On lit dans le Garde national de Marseille1 :
« Les affaires ont pris, dans la semaine qui vient de s'écouler, un accroissement bien supérieur à celui que nous avions précédemment signalé. De toutes parts la confiance renaît, les spéculateurs se livrent avec sécurité aux chances favorables que l'avenir semble leur promettre. Remarquez qu'il nous était impossible de connaître la prochaine et heureuse issue des affaires belges, ce qui n'aurait sans doute pas manqué de donner plus de courage à notre commerce. »2
- L'illustre Joachim Lelewel3, un des savans les plus distingués de notre siècle, ancien membre du gouvernement suprême national de Pologne, et, en dernier lieu, ministre de l'instruction publique, est arrivé à Paris, après des peines et des fatigues inouies. La France se réjouira qu'un des patriotes les plus purs et les plus vertueux de la Pologne ait pu toucher notre sol hospitalier.
- On écrit d'Arbois (Jura), 23 octobre :
« Une louve qu'on suppose enragée vient de mordre, tant dans les environs de Mouchard que dans ceux de Villiers-Falery, environ 30 personnes ; deux sont d'Arbois, un nommé Nicole, cordonnier, et le sieur Delti ; ce dernier a été cruellement déchiré à la figure.
Un jeune homme de 27 ans, sur lequel elle a sauté, l'a saisi et enlacé dans ses bras et ses jambes ; un enfant qui était près de lui, lui a enfoncé son sabot [4.1]dans la gueule, et un autre homme l'a tuée à coups de bêche dans les bras du premier.
On l’a amenée à Arbois, où on l’a ouverte ; on a trouvé dans son corps, avec un peu de blé de Turquie4, la paupière et une partie de la figure d'une personne. »
- On mande de Toulon, 28 octobre :
« Hier, dans le bagne, un condamné qui faisait la barbe à un adjudant des chiourmes, lui a coupé la gorge d'un coup de rasoir ; quelques minutes après, le pauvre adjudant avait cessé de vivre. Ce condamné est, dit-on, un de ceux qui ont été blessés lors d'une émeute réprimée, il y a quatre ou cinq ans, par une décharge de mousqueterie, commandée par cet adjudant, sur un groupe de 300 condamnés. Il lui avait gardé la rancune jusqu'à ce jour. »
- Le Mercure ségusien5, du 29 octobre, contient ce qui suit :
Un événement funeste vient d'affliger notre arrondissement ; ses mines de houille, sources inépuisables de richesses, sont encore cette fois le théâtre du plus affreux désastre.
Lundi soir, 24 de ce mois, un incendie s'est manifesté au fond du puits St-Isidore, faisant partie de la concession du Reclus. La cause de cet accident fut bientôt connue : la machine à vapeur servant aux épuisemens, quoique la chaudière fût entourée d'un épais massif de maçonnerie, avait mis le feu à la charpente et au boisement du puits. Une colonne de fumée sortait extérieurement. Pour parvenir au lieu de l'incendie, comme aussi pour servir à la sortie des mineurs, on avait pour ressource le puits Saint-Matthieu, qui communique à l'autre par une longue et sinueuse galerie. Après les premiers momens de désordre, inséparables d'un événement aussi imprévu, on s'aperçut dans la nuit qu'il manquait neuf mineurs qui, travaillant dans une galerie inférieure, n'avaient pu avoir de communication avec l'extérieur.
Loin de diminuer, la fumée s'étendait et redoublait de densité, la charpente embrasée ayant mis le feu au charbon.
Sans perdre de temps, on prit des moyens pour parvenir au point où l’on pensait que les mineurs avaient pu se réfugier. M. l'ingénieur des mines, prévenu par M. le sous-préfet de St-Etienne, se rendit en toute hâte dans la mine et ne la quitta plus. Son exemple, ses instructions, le concours zélé qu'il rencontra dans les gouverneurs et mineurs, au milieu des dangers qui les menaçaient à une profondeur perpendiculaire de 120 à 130 toises, activèrent les moyens d'aérage par l'emploi des caisses ; les secours de l'extérieur furent également bien dirigés par les soins des autorités et des extracteurs. En poussant de plus en plus loin les caisses d'aérage, on finit par trouver la galerie close par un corroi ; il parut évident que les malheureux ouvriers, atteints par le méphitisme de la fumée, avaient cherché à s'isoler, et à lui opposer une barrière ; mais hélas ! ils n'y étaient pas parvenus. Ce corroi n'était formé en partie que par leurs vêtemens ; les matériaux convenables leur avaient manqué. M. l'ingénieur fit enlever l'obstacle, et bientôt six cadavres presque nus, groupés dans le plus étroit espace, furent découverts. Deux de ces malheureux se tenaient embrassés !!! Plus loin, à une distance rapprochée du foyer, étaient les restes atteints par le feu et déjà putréfiés des trois autres victimes. C'est le 28, à 2 heures du matin, que se firent ces affreuses découvertes.
D'après la visite des corps et des lieux où on les a trouvés, les gens de l’art pensent que l'asphixie a été immédiate pour trois des mineurs, et que les six autres [4.2]ont pu vivre ou languir de 4 à 6 heures, perdant de plus en plus leurs forces à mesure que l'air devenait moins respirable, plus saturé des gazes délétères.
L'air des galeries où M. l'ingénieur Delsériès faisait placer les caisses d'aérage était tellement vicié, que les courageux mineurs du Reclus étaient obligés de se retirer après un quart-d'heure de travail.
Parmi les neuf malheureux mineurs, trois sont pères de famille et laissent 18 enfans ; on annonce que les six autres sont célibataires. Voilà des familles réduites à la plus profonde misère ; le gouvernement ne les abandonnera pas ; la bienfaisance publique secondera les efforts de l'administration.
Il est de toute évidence qu'il était absolument impossible de sauver ces infortunés ; on a mis en pratique avec énergie, avec promptitude, les moyens que l'art indiquait ; ils étaient impuissans contre de pareilles causes et dans un pareil gouffre.
- On a récemment découvert à Kertch, ville maritime de la Russie méridionale, dans la Crimée, plusieurs objets d'antiquité grecque très-intéressans. Ce sont dix petites statues, six vases de terre cuite et beaucoup d'ornemens de femme. Le plus important de ces restes est un petit groupe en marbre d'un travail exquis, représentant Vénus, qui vient de sortir de la mer avec deux amours à ses côtés : l'un sur un dauphin ; l'autre sur un cigne. Ces objets sont placés dans le muséum d'Odessa.
(Journal des Débats.6)
- Comme le choléra-morbus diminue sensiblement dans Vienne, et que l'état sanitaire devient de plus en plus satisfaisant, la cour quittera la semaine prochaine le château de Schœnbrunn et viendra occuper le palais impérial.
Tous les cordons sanitaires qui avaient été établis dans l'intérieur du pays, ont été dissous.
- On publie, à Varsovie, avec autorisation russe, un livre destiné aux classes inférieures, contenant des récits tirés de la Bible, et adaptés aux circonstances actuelles.
- Quelques fabriques ont repris leurs travaux ; mais on se plaint de la rareté des matières premières. Les cotons filés manquent généralement.
- Aujourd'hui il a gelé pour la première fois de cette
automne.
(Gazette d'état de Prusse.)
- A Halifax, dans les Etats-Unis, on a condamné, le mois dernier, à la peine de mort, le capitaine d'un navire venant d'Irlande, pour avoir fait échouer son bâtiment, dans l'intention d'obtenir le prix de l'assurance. La cupidité de ce misérable a coûté la vie à 273 personnes qui s'étaient embarquées sur son navire.
- Les journaux anglais ne laissent guère passer de jour sans enregistrer, dans leurs colonnes, quelques produits du règne végétal, qui font honneur aux progrès du jardinage. C'est ainsi que les dernières feuilles que nous avons reçues parlent d'une pomme de terre pesant six livres 14 onces, qui figure dans une exposition publique à Asthon, et d'un navet du poids de 28 livres et de la circonférence de 28 pouces, tiré d'un jardin près de Heywood.
- Par ordonnance du roi, en date du 28 octobre dernier, M. le lieutenant-général baron d'Ordonneau, a été nommé commandant supérieur des trois légions de garde nationale de la ville de Lyon, des corps spéciaux, ainsi que des gardes nationales de la Croix-Rousse, de la Guillotière et de Vaise.
- [5.1]Nos lecteurs partageront la satisfaction que nous éprouvons en leur annonçant que M. Gustave de Montebello7, qui a quitté les délices d'une riche existence à Paris, pour faire volontairement la campagne d'Alger et celle de Varsovie, est arrivé heureusement à Breslaw, d'où il annonce son retour prochain à Paris.
- Le choléra a entièrement cessé à Varsovie, mais quelques fièvres règnent en ce moment dans la ville. Le choléra a éclaté de nouveau et avec beaucoup de violence dans le palatinat de Plosk.
(Gazette d'état de Prusse.)
- Un horrible événement vient d'avoir lieu dans la commune de Saint-Sulpice (Tarn). Une femme qui nourrissait un enfant de trois mois, trouvant l'occasion de gagner quelques sous pour une commission, déposa cet enfant sur un lit, dans une chambre, près de laquelle était une truie. L'animal, pressé par la faim, pénétra dans la chambre et dévora la tête et les mains du malheureux enfant. La répétition fréquente de pareils accidens est une bien grande leçon pour les mères imprudentes.
- Dans la soirée du 25 octobre, la côte des Carmélites, la rue Tholozan et la Croix-Rousse ayant été illuminées, et un grand nombre de boîtes ayant été tirées à la Croix-Rousse, les habitans de Miribel, Montluel, Neuville et Villefranche, croyant que la ville était dans un désordre épouvantable, et que l'on voulait écraser les ouvriers, se disposaient à prendre les armes pour venir à leur secours ; ceux de Miribel étaient déjà à la Pape quand ils ont rencontré le courrier venant de Lyon qui leur dit que tout était tranquille, que les ouvriers avaient illuminé en réjouissance de ce qu'ils avaient obtenu un tarif, et l'espoir d'un avenir plus heureux.
- Aujourd'hui, la 1re légion de la garde nationale8 doit passer une grande revue sur la place Bellecour, pour reconnaître son colonel, M. Ch. Dépouilly, nommé en remplacement de M. Petit-Devé, démissionnaire.
- Un navire arrivé d'Alexandrie nous apprend que le choléra-morbus qui a emporté, à ce qu'on estime, 50,000 personnes en Egypte, y disparaissait rapidement. Les morts ne dépassent pas dix par jour ; et on s'attendait sous peu de jours à voir ouvrir les bureaux et recommencer les affaires. Le consul d'Espagne est le seul franc de marque à Alexandrie qui ait été victime de cette maladie.
(Sémaphore.9)
- Une société charitable de Londres, qui a pour but d'acquitter les petites dettes des débiteurs pauvres, a mis en liberté, l'année dernière, 1,786 prisonniers pour dettes. La liberté de chacun a coûté la somme moyenne d'environ 2 livres sterling et demie, ou 63 francs.
- M. Mery, collaborateur de M. Barthélémy, dans nombre de poèmes pleins de verve, d'esprit et de satire mordante, va publier un nouveau roman : L'Assassinat. L'ouvrage contient, dit-on, des scènes d'un grand effet dramatique.
- Dans la nuit du 30 octobre, un violent incendie a éclaté à Lille, dans les bâtimens de la fabrique de chicorée de M. Froidure. Malgré la promptitude et l'activité [5.2]des secours, deux bâtimens d'une grande étendue et le manège ont été presque entièrement détruits.
(Courrier Français.)
Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
Fondé à Marseille par les conservateurs au début de la Monarchie de Juillet pour contrer la Gazette du Midi (légitimiste), et le Peuple Souverain (républicain). Le journal Le Sud lui succéda en 1839.
Référence : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, tome 2, 4e partie, « La presse provinciale de 1814 à 1848, Paris, PUF, 1969, p. 149-203.
Depuis le Congrès de Vienne (1814-1815), la Belgique avait été rattachée au royaume des Pays-Bas. Au lendemain des « Trois Glorieuses » en France, la bourgeoisie belge accentue discours et actions en faveur de la séparation de la Belgique aux Pays-Bas. Le 4 octobre, un gouvernement provisoire proclame l’indépendance de la Belgique et, le 20 janvier 1831, la Conférence de Londres à laquelle participent l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse, La France et la Russie, va entériner le principe de l’indépendance et de la neutralité du nouvel Etat Belge qui se donne une constitution en février et un roi, Léopold Ier, en juillet. Demeurent néanmoins de nombreux conflits de frontière en particulier avec la Hollande. Le 14 octobre 1831, le Traité des XXIV articles règle la question des frontières en donnant à la Belgique la partie Wallonne du Luxembourg et aux Pays-Bas les bouches de l’Escaut et le Limbourg. Ce traité accepté par la Belgique sera rejeté par les Pays-Bas et les conflits resurgiront bientôt en particulier à propos de la forteresse d’Anvers. Référence : Marie-Thérèse Bitsch, « Belgique », in : M. Ambrière (dir.), Dictionnaire du XIXe siècle européen, PUF, 1997, p. 129-133.
Né le 22 mars 1786 à Varsovie et mort le 29 mai 1861 à Paris. Historien et géographe, professeur à l’université de Vilnius, il dut quitter sa chaire en raison de son action en faveur de la résistance nationale polonaise. Exilé à Paris en 1831, expulsé en 1833 par Louis-Philippe sur la demande de l’ambassadeur de Russie, il rejoint Bruxelles. Il fut, à partir de 1832, l’un des dirigeants de la Société Démocratique Polonaise qui liait la renaissance d’une Pologne indépendante à une révolution sociale. Son œuvre la plus importance demeure Géographie du Moyen-Age, (5 volumes, 1852-1857).
Maïs
Créé en octobre 1825 le Mercure Ségusien, d’orientation libérale et bourgeoise était le principal journal politique de la Loire.
Le Journal des débats et décrets fondé le 29 août 1789 effectue d’abord les compte-rendus des séances législatives de la Constituante. Il devient le Journal des débats et lois du Corps législatif puis le Journal des débats, des lois du pouvoir législatif et des actes du gouvernement en 1799. Chateaubriand et Royer-Collard parmi d’autres apportent leur contribution au journal. Etroitement contrôlé sous la période napoléonienne où il devient le Journal de l’Empire, il reprend son nom d’origine en 1814. Le Journal des débats juge favorablement la Révolution de juillet 1830 et se montre ensuite très proche du pouvoir en place.
Références : Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, (1866-1876), Lacour-S.A-France 1990, Tome 7, p. 183-184 ; Hélène Fréchet et Jean-Pascal Picy, Lexique d’histoire politique de la France de 1789 à 1914, Ellipses, 1998, p. 147
Fils de Jean Lannes (1769-1809), Maréchal d’Empire fait duc de Montebello en 1808, Napoléon-Auguste de Montebello (1801-1874) sera notamment ministre des affaire étrangères (1839).
Formée à Paris le 13 juillet 1789 à l’appel de La Fayette, la Garde Nationale s’inscrit dans la tradition des milices communales du Moyen Age. D’inspiration bourgeoise, elle constitue à la fois un rempart contre le pouvoir royal et contre les insurrections populaires visant la défense des droits politiques (la liberté et l’égalité juridiques). Ses objectifs initiaux connaissent une évolution importante après la déclaration de guerre (20 avril 1792) où elle se voit assignée une fonction militaire. Etroitement contrôlée sous la période napoléonienne, elle est dissoute ensuite par Charles X en 1827 avant de se reconstituer durant les « Trois Glorieuses » (26 juillet 1830). Réservée à tous les hommes (âgés de 20 à 60 ans), les catégories pauvres de la population n’y participent cependant pas. Elle s’oppose régulièrement aux insurrections populaires comme celles des Canuts en 1831 et 1834. Jouant un rôle important durant la révolution de 1848 et la Commune en mars 1871, la Garde Nationale est définitivement supprimée après ce dernier soulèvement populaire.
Références : H. Fréchet et J.-P. Picy, Lexique d’histoire politique de la France de 1789 à 1914, ouv. cit., p. 22-23. ; P. Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, ouv. cit., Tome 11, p. 1023-1024.
Fondé en 1828 le Sémaphore n’était au départ qu’un journal commercial et maritime. Avant de devenir le principal organe libéral de la cité. Référence : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, ouv. cit., p. 170 et p. 196-197.