme acheteurs, comme consommateurs, vous êtes tout ce qu’il y a au monde de plus libre, de plus indépendant. A vous donc de dicter la loi et de la faire respecter ; vous avez tout ce qu’il faut pour cela, et le commerçant, à son tour, se trouve dans une situation qui ne lui permet pas dans son intérêt, de se soustraire aux décisions que vous suggérera le besoin de faire sortir la société de son agonie convulsive ; car vous pourrez en récompenser l’exécution par une juste préférence accordée au marchand philanthrope, qui aura fait ce que vous avez le droit d’exiger de lui, selon toutes les règles de la libre concurrence, ou bien à votre gré, vous puniriez la violation de vos décrets, en le laissant seul dans sa boutique, au milieu de ses marchandises invendues.

Ainsi donc, au lieu de vous laisser prendre aux flatteries du marchand et au clinquant de son magasin, demandez-lui [2.2]des garanties véritables de sa bonne foi ; car c’est là l’essentiel.

Pour aujourd’hui, n’allez pas plus loin. Nous continuerons dans les articles suivans ; le développement de ces questions, qui, selon nous, sont de la dernière importance. Ensuite nous aviserons aux moyens de commencer la pratique de cette réforme commerciale, et en nous y prenant bien, nous pouvons parvenir, non-seulement à abolir successivement l’oppression commerciale, mais encore à obtenir qu’une partie du bénéfice que fait le marchand soit répartie annuellement au consommateur, ce qui sera autant d’améliorations positives et doublement avantageuses.

(La suite au prochain numéro.)

M. D.

DE LA SITUATION ACTUELLE.

2e article.

Et enfin, les hommes ne sauront-ils jamais distinguer la vérité du mensonge, et sortir de la route fatale où ils sont égarés !
Sont-ils donc privés de ce sens intellectuel, qui sait reconnaître la valeur d’une science sociale, comme ils savent reconnaître la valeur de l’or !
Mme Clarisse vigoureuxi1.

Nous avons dit : Jamais plus désolante anarchie commerciale, et cela est vrai pour ceux qui réfléchissent et mesurent les choses comme pour ceux que domine une mesquine et déplorable insouciance :

Et cela est vrai pour les riches comme pour les pauvres ;

La propriété languit !

Le commerce languit !

Le travail languit !…

D’où vient cela ?

C’est que les hommes et les classes sont solidaires, – et que tout est lié dans la nature humaine : – c’est que le mal est à la base et que la lèpre qui dévore les uns s’étend sur tous les autres ; – c’est qu’à côté du palais du riche, est le misérable réduit du pauvre ; – que la faim est souveraine chez l’un, – que la crainte règne chez l’autre.

C’est que les Scribes et les Pharisiens ont nié la puissance et le génie de Dieu, – qu’ils ont tenu étouffée la lumière sous le boisseau : – c’est qu’ils ont assis leurs codes sur la loi divine, et qu’ils refusent de comprendre la mission de l’homme sur la terre.

Et voilà pourquoi !

Le mal est à la base : – la base, c’est le travail ! et sans le travail point de prospérité, de bien-être et de sécurité pour les sociétés, pour les petits comme pour les grands.

Tout émane du travail, condition primordiale de la vie humaine ! et cependant, voyez l’étrange préoccupation de nos savans : au milieu de toutes les règles sociales, forgées en vingt siècles par leurs mesquines conceptions, ils ont à toutes choses, – le travail excepté, – donné une solution et,

La propriété languit ;

Le commerce languit

Le travail languit ;

et tous les intérêts sont en lutte et conduits réciproquement à trouver leur prospérité dans la ruine des autres !

N’est-il pas vrai, propriétaires, que lorsque vos maisons sont désertes, vos revenus fortement compromis, c’est parce que MM. de la finance, agioteurs ou commerçans, – comme on voudra, – ont dit : l’Amérique, l’Allemagne, l’Italie, etc., ne nous demandent rien, – nous n’avons point de commissions, – donc nous ne pouvons faire travailler !…

N’est-il pas vrai encore, que lorsque vos champs, vos vignes et vos vergers, vous donnent d’abondantes moissons, ce n’est pas vous que vos récoltes enrichissent ? – N’est-il pas vrai que vos productions vont s’entasser à vil prix dans les magasins des accapareurs de toute sorte pour y attendre, en dépit des besoins généraux, le moment où ils pourront les livrer en triplant, quadruplant leurs frais d’achat ? – Allez, rien n’égale le monstrueux et insatiable appétit de cette légion d’agioteurs qui va toujours grossissant et que d’aucuns appellent la prospérité des peuples ! Ils convoitent et absorbent presque tout entière la part du travail et de la propriété ; et la propriété et le travail, leurs très-humbles tributaires, s’agenouillent et disent merci !!!…

Une fois, – c’était au temps du Christ, – les marchands avaient envahi le temple du Seigneur ; et ce voyant, le fils de Dieu, animé d’une sainte fureur, les chassa à grands coups de verges de [3.1]la maison de son père, dont ils faisaient, dit l’Evangile, une caverne de voleurs ! – Et pourtant cette leçon a été sans profit pour les hommes, car les marchands sont revenus depuis, plus nombreux et plus forts, se sont enfin établis maîtres du temple et y ont assis le Veau d’or.

Non, rien n’échappe à la rapacité des agioteurs ; – ils nous rançonnent tous, propriétaires et producteurs, ouvriers et consommateurs : – et, comme il n’y a pas d’excès qui ne porte en soi son châtiment, et attendu qu’ils sont eux-mêmes consommateurs, ils sont aussi victimes de leurs scandaleuses et déplorables roueries ! l’agiotage mystifie les agioteurs !!!…

Et puis, voyez encore ; – les petites spéculations sur l’industrie et les choses habituelles de la vie ne suffisent plus à leur ambition effrénée ; – celui qui a cent mille francs, veut doubler son capital en un jour ; celui qui a cent mille écus, rêve six cents mille francs pour le lendemain. – Les maisons de jeu ! voilà le théâtre à la mode : – la morale les a flétries !… Ah ! qu’importe la morale aux agioteurs ; ils ont fait de ces maisons un superbe palais, dans lequel ils jouent chaque matin leur fortune et leur honneur. – Au front de l’édifice ils ont écrit : LA BOURSE ! et sur la porte de la caverne, est le thermomètre des destinées humaines, qui chaque jour hausse ou baisse à leur gré.

Et Voilà !

La finance a donc attelé à son char superbe cette humble canaille, où se trouvent pèle-mèle, propriétaires, ouvriers et producteurs ! c’est beaucoup déjà, – assez, pour que la paix et l’harmonie entre les hommes soit un problème au moins difficile, sinon impossible à résoudre, – assez, pour établir partout le règne de la pauvreté, de la misère, – et de l’esclavage le plus détestable de tous !… et pourtant, ce n’est point tout encore :

L’agiotage, – et c’est-là le seul nom qui convienne à ce qu’on nomme commerce, celui que nous lui donnerons désormais. – L’agiotage est plus puissant encore !

La fortune de Bonaparte, dit quelque part, le savant le plus remarquable de notre époque, M. fourier, fut brisée par les mains d’un agioteur de Paris ! qui, au moyen d’une famine factice, retarda de six semaines et fit échouer la campagne de Russie. – Aujourd’hui, le roi des rois, – le plus puissant de tous les puissans, – celui devant lequel tous se prosternent, voir même notre St-Père de Rome… – c’est un agioteur ! cet agioteur, c’est M. le baron de ROTSCHILD !!!

Déjà le petit nombre des penseurs qui, de par le monde, s’occupent sérieusement des affaires de l’humanité, a été frappé de la déplorable incohérence qui règne dans l’industrie, comme il est juste que ceux qui souffrent le plus soient les premiers à l’œuvre pour conjurer le mal et trouver le remède, nous avons dû, nous que la misère saisit au berceau et poursuit jusqu’au cercueil, être les premiers à la recherche et à l’emploi des moyens de vaincre les désastreux effets d’un ordre aussi opposé à la prospérité et à l’harmonie sociales. – Et le temps n’est pas éloigné, nous le croyons sincèrement, où grands et petits, écrasés sous la puissance envahissante du nec plus ultra de la civilisation, l’agiotage, se joindront pour le combattre.

L’agiotage sera vaincu par le travail ; car le travail est la loi de Dieu, la seule vraie puissance, et le 19me siècle ne s’achèvera pas sans avoir accompli le grand œuvre de la régénération sociale pacifique. – Courage donc, jeunes hommes qui avez foi en l’avenir ! L’heure approche, tenez-vous prêts à chanter le De profundis !

En vérité, c’est pitié que d’entendre dire et répéter partout : le travail ne va pas, – il n’y a rien à faire ! – Les agioteurs disent cela, il est vrai : – mais ne voit-on pas autour de soi la moitié des habitans de la belle France, vêtus de méchans haillons et manquant du plus absolu nécessaire ? – Est-ce donc que des fruits de notre sol, l’un des plus beaux du monde civilisé, on ne pourrait pas nourrir et vêtir la grande famille sociale. – Est-ce que cette grande famille ne devrait pas, avant tout, travailler pour satisfaire à ses propres besoins, puis échanger après son superflu contre tels produits de ses voisins dont l’usage lui est agréable ou nécessaire ?

Ou bien, serait-ce que la terre est impuissante à nourrir et abriter tous ses enfans ?

Oh ! non : Dieu qui fit l’homme à son image et le plaça sur la terre pour la gérer en souverain bienfaisant, n’a pas borné là la puissance de son génie ; il a dit : « Cherchez et vous trouverez, – frappez et l’on vous ouvrira ! »

Et le livre des destins s’est ouvert ! et parmi les hommes, beaucoup ont détourné les yeux et tenté de substituer leurs livres impies aux livres divins ! Mais quelques-uns ont lu, et maintenant il est trop tard pour mettre de nouveau la lumière sous le boisseau. – Donc, merci pour tes fruits amers, agiotage ! – Que la paix soit avec vous, agioteurs ; car voici venir le temps de la vérité, le règne de l’harmonie : et nul d’entre les hommes ne doit être exclu du grand banquet de fraternisation humaine.


i. Parole de Providence (prix 5 francs), en vente chez M. Babeuf, libraire, rue Saint-Dominique, et Mme Durval, place des Célestins.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du janvier.

présidence de m. ribout.

Sur dix-huit causes appelées, 3 ont été renvoyées, 5 ont [3.2]fait défaut, dont deux sur citation qui ont encouru jugement par défaut, et trois ont été retirées.

Lorsqu’un apprenti se présente chez son maître qui ne veut le recevoir, peut-il ne pas y rentrer ? – Non : il doit le faire constater par deux témoins.

Ainsi jugé entre Neyrieu et Jaricot.

Lorsqu’un maître qui travaille depuis très-long-temps pour une maison qui n’accorde pour les gros-noirs que le trentième, a-t-il droit de se faire rentrer tout le surplus de ses déchets ? – Non ; attendu qu’il était à sa connaissance que la maison ne donnait que le trentième. Cependant on a fait droit à sa demande à dater du 31 octobre dernier que ses déchets seront réglés à 4 ½, comme d’usage dans les gros-noirs.

Ainsi jugé entre Thevenet, négociant, et Poyard, chef d’atelier.

Une apprentie doit-elle faire le dimanche autre chose que ce qui est stipulé dans les engagemens. – Non. – Le maître a-t-il le droit, après l’avoir occupée à monter un métier, de le donner à un ouvrier, pour l’occuper elle-même à des ouvrages opposés à son état ? – Non. – La maîtresse est-elle en droit de lui refuser sa nourriture et même de la frapper, lorsque l’apprentie se refuse à faire autre chose que sa profession ? – Non.

Ainsi jugé entre Dlle Chirat, apprentie, et les mariés Chavanon, chefs d’atelier.

Un négociant qui occupe un maître sans livret, qui est débiteur à la caisse de prêt, est-il passible de la somme empruntée par le chef d’atelier ? – Oui. Et l’affaire renvoyée devant arbitre pour régler les livres.

Ainsi jugé entre Mrs Guillon et Delon, négocians, et P…, chef d’atelier.

Lorsqu’un chef d’atelier rend une pièce inférieure et qu’on lui propose un rabais, s’il est à sa connaissance que ce rabais est trop fort ou injuste, il ne doit pas l’accepter sans faire visiter sa pièce par un ou deux membres du conseil, lors même qu’on lui promettrait que si le commissionnaire n’en fait point éprouver, la pièce sera réglée d’après le premier prix convenu ; car, sans cette précaution, le chef d’atelier courrait le risque de supporter réellement le rabais auquel il n’avait consenti qu’accidentellement.

Observation de M. le président, dans l’affaire de Duchamp fils, et St-Olive, qui a été renvoyée au greffe pour visiter les livres, au sujet du rabais du commissionnaire.

de la réélection générale

DES MEMBRES DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES,

(Section des soieries).

La réélection générale des prud’hommes de la section de soieries, offre une importance que nous devons signaler, afin que les chefs d’atelier ne restent pas indifférens à l’appel qui leur est fait pour concourir à cette opération.

L’ordonnance qui prescrit cette réélection, n’est que la sanction de celle du 21 juin 1833, qui apporta une modification à celle du 15 janvier 1832.

Nous ne nous arrêterons pas sur l’organisation actuelle du conseil, ce serait répéter ce que l’Echo de la Fabrique a dit plusieurs fois avec vérité ; nous y renvoyons nos lecteurs.

Pour le moment, la question principale, c’est la réélection ; nous y attachons beaucoup d’importance, car c’est du choix que l’on fera des prud’hommes et du mandat qu’on leur donnera, que résulteront les avantages que doivent attendre les chefs d’atelier.

D’ici au moment où les élections se feront, il serait très-nécessaire que les chefs d’atelier s’entendissent pour arrêter leur choix et définir parfaitement les conditions du mandat. L’occasion qui se présente aujourd’hui, pourrait ne pas se représenter de long temps, il faut en profiter.

Le baptême d’une élection générale a toujours plus de puissance pour donner aux mandataires l’énergie que réclame l’exécution de leurs promesses envers leurs commettans. C’est donc avec plaisir que nous avons reçu, sans nous arrêter à son esprit, l’ordonnance de réélection ; car nous devons le dire, les représentans des ouvriers n’avaient plus entre eux cette homogénéité si nécessaire à [4.1]ceux qui sont chargés de défendre des intérêts communs, et la réélection générale fera disparaître cet abus.

Dès à présent que les chefs d’atelier portent donc un examen sévère, sur ceux de leurs confrères qu’ils jugeront dignes de recevoir leurs suffrages. Les diverses circonstances dans lesquelles nous nous sommes successivement trouvés, ont pu nous faire connaître les hommes vraiment justes et désintéressés, les suffrages ne doivent pas se fixer au hasard. Mais point de coterie ! Qu’un système étroit de convenance ne dirige en aucune manière l’opinion des électeurs ! Il faut que leurs suffrages se fixent sous l’impulsion seule de leur intime conviction. L’indépendance des votes donne un caractère solennel à l’élection et la solennité rend le mandat plus important et plus sacré.

AVIS AUX CHEFS D’ATELIERS.

D’après l’avis de M. le président du conseil des prud’hommes, nous prévenons les chefs d’ateliers, que la commission exécutive de la caisse de prêts, conformément à l’art. 1er des statuts de l’établissement, que nous transcrivons ci-après, prendra plus particulièrement en considération la demande d’emprunt des chefs d’ateliers qui n’ont point d’ouvrage.

« Art. 1er. La caisse de prêts est instituée pour venir au secours des chefs d’ateliers de la fabrique d’étoffes de soie de la ville de Lyon, qu’une suspension générale ou particulière de travail, ou toute autre cause privée ou publique, mettrait dans la nécessité momentanée de vendre à vil prix, tout ou en partie, des ustensiles de fabrication garnissant leur atelier. »

AVIS.

Madame Eugénie Niboyet, désireuse de répandre, à Lyon, une nouvelle méthode d’enseignement, ouvrira, le 15 courant, deux cours d’orthographe en 30 leçons.

Le premier de ces cours, spécialement consacré à la classe ouvrière, aura lieu tous les soirs, le dimanche excepté. On y sera gratuitement admis, pourvu qu’on se soit préalablement fait inscrire avant le jour de l’ouverture.

Le second cours, particulier aux dames, aura également lieu tous les jours. Le prix est de 50 fr. pour toute sa durée.

S’inscrire au bureau de la Mosaïque ; rue Royale, n° 14.

L’affaire de notre gérant qui devait avoir lieu le 7 a été renvoyée au mercredi 14 courant.

Les chefs d’atelier qui ont chez eux en dépôt des reçus d’abonnement signés du gérant, sont priés de les rendre aux premiers jours.

VARIÉTÉS.

DES MINES DE MERCURE.

Les principales sont en Hongrie, dans le Frioul, dans la partie Vénitienne de l’Italie et en Espagne.

L’emploi du mercure, comme médicament, est adopté sous plusieurs formes, il sert aussi dans la peinture et pour mettre les glaces au tain.

On descend dans les mines du Frioul par des puits qui ont quatre-vingt-dix brasses de profondeuri. Des machines y font mouvoir des pompes sans interruption, pour prévenir les inondations qui menacent sans cesse d’engloutir les mineurs.

Les malheureux qui exploitent ces mines sont des hommes condamnés pour crimes à ces pénibles travaux, ou des ouvriers que séduit l’appât d’un salaire considérable Au reste, ceux qui se trouvent renfermés dans ces sombres demeures, sont exposés aux plus cruelles maladies. Lorsque le Mercure s’est emparé de leur constitution, ils sont [4.2]d’abord affectés de tremblemens nerveux ; peu après, ils perdent leurs dents, ils éprouvent de vives douleurs dans les os, et bientôt la mort met un terme à leurs souffrances ! Comme c’est principalement des exhalaisons de mercure que proviennent ces maux, les mineurs ont la précaution de mettre dans leur bouche une pièce d’or qui absorbe ces exhalaisons et empêche qu’elles ne pénètrent dans la poitrine. Cependant, toutes les parties de leur corps sont quelquefois tellement imprégnées de ce métal, qu’il leur suffit de frotter un morceau de cuivre avec un seul de leurs doigts pour le rendre aussi blanc que l’argent.

Un voyageur raconte qu’étant allé visiter un jour la mine d’Idria, en Autriche, il fut placé dans une espèce de sceau, et descendu à plus de cent brasses de profondeur. Il se trouve alors au milieu de cavernes immenses, où des milliers de malheureux, qui ne doivent jamais revoir la lumière du soleil, sont condamnés à traîner une misérable vie. Je ne pus rien distinguer, dit le voyageur, pendant quelques momens, pas même la personne qui m’accompagnait pour me montrer ces scènes d’horreur ! Il n’y a rien de plus déplorable que le sort des mineurs ; la noirceur de leur visage ne sert qu’à cacher une pâleur affreuse causée par les exhalaisons mortelles qu’ils respirent. Ceux qui habitent cet effroyable séjour, sont en général des criminels condamnés à vie, et ils n’y vivent ordinairement pas plus de deux ans. L’ame se trouve fatiguée en réfléchissant à l’état horrible où ces malheureux sont réduits par leurs crimes, tandis que, s’ils eussent été vertueux, ils auraient encore pu jouir de la lumière des cieux, de la santé et de la liberté !…

(Connaissances utiles1.)


i. La brasse est de six pieds de longueur.

ANNONCES.

– Nouvelles mécaniques économiques pour dévider, trancaner et faire les canettes, approuvées par la chambre de commerce et par la société d’encouragement qui a décerné une médaille à l’inventeur, lequel les a encore perfectionnées et simplifiées. La grandeur d’une de ces machines, pour les trois opérations faites ensemble ou séparément à volonté, est la même que celle pour le dévidage seul sur une mécanique ordinaire où l’on dévide sur 12 guindres ; il s’y fait 12 canettes à plusieurs bouts avec arrêts ; quand un des bouts casse, il y a économie de temps, d’emplacement et d’argent. Sur les simples canettières de trois pieds de diamètre, il s’y fait 20 canettes à la fois à plusieurs bouts avec arrêts sur un seul rang. Ces machines se construisent de différentes grandeurs.
Le système mécanique est très-simple et remplace avantageusement dans les mécaniques à dévider de forme ronde, l’ancien système très-compliqué. Cette simplicité est due à l’emploi et au placement de plusieurs pièces et procédés mécaniques, notamment un arbre avec lanterne et poulie, placé directement au centre dans une position verticale, et qui par sa rotation donne le mouvement au reste du mécanisme duquel il est le principal et le premier moteur. Dans ces machines simplifiées, qui pour cette raison ont facilité la jonction du canettage au dévidage. C’est pour avoir contrefait cet arbre que les sieurs Jaud, Belley, Delaigue et Bailly, ont été condamnés avec dommages intérêts et défense de récidive.
Le sieur David qui est l’inventeur breveté, voulant faire jouir la fabrique du fruit de son invention, a mis ses mécaniques à un prix très-modique. Les nombreuses ventes qu’il opère chaque jour avec sécurité pour les acheteurs, ce qui ne peut pas être de la part des contrefacteurs susnommés, lui garantissent que ses mécaniques sont appréciées. Il fait des échanges, revend les vieilles mécaniques.
S’adresser, place Croix-Paquet, ou dans ses ateliers, rue du Commerce, à Lyon.

– On désirerait trouver un appartement pour cinq à six métiers, une chambre, une cuisine et un jardin attenant, soit dans les quartiers des Chartreux ou des clos Casati et Bodin, ou à St-Clair et même à la Croix-Rousse.
S’adresser au bureau du Journal.

– On voudrait trouver une mécanique à dévider, de 12, 14 ou 16 guindres, à un rang et à marche.
S’adresser au bureau ou à M. Bouin, rue des Fossés, n° 5, au 3me, à la Croix-Rousse.

Notes (DE LA SITUATION ACTUELLE. 2 e   article . Et...)
1 Publié chez Bossange en 1834 par Clarisse Vigoureux (1789-1865), Parole de Providence était la réponse d’une fouriériste aux Paroles d’un croyant de Lamennais dont les accents pessimistes et belliqueux venaient selon elle déprimer les espoirs d’harmonie universelle.

Notes (VARIÉTÉS.)
1 Il s’agit très probablement ici du Journal des connaissances utiles.

 

 

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