abus dans les renvois en conciliation.1
L’ouvrier doit savoir que les fabricans ne se croient pas plus au-dessus de lui qu’ils ne se croient eux-mêmes au-dessous du commissionnaire qui leur achète leur étoffe et leur fait ainsi gagner leur vie.
M. Gamot, prud’homme. Lettre au rédacteur de l’Echo de la Fabrique, n° 37.
Tout ce qui tient à l’égalité sociale, tout ce qui peut servir à rompre la ligne de démarcation, que d’injustes préjugés ont formée entre les diverses classes de citoyens, tout cela est la propriété de l’Echo. C’est à ce titre que je me suis emparé des mémorables paroles de M. Gamot et que je m’en sers pour épigraphe au présent article.
Je relis ces paroles : Il est donc bien entendu que l’ouvrier est égal au fabricant comme ce dernier est égal au commissionnaire, à bien plus forte raison le chef d’atelier prud’homme doit-il être l’égal du chef d’atelier fabricant. Personne ne le nie, s’écrie-t-on ; eh bien ! qu’importe que le principe soit admis, si tous les jours il est violé dans son application ; je vais l’établir : Le conseil des prud’hommes, avant de juger, renvoie habituellement les parties devant deux ou quatre de ses membres à l’effet de s’expliquer et d’opérer une conciliation toujours désirable ; de cette manière d’agir, qui paraît si simple au premier coup-d’œil, de graves abus ont surgi.
Le demandeur, et c’est ordinairement un chef d’atelier, est obligé d’aller chez le prud’homme fabricant [4.2]prendre son jour et son heure, d’aller en instruire le prud’homme chef d’atelier, et de se rendre enfin lui-même au jour indiqué chez le prud’homme fabricant. Heureux pour lui s’il n’y a que deux prud’hommes de nommés, car s’ils sont quatre la corvée est doublée.
Un autre inconvénient est celui-ci. Un usage abusif paraît s’introduire, mais nous nous hâtons de protester contre avant qu’il ait pris racine ; cet usage veut que le prud’homme chef d’atelier se rende chez le fabricant, lors même que ce dernier est plus jeune que lui. D’où vient cette primauté entre deux magistrats égaux en pouvoiri.
Je propose donc, organe en cela d’une immense majorité d’ouvriers : 1° que le conseil fixe par son jugement de renvoi le jour et l’heure où la réunion des parties doit avoir lieu ; 2° que cette réunion ait lieu dans la salle même du conseil, ou bien que les prud’hommes rapporteurs se réunissent chez celui d’entr’eux qui sera le plus âgé sans distinction de la profession.
La liberté de la discussion, le principe sacré de l’égalité y gagneront tous deux.
Prud’hommes chefs d’atelier, vous pouvez, si bon vous semble, comme simples particuliers, faire abnégation de tout sentiment orgueilleux, parce qu’au besoin vous sauriez bien vous faire respecter, mais comme magistrats, comme mandataires de la classe ouvrière, vous ne pouvez abandonner vos droits les plus minimes ; vos commettans. vous regardent, ils ont foi en vous, vous ne trahirez pas leur confiance.
Marius Ch......g.