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3 juin 1832 - Numéro 32
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD HOMMES.

Séance du 30 mai,

(présidée par m. goujon.)

Peu de causes relatives à la fabrique d’étoffes de soie ont été débattues. On dirait que déjà la nouvelle organisation du conseil et la publicité des débats portent leurs fruits, et que moins de différends s’élèvent entre les fabricans et les chefs d’ateliers. Ce serait, selon nous, un grand pas qu’on aurait fait dans la carrière des améliorations. Nous allons rapporter les causes qui ont offert le plus d’intérêt.

Le sieur Payen se plaint de son élève qui ne veut pas faire sa tâche ; il l’avait déjà fait paraître au conseil, où l’élève avait promis de faire son devoir ; cependant, depuis 15 jours, il n’a fait que 4 aunes et 1/2 de velours. Les engagemens sont pour trois ans, et portent qu’en cas de résiliation le conseil des prud’hommes statuera sur l’indemnité à accorder. L’apprenti s’est en outre enfui de chez son maître, et le père déclare ne pas savoir ce qu’il est devenu. Le conseil prononce ainsi :

Considérant que le sieur Payen avait déjà fait appeler son élève, et que, depuis ce temps, ce dernier n’a fait que 4 aunes et 1/2 de velours ; considérant que le sieur Payen a appris à travailler à son élève, condamne le sieur Clairon père à payer au sieur Payen la somme de 100 francs, et les engagemens sont résiliés. Le conseil ajoute qu’il est expressément défendu à l’élève de se placer dans un atelier que comme apprenti.

Le sieur Jacob fait comparaître, pour la seconde fois, son apprenti. Il se plaint que l’élève ne veut rien faire, qu’il absente à chaque instant de l’atelier et qu’il cherche à détourner ses camarades de travail. Pour prouver la mauvaise conduite du jeune homme, le sieur Jacob produit un certificat de la mairie de la Croix-Rousse, qui constate que le jeune homme fut mis en prison par ordre de ses parens. Le certificat porte que l’élève avait avoué ses torts devant l’autorité, et avait promis de faire son devoir. Le sieur Jacob dit qu’il n’en est rien et que son élève avait même dit plusieurs fois qu’il voulait le lasser. Après qu’une morale sévère a été faite par M. le président à l’élève, le conseil le met sous la surveillance de 3 de ses membres, déclarant que si l’élève ne change [6.1]pas, les engagemens seront résiliés, et les 300 fr. d’indemnités qu’ils portent seront accordés au sieur Jacob.

Le sieur Gison, faiseur de bas, occupait chez lui le sieur Royer à faire des gants ; ce dernier s’étant absenté de l’atelier, le sieur Gison l’a renvoyé sans lui donner la huitaine. Le sieur Royer dit avoir fait 22 paires de gants dans la semaine, et prétend n’avoir pas absenté. Le conseil prononce ainsi ;

Attendu qu’un ouvrier est sensé vivre du jour à la journée, et considérant qu’il est établi qu’on donne la huitaine aux ouvriers, le conseil condamne le sieur Gison à donner la huitaine à l’ouvrier, ou 6 fr. d’indemnité.

Le sieur Beaugelin fait comparaître le sieur Bonnet, marchand-fabricant de tulle, pour lui avoir fait employer des échevaux ou flottes de la longueur de 5,580 mètres. La longueur fixée par l’ordonnance ministérielle étant de 5,000 mètres. Le sieur Beaugelin produit le procès-verbal de contravention, et demande que justice lui soit rendu. Le sieur Bonnet répond que ses flottes sont montées à 5,350, et proteste contre la longueur de 5,550 qu’a donné l’échantillon des flottes saisies. Il reconnaît pourtant que ses flottes sont trop longues, et dit en avoir marqué la longueur sur le livre de l’ouvrier. Le conseil prononce ainsi :

Considérant qu’un excédant de longueur des flottes prive l’ouvrier d’une partie de son salaire ; le conseil décide qu’il y a contravention, et que le sieur Bonnet payera au sieur Beaugelin la somme de 95 fr., plus les frais.

Le sieur Finas, chef d’atelier, réclame sur un solde de 365 grammes sur un crêpe de Chine que lui a fait monter le sieur Sprêcher, fabricant. Le conseil n’étant pas assez éclairé, renvoie l’affaire pardevant MM. Gamot et Martinon.

Le sieur Vialon fait comparaître le sieur Chavanne, marchand-fabricant de tulle. Il produit le procès-verbal de l’échantillage des flottes saisies, qui donne une longueur de 5,685 mètres, donc 685 mètres de plus que la longueur fixée par l’ordonnance. Le sieur Viallon demande qu’il y ait contravention. Le sieur Chavanne répond qu’il sait bien que ses flottes ont 5,500 mètres, mais qu’il est obligé d’agir ainsi pour pouvoir livrer la marchandise comme ses confrères, qui, dit-il, sont sans pitié, et font des flottes de 1,000 mètres de plus. M. le président lui répond d’une voix ferme : M. Chavanne, quand nous vous aurons fait rentrer tous dans la légalité, alors vous ne craindrez plus la concurrence. (Dans tout l’auditoire un murmure approbatif a suivi ces paroles.) Le conseil a prononcé ainsi :

Considérant qu’un excédant de longueur des flottes prive l’ouvrier d’une partie de son salaire, le conseil décide qu’il y a contravention, et que le sieur Chavanne payera au sieur Vialon la somme de 95 fr., plus les frais.

La séance est levée à huit heures.

 

 

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