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3 juin 1832 - Numéro 32 |
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LYON.
[1.1]Discours prononcé à S. A. R. M. le duc d’Orléans par le Président du Conseil des Prud’hommes. « Monseigneur, Les membres composant le conseil des prud’hommes, fabricans et chefs d’ateliers, ne sont pas les moins empressés à vous présenter leurs hommages respectueux. Ils ont à vous témoigner leur reconnaissance de l’intérêt particulier que vous avez montré pour cette institution, si nécessaire au maintien de l’ordre et de la discipline de nos fabriques. A peine la nouvelle organisation que vous-même aviez pris le soin de combiner est-elle en activité, que déjà nous reconnaissons la sagesse de vos prévisions. Nous continuerons l’œuvre de nos prédécesseurs ; mais notre institution étant devenue plus forte, nous devons, pour les égaler, faire plus qu’eux. Il nous sera permis de faire connaître au gouvernement les améliorations que réclame notre fabrique, soit dans la répartition des impôts de localité, soit dans les rapports du commerce en général. Pour donner à l’industrie, qui porte si loin la réputation de notre cité, tout l’essor de son puissant génie, pour qu’elle puisse lutter avantageusement avec les rivalités étrangères, il faut que l’ouvrier laborieux et intelligent puisse vivre et travailler à bon marché ; il faut que le fabricant, produisant beaucoup pour gagner peu, soit encouragé dans ses entreprises par l’appât que lui offrent tous les marchés de l’univers. Tels sont nos premiers besoins, Monseigneur ; nous vous les exposons comme à notre protecteur-né ; puisse le gouvernement de votre auguste père en sentir l’importance, et nous osons vous demander, Monseigneur, d’être notre interprète auprès de lui. Prince, est-il besoin de vous dire que si des circonstances difficiles apportaient quelques désordres dans la [1.2]classe ouvrière, notre influence toute pacifique ne s’emploiera jamais qu’au maintien de l’ordre ; convaincus que nous sommes, que si l’ordre et la paix ne suffisent pas toujours pour faire fleurir le commerce, ils sont les moyens les plus sûrs de rendre plus prompt et plus profitable le retour de la prospérité. » Le Prince a répondu : « Qu’il agréait les sentimens que lui exprimait le conseil des prud’hommes, qu’il voyait avec plaisir que l’harmonie était heureusement rétablie entre les habitans d’une cité qui, dans des classes différentes, s’occupaient de la même industrie ; qu’il appuyerait avec empressement toute demande faite d’une manière légale au gouvernement par l’industrie lyonnaise, et qu’il seconderait les améliorations qui lui sembleraient nécessaires. »
Discours de M. le Président de la Chambre de Commerce. « Monseigneur, La crainte d’être indiscrète a privé hier la chambre de commerce de l’honneur de vous présenter son respectueux hommage. Pénétrée de l’attention bienveillante avec laquelle V. A. R. avait daigné l’entendre pendant son dernier séjour, elle éprouvait le besoin de lui exprimer combien est profond le souvenir qu’elle en conserve. Depuis cette époque, la situation de notre principale industrie, et celle du commerce en général, s’étaient améliorées d’une manière sensible ; et si l’invasion du terrible fléau qui afflige encore la France a arrêté cet heureux essor, nous aimons à espérer que sa cessation sera le signal d’une nouvelle activité. Nous en trouvons une garantie non moins sûre dans le maintien de l’ordre et de la paix, objet constant des [2.1]soins du gouvernement du Roi, et nous prions V. A. R. d’en manifester à S. M. toute notre reconnaissance. » Dans la réponse du duc d’Orléans à la chambre de commerce, nos lecteurs remarqueront sans doute avec plaisir l’à-propos et la convenance des phrases suivantes : Ainsi que vous, Messieurs, je déplore la cause qui arrête l’activité renaissante de vos fabriques, et j’espère que bientôt la cessation de ce fléau qui a déjà coûté tant de larmes à l’humanité, sera le signal d’une nouvelle activité. La consolidation de l’ordre intérieur et de la paix extérieure, et notre alliance toujours plus intime avec l’Angleterre, promettent à vos relations commerciales un nouveau développement. »
Nous pensons, comme Mgr le duc d’Orléans, que l’alliance politique de la France et de l’Angleterre est assurée ; mais pour qu’elle soit durable, il lui faut d’autres bases que la sympathie et la conformité des principes ; car rien n’est plus variable. L’alliance intime, basée sur les intérêts matériels de commerce et d’industrie, d’échange enfin, voilà la véritable alliance, celle qui, lorsqu’elle sera cimentée par d’innombrables relations de peuple à peuple, de ville à ville, d’individu à individu, rendra toutes les guerres impossibles et assurera l’association intime des deux grandes nations. Pour arriver à cette alliance, il faut changer de route, il faut quitter la voie pourrie du système continental où nous croupissons encore, il faut entrer dans la large voie de la liberté et de la réciprocité ; il faut arriver à comprendre que pour beaucoup vendre il faut beaucoup acheter. Tant que nous ne donnerons pas à l’Angleterre les moyens d’échanger ses produits contre les nôtres, c’est-à-dire de payer ce qu’elle achètera chez nous, nos relations resteront insignifiantes. Nos ports sans mouvement, nos forges, nos filatures, nos terres, nos manufactures donnant, malgré la protection par la prohibition, plutôt perte que bénifice, attestent que nous faisons fausse route. Mais comment en changer, ceux qui tiennent le gouvernail et la boussole, ainsi que les hommes qui manœuvrent le vaisseau avec eux, ont tous des intérêts directs ou indirects au maintien des prohibitions et des monopoles ! Espérons que le duc d’Orléans, qui est jeune, généreux, sans préjugés, saura user de son influence pour faire enfin triompher l’intérêt général des avides et rétrogrades efforts de l’intérêt particulier, qui, sous prétexte d’appuyer le gouvernement, finirait par l’étouffer ou le déconsidérer.
Nous ne rechercherons pas, avec le savant Courrier de Lyon, l’âge, le pays, les titres de Charles Berna, et s’il a ou non été l’un des premiers actionnaires de ce spirituel journal : nos lecteurs se soucient peu de ces choses ; mais ce que nous leur dirons, c’est le bien que Charles Berna faisait sans bruit, sans ostentation, sans arrière-pensée ; ce bien si rare, si doux, que le pauvre apprécie tant ! Dans les temps mauvais où la liberté se couvrait d’un crêpe, et où ses partisans les plus fanfarons serraient leur bourse et se tenaient à l’écart, Charles Berna soutint seul, tout seul, l’école-modèle d’enseignement mutuel ; il comprenait [2.2]que ce germe se développerait un jour et serait utile au peuple, aux pauvres, aux ouvriers, qu’il aimait comme ses enfans ; il voyait juste et eut bientôt le bonheur de voir ses sacrifices (on les porte à 60,000 francs) couronnés d’un brillant succès ; dix écoles d’enseignement mutuel qui, avant la fin de l’année, seront sans doute entièrement gratuites, sont les résultats actuels de sa noble et généreuse persévérance. Mais Charles Berna n’était pas seulement un philantrope, il était un négociant, un industriel distingué, un de ces hommes rares qui voient loin et juste, et qui, lorsqu’ils ont conçu une grande idée, la soutiennent, la développent et la mènent à fin coûte qui coûte ; c’est ainsi qu’il a enrichi la fabrique de Lyon des articles Thibet et châlis, qui sont encore loin d’avoir acquis le développement et l’extension dont ils sont susceptibles. Sa Sauvagère est encore une preuve de sa persévérance éclairée. C’est là qu’il faut aller entendre l’éloge de Charles Berna. Pendant les journées d’agonie qui précédèrent sa fin, tout était sombre et morne dans sa grande famille d’ouvriers ; mais lorsque sa mort fut connue, il s’éleva comme un concert de larmes et de sanglots ! C’était triste et beau en même temps de voir ces hommes, ces femmes qui s’embrassaient en pleurant, et qui, pour soulager leur douleur, se disaient les traits de bonté, de générosité de Charles Berna. Oh ! que les hommes légers qui accusent le pauvre d’ingratitude et d’insensibilité, comparent sa douleur, sa tenue au convoi funèbre de Charles Berna, à la tenue des amis, des pairs, du riche le plus estimé, et qu’ils jugent !… Tous, riches et pauvres, doivent comprendre que l’homme que l’ouvrier pleure n’est pas un homme ordinaire. Charles Berna laisse un vide difficile à remplir, car il était un homme, et les hommes sont rares même à Lyon.
convoi funèbre de m. berna.1 Les feuilles publiques rendent souvent compte des funérailles pompeuses des grands de l’état, et dernièrement les journaux de la capitale remplirent, pendant plusieurs jours, leurs colonnes des détails minutieux de celles d’un ministre. Là, tout n’était que faste ; on apprenait aux départemens le nombre des maréchaux, des généraux, des ambassadeurs, des pairs et des députés qui y assistaient. L’armée ouvrait la marche et les corps constitués la fermaient. Tout ce que Paris a de salarié était obligé de s’y montrer. Pour le peuple, on ne le voit pas souvent se mêler à ces représentations fastueuses ; il regarde passer ces hommes, couverts d’or et de rubans, avec cette curiosité qui l’attire au théâtre, pour y voir quelques illusions féeries. Ce n’est pas de même dans la marche du convoi que nous allons reproduire dans toute sa simplicité ; ici c’était le peuple, rien que le peuple ; et, certes, si ceux qui suivaient le cercueil n’avaient ni titres ni fortune, au moins leurs cœurs étaient réellement pénétrés d’une douleur vraie. C’est à nous, c’est au journal des prolétaires à faire connaître la marche du convoi funèbre du philantrope M. Berna. C’est à nous, qui sentons toute la perte que font les ouvriers, nos frères, dans cet excellent citoyen, à suivre pas à pas le cercueil de l’homme dont les vues profondes ne tendaient qu’au bonheur des industriels. Notre cœur s’est ému, nos larmes ont coulé ; mais une douce consolation est venue et nous a montré qu’après sa mort l’homme de bien avait trouvé la récompense d’une si belle vie. [3.1]Le convoi funèbre a traversé lentement notre ville au milieu d’une foule émue. Un piquet d’infanterie le précédait, et le roulement lugubre du tambour donnait, même aux passans, cette teinte de mélancolie qu’on ressent lorsque la patrie vient de perdre l’un de ses meilleurs citoyens. Les plus notables commerçans accompagnaient leur digne collègue vers sa dernière demeure ; et derrière eux… ici le cœur se brisait ! près de mille ouvriers suivaient, la tête baissée et le crêpe au bras, celui qui long-temps leur avait assuré leur existence ; celui qu’ils regardaient comme leur père, comme leur bienfaiteur ! Un silence religieux régnait parmi eux, tous étaient pénétrés de la perte immense qu’ils venaient de faire. La marche du convoi était fermée par les élèves des écoles lancastriennes, ayant à leur tête leurs professeurs ; ces enfans accompagnaient au champ du repos celui qui, par ses libéralités, leur faisait donner cette instruction si nécessaire à l’homme ; car M. Berna avait long-temps soutenu lui seul ces écoles, et peut-être que sans sa persévérance notre ville en serait privée. Tel était le convoi simple, mais imposant, de M. Berna ; nous n’allons pas citer ce qu’on a pu dire sur sa tombe ; ce sont des paroles de convenance oubliées aussitôt que la terre a couvert la dépouille mortelle de l’homme de qui l’on retrace la vie. Mais ce qui ne s’oublie jamais, c’est cette émotion profonde dont étaient pénétrés ces ouvriers, ces industriels qui portaient le deuil de leur généreux bienfaiteur. Selon nous, les convois des ministres, la pompe funèbre des grands n’ont rien de comparable à la simplicité touchante du convoi de M. Berna . Que l’ombre de cet homme de bien repose en paix ! Peu de citoyens obtiendront, comme lui, après leur mort autant de justes regrets. A. V.
du cercle que peut parcourir une feuille industrielle, d’après la loi sur la liberté de la presse et le cautionnement.1 Notre feuille n’est nullement dirigée dans un but politique, et nous avouons avec franchise que le cautionnement ne serait que de 100 fr. que nous ne le déposerions pas ; nous souciant trop peu d’entrer dans de vaines théories, et dans des disputes qui n’ont aucun résultat pour le bonheur des masses. Seulement, si nous y étions forcés par des persécutions injustes ou par des menaces plus injustes encore, alors nous satisferions le fisc, quelle que soit son exigence, et nous parlerions politique, non pas cette politique pleine de mysticisme du Courrier de Lyon, mais bien celle enfin à la portée des masses. Nous pensons que l’autorité judiciaire, dans sa sagesse, nous laissera poursuivre notre carrière, qui n’est et ne sera jamais que de progrès, d’amélioration, d’ordre et de paix ; et, que d’une feuille consacrée aux intérêts industriels on ne cherchera pas, par de petites tracasseries, à en faire une arêne où se débattraient les intérêts des gouvernans et des gouvernés. Cependant nous croyons devoir dire toute notre pensée à cet égard, et faire connaître ce qui, selon nous, est de la politique pour un journal, et ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire, ce qui ne tend qu’à la défense et au développement des intérêts matériels des travailleurs. Selon nous c’est parler politique que d’attaquer les actes de la haute administration, quand ces actes n’ont aucun rapport avec l’industrie. C’est parler politique, quand on attaque les relations extérieures, quand elles n’ont point trait au commerce. C’est parler politique, lorsqu’on attaque les chambres législatives dans leurs rapports avec le gouvernement. C’est parler politique, lorsqu’on [3.2]met en tableau les listes civiles ; c’est parler politique enfin, que de critiquer ou applaudir les attentats des factions, les haines des partis et les hommes à bouleversement. Mais certes ce n’est pas là notre but ; il est plus beau, plus noble, puisqu’il ne tend qu’à conserver, harmoniser et rendre aux hommes cette sympathie qui n’aurait jamais dû s’éteindre de leurs cœurs. Mais est-ce faire de la politique, nous le demandons aux hommes justes, que de dire que la chute de lord Grey pouvait entraîner l’Angleterre dans une route de calamités ; que ces calamités allaient peser sur le peuple, c’est-à-dire sur les travailleurs ; que ces calamités, enfin, pouvaient passer le détroit et accabler les travailleurs français ? est-ce faire de la politique que de dire à nos frères d’ Angleterre de serrer leurs rangs, comme nous avons fait en juillet 1830, de former des associations, d’opposer légalement la justice et la force à cette force immorale qui voulait les assujettir ? est-ce faire de la politique que de leur dire que leur avenir est le nôtre, que le sort des travailleurs en général était entre leurs mains, et que de leur contenance dépendait le sort des classes industrielles ? car ici, il ne s’agissait pas seulement d’une réforme politique, mais bien d’arrêter l’émancipation industrielle et intellectuelle des travailleurs. Est-ce faire de la politique, quand, après la victoire d’un peuple, victoire légale et qui n’a pas coûté une goutte de sang, nous nous sommes écriés dans notre sainte admiration : Bravo ! Bravo ! nos frères d’Angleterre ? est-ce faire de la politique, enfin, lorsque nous avons dit à ce peuple sublime, que son dernier acte était le complément de la révolution de juillet, qu’il nous avait applaudi et que nous étions pour lui dans l’admiration ? Selon nous, tout ce que nous avons dit ne se rattache qu’aux intérêts industriels ; car nous croyons savoir distinguer dans les gouvernemens, quels partis et quelles couleurs sont favorables ou non à l’industrie et au progrès. Nous, faire de la politique !… Dieu nous en préserve ! notre carrière est assez vaste, et le champ que nous avons à parcourir est parsemé d’assez d’épines sans chercher à nous enfoncer dans le fatras des protocoles. Assez de feuilles, sans la nôtre, en font de la politique, et certes de la bien médiocre. Nous poursuivrons donc notre route tout industrielle sans aucune crainte. Il n’entre pas dans notre pensée qu’on veuille y opposer des entraves ; mais s’il en était ainsi, nous declarons que nous sommes décidés d’opposer le courage et la persévérance à toute persécution. A. V.
Une dévideuse1, nommée Sylve, se présenta dans notre bureau, il y a quelque temps, pour nous faire régler son livre de magasin. Elle prétendait que, chez MM. Rivière et Ce pour qui elle travaillait, on lui avait porté à son compte d’argent une somme qu’elle n’avait pas reçue, afin de lui faire perdre 280 fr. Nous examinâmes attentivement le livre, et peut-être notre conviction était-elle en faveur de la réclamante ; mais cette affaire étant très-sérieuse, nous jugeâmes convenable de garder le silence, puisque ce n’était qu’une prévention. Le conseil des prud’hommes, devant qui l’affaire avait été portée, garda la même réserve, se déclara incompétent, après avoir toutefois examiné minutieusement les livres, et renvoya la cause devant qui de droit, c’est à dire devant le procureur du Roi. Cette affaire n’a pas eu de suite. Nous reçûmes, mercredi 30 mai, une déclaration écrite et signée où l’on s’engage de prouver, pardevant qui de droit, que l’affaire s’est terminée par le ministère d’arbitres, et que la Dlle Sylve a reçu la somme de 280 fr. qu’elle réclamait. [4.1]Ainsi donc la somme était due ! ainsi il y avait eu mauvaise foi de la part de l’employé ! pour ne pas nous servir d’une autre expression. Nous sommes loin d’accuser la maison de commerce de MM. Rivière et Ce d’un pareil méfait. Mais nous ne saurions trop engager MM. les chefs de commerce à surveiller les jeunes gens qu’ils emploient. Un mauvais employé peut perdre la réputation d’un bon fabricant, et la justice peut ne pas être toujours indulgente. Nous ne saurions terminer sans faire une réflexion pénible. Si un ouvrier avait la faiblesse de soustraire une partie de soie à un fabricant de la valeur de 280 fr., il serait arrêté sous les vingt-quatre heures et mis à la disposition des tribunaux. Nous ne demandons point de punition, mais qu’au moins ceci donne une leçon sévère à ceux qui peuvent ainsi abuser de leur position.
Nous lisons dans le Courrier de Lyon, du 27 mai, le passage suivant : « Le discours de M. le préfet, à l’installation du conseil des prud’hommes, contient des vues sages et des propositions saines auxquelles nous nous empressons d’applaudir. Toutefois nous regrettons de dire qu’il y a un point que nous ne pouvons approuver, et à l’égard duquel nous sommes obligés de faire des réserves, que nous justifierons plus tard, quand l’occasion s’en présentera. » Nous ne sommes pas étonnés de voir cette feuille attaquer par des demi-mots, par des insinuations, le discours de M. le préfet. Ce digne magistrat a parlé d’égalité, d’oubli de rang ; il a parlé de cette fusion qui devrait avoir lieu entre le pauvre et le riche, fusion qui amènerait la prospérité dans nos manufactures. Un discours ainsi écrit a dû déplaire au journal qui s’efforce, par tous les moyens, de porter la désunion entre les travailleurs et les hommes faisant travailler, en les séparant en deux camps, en montrant enfin le pauvre envieux de la position du riche, et prêt à tout entreprendre pour satisfaire cette envie. Mais ce n’est pas encore ce qui déplaît le plus au Courrier de Lyon, dans le discours du premier magistrat du département ; nos lecteurs savent tout ce qu’a dit cette feuille d’une jurisprudence et d’une mercuriale, M. le préfet engage MM. les prud’hommes à faire légalement l’une et l’autre, et le Courrier n’en veut pas ; voilà le mot de l’énigme ; voilà la cause des demi-mots, des petites insinuations et des réserves. Pauvres gens ! toujours de petites passions ! et tout cela pour vos petits intérêts… Le discours de M. le préfet a déjà porté son fruit. Les travailleurs reprennent cette confiance que donnent toujours les paroles sages des magistrats ; et M. le préfet se consolera facilement des réserves de quelques cœurs froids, de quelques égoïstes, en pensant qu’une immense population a applaudi à ses paroles pleines de sagesse, d’espérance et de vues conciliatrices.
école lamartinière. On s’occupe en ce moment de la réorganisation de l’école Lamartinière. Nous avons lu le dernier rapport fait à l’Académie par MM. Grand-Perret, Elisée Devillas et Tabareau. Nous avons comparé ce rapport avec la lettre du testament du major-général Martin ; peut-être, en n’admettant plus l’enseignement-pratique, s’écarte-t-on des vues généreuses du testateur. Cependant nous sommes loin de vouloir qu’on n’apprenne aux élèves que l’art de tisser les étoffes, de se servir du marteau ou du [4.2]rabot, car nous croyons qu’on doit, dans cette institution, mettre le fils du pauvre à même de s’élever dans le monde, s’il est né avec des dispositions naturelles pour les arts et les sciences de haute profession. Mais nous croyons aussi qu’on ne doit rien précipiter, car le legs du général Martin est le trésor du pauvre, On doit nous donner des documens à ce sujet, et nous y reviendrons dans l’un de nos prochains Nos.
Les Singes économistes2, ou qu’est-ce que la liberté du commerce, brochure extraite de la Revue de Vestminster3, et traduite en français par Benjamin Laroche. Sous ce titre bizarre, la nécessité de la liberté du commerce entre la France et l’Angleterre, est établie d’une manière victorieuse. Persuadé que c’est d’en-bas, et non d’en-haut que doit venir l’impulsion, persuadé qu’un peuple n’est lésé dans ses droits qu’autant qu’il le veut bien, l’auteur dit avec raison que c’est le peuple qu’il faut d’abord éclairer. Pour parvenir à ce but, il emploie l’allégorie d’une troupe de singes dont chacun mange au râtelier de son voisin, ce qui produit une dilapidation complète dont en définitif la masse du peuple singe souffre, sauf un bien petit nombre. Notre économiste pose un principe vrai, et qui doit servir de préambule à la charte prochaine de l’industrie, comme la déclaration des droits de l’homme et du citoyen a servi de prolégomène à la constitution de 1791, et servira de même à toute constitution vraie. Ce principe est ainsi conçu : « La richesse et la prospérité nationale consistent dans l’élévation des profits et des salaires de chacun. Donnez donc au plus grand nombre possible des salaires et des profits élevés. » Ce n’est en effet que de cette manière que la classe prolétaire pourra devenir l’égale de celle qui lui est actuellement supérieure, et que l’égalité sociale fondée sur un bien-être commun, pourra ennoblir notre organisation sociale, en s’introduisant dans nos mœurs. Ce n’est que de cette manière que la plaie hideuse et immorale de la pauvreté disparaîtra, et avec elle les vices de toute sorte, qui lui servent trop souvent de cortège. Alors le riche pourra jouir en paix et sans remords ; le nom de prolétaire ne sera plus un épouvantail, et dès l’instant que tout homme trouvera dans son travail l’aisance à laquelle il a droit, il n’y aura plus de perturbation dans les cités ni dans les états. Le système de la liberté du commerce, unanimement admis, contribuera puissamment à ce résultat désiré, mais l’auteur, à mon avis, aurait dû prendre son sujet de plus haut, et voici comment je l’envisage. La liberté du commerce est corrélative à celle des hommes eux-mêmes. Si on ne traite cette question que sous le rapport des convenances nationales, elle présente des difficultés peut-être insolubles ; mais si on l’envisage sous le rapport de la liberté humaine, elle n’en présente plus. Supposez tous les hommes frères comme ils devraient l’être, que l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, la France et les autres contrées de l’Europe ne soient que de vastes provinces de ce continent, et que l’Europe, à son tour, ne soit elle-même qu’une province du monde, ainsi que l’Alsace, le Dauphiné, la Normandie sont des provinces françaises, et alors croulera l’échafaudage des lois prohibitives. L’alien bill et toutes les lois restrictives de la liberté ne seront plus. L’homme civilisé voyagera d’un pôle à l’autre plus commodément que le sauvage, mais [5.1]avec autant de liberté. On sera Anglais ou Français de la même manière qu’on est Breton ou Lyonnais. Ce temps approche ! Béranger en a donné le conseil dans une de ses odes inimitables, et M. Cormenin l’entrevoit dans un avenir peu éloigné. L’Europe est en travail d’une civilisation nouvelle, s’écrie ce digne mandataire du peuple français dans sa lettre sur la session de 1831, dont la publication est due à la société : Aide-toi, le ciel t’aidera, et l’avenir nous appartient. »4 Marius Ch......g
AU RÉDACTEUR.
Lyon, le 28 mai 1832. Monsieur, J’avais cru, jusqu’à ce jour, que la police avait été instituée pour protéger les citoyens, qu’un commissaire de police devait être toujours à son poste pour recevoir leur plainte et diriger ensuite la répression pour laquelle il est institué ; il paraît que dans la commune de Vaise il n’en est rien. Hier, dans la soirée, une dispute qui pouvait avoir des suites graves, venait de s’élever chez un débitant de tabac, à la Demi-Lune. Pour prévenir une rixe imminente et faire, dans tous les cas, constater le délit reproché au débitant lui-même, au préjudice de M. Courbier fils, je me rendis en toute hâte, accompagné de M. Courbier père, propriétaire, demeurant rue Lanterne, au bureau de police de Vaise ; il était dix heures, et je crois qu’à cette heure un commissaire de police devrait être à son bureau ou au moins y laisser quelqu’un pour le représenter. Heureusement la querelle n’a pas eu les suites que je craignais ; mais il résulte, de ce fait, que les citoyens ne peuvent compter sur aucun secours de la part du commissaire de police de Vaise. Ce fonctionnaire, si prompt à arrêter, tantôt un numéro de la Glaneuse, tantôt un prolétaire, sur la simple dénonciation de l’homme riche, et à se rendre coupable d’arbitraire et d’attentat à la liberté individuelle, ainsi que je l’ai vu dans votre N° du 6 courant, ce qui n’a pas été démenti, et demeure par conséquent prouvé ; ce fonctionnaire, dis-je, devrait bien mettre plus de zèle à l’exercice naturel de ses fonctions. Puissent ces réflexions rendre les fonctionnaires publics plus exacts à l’accomplissement de leurs devoirs. Il faut qu’ils se rappellent que, payés par et pour le peuple, ils doivent être à chaque instant du jour et de la nuit au service du plus obscur citoyen. Je puis prouver, au besoin, ce que j’ai avancé ; il ne me reste donc qu’à vous prier de vouloir bien insérer la présente dans votre prochain Numéro. J’ai l’honneur de vous saluer. A. Bonnet.
Les acheteurs commencent à reparaître dans nos fabriques. Il s’est fait cette semaine quelques ventes dans divers articles, mais pas en assez grand nombre pour lui redonner de l’activité. Plusieurs maisons de commerce espèrent des commandes dans la huitaine ou la quinzaine au plus tard. Les seuls articles demandés dans ce moment, sont les rubans chinés ou brochés et les peluches pour chapeaux ; ce dernier, dont les fabricans montent de nouveaux métiers, paraît devenir un article de fabrication continue pour notre ville ; malheureusement ces deux articles réunis n’occupent que la vingtième partie de nos métiers, et dix mille sont dans ce moment sans ouvrage.
[5.2]La chaîne des galériens est arrivée avant-hier à Lyon ; elle conduit à Brest et à Cherbourg 50 condamnés, dont 11 ont été fournis par la prison de Perrache.
S. A. R. M. le duc d’Orléans a fait remettre à M. le maire de la Guillotière 400 fr. pour les pauvres de cette commune. Cette somme sera versée entre les mains de M. le trésorier du bureau de bienfaisance de la Guillotière.
Une somme de 30 fr. 25 c., provenant de la souscription de 25 c. par métier, a été remise, le 21 mai, par MM. Matro et Bernard à M. Déletant, de la Croix-Rousse, blessé de novembre.
AVIS.
M. Antoine Diano, chef d’atelier dans une fabrique de soieries, est invité à se rendre à l’Hôtel-de-Ville (bureau de la police municipale) le plutôt possible, pour affaire de famille. (Communiqué.)
CONSEIL DES PRUD HOMMES.
Séance du 30 mai, (présidée par m. goujon.) Peu de causes relatives à la fabrique d’étoffes de soie ont été débattues. On dirait que déjà la nouvelle organisation du conseil et la publicité des débats portent leurs fruits, et que moins de différends s’élèvent entre les fabricans et les chefs d’ateliers. Ce serait, selon nous, un grand pas qu’on aurait fait dans la carrière des améliorations. Nous allons rapporter les causes qui ont offert le plus d’intérêt. Le sieur Payen se plaint de son élève qui ne veut pas faire sa tâche ; il l’avait déjà fait paraître au conseil, où l’élève avait promis de faire son devoir ; cependant, depuis 15 jours, il n’a fait que 4 aunes et 1/2 de velours. Les engagemens sont pour trois ans, et portent qu’en cas de résiliation le conseil des prud’hommes statuera sur l’indemnité à accorder. L’apprenti s’est en outre enfui de chez son maître, et le père déclare ne pas savoir ce qu’il est devenu. Le conseil prononce ainsi : Considérant que le sieur Payen avait déjà fait appeler son élève, et que, depuis ce temps, ce dernier n’a fait que 4 aunes et 1/2 de velours ; considérant que le sieur Payen a appris à travailler à son élève, condamne le sieur Clairon père à payer au sieur Payen la somme de 100 francs, et les engagemens sont résiliés. Le conseil ajoute qu’il est expressément défendu à l’élève de se placer dans un atelier que comme apprenti. Le sieur Jacob fait comparaître, pour la seconde fois, son apprenti. Il se plaint que l’élève ne veut rien faire, qu’il absente à chaque instant de l’atelier et qu’il cherche à détourner ses camarades de travail. Pour prouver la mauvaise conduite du jeune homme, le sieur Jacob produit un certificat de la mairie de la Croix-Rousse, qui constate que le jeune homme fut mis en prison par ordre de ses parens. Le certificat porte que l’élève avait avoué ses torts devant l’autorité, et avait promis de faire son devoir. Le sieur Jacob dit qu’il n’en est rien et que son élève avait même dit plusieurs fois qu’il voulait le lasser. Après qu’une morale sévère a été faite par M. le président à l’élève, le conseil le met sous la surveillance de 3 de ses membres, déclarant que si l’élève ne change [6.1]pas, les engagemens seront résiliés, et les 300 fr. d’indemnités qu’ils portent seront accordés au sieur Jacob. Le sieur Gison, faiseur de bas, occupait chez lui le sieur Royer à faire des gants ; ce dernier s’étant absenté de l’atelier, le sieur Gison l’a renvoyé sans lui donner la huitaine. Le sieur Royer dit avoir fait 22 paires de gants dans la semaine, et prétend n’avoir pas absenté. Le conseil prononce ainsi ; Attendu qu’un ouvrier est sensé vivre du jour à la journée, et considérant qu’il est établi qu’on donne la huitaine aux ouvriers, le conseil condamne le sieur Gison à donner la huitaine à l’ouvrier, ou 6 fr. d’indemnité. Le sieur Beaugelin fait comparaître le sieur Bonnet, marchand-fabricant de tulle, pour lui avoir fait employer des échevaux ou flottes de la longueur de 5,580 mètres. La longueur fixée par l’ordonnance ministérielle étant de 5,000 mètres. Le sieur Beaugelin produit le procès-verbal de contravention, et demande que justice lui soit rendu. Le sieur Bonnet répond que ses flottes sont montées à 5,350, et proteste contre la longueur de 5,550 qu’a donné l’échantillon des flottes saisies. Il reconnaît pourtant que ses flottes sont trop longues, et dit en avoir marqué la longueur sur le livre de l’ouvrier. Le conseil prononce ainsi : Considérant qu’un excédant de longueur des flottes prive l’ouvrier d’une partie de son salaire ; le conseil décide qu’il y a contravention, et que le sieur Bonnet payera au sieur Beaugelin la somme de 95 fr., plus les frais. Le sieur Finas, chef d’atelier, réclame sur un solde de 365 grammes sur un crêpe de Chine que lui a fait monter le sieur Sprêcher, fabricant. Le conseil n’étant pas assez éclairé, renvoie l’affaire pardevant MM. Gamot et Martinon. Le sieur Vialon fait comparaître le sieur Chavanne, marchand-fabricant de tulle. Il produit le procès-verbal de l’échantillage des flottes saisies, qui donne une longueur de 5,685 mètres, donc 685 mètres de plus que la longueur fixée par l’ordonnance. Le sieur Viallon demande qu’il y ait contravention. Le sieur Chavanne répond qu’il sait bien que ses flottes ont 5,500 mètres, mais qu’il est obligé d’agir ainsi pour pouvoir livrer la marchandise comme ses confrères, qui, dit-il, sont sans pitié, et font des flottes de 1,000 mètres de plus. M. le président lui répond d’une voix ferme : M. Chavanne, quand nous vous aurons fait rentrer tous dans la légalité, alors vous ne craindrez plus la concurrence. (Dans tout l’auditoire un murmure approbatif a suivi ces paroles.) Le conseil a prononcé ainsi : Considérant qu’un excédant de longueur des flottes prive l’ouvrier d’une partie de son salaire, le conseil décide qu’il y a contravention, et que le sieur Chavanne payera au sieur Vialon la somme de 95 fr., plus les frais. La séance est levée à huit heures.
Erratum. – Dans notre dernier N°, nous avons dit, en rendant compte de la séance des prud’hommes, que les sieurs Besset et Ce avaient vendu au sieur Gauchon quatre métiers à raison de 4,000 fr. C’est par erreur que nous avons mis cette somme, la vérité est que les quatre métiers ont été vendus 2,600 francs, y compris un mobilier.
NOUVELLES COMMERCIALES.
[6.2]Elbeuf. - Les affaires qui s’étaient un peu ralenties, par suite de la crainte du choléra, commencent à reprendre de l’activité. De nombreux achats ont été faits, ainsi qu’à Louviers. Les ouvriers sont tous occupés, mais peu rétribués. Rouen. - La vente a été plus considérable à la dernière halle qu’aux précédentes, mais sans hausse. Les achats, pour Beaucaire, commencent à s’effectuer. On s’attend à une hausse. Madrid. - Un ordre royal du 13 avril dernier permet l’importation en Espagne des étoffes de soie et laine, moyennant le droit de 6 réaux de vellon par aune pour celles qui seront importées par mer sous pavillon espagnol, et de 8 réaux de vellon par aune pour les importations sous pavillon étranger ou par terre. Florence. Soies. (Au comptant 4 p. % de tare) - De Romagne et Maremme, L. 13 la livre ; d° d’inférieure de Romagne, 12 1/3 à 12 3/4 ; d° de Torcane, 1re qual. 13 à 13 1/2 ; d° organsin 18 1/3 à 18 1/2 ; d° trame 13 2/3 à 16. Naples. Soies. Elles sont sans mouvement, et il ne s’est vendu cette semaine que 600 livres cirelle 2e sorte à D. 1-93 ; les prix de toutes les autres sortes sont comme à la dernière cote. La récolte nouvelle étant imminente, il ne se fait rien en l’attendant.
VARIÉTÉS.
On trouve dans un recueil hebdomadaire, publié à Londres, les rapprochemens ci-après sur la naissance d’hommes illustres : Euripide était fils d’une fruitière ; Demosthènes, d’un forgeron ; Virgile, d’un boulanger ; Horace, d’un affranchi ; Térence, d’un esclave ; Amyot, d’un corroyeur ; Voiture, d’un marchand de vin ; Lamothe, d’un chapelier ; Fléchier, d’un chandelier ; Sixte-Quint, d’un gardeur de pourceaux ; Tamerlan, d’un berger ; Romelly, d’un orfèvre ; Quinault, d’un mitron ; Rollin, d’un coutelier ; Molière, d’un tapissier ; Massillon, d’un tourneur ; J. B. Rousseau, d’un cordonnier ; J. J. Rousseau, d’un horloger ; Galland, d’un savetier ; Beaumarchais, d’un horloger ; Ben-Jonson, d’un maçon ; Shakespeare, d’un boucher ; Rambrandt, d’un meunier. (The Olio.) Paratonnerre. - Son inventeur est le célèbre Franklin, né en Amérique. (Old Monthly.) Telescope. - (Du grec télé, de loin et scopeo, je vois). Cet instrument, dont il est inutile de rappeler les secours et l’aide merveilleux, fut inventé, à Capoue, par Jean-Baptiste Porta1, noble napolitain. (The Olio.) Conservation des fruits. - Eisen, dit Schevarzemberg, théologien allemand, qui naquit en 1717 et mourut en 1779, est l’inventeur de l’art précieux de sécher et conserver les légumes et les racines, pour les transporter par mer dans les pays éloignés. (The Mirror.) Télégraphe. - Claude Chappe2 peut être considéré comme l’inventeur du télégraphe, puisque les essais faits avant lui n’avaient eu aucun résultat satisfaisant [7.1]pour produit. En 1792, Chappe se noya dans un puits du désespoir de se voir contester son invention par quelques physiciens, à la tête desquels était Guillaume Amantos, qui prétendit en avoir eu la première idée en 1767. Table. - Les tables à manger des anciens étaient de différentes formes : la plupart étaient fort basses. A Rome, du temps que cette ville était républicaine, on ne mettait jamais de nappes sur les tables, qui étaient ordinairement de bois de chêne. A chaque service on la nettoyait avec une éponge, et les convives se lavaient les mains, car ils ne possédaient point encore de fourchettes. Plus tard, cependant on se servit de nappes, nommés nappœ ; elles étaient de toile peinte, avec des raies couleur garance ou pourpre. Sous certains empereurs, et principalement sous le prodigue Héliogabale3, on en vit de drap d’or. (The Selector.) Diamant. - Le luxe des diamans jouissait déjà d’un grand crédit en France, qu’il était encore ignoré en Suisse. En 1476, à la bataille de Granson, donnée contre les troupes du duc de Bourgogne, le plus gros diamant de l’Europe fut trouvé par un soldat suisse, qui le vendit à son général un écu. Les Suisses tenaient tant à conserver leur simplicité, que le sénat de Berne défendit l’usage des rubans de gaze, etc. Soie. - L’art de mettre la soie en œuvre fut inventée, dans l’île de Cos, par Pamphile, fille de Platis. L’empereur Héliogabale passe pour le premier qui ait porté, en Europe, des habits de soie. Ce fut en France, Louis XI qui, en 1740, établit des manufactures de soie à Tours4. Sel. - On en a fait usage dans les premiers siècles. Phidippas fut le premier des Grecs qui imagina de saler le poisson. On n’a point connu cette ressource en France avant le règne de Louis-le-Jeune. Ce fut Beukels (ou Beukelius), pêcheur hollandais, qui inventa la manière de saler les harengs et de les encaquer (15e siècle). Son procédé est encore aujourd’hui en usage parmi nous.
M. Viennet1 vient d’adresser à M. Thiers une épître en vers sur le charivari. M. Thiers, qui est déjà de retour de son voyage littéraire en Italie, s’est, dit-on, écrié en recevant l’épître passablement barbare de son collègue : « Quoi ! partout des charivaris Viendront me déchirer l’oreille ! Les sifflets du peuple à Marseille, Les vers de Viennet à Paris ! »
vers écrits sur un album, par M. de Lamartine. Le livre de la vie est le livre suprême Qu’on ne peut ni fermer ni rouvrir à son choix ; Le passage adoré ne s’y lit pas deux fois ; Mais le feuillet fatal s’y tourne de lui-même, On voudrait revenir à la page où l’on aime, Et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts.
AVIS PRESSANT
à tous les correspondans et souscripteurs du journal des connaissances utiles. L’envoi de la livraison de mai, qui devait paraître le 10 de ce mois, a été renvoyé au 30. La livraison de juin [7.2]sera avancée de cinq jours ; en conséquence, MM. les souscripteurs recevront ensemble les deux livraisons. A l’avenir, le journal partira régulièrement de Paris le 5 de chaque mois. Une nécessité impérieuse, qu’aucun des souscripteurs ne refusera de comprendre, a commandé ce retard, qui ne se renouvellera plus. Le Journal des connaissances utiles comptait, au 1er mai, 55,848 abonnés. Les personnes qui ont souscrit au bureau de l’Echo de la Fabrique, recevront les deux livraisons de mai et de juin au plus tard le 6 juin. Les personnes qui souscriront de suite, recevront, à la même époque, les 6 premières livraisons, et auront l’avantage de ne point payer les frais d’affranchissement de leur demande. ESPRIT ET BUT DU JOURNAL. La publication et le succès du Journal des connaissances utiles, consistaient dans la solution d’un double problème : 1° celui de l’économie du prix ; 2° celui de la variété des matières. Quelle personne regrettera d’avoir consacré 4 francs à une souscription annuelle, à part le plaisir de parcourir ce recueil et d’y trouver, sur une foule d’objets, d’intéressantes notions générales, si 10 lignes, publiées dans l’un des douze numéros, lui ont enseigné le moyen d’ajouter seulement 25 fr. au revenu d’une propriété, au profit d’une industrie, ou même au budget d’un ménage par une économie sans privation. C’est sur cette idée positive d’un accroissement de bien-être, sans augmentation de dépense, procuré à toutes les classes de la société, que le Journal des connaissances utiles a fondé son succès. Ce qu’il faut que toute la France sache, c’est que les 4 francs que coûte ce Journal par an, ne sont pas une dépense, mais le placement à gros intérêt d’un petit capital. La société n’aurait pas atteint son but, si elle ne pouvait, à l’expiration de l’année, demander avec confiance à chacun des lecteurs du Journal des connaissances utiles, combien il leur a rapporté. CAISSE COMMUNE DE PRÉVOYANCE, formée a l’occasion du choléra-morbus. À tous les correspondans et souscripteurs du Journal des connaissances utiles. 1° Il est formé une caisse commune de prévoyance par les membres de la société pour l’émancipation intellectuelle, souscripteurs du Journal des connaissances utiles, dans le cas où la mort imprévue d’un certain nombre d’entre eux, frappés par le choléra-morbus, laisserait un père ou une mère infirme, une veuve dépourvue de secours ou des enfans orphelins ; 2° Le fonds commun est fixé à cent mille francs ; 3° La cotisation pour chaque membre ou souscripteur est de un franc. Au 2 mai, les premiers versemens faits parmi les personnes attachées à l’entreprise du journal, se montaient à 2,450 fr. Ce projet qui sera public en entier dans la livraison de mai du Journal des connaissances utiles, a malheureusement conservé tout son à-propos, quoiqu’il puisse paraître tardivement reproduit. L’épidémie a cessé de désoler Paris, mais elle inquiète les départemens, moins encore peut-être, ceux où elle a séjourné, que ceux qu’elle n’a pas visités. Au surplus, le titre de prévoyance, ajouté à celui de caisse commune, donne à cette utile création un intérêt non temporaire, qui sera d’autant mieux apprécié, qu’il peut subvenir des circonstances critiques. [8.1]
AVIS.
[8.2][40] Le sieur David prévient les chefs d’ateliers et dévideuses, qu’il adapte son nouveau procédé aux anciennes mécaniques rondes et longues, soit pour le dévidage, trancanage et pour les canettes, ensemble ou séparément. Par ce moyen, les anciennes mécaniques deviennent telles que celles de son invention : le tout à un prix très-modéré. Il fait aussi toutes sortes d’échanges de ses nouvelles mécaniques avec les anciennes ; ce qui fait qu’il a toujours chez lui un assortiment de mécaniques à dévider, en rencontre, à bon marché et avec garantie. - On demande un ouvrier pour un velours plein, tramé cru, payé 5 fr. 50 c. S’adresser chez M. Gay, rue Flesselle, n° 4, au 2e. On demande des ouvriers pour des courans et des unis en bons articles. [39] On demande une apprentie de 15 à 18 ans pour la fabrique d’étoffes unies, sur les meilleurs articles. [42] On demande à acheter de rencontre mille bobines environ de ferblanc pour crêpes. - On demande un Métier d’échantillons à acheter. - On demande un Métier pour compagnon dans un atelier d’unis et de façonnés : le jeune homme est fort ouvrier dans les unis. S’adresser au Bureau du Journal. [41] A vendre, 3 Métiers en corps plein, avec tous leurs accessoires ; un ménage monté, avec plusieurs lits, placards, porte-balance, poêle, batterie de cuisine, etc., sous des conditions avantageuses. S’adresser à M. Depierre, portier à la Croix-Rousse, repos de la Boucle, maison Pairrot, [32] A vendre, une mécanique à dévider, en bois de noyer, de 32 guindres. S’adresser à M. Marthon, Grande Côte, n° 22. - A vendre, un métier complet, mécanique en 400, en bon état. [29] A vendre, un métier tout garni, mécanique en 400, et dans le meilleur état. [24] A vendre, un bel atelier de 3 métiers en 6/4, mécaniques en 1,600 et 1,800, avec tous ses accessoires propres à la fabrication, avec un bel appartement, situé dans un bon quartier. [19] A vendre, deux métiers au quart, avec accessoires, mécanique en 1,200. A vendre, pour cause de départ, un petit Fonds de librairie, avec abonnement pour lecture, situé dans un beau quartier. [36] A vendre, une Mécanique en 600, en très-bon état, avec tous ses accessoires. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre de suite, Plusieurs Métiers de velours, de peluches, de gros de Naples, à bon marché, par parties ou en totalité. S’adresser au Bureau du Journal. [33] A vendre, une mécanique ronde, à marche, avec divers ustensiles de fabrique. S’adresser à M. Meunier père, rue des Petits-Pères, maison Berry, au 2me. A vendre ou à louer. Une maison de campagne, jardin, vignes, terre, etc., propre à une fabrique d’étoffes de soie ou autres, une bonne source d’eau claire, près de la rivière, située à Oullins. S’adresser à M. Phily, limonadier, quai des Augustins, n° 75. A louer, des Appartemens propices pour des ateliers de la fabrique d’étoffes de soie. Ces appartemens peuvent contenir de un à deux métiers, montée du Garilland, n° 8. S’adresser chez M. Vittard, rue de Puzy, n° 15. A louer de suite, un appartement de 3 jolies pièces, et a vendre un atelier composé de 4 métiers à la Jacquard, en très-bon état, placés dans cet appartement. Le preneur aurait la faculté de prendre ou laisser ladite location. S’adresser, pour plus amples renseignemens, à M. Benoît, homme d’affaires, quai de Retz, n° 36, dans la matinée.
Notes (CHARLES BERNA.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (convoi funèbre de m. berna . Les feuilles...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (du cercle que peut parcourir une feuille...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). En France, comme en Angleterre, ce fut principalement par des mesures d’ordre financier que les gouvernements tentaient de détourner vers des publications non politiques les besoins de lecture des classes populaires. De véritables « taxes sur le savoir » étaient levées sur les journaux considérés comme politiques : notamment cautionnement et timbre fiscal (voir Pierre Albert, « Presse », in : M. Ambrière, Dictionnaire du XIXe siècle européen, ouv. cit., p. 948-954). Au milieu de l’année 1832 les journalistes de L’Echo de la Fabrique, alors même qu’ils se rapprochent et parfois même coïncident avec l’opinion républicaine, jouent sur l’illusion du ton a-politique du journal : pour éviter censure et procès, mais aussi pour mettre en avant la nouveauté des revendications économiques et sociales des « industriels ».
Notes (Une dévideuse, nommée Sylve , se présenta...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (ÉCONOMIE SOCIALE.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Les Singes économistes, ou qu'est-ce que la liberté du commerce ? fut publié à Paris en 1832. L’auteur de ce texte paru initialement dans le volume XII de la Wesminster Review (janvier 1830) était T. Perronet Thompson. Le texte avait été republié en anglais dans son recueil A Catechism on the Corn Laws (1831). Fondée en 1824, la Wesminster Review était l’organe des Benthamites et dirigée alors par Perronet Thompson et J. Bowring. (Frank W. Fetter, « Economic Articles in the Wesminster Review and Their Authors 1824-1851 », The Journal of Political Economy, vol. 70, décembre 1962, p. 570-596). M. Chastaing évoque ici la brochure de Cormenin, Louis-Marie de Lahaye (1788-1868, Vicomte de), Aide-toi, le Ciel t'aidera. Lettre sur la session de 1831 publié à Paris en 1832. La société Aide toi, le Ciel t’aidera avait été fondée sous la Restauration, en 1827, par les Doctrinaires, notamment François Guizot et Pierre-Paul Royer-Collard (1763-1845).
Notes (VARIÉTÉS.)
Jean-Baptiste Porta (1545-1615) auteur en particulier d’un De Humana Physiognonomia (1586) qui le rendit célèbre en Europe et considéré également pour ses travaux dans le domaine de l’optique. Claude Chappe (1763-1805) qui mit au point le télégraphe optique dont la première ligne, Paris-Lille, fut ouverte en août 1794. Le réseau se développa fortement, pour des usages strictement militaires et politiques dans la première moitié du XIXe siècle. Elagabal (ou Héliogabale), Empereur de Rome, né en 204 et mort assassiné en 222. Louis XI désireux de faire de la France un pays ouvert et puissant, favorisa le renouveau économique du royaume. L’achat d’étoffes de soie en Italie constituait une dépense annuelle de 500 000 écus. Pour éviter ces sorties d’argent, dans un premier temps, par lettre patente du 23 novembre 1466, il choisit la ville de Lyon pour y installer une manufacture de soie. En 1470 il décida le transfert de cette activité à Tours. La cour étant installée en Touraine, nobles et ecclésiastiques purent commander sur place ce qui leur était nécessaire. 17 ouvriers italiens pour la plupart prirent la direction de Tours. Dès la fin de l’année 1470, le Roi envisageait déjà l’exportation de la soie tourangelle. Après des fortunes diverses (cf. notamment J. Féneant, Histoire de la soierie tourangelle, Tours, 1985) la fabrique de Tours connut un renouveau sous La Restauration et la Monarchie de Juillet. Le nombre de métiers en activité passa de 106 en 1827 à 150 en 1837 et à 300 en 1843. Les travaux portèrent sur la soie unie et façonnée destinée à l’ameublement. Cette lente remontée d’une industrie qui avait presque disparue ne s’effectua pas sans difficultés. Les deux crises les plus sérieuses furent les révolutions de 1830 et de 1848 : en 1830, toutes les commandes furent supprimées et de nombreux ouvriers furent licenciés. En 1848, les fabriques de soierie furent au chômage pendant un an.
Notes (M. Viennet vient d’adresser à M. Thiers...)
Jean-Pons Guillaume Viennet (1777-1868), député (Hérault) de 1828 à 1837, membre de la majorité ministérielle au début de la Monarchie de Juillet. Poète et auteur dramatique il était également membre de l’Académie Française.
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