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8 juillet 1832 - Numéro 37
 
 

 



 
 
    

considérations relatives aux eaux publiques de lyon,

par m. a. s. i12

Cet opuscule est l??uvre d?un bon citoyen et d?un homme éclairé. Ce ne sont pas de vaines déclamations qui procureront au peuple le bien-être après lequel il soupire : il faut que des hommes spéciaux mettent la main à l??uvre. M. S., paraît avoir rempli sa tâche heureusement, et avec conscience. Nous renvoyons les hommes [5.2]de l?art, à l?examen des principes hydrauliques sur lesquels il se fonde, n?étant point compétent en cette matière ; mais nous croyons devoir appeler l?attention de tous les philantropes sur les passages suivans de cette brochure remarquable.

La véritable science administrative, dit M. S?, consiste, 1° à ne point compromettre les deniers publics ; 2° à en dépenser le moins possible ; 3° à laisser faire. Et il en conclut, qu?après un examen approfondi, il est convenable d?accepter l?offre faite par une compagnie, d?entreprendre à ses frais, périls et risques, à prix de redevance annuelle payable par la ville, un premier service de 100 hectolitres d?eau par jour, et en peu d?années de 4,500 hectolitres par jour, ce qui serait suffisant pour les besoins de cette immense cité.

Un emprunt considérable fut autorisé, dit encore M. S?, il y a quelques années, à charge d?une affectation de plusieurs centaines de mille francs à un service d?eaux publiques ; mais ces fonds ajoute-t-il, avec une ironie amère, reçurent un emploi plus sacré? ils contribuèreut à la construction du théâtre. Si ce fait est vrai, il donne lieu à des réflexions de plus d?un genre. A propos de ce théâtre, M. S? a un mouvement d?indignation généreuse que nous transcrivons. « Notre ville possède une salle de spectacle construite à des frais qu?une pudeur citoyenne craint d?avouer ; et non loin de là, dans ce quartier le plus populeux, existe encore la boucherie des Terreaux, faute d?abattoirs extérieurs. Ces abattoirs n?auraient pas exigé le quart du prix du théâtre qui ne peut, qu?à la condition d?une subvention énorme, trouver un directeur pour l?agrément d?une centaine d?oisifs parcimonieux? On ne pourrait citer aucune création faite dans notre ville en faveur du bien-être de la masse de la population ; elle n?habite pas les beaux quartiers construits depuis cinquante ans ; elle ne reçoit aucun profit d?un palais fiscal d?où on extrait pour le livrer avec usure, le sel indispensable à la rectification de ses alimens : ce n?est pas elle qui a le plus grand intérêt à ces somptueux édifices nommés casernes, etc. » Si l?on voulait citer tous les endroits remarquables, cet article deviendrait trop long. Nous extrairons seulement encore les réflexions suivantes qui nous paraissent aussi justes que précises.

« L?amélioration de la condition sociale du peuple est une condition de l?existence de la société elle-même ; le peuple paye ce qu?on fait pour lui, il contribue encore à ce qui se fait au profit de la richesse et du luxe. Hâtons-nous de rendre au peuple qui produit le plus, contribue davantage aux dépenses communes et a plus de besoins, une partie des fruits de ses sueurs. Si le pain est trop cher, aidons-le à s?en procurer, et si des droits exhorbitans augmentent le prix du vin, procurons-lui du moins de l?eau salubre et en abondance3. L?eau est en effet, soit comme aliment, soit comme élément de propreté, un des besoins les plus urgens ; elle est même, grâce à l?insuffisance des salaires et à nos lois fiscales, bien souvent l?unique boisson de la classe pauvre. Et la difficulté de se procurer de l?eau, à Lyon, est, dit encore M. S?, la cause originelle de cette malpropreté reprochée au peuple lyonnais, mais résultat nécessaire de l?incurie administrative. Chacun ne se procure de l?eau et n?en dépense que la quantité nécessaire aux besoins de la vie, et ce, à raison de l?absence de fontaines jaillissantes ; aussi, est-il peu d?habitations qui n?offrent un aspect hideux à qui veut en franchir l?entrée. »

Nous joignons nos v?ux à ceux de M. S. pour que notre municipalité, produit de l?élection des citoyens, [6.1]veuille bien s?occuper d?eux et de leurs intérêts exclusivement à bien d?autres choses qui ne sont pas de notre ressort, et ne devraient être pour elle qu?un objet secondaire.

Marius Ch.....g.

Notes (considérations relatives aux eaux publiques de...)
1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Il s?agit d?une brochure publiée en juin 1832 chez l?imprimeur J. Roger, Considérations relatives aux eaux publiques à Lyon.
3 Le problème de l?eau est fondamental au XIXe siècle à double titre. C?est d?abord une question d?énergie, elle alimente les besoins de l?industrie. Un principe s?est imposé comme le note C. Grimaud  de Caux : « plus l?eau est abondante, plus l?industrie se développe » (cité par G. Vigarello, Histoire des pratiques de santé, Paris, Le Seuil, 1999, p. 241). Par ailleurs, les questions d?hygiène sont de plus en plus à l?ordre du jour. La découverte des germes invisibles renforce l?idée d?une purification des eaux consommées qui s?imposait déjà dès le XVIIIe siècle. à Lyon, la distribution des eaux fut une question largement débattue et des investissements en équipement hydraulique  entre 1824 et 1833 ont été entrepris. La Compagnie Générale des Eaux fondée en 1853 passe son premier accord avec la ville de Lyon. Elle obtint la concession des services publics de distribution d?eau à des conditions très intéressantes  et la distribution put commencer dès 1856. Le prix de l?eau pour les particuliers s?élevait à 0.60 F. et à 0.30 F pour l?industrie.  Cette dernière était grande consommatrice d?eau, en particulier l?industrie de la teinturerie, référence : J.-P. Goubert, La conquête de l?eau, Paris, R. Laffont, 1986.

 

 

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