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24 juin 1832 - Numéro 35
 
 

 



 
 
    
INSTRUCTION PRIMAIRE.1

Déjà dans plus d?un article nous avons parlé de l?instruction qui est due aux travailleurs, et nous nous sommes plaint de ce que tous nos gouvernemens avaient fait [6.1]si peu encore pour acquitter cette dette sacrée. Nous nous sommes plaint aussi de ce que les parens ne profitaient pas toujours des moyens qui leur étaient offerts pour l?instruction de leurs enfans.

En attendant que des écoles normales fournissent des maîtres capables pour diriger nos écoles primaires, nous croyons de notre devoir d?indiquer tous les moyens d?instruction fournis à la classe ouvrière. Chacun doit bien être convaincu qu?il n?est pas toujours besoin de maîtres pour acquérir des connaissances. Nous pourrions citer plusieurs exemples qui prouvent que l?on peut y suppléer avec la bonne volonté et de la persévérance. Pour cela il faut savoir lire, et avoir quelques livres simples, faciles et à bon marché, tels que ceux dont nous nous proposons de parler aujourd?hui.

Le libraire Levrault2 de Strasbourg travaille avec un zèle soutenu à la publication des ouvrages destinés à l?instruction primaire. Dans le nombre de ceux qu?il a publiés récemment nous en citerons quelques-uns, tels que le Manuel de l?instituteur primaire3. Cet ouvrage est indispensable à tous les maîtres qui ont la conscience de l?importance de leur profession. Livres de lecture (20 cent.) Deux volumes de Lectures françaises, par S. Willm4. Ils sont destinés aux écoles primaires : mais ceux qui ne vont plus à l?école pourront encore les lire avec fruit. Les petits Contes pour les enfans, par le chanoine Schmid5, dont chaque volume ne coûte que de 40 à 60 centimes. Un Recueil de fac-simile6 pour exercer à lire les écritures difficiles. Des Elémens de calcul et de dessin linéaire7, chacun 60 centimes. Enfin des Cartes muettes8 pour l?enseignement de la géographie.

Nous signalerons plus particulièrement à nos lecteurs :

Maitre Pierre, ou le Savant de village.9

1° Entretiens sur la physique, par Brard10, 1 vol. 40 c.

2° Entretiens sur l?astronomie, par Lemaire11, 1 vol. 40 c.

3° Entretiens sur l?industrie française, par Brard, 1 vol. 50 c.

4° Entretiens sur la mécanique, par Penot12, 1 vol. lithographié, avec figures, 60 centimesi.

Tous atteignent parfaitement le but. Ils donnent des notions exactes, font connaître les principes de ces diverses sciences et inspirent à tous ceux qui les lisent le désir d?en apprendre davantage. N?est-ce pas déjà beaucoup et presque tout que de faire aimer l?étude, et comprendre la nécessité de l?instruction ?

Maître Pierre a servi dans nos armées ; il a été ensuite garçon de salle à l?école centrale des Quatre-Nations de Paris. Là, il était obligé d?assister à toutes les leçons de physique et d?histoire naturelle ; il en a profité. Retiré dans son village en Auvergne, il cherche à communiquer ses connaissances à ses compatriotes. Il leur parle d?abord de l?air, de l?eau, de la chaleur, de l?électricité et leur fait connaître les causes des principaux phénomènes atmosphériques. Il n?est pas seulement théoricien, mais il met la main à l??uvre ; il fait un filtre au charbon, place un paratonnerre sur l?église, fait fondre la neige de son jardin, fait une pompe aspirante. Simon de Nantua13 vient aussi le visiter.

Maître Pierre fait ensuite un héritage qui lui donne les moyens de faire un voyage dans la France et de visiter les principales manufactures. A l?occasion du mariage de la fille du maire on fait au château une exposition de tous les cadeaux de noces. Pierre profite de [6.2]cette occasion pour expliquer aux paysans, les différens produits de notre industrie et leur faire connaître les différentes machines au moyen desquelles on exécute beaucoup de travaux. Deux chapitres surtout sont excellens ; celui sur les avantages de la petite fabrication, et celui sur les avantages des machines.

Maître Pierre s?occupe ensuite de l?éducation de ses neveux et d?un filleul. Il leur enseigne les principes de la mécanique et leur fait connaître les principales machines dans une suite d?entretiens du plus grand intérêt. Ce petit traité ne peut manquer d?avoir un grand succès dans notre cité toute manufacturière, où tant d?ouvriers se servent de machines, sans connaître eux-mêmes le premier principe de toute mécanique. Cet ouvrage est vraiment populaire dans notre cité ; nous engageons les chefs d?atelier et les compagnons à l?étudier. Nous saisissons cette occasion pour les avertir que bientôt peut-être des écoles du soir seront ouvertes pour les adultes. Qu?ils ne négligent point cette occasion de s?instruire, de devenir véritablement des citoyens. Alors seulement ils pourront connaître leurs droits, les défendre, et en jouir sans en abuser.

P. L.

Notes (INSTRUCTION PRIMAIRE.)
1 L?auteur de ce texte est Pierre Lortet d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Pierre Lortet (1792-1868), médecin et littérateur, défenseur des idées libérales sous la Restauration puis l?un des principaux républicains lyonnais, collaborateur du Précurseur et fondateur de l?Association pour la liberté de la presse patriote. En 1836 il sera nommé administrateur des hôpitaux de Lyon.
2 Originaire du Poitou la famille Levrault se lança très tôt dans l?activité d?imprimerie. Le fondateur de la dynastie est François George (1722-1798). Ce dernier rentra dans le corps des imprimeurs strasbourgeois en 1761 et marqua fortement  l?ascension sociale et professionnelle de sa famille, ascension qui ne cessera de s?accentuer au cours des premières décennies du XIXe siècle. Son successeur fut François-Laurent-Xavier Levrault (1762-1821), imprimeur et libraire, à Strasbourg et à Paris. Sur la période 1786-1830, c?est environ 35 % de la production de cette Maison qui porta sur des publications touchant à l?art, à la science, à la géographie et aux voyages. Référence : Frédéric Barbier, Trois cents ans de librairie et d?imprimerie : Berger-Levrault 1676-1830, Genève, Droz, 1979.
3 Manuel de l?instituteur primaire ou Principes généraux de pédagogie, suivis d?un choix de livres à l?usage des maîtres et des élèves, Paris, F.-G. Levrault, 1831.
4 Joseph Willm, Premières lectures françaises pour les écoles primaires, Strasbourg, F.-G. Levrault, 1829.
5 Le chanoine Johann Christopher Schmid (1768-1864), dont les contes, initialement en allemand, furent traduits et parurent chez Levrault, pour la plupart entre 1829 et 1832.
6 Recueil de fac-similé de toutes espèces d?écritures, Strasbourg, F.-G. Levrault.
7 Probablement, C. Ferber, Le guide de l?instituteur primaire pour l?enseignement du calcul et plus particulièrement du système métrique, F.-G. Levrault, 1829.
8 Collection de 24 cartes muettes à l?usage des écoles, Strasbourg, F.-G. Levrault, 1832.
9 J. A. Buchon, Maître Pierre ou le savant au village. Histoire populaire des français, Paris, F.-G. Levrault, 1832.
10 C. P. Brard, Maître Pierre ou le savant au village,? entretiens sur la physique, Strasbourg, F.-. G. Levrault, 1828.
11 Lemaire, Maître Pierre ou le savant au village, ? entretiens sur l?astronomie, Strasbourg, F.-G. Levrault, 1830.
12 Achille Penot, Maître Pierre ou le savant au village, ? entretiens sur la mécanique, Paris, F.-G. Levrault, 1832.
13 Laurent Pierre de Jussieu (1792-1866), Simon de Nantua, ou le marchand forain, Paris, L. Colas, 1818.

 

 

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