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8 juillet 1832 - Numéro 37
 

 




 
 
     
AVIS.

[1.1]Les personnes dont l’abonnement est expiré, sont priées venir le renouveler si elles ne veulent pas éprouver de retard dans l’envoi du Journal.

LYON.
industrie lyonnaise.1

Nous avons à plusieurs reprises cherché à prouver que le maintien et le progrès de notre industrie exigeaient l’association ou du moins l’union, le concert de ses agens. Nous ne considérons pas comme une réponse ou une réfutation les phrases du Courrier de Lyon citées dans notre dernier Numéro, et nous continuerons donc à développer nos idées sur cette question.

Les fabriques d’Allemagne et d’Angleterre, celles de France dans les articles laine ou coton, progressent rapidement sans qu’il y ait association entre leurs agens ; mais c’est parce que les bases sur lesquelles ces établissemens reposent sont tellement larges qu’elles permettent, sans inconvénient, les frais d’essais, d’expériences, de recherches ; chez nous, au contraire, l’organisation industrielle est telle que le plus petit capital suffit à l’établissement d’une fabrique2, et que fort peu roulent sur de grands capitaux : d’où il résulte un avantage en ce que plus d’industriels peuvent devenir fabricans ; mais cet avantage est chèrement compensé par l’inconvénient qu’en éprouvent l’industrie en général et les agens subalternes en particulier.

On comprendra facilement qu’une maison qui roule sur 400,000 francs de capital et fait pour 1,200 mille fr. d’affaires, a bien plus de marge sous tous les rapports, et surtout sous celui des perfectionnemens et des essais, que celles qui n’ont que 100,000 f. ou moins.

Une petite fabrique qui voudrait faire des essais afin de perfectionner sa branche, se ruinerait bientôt en [1.2]expériences ou n’avancerait pas. Le statu quo est donc la condition d’existence de la plupart de nos fabriques. C’est là un des plus grands inconvéniens de l’industrie morcelée.

Mais cet inconvénient, on peut y parer par l’association.

Eh ! qu’on ne jette pas les hauts cris à ce mot d’association, et qu’avant d’avoir lu et réfléchi on ne hurle pas que c’est impossible !

Ce n’est pas de l’association pour l’exploitation de l’industrie que nous voulons parler, mais de l’association pour faire, à frais communs, toutes les expériences, tous les essais, pouvant provoquer et activer le perfectionnement et le développement de notre industrie dans toutes ses branches.

Ce n’est pas un cercle de fabricans tel qu’il a existé que nous demandons ; nous avons, Dieu merci, assez de parlage, et savons, par expérience, qu’il sort peu de bon des grandes assemblées délibérantes. Nous demandons une association d’industriels, une association composée de fabricans, marchands de soie, commissionnaires, teinturiers, chefs d’ateliers, mécaniciens, artistes, enfin d’hommes directement intéressés à la prospérité de notre industrie et voulant y concourir.

Nous pensons qu’il suffit d’émettre cette idée pour que les hommes accoutumés à réfléchir y voient un germe fécond en grands résultats. Nous développerons dans le prochain Numéro nos idées sur l’organisation de l’association : mais comme la tâche est grande et que notre journal n’est pas lu par tous ceux que la question intéresse, nous appelons franchement l’attention et la coopération des écrivains qui se fatiguent à faire du constitutionalisme ou du radicalisme dont les masses se soucient peu tant qu’elles ont faim ; qu’ils descendent des nuages ou plutôt des brouillards de la haute politique dans le champ simple, mais immense, mais fertile des intérêts matériels ; qu’ils nous aident de leur talent à répandre dans toutes les opinions l’idée de l’association industrielle d’essais et de perfectionnemens.

Z.

ÉCONOMIE SOCIALE.1

[2.1]de l’impôt des patentes. (Voyez N° 29, 13 mai.)

La patente est à l’industrie ce que la contribution foncière est à la propriété, C’est une contribution directe qui est juste en principe et dans son résultat ; car elle ouvre la porte du collège électoral à celui qu’elle grève. Mais combien dans son application cette loi est-elle injuste ; ce n’est pas de ce qu’elle frappe le moindre boutiquier que je me plaindrai, loin de là : toute industrie doit y être soumise, on ne saurait trop augmenter le nombre des citoyens : je me plaindrai de ce qu’elle frappe inégalement tel ou tel individu exerçant une profession identique, je me plaindrai qu’elle soit sujette, sous aucun motif, à la hausse et à la baisse. J’ai vu le même industriel payer 20 ou 30 fr. de plus une année qu’une autre, sans que pour cela son industrie ait changé. Cette partie de nos contributions a besoin d’être révisée et établie sur une échelle large. Il faut que le peuple voie enfin clair dans ses affaires et voie par lui-même : il faut que chacun connaisse, en choisissant un négoce, à quelle patente il se trouve soumis, et que cette patente soit invariable, la plus forte excluant toujours la plus faible.

Je profiterai de cette occasion pour signaler quelques abus. Les huissiers sont assujettis à la patente ; c’est une injustice, car ils sont fonctionnaires, Dira-t-on qu’indépendamment de cette qualité ils exercent une industrie : je conçois ce que cet amalgame a de fâcheux, aussi je crois qu’il conviendrait que le gouvernement payât directement les huissiers, soit pour acter, soit pour tenir les audiences, et fit percevoir par le receveur de l’enregistrement la totalité des droits qui leur sont alloués. Les huissiers exécuteraient les divers actes de leur ministère sur la réquisition du président du tribunal civil, de même que la gendarmerie remplit ses fonctions sur la réquisition du procureur du roii. Par là, ils seraient rendus à leur indépendance, et se renfermeraient dans le cercle de leurs fonctions qui sont des plus importantes dans l’ordre judiciaire.

Par contre, les avoués qui, loin d’être fonctionnaires, ne sont que de simples mandataires, des agens d’affaires litigieuses, sont affranchis de la patente, et c’est là une anomalie choquante et contre laquelle le bon sens proteste.

Les notaires ne payent point de patente ; c’est juste, car ils sont fonctionnaires ; mais ils devraient se renfermer strictement dans l’exercice de leurs fonctions, et ceux qui ne le feraient pas, si on ne peut l’empêcher, devraient être assujettis à une patente en qualité d’agens d’affaires. Le public en s’adressant à un notaire agent d’affaires saurait à quoi il s’expose. Il serait à propos que nos législateurs jetassent un coup d’œil sur cet abus que font les notaires en cumulant leurs fonctions publiques avec une industrie, qui nécessairement a ses chances et dans tous les cas a le grave inconvénient de faire descendre le notaire de la magistrature qu’il exerce.

Les médecins payent une patente. D’après mon opinion ils sont sur la même ligne que les avocats, les hommes de lettres et les artistesii. Ceux-ci en sont exempts ; comme [2.2]eux, les médecins devraient l’être. Les arts libéraux doivent être considérés sous un point de vue plus élevé, et comme le sacerdoce du nouvel ordre social auquel nous tendons tous, peut-être à notre insçu.

Marius Ch.....g.


i Cela vaudrait mieux que toutes les bourses communes et les associations que le corps des huissiers a inventèes. Les premières ont le désavantage de faire vivre les hommes paresseux et ignares sur le fruit du travail de leurs collègues actifs et intelligens ; elles sont pour eux ce que serait une loi agraire pour la société : les secondes n’ont qu’un défaut, c’est que la morale et les lois les réprouvent.
ii Voyez l’Echo de la Fabrique, N° 34, De l’égalité sociale, 3me art.

Dans un de nos articles sur le Courrier de Lyon, nous avons dit que tout dans sa rédaction, semblait contradictoire et de travers ; que les banquiers et les fabricans écrivaient les articles de haute politique et littérature, tandis que les littérateurs et les politiques écrivaient les articles commerce et industrie. Nos lecteurs jugeront par l’article suivant extrait du Courrier du 4, si nous avons dit vrai.

« L’activité du marché des soies est donc en progrès sur la place de Lyon. On peut en dire autant de la fabrique. En général, les ouvriers sont occupés ; ceux qui font habituellement de l’étoffe façonnée, trouvent assez facilement de l’ouvrage, soit chez un fabricant, soit chez un autre, lorsque la fabrication d’un article de goût auquel ils travaillaient est arrivée à son terme. Quant aux tissus d’étoffes unies, les bons ouvriers sont recherchés pour le satin : il n’en est malheureusement pas de même pour le gros de Naples.

Espérons que lorsque la tranquillité sera parfaite dans les grands centres de consommation, à Paris, surtout, et que la bonne harmonie ne risquera pas d’être troublée entre les divers agens de l’industrie dans les contrées manufacturières, notre fabrique de soieries atteindra rapidement le haut point de prospérité auquel elle est appelée. »

Un seul mot encore : nous avons un bureau d’indication, et plus de cinquante chefs d’ateliers viennent tous les jours nous demander des adresses pour avoir de l’ouvrage. Voilà sans doute un signe de prospérité.

L’IMPÔT PROGRESSIF.1

L’assiette de l’impôt est une question si grave et si féconde qu’en tous temps, et surtout aux époques de révolution ou d’agitation, c’est la première qui attire l’attention des esprits éclairés.

L’assiette actuelle est mauvaise, tout le monde en convient, tout le monde le dit et cependant on la garde.

C’est qu’en matière de finances il faut une bien forte conviction pour changer de route. Car les erreurs se paient cher souvent par des calamités publiques.

Une lettre sur l’impôt progressif a été adressée par M. Terme, à la commission des finances de notre conseil municipal ; une autre contre ce système d’impôt vient de lui être adressée par M. Gros.

Les deux auteurs sont des hommes honorables et consciencieux ; l’examen de leurs opinions ne peut être que profitable, la matière d’ailleurs est du domaine que nous affectionnons, celui des intérêts matériels. Nous examinerons les deux opinions dans notre prochain N°.

JURISPRUDENCE USUELLE.1

des locations. (Suite.)

Bail verbal. Le bail verbal est celui qui n’est pas écrit, ainsi que son nom l’indique. Il est soumis à la bonne foi des parties, mais le locataire est principalement à la discrétion du propriétaire.

[3.1]Si ce bail n’a pas encore reçu d’exécution, les deux parties peuvent se refuser à l’exécuter. Inutile de demander à le prouver par témoins, quelque minime que soit le prix ; on peut seulement déférer le serment à celui qui nie le bail. Si ce bail est avoué, la partie qui refuse de l’exécuter n’encourt que de simples dommages-intérêts qui sont toujours de peu de valeur

Si le bail a pris cours, et que lors du payement il s’élève des difficultés sur le prix, il faut distinguer s’il y a des quittances ou s’il n’y en a pas. Dans le premier cas les quittances font foi, lors même que le bailleur alléguerait une augmentation. Dans le second cas, le propriétaire est cru sur son affirmation. Cependant le locataire a le droit de demander une estimation par experts. Si cette estimation dépasse le prix déclaré par lui, il est condamné aux frais de l’expertise. Ces frais varient suivant l’importance des objets qui y sont soumis, mais on peut être certain qu’ils ne seront jamais au-dessous de 150 à 200 fr. Il faut observer de demander cette estimation avant que le juge ait déféré le serment au propriétaire, parce qu’alors on ne serait plus à temps. Il est de principe que toute contestation cesse après un serment. Le legislateur a voulu par là entourer cet acte religieux d’un respect inviolable.

Le bail verbal est soumis à une dédite réciproque tous les six mois.

Il empêche le locataire de pouvoir sous-louer parce que le propriétaire pourrait se soustraire à l’exécution du sous-bail et louer de son côté à un autre.

Il rend le locataire passible de la répétition de l’impôt des portes et fenêtres pendant trois ans, sauf le cas où le locataire rapporterait des quittances d’une année intégrale qui porteraient le mot solde. En ce cas il paraît naturel de croire que le propriétaire en a fait abandon pour toute la durée du bail.

Sous ces divers rapports le bail verbal doit être proscrit. Il n’a aucun avantage pour l’homme de bonne foi, il ouvre la porte à toute espèce de fraude.

Promesse de bail. La promesse de bail équivaut à un bail comme une promesse de vente équivaut à une vente. Si elle ne porte pas la stipulation du fait-double, elle est nulle de plein droit ; ainsi que tous les actes sous seing privé qui sont synallagmatiquesi. En cas d’inexécution cette convention se résout par des dommages-intérêts. C’est donc une mauvaise manie de faire un semblable acte à moins que des circonstances imprévues en soient cause. Puisqu’on promet de louer, pourquoi ne pas louer de suite ? sauf à renvoyer l’état des lieux à dresser à l’époque de l’entrée en jouissance.

Arrhes. Je dirai la même chose de l’usage abusif de donner ou recevoir des arrhes. Le propriétaire en doublant les arrhes peut se refuser à laisser occuper le locataire, ce dernier en les abandonnant peut également frustrer le propriétaire d’une location sur laquelle il comptait. Dans le cas où il serait prouvé par un reçu que ces arrhes ont été données à compte du prix du bail, ce reçu n’équivaudrait qu’à une promesse de bail, et il n’y aurait encore lieu qu’à une condamnation de dommages-intérêts.

En résumé, il faut s’abstenir du bail verbal, de la promesse de bail et de la coutume de donner des arrhes.

Dans les prochains numéros nous parlerons de l’occupation, du payement, des réparations locatives, de la [3.2]responsabilité en cas d’incendie, et par suite des assurances, de l’obligation de supporter les grosses réparations, des dedites ou congés, de la tacite reconduction, de la jouissance précaire, de la location des chambres garnies, et enfin des poursuites judiciaires à défaut de payement, et de l’expulsion ensuite d’un congé ou d’expiration de bail.

Marius Ch.......g.


i On appelle synallagmatique l’acte sous seing-privé qui est fait par deux parties et contient une convention réciproque quelconque. Cet acte doit toujours être fait double. On appelle unilatéral l’acte sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers l’autre comme le billet, etc.

CHAMBRE DE COMMERCE.

Depuis longtemps le commerce de France réclame contre le mode d’organisation des chambres de commerce ; ses réclamations paraissent avoir été entendues par le gouvernement, mais nullement comprises par les hommes qu’il a chargés d’y faire droit.

L’ordonnance de réorganisation est vraiment une pièce curieuse sous tous les rapports, et le conseil supérieur du commerce à qui paraît en revenir tout l’honneur (nous estimons trop haut les lumières de M. d’Argout, pour la lui attribuer), a fait preuve d’une rare capacité dans l’art d’embrouiller et de torturer les questions les plus claires et les plus droites.

Critiquer l’ordonnance article par article nous mènerait trop loin ; nous nous contenterons d’engager ceux de nos lecteurs qui aiment à étudier les choses difficiles, les problèmes, les énigmes, les vieux grimoires, à lire cette ordonnance, et nous ajouterons que le 6 courant :

9 membres du tribunal de commerce,

12 membres de l’ancienne chambre de commerce,

28 notables choisis par ces deux corps,

31 prud’hommes chefs d’atelier et prud’hommes fabricans,

soit en tout 80 notables représentant le commerce de la seconde ville du royaume, ont procédé, sous la présidence de M. le préfet, à l’élection des membres de la chambre de commerce.

Sur 80 électeurs-notables, 60 ont voté.

Le commerce jugera s’ils ont bien ou mal compris leur privilège et l’importance de leurs bulletins.

membres de la chambre de commerce élus le juillet.

Fabrique
MM. I Rémond, fabric. d’étoffes unies.
  Brosset aîné, fabricant de façonné.
  Goujon, président des prud’hommes, fabricant d’uni.
  Mestrallet, fabricant de dorures.
Commerce des soies.
MM. Laurent Dugas, marchand de soie.
  Richand, idem.
Commerce de la commission.
MM. Arlès-Dufour, commiss. en soieries.
  Mante, idem.
Commerce de banque.
M. Beaup, banquier.
Commerce de roulage, et chargemens.
M.  Rieussec . . . . . .
Commerce d’épicerie en gros, et liquides.
M. Chaurand,  
Commerce de toilerie.
M.  Forcheron,  
Filatures.
MM.  Henry Dobler, . . . . . .
  . . . . . . . . . . . .
  Bourbon, ancien négociant.
  Vachon-Imbert, idem.

AU RÉDACTEUR.

[4.1]Monsieur,

Des difficultés s’étant élevées entre M. Troubat, fabricant, et moi chef d’atelier, nous parûmes au conseil de jeudi, 28 juin, qui nous renvoya pour terminer notre affaire, pardevant MM. Vuldy, Charnier, Gamot et Martinon. Il s’agissait d’un défrayement pour montage de métiers : M. Gamot alors me demanda dequis quel temps ces métiers pour lesquels je réclamais un défrayement, étaient à bas ; je répondis environ trois mois. À cette réponse, il m’opposa la prescription, prétendant qu’un ouvrier n’avait qu’un mois pour faire des réclamations envers son fabricant, et ajouta que lui-même se refuserait formellement à faire droit à ces réclamations, si elles le regardaient comme fabricant et comme prud’homme. Il laissait M. Troubat maître de le reconnaître ou non. Alors je tirai de ma poche, un relevé du Code civil, titre de prescription, section 4, article 2271, qui dit : Le travail de l’ouvrier, ses fournitures et salaires, se prescrivent par six mois. Il lut, et me dit que j’étais un chicaneur, que j’allais semer la discorde parmi les ouvriers, et que l’on devait fortement réprimer des hommes comme moi, et ajouta avec un ton de la plus haute aigreur : je me f… de la loi, ce qu’il répéta plusieurs fois sur le même ton.

En conséquence, je vous prie M. le rédacteur, de donner à ma lettre toute la publicité possible, afin que tout le monde sache, que là où l’on ne connaît pas la loi, il ne peut y avoir qu’erreur et injustice.

J’ai bien l’honneur de vous saluer,

Desmaison.

(Note du rédacteur.) - C’est avec peine que nous nous avons appris la conduite de M. Gamot dans cette affaire. Si un homme dont la position le met à même de rendre la justice, se joue ainsi de la loi, et si M. Gamot avait malheureusement de nombreux imitateurs dans ses collégues du conseil des prud’hommes, il ne resterait aux ouvriers aucun moyen d’obtenir justice, et il faudrait qu’ils courbassent de nouveau le front sous l’égoïsme et la cupidité. Mais que les ouvriers se consolent, si des hommes oublient le caractère dont ils sont revêtus, nous n’oublierons jamais notre mission, et nous serons toujours prêts à les défendre et à rappeler à ses devoirs, celui qui s’en écartera.

Notre impartialité nous fait un devoir d’insérer les deux lettres suivantes, nous réservant toutefois d’y répondre dans notre prochain Numéro.

AU MÊME.

Monsieur,

Dans votre Numéro du 1er courant, vous rapprochez deux causes jugées par le conseil des prud’hommes, celle d’un chiffre surchargé (sur le livre de l’ouvrier seulement) formant 200 g. au détriment de celui-ci, et celle d’une 1/2 aune peluche gardée au détriment d’un fabricant : vous montrez qu’en menaçant le second du procureur du roi, on a été plus sévère qu’envers le premier qui était un fabricant.

La surcharge n’ayant eu lieu que sur le livre de l’ouvrier et celui du fabricant étant parfaitement en règle, le conseil n’a pu accuser la bonne foi de ce dernier ; [4.2]mais comme son livre partait 785 g. et celui de l’ouvrier 585 surchargé pour faire 785, on a résolu en faveur de l’ouvrier l’erreur qu’il y avait eu d’un côté et d’autre.

Mais y aurait-il eu preuve de mauvaise foi de la part du fabricant ci-dessus, que le conseil aurait été embarrassé, car peu de jours auparavant un maître, M. Bunot, avait été convaincu d’avoir ajouté au crédit de son livre un 1 qui faisait à son fabricant un préjudice de 1 ko, et comme on s’était borné envers ce dernier ouvrier à la rectification du poids qui existait, on n’aurait pu, peu de jours après, exiger plus d’une surcharge bien moins importante. C’est ainsi qu’une première indulgence qui pouvait satisfaire les ouvriers aurait conduit à une autre qui les aurait indisposés, si on ne leur faisait connaître toute la vérité.

Je partage du reste votre avis, le conseil devrait être plus sévère pour tout ce qui est manque de bonne foi, pour ne rien dire de plus, et se porter lui-même partie civile contre ceux qui s’en rendent coupables.

Je vous prie d’agréer, etc.

Gamot,

fabricant, membre du conseil des prud’hommes

AU MÊME.

Monsieur,

Votre numéro du 1 courant contient un article sur la défense devant le conseil des prud’hommes, dans lequel on ne discute que la question de droit. De là des insinuations toutes défavorables au conseil, tandis que dans le refus qu’il a fait d’admettre des agréés, il n’a eu en vue que l’avantage de l’ouvrier. Les considérations qui l’ont déterminé beaucoup plus que la loi, et dont M. Marius Ch… n’a sans doute pas eu connaissance, sont les suivantes :

1° Un agréé, ou défenseur, quelqu’officieux qu’il soit, ne viendra pas passer un après-dîner à l’audience et ne se donnera pas la peine de présenter une défense, sans se faire payer. Si l’ouvrier ne lui donne un salaire en espèces, il se croira néanmoins obligé de lui faire une politesse, de lui offrir au moins quelques raffraîchissemens au sortir de l’audience et ce sera toujours l’ouvrier qui paiera.

Or, la loi, ainsi que le conseil l’a fort bien comprise, veut que ces débats soient sans frais pour les parties.

2° Le conseil sait fort bien encore que plusieurs personnes compteraient se faire un état de cette qualité d’agréé et que s’il en accorde à l’ouvrier, il ne pourra en refuser au fabricant ; que par suite, il pourra se glisser parmi ces agréés d’ouvriers et de fabricans, des personnes qui pourront chercher à prolonger les causes, à les faire remettre d’audience en audience, pour se faire payer plusieurs vacations, toujours onéreuses pour l’ouvrier. Ces remises, dira-t-on, le conseil pourra les empêcher, j’observerai que non, parce que l’agréé fera valoir que ça gênerait la défense.

3° Je ne crois pas qu’aucun ouvrier ait pu jusqu’ici se plaindre que sa défense n’ait pas été bien comprise, ou qu’elle ait été gênée le moins du monde. La marche qu’a adoptée le conseil d’envoyer toutes les affaires en conciliation avant de les passer en jugement, facilite singulièrement l’ouvrier, qui peut toujours aller à l’avance exposer sa cause et la détailler, en particulier et amicalement, à un prud’homme chef d’atelier, qui sera l’un des deux arbitres par devant lesquels on l’aura renvoyé.

[5.1]Si d’ailleurs le conseil s’apercevait que la timidité ou l’embarras de s’exprimer gênassent une défense, il se ferait un devoir d’admettre un tiers ; mais il se réserve parce qu’il s’en croit très-capable, d’apprécier quand ce sera nécessaire, ainsi qu’il l’a fait jusqu’ici.

M. Marius Ch… cite le tribunal de commerce, mais ce tribunal se décide à faire comparaître maintenant les parties, persuadé que l’affaire s’éclaircit plus vite par elles que par des avocats.

Enfin et quatrièmement, quand les deux parties feront présenter leurs débats par des agréés, il est à craindre qu’elle ne leur disent pas toute la vérité. Elles ne feront pas connaître le côté faible de leur cause et indépendamment des plaidoieries des agréés il faudra questionner et entendre les parties pour leur arracher toute la vérité. Le conseil aura donc quatre personnes à écouter au lieu de deux, de là des longueurs et de l’embrouillement.

A l’appui de cette dernière assertion, je citerai un fait récent. Un ouvrier faisait appeler un fabricant ; un défenseur officieux demanda à présenter les griefs de l’ouvrier, le président de l’ancien conseil y consentit. Le défenseur dit que l’ouvrier, attendant sa pièce depuis 15 jours, demandait une indemnité : le fabricant de répondre que l’ouvrier savait fort bien que sa pièce était prête depuis quinze jours. Comme il était présent à l’audience, il en convint au grand étonnement de son défenseur : il lui dit alors de faire valoir que la pièce n’ayant que 10 aunes il n’en voulait pas. Celui-ci présenta et débattit ce nouveau point. Le fabricant l’annula de suite en disant qu’eu égard au court aunage, il avait promis une indemnité à l’ouvrier s’il prenait sa pièce, et l’ouvrier d’en convenir encore. On renvoya, je crois, les parties en conciliation ; mais le défenseur fut très-mortifié de ce que son client, ne lui ayant pas tout dit, l’avait mis dans une position tout-à-fait désagréable. Ce défenseur était M. Charnier, membre du conseil actuel, ainsi qu’il me l’a dit. Il ne faut pas objecter que ce sera une chose qui arrivera une fois entre cent ; je soutiens, au contraire, qu’elle arrivera 99 fois, soit d’une part, soit de l’autre.

Quant à la hauteur et à la fatuité du fabricant, dont parle M. Marius Ch. je m’étonne que ce soit un homme aussi instruit que lui qui les attribue en partie à l’instruction, et je l’assure que lorsque le conseil les rencontrera dans un de ses justiciables, il n’en sera que plus sévère envers lui. Si le négociant regarde ses juges comme ses égaux, l’ouvrier doit savoir qu’ils sont aussi les siens, et rien de plus ; il doit savoir aussi que les fabricans ne se croient pas plus au-dessus d’un ouvrier, qu’ils ne se croient eux-mêmes au-dessous du commissionnaire qui leur achète leur étoffe et leur fait ainsi gagner leur vie.

Je vous prie d’agréer, etc.

Gamot.

considérations relatives aux eaux publiques de lyon,

par m. a. s. i12

Cet opuscule est l’œuvre d’un bon citoyen et d’un homme éclairé. Ce ne sont pas de vaines déclamations qui procureront au peuple le bien-être après lequel il soupire : il faut que des hommes spéciaux mettent la main à l’œuvre. M. S., paraît avoir rempli sa tâche heureusement, et avec conscience. Nous renvoyons les hommes [5.2]de l’art, à l’examen des principes hydrauliques sur lesquels il se fonde, n’étant point compétent en cette matière ; mais nous croyons devoir appeler l’attention de tous les philantropes sur les passages suivans de cette brochure remarquable.

La véritable science administrative, dit M. S…, consiste, 1° à ne point compromettre les deniers publics ; 2° à en dépenser le moins possible ; 3° à laisser faire. Et il en conclut, qu’après un examen approfondi, il est convenable d’accepter l’offre faite par une compagnie, d’entreprendre à ses frais, périls et risques, à prix de redevance annuelle payable par la ville, un premier service de 100 hectolitres d’eau par jour, et en peu d’années de 4,500 hectolitres par jour, ce qui serait suffisant pour les besoins de cette immense cité.

Un emprunt considérable fut autorisé, dit encore M. S…, il y a quelques années, à charge d’une affectation de plusieurs centaines de mille francs à un service d’eaux publiques ; mais ces fonds ajoute-t-il, avec une ironie amère, reçurent un emploi plus sacré… ils contribuèreut à la construction du théâtre. Si ce fait est vrai, il donne lieu à des réflexions de plus d’un genre. A propos de ce théâtre, M. S… a un mouvement d’indignation généreuse que nous transcrivons. « Notre ville possède une salle de spectacle construite à des frais qu’une pudeur citoyenne craint d’avouer ; et non loin de là, dans ce quartier le plus populeux, existe encore la boucherie des Terreaux, faute d’abattoirs extérieurs. Ces abattoirs n’auraient pas exigé le quart du prix du théâtre qui ne peut, qu’à la condition d’une subvention énorme, trouver un directeur pour l’agrément d’une centaine d’oisifs parcimonieux… On ne pourrait citer aucune création faite dans notre ville en faveur du bien-être de la masse de la population ; elle n’habite pas les beaux quartiers construits depuis cinquante ans ; elle ne reçoit aucun profit d’un palais fiscal d’où on extrait pour le livrer avec usure, le sel indispensable à la rectification de ses alimens : ce n’est pas elle qui a le plus grand intérêt à ces somptueux édifices nommés casernes, etc. » Si l’on voulait citer tous les endroits remarquables, cet article deviendrait trop long. Nous extrairons seulement encore les réflexions suivantes qui nous paraissent aussi justes que précises.

« L’amélioration de la condition sociale du peuple est une condition de l’existence de la société elle-même ; le peuple paye ce qu’on fait pour lui, il contribue encore à ce qui se fait au profit de la richesse et du luxe. Hâtons-nous de rendre au peuple qui produit le plus, contribue davantage aux dépenses communes et a plus de besoins, une partie des fruits de ses sueurs. Si le pain est trop cher, aidons-le à s’en procurer, et si des droits exhorbitans augmentent le prix du vin, procurons-lui du moins de l’eau salubre et en abondance3. L’eau est en effet, soit comme aliment, soit comme élément de propreté, un des besoins les plus urgens ; elle est même, grâce à l’insuffisance des salaires et à nos lois fiscales, bien souvent l’unique boisson de la classe pauvre. Et la difficulté de se procurer de l’eau, à Lyon, est, dit encore M. S…, la cause originelle de cette malpropreté reprochée au peuple lyonnais, mais résultat nécessaire de l’incurie administrative. Chacun ne se procure de l’eau et n’en dépense que la quantité nécessaire aux besoins de la vie, et ce, à raison de l’absence de fontaines jaillissantes ; aussi, est-il peu d’habitations qui n’offrent un aspect hideux à qui veut en franchir l’entrée. »

Nous joignons nos vœux à ceux de M. S. pour que notre municipalité, produit de l’élection des citoyens, [6.1]veuille bien s’occuper d’eux et de leurs intérêts exclusivement à bien d’autres choses qui ne sont pas de notre ressort, et ne devraient être pour elle qu’un objet secondaire.

Marius Ch.....g.


i (1) Se vend 25 cent. à Lyon chez Targe, libraire, rue Lafont, et au bureau de l’Echo.

BAINS DE RIVIÈRE.1

Depuis quelques jours des milliers de soldats et de citoyens se baignent dans le Rhône ; mais aussi chaque jour voit périr plusieurs d’entr’eux.

Les places et les heures de natation sont connues, et il serait du devoir de l’autorité municipale d’établir des postes de secours composés de plusieurs bateliers avec des bateaux légers.

Peut-être ces postes sont-ils établis ; mais alors ils le sont mal, et ne sont pas surveillés ; car, lorsque quelqu’un se noie et que l’on crie au secours, personne ne se montre, ou bien il est toujours trop tard.

Lorsque nous voyons l’autorité si prompte à déployer ses moyens militaires, à renforcer ses postes à propos d’une mouche qui vole, d’un bruit de police, ou de quelque querelle de ménage ; lorsque nous la voyons si jalouse de la concorde et du repos des citoyens, nous pouvons bien demander d’elle qu’elle applique une partie de sa sollicitude et de ses moyens de police à prévenir les tragiques accidens qui se renouvellent tous les jours sous ses yeux.

C’est au maire, surtout, que nous adressons ces observations ; il est le chef de la cité, et doit veiller à ce que rien de ce qui peut protéger l’existence des membres de sa famille ne soit négligé.

SUR LE CHOLÉRAi.1

Alerte ! alerte !

Ce monstre hideux et vorace qu’on appelle choléra se rapproche de nous dans sa marche inconnue et vagabonde. Satellite de la barbarie auxiliaire du Russe féroce et immonde, il vient décimer nos populations libérales pour les abandonner énervées au sabre du pandour, à la lance cosaque. Il aime le cours des fleuves, les grandes réunions d’hommes. Un jour prochain il abattra son vol sur notre populeuse cité. Une ample moisson lui est promise. Toutes les prévisions humaines ne sauraient empêcher l’invasion de cet ange de la mort.

Invisible ennemi qu’on ne voit ni ne touche,
Qui vient flétrir vos yeux et crisper votre bouche,
Qui vous jette en une heure au sable des tombeaux,
Qui, sur l’aile des vents, tout-à-coup vous arrive
Plus vite que le flot qu’on voit battre la rive
De la blanche écume des flots.
J. Bard. Le choléra-morbus, improv. lyr.2

Alerte ! alerte ! citoyens, garde à vous ! l’ennemi s’approche. Ce ne sont pas vos souscriptions fastueuses [6.2]qui le conjureront. Hommes riches, qui dans ces jours de détresse croyez être quittes envers vos compatriotes par le don de quelques écus, don qui n’effleure même pas votre luxe, il faut opposer à cet ennemi une barrière plus forte et journalière. L’amélioration physique de la classe pauvre, c’est là le cri de la société ! il faudra bien qu’on l’entende. A l’ouvrage donc, citoyens de toutes classes : formez des associationsii pour vous secourir lors de la terrible invasion. Et vous, magistrats, soyez à la hauteur de votre mandat, visitez ces maisons qu’habite une population immense d’ouvriers, assainissez-les, et que tout ce qui ne pourra pas l’être tombe impitoyablement sous le marteau ; élargissez ces rues fétides ; supprimez ces cloaques habités par la misère : que l’incurie ou l’avarice sordide d’un propriétaire ne soit plus un obstacle ; marchez au nom de la loi, au nom du salut commun.

Salus populi suprema lex esto !   

Informez-vous aussi des moyens d’existence de ce peuple confié à vos soins. Est-il vêtu et nourri comme un homme doit l’être en travaillant ? A-t-il du travail, un salaire suffisant ? Ah ! croyez-moi, ce n’est pas par goût que le prolétaire est couvert de haillons ; ce n’est par goût qu’il se nourrit d’alimens malsains et indigestes. Le choléra approche, donnez à la population ouvrière de quoi faire face et combattre avantageusement le fléau dévastateur dont elle est la première victime.

Le fameux Barrère3 disait que pour connaître un vrai patriote il fallait attendre sa réponse à cette question : Au cas de contre-révolution qu’as-tu fait pour être pendu ? Eh bien ! Magistrats, il faut qu’à la sortie de ses fonctions chacun de vous redevenu simple citoyen puisse répondre sans rougir à cette question : Qu’as-tu fait pour le peuple ?

Marius Ch....g.


i M. Broussais dans ses savantes leçons a, d’après une opinion généralement répandue, fait dériver ce mot du grec chole bile et du morbus en français maladie, c’est-à-dire maladie de la bile. Je crois faire plaisir aux lecteurs qui s’occupent de recherches scientifiques, en leur soumettant une autre étymologie proposée par M. Jobard de Bruxelles et que j’emprunte à la Gazette médicale (n° 170, 24 juin 1832). Selon cet auteur, choléra viendrait de choliro, mot hébreu que la Vulgate a traduit par miseria magna au lieu de morbus malus qui est le sens exact : « Choliro est aliud malum quod vidi sub sole et quidem frequens apud homines. Ecclesiastes, cap. 6 » Augebit Dominus plagas tuas et plagas seminis tui, plagas magnas et perseverantes, infîrmitates pessimas et perpetuas. (Cholaim raïm) Deut. c. 28, v. 59. »
ii Une association de ce genre a été formée dans le quartier St-Paul par les soins de deux patriotes, MM. Lortet et Charnier, mais leur appel n’a pas été entendu.

La bienfaisance fut toujours une vertu dans tous les temps pratiquée par les Lyonnais1, et l’on peut dire avec raison qu’elle ne le fut jamais tant que de nos jours. Il reste pourtant des malheureux que l’on semble oublier, ce sont les victimes de novembre, les blessés et les veuves. Les sommes recueillies en leur faveur leur ont été distribuées depuis long-temps, de sorte qu’il ne reste plus rien pour les soulager, et plusieurs sont infirmes pour le reste de leur vie. C’est en faveur de ces derniers qu’une souscription a été ouverte chez le sieur Germain, cafetier vis-à-vis le Jardin des Plantes, par des chefs d’ateliers qu’commencèrent par verser leur souscription, qu’ils remirent entre les mains du cafetier, en le priant de solliciter ses habitués de coopérer à cet acte de bienfaisance.

Déjà un premier versement de vingt francs a été fait à deux blessés. Cette souscription à laquelle coopéreront sans doute toutes les personnes amies de l’humanité, sera close fin juillet. Les sommes versées sont inscrites sur un registre, tenu par le sieur Germain ; toutes les personnes qui auront souscrit pourront prendre connaissance du montant des sommes et de leur emploi.

De semblables souscriptions devraient être faites dans les divers quartiers où il existe des blessés, et nous engageons les chefs d’atelier et les cafetiers qui reçoivent notre feuille à en ouvrir de semblables, et à suivre l’exemple de leurs confrères du quartier des Chartreux. Il y aurait de l’ingratitude à laisser souffrir des malheureux ; quel que soit le motif qui a pu leur mettre les [7.1]armes à la main, nous ne devons pas oublier qu’ils sont nos frères. Il n’en sera pas ainsi, la bienfaisance est inépuisable chez les Lyonnais ; nous enregistrerons dans nos colonnes les souscriptions qui seront ouvertes en faveur de ces malheureuses victimes

F......t.

Le Patriote du Puy-de-Dôme a jugé, comme nous, les diatribes parties de haut lieu contre notre population : en rapportant l’acquittement du nègre Stanislas, acquittement prononcé à l’unanimité, il ajoute : « Ainsi ce nègre dont on avait fait un véritable antropophage, un mangeur de gardes nationaux, vient d’être déclaré innocent par la cour d’assises du Puy-de-Dôme ! Que deviennent aujourd’hui les déclamations furibondes de MM. Fulchiron et consorts ? - Ce qu’elles deviennent ? ce qu’elles ont toujours été, d’infâmes calomnies qui n’avaient d’autre but que d’effrayer le pays. »

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 5 juillet,

(présidée par m. goujon)

La séance est ouverte à six heures moins un quart.

PIus de vingt causes ont été appelées, parmi lesquelles se trouvaient un grand nombre d’assignations. Voici celles qui ont offert le plus d’intérêt.

Le sieur Baboulat, chef d’atelier, fait assigner la dame Richard, mère d’une apprentie qui est restée chez lui dix-huit mois, et qui s’est enfuie deux fois de l’atelier sans causes valables : ladite mère se refusant de représenter sa fille, le conseil l’a condamnée à 95 fr. d’indemnité, et arrête que la fille ne pourra se placer que comme apprentie.

Le sieur Rolin, tourneur, fait assigner les mariés Chardonet, pour le payement d’un billet de 50 fr, qu’ils lui avaient souscrit pour indemnité d’apprentissage ; le conseil décide que les 50 fr. seront comptés, et que les conventions seront résiliées, attendu que les parties y consentent.

La demoiselle Blanc avait été condamnée précédemment à payer à son maître d’apprentissage, de chez lequel elle était sortie avant la fin de son temps, la somme de 180 fr. Le créancier fait assigner le beau-frère de ladite apprentie, qui en avait répondu verbalement. Le conseil a décidé que l’apprentie seule était débitrice, attendu qu’elle était majeure.

Plusieurs causes qui paraissaient assez importantes, ont été renvoyées pardevant différens membres du conseil, afin d’examiner les différens de plus proche, et concilier, s’il est possible, les parties.

La séance est levée à sept heures et 1/2.

Depuis long-temps, nous avons témoigné le désir que compte soit rendu aux séances suivantes des différentes causes ainsi renvoyées ; et nous insistons sur ce point, parce que nous pensons qu’il serait satisfaisant et sans inconvénient.

Le conseil a prolongé plusieurs fois ses séances pour s’occuper de l’établissement de la mercuriale, ou prix moyen des façons : ce travail est presque achevé, et nous croyons qu’un tableau en sera affiché, dans la salle du conseil ou du greffe, dans le courant de cette semaine.

VARIÉTÉS.

[7.2]enseignement primaire.

Moyen simple d’apprendre à signer, en deux heures, aux vingt millions de Français qui ne savent ni lire ni écrire.   

Il n’est pas une personne, prise dans la condition la plus simple, la plus pauvre, qui n’ait dix fois dans sa vie éprouvé ou le regret ou la honte de ne savoir signer, soit un acte civil, un contrat de vente ou d’achat, etc.

Au moyen du procédé suivant, dont nous recommandons la propagation à nos cent mille lecteurs, tout le monde en France, avant un an, peut avoir appris à signer son nom.

Il n’est pas un jeu d’enfant qui ne soit plus difficile à démontrer.

Une personne, quelle que soit son intelligence, ou son âge, désire apprendre à signer.

Ecrivez son nom par terre avec une pierre ou un bâton, sur une porte ou sur un mur avec du charbon ou de la craie, sur une ardoise ou sur du papier avec un crayon ou une plume.

Son nom écrit, faites-lui suivre avec une paille, une baguette, ou autre objet convenable, les traits que vous avez formés : qu’elle répète cet exercice.

Dans la première leçon d’un quart d’heure, elle sera en état de le copier passablement, et se trouvera déjà heureuse et fière de savoir écrire son nom.

Faites renouveler cet exercice jusqu’à ce qu’elle l’écrive sans se tromper.

Dès que tout le monde saura signer en France, tout le monde saura lire ; c’est un point qu’il nous sera facile de démontrer.
(Journal des Connaissances utiles.)

- Un pauvre diable qui n’avait pour tout bien que son excès d’embonpoint, se présente dernièrement à l’hôtel d’un grand personnage pour solliciter une place de laquais ; à peine a-t-il exposé sa demande : c’est impossible, répond l’intendant. - Mais quelle raison ? - Je connais le goût de mon maître ; vous êtes trop gras, mon cher ; allez maigrir un peu, et même beaucoup, si vous pouvez, nous verrons ensuite.

société saint-simonnienne.1

Les apôtres Saint-Simoniens habitent en ce moment une maison et un jardin très-vaste, appartenant au père Enfantin, situés au sommet de la chaussée de Ménil-Montant, près Paris. Il ont fait de cette demeure un véritable paradis terrestre, sur une petite échelle. Il n’ont pas de domestiques, et se servent eux-mêmes avec une précision rigoureuse. Nous allons en donner le détail extrait du Temps.

MM. Léon Simon, traducteur de plusieurs ouvrages littéraires et de médecine, et Paul Rochette, ancien professeur de rhétorique, font la cuisine.

M. Léon Talabot, ancien substitut du procureur du roi, était chargé du lavage de la vaisselle. Cette fonction a ensuite été exercée par M. Gustave d’Eichtal, fils d’un banquier : de ce dernier elle a passé à M. Lambert, ancien élève de l’école polytechnique, après lui à M. le baron Charles du Veyrier, et aujourd’hui à M. Moise Retouret, jeune élégant dans le monde et prédicateur distingué parmi les Saint-Simoniens.

M. Emile Barrault, ancien professeur à l’école de Sorrèze, auteur d’une assez bonne comédie en 5 actes et en vers, représentée en 1831 (la Crainte de l’opinion), [8.1]est chargé du cirage des bottes, aidé de MM. Auguste Chevalier, ancien professeur de physique, et Duguet, avocat.

M. Bruneau, ancien élève de l’école polytechnique, ex-capitaine d’état-major, est chargé de l’entretien du linge, des vêtemens, de la police générale, de la surveillance de la maison et du service de propreté.

Les appartemens sont frottés par MM. Rigaud, docteur médecin ; Holstein, fils d’un négociant distingué ; le baron Charles du Veyrier, Pouyat et Broë, anciens étudians ; Charles Pennekère, ancien courtier en librairie ; et Michel Chevalier, ancien élève de l’école polytechnique, ingénieur des mines et directeur du Globe. Ce dernier est chargé de l’administration générale de la maison, et il fait le service de la table conjointement avec MM. Rigaud et Holstein.

M. Desloges, ancien garçon boucher, dirige la buanderie ; il a sous ses ordres M. Franconi, fils d’un riche colon américain, et M. Bertrand, ancien étudiant.

Le balayage des cours et de la rue est fait par MM. Gustave d’Eichtal et Maschereau.

M. Jean Terson, ancien prêtre catholique, est chargé d’éplucher les légumes, de mettre le couvert, et du menu détail de la maison.

M. Alexis Petit, fils d’un riche propriétaire, fournit la maison de chandelles, nettoie les chandeliers et veille à l’enlèvement des ordures.

M. Enfantin, le père suprême, travaille au jardin, manie la pioche, la bêche et le râteau avec une vigueur peu ordinaire. MM. Henri Fournel, ex-directeur du creuset ; Raymond Bonheure, ancien professeur de dessin ; Justus, peintre, et Maschereau, dessinateur, sont chargés du soin du jardin.

Le son du cor éveille les Saints-Simoniens à 5 heures du matin, et les appelle aux repas et aux divers services, au repos et au sommeil. A des heures fixes ils chantent en chœur, ou se livrent à des exercices gymnastiques.

Leur intention, disent-ils, est d’ennoblir la domesticité, d’abolir le salaire, et substituer l’association à la lutte qui règne dans la société. S’ils parviennent à ce but, le système d’égalité sociale que M. Marius Ch.....g, l’un de nos collaborateurs, a présenté aux lecteurs de l’Echo, ne sera plus un rêve.

MAISON SPÉCIALE D’INDICATION pour la fabrique d’étoffes de soie.

Dans une branche de commerce qui occupe 150,000 personnes de notre ville, un isolement complet existe entre les artisans et ceux qui les font travailler. La position sociale des uns et souvent le dénuement des autres, empêchent ce contact sans lequel il ne peut y avoir de prospérité pour l’industrie. Les chefs d’ateliers, les ouvriers éprouvent le même isolement entr’eux. De là naissent des embarras sans nombre lorsqu’il s’agit de monter de nouveaux articles ; de là des frais énormes qui souvent accablent le chef d’atelier, et qu’on éviterait, ou du moins qu’on épargnerait en partie, si chacun pouvait se tourner vers un centre commun.

Les avantages que produira la maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, sont incalculables : le chef d’atelier y trouvera les moyens [8.2]de se procurer, soit des ouvriers, soit des apprentis, soit enfin tous les ustensiles, harnais, et accessoires pour le montage des métiers suivant les divers articles ; il y trouvera aussi les moyens de se procurer de l’ouvrage sans aller au hasard frapper à la porte des magasins. Les ouvriers auront moins de crainte de rester sans travail, parce que la maison d’indication étant le centre où aboutiront toutes les demandes d’ouvriers, ceux-ci sauront à qui s’adresser et ne végéteront plus en cherchant d’un atelier à l’autre un métier à prendre. C’est surtout dans le temps mauvais où la maison d’indication sera le plus utile, parce qu’alors il y a manque d’ouvrage, et par conséquent l’ouvrier est plus exposé au changement d’atelier.

Les négocians pourront se procurer plus facilement le nombre d’ouvriers nécessaires pour remplir les commissions. Ce que nous avançons a été éprouvé par quelques maisons de commerce auxquelles nous avons procuré sous deux jours le nombre d’ouvriers dont elles avaient besoin.

Ainsi, dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, une maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, est établie à dater de ce jour dans les bureaux du journal de l’Echo de la Fabrique. On se chargera : 1° des demandes de métiers par MM. les négocians ; 2° du placement des ouvriers dans les divers ateliers et selon les articles ; 3° des demandes et du placement d’apprentis ; 4° de la vente des métiers, harnais et accessoires pour tous les genres de fabrication, et enfin de toutes les demandes en rapport avec la fabrique.

La feuille d’annonces de l’Echo facilitera, par la publication, cette entreprise éminemment utile. Comme ce journal n’a été créé que dans le but d’extirper tous les abus, et non par une spéculation de lucre, la maison d’indication sera créée par le même motif, et les personnes qui s’y adresseront ne seront point rebutées par les frais d’insertion ou de bureau qui sont extrêmement minimes.

La maison d’indication sera ouverte comme le bureau du journal, depuis 9 heures du matin à 5 heures du soir.

ANNONCES DIVERSES.

Les sieurs Déleigne et Bailly, mécaniciens, rue St-George, n° 29, à Lyon, préviennent messieurs les fabricans, chefs d’ateliers et dévideuses qu’ils viennent d’obtenir un brevet d’invention et de perfectionnement d’un nouveau genre de mécaniques rondes, dites à roue volante, propres à dévider, trancanner et faire des cannettes à plusieurs bouts, de toutes sortes de soie. Par un nouveau procédé, elles suppriment rouleaux, cordages et engrenages, et sont supérieures à toutes celles qui ont paru jusqu’à ce jour. Les broches tournant par une seule roue qui tourne horizontalement, font qu’elles tournent toutes régulièrement.

Ces mécaniques sont d’une grande simplicité, et offrent beaucoup d’avantage à l’acquéreur.

On les livre à un prix très-modéré avec garantie.

A vendre, un remisse en 5/8 en soie, 70 portées, tout passé, avec le peigne, le tout en très bon état, n’ayant qu’à tordre et travailler.
S’adresser au bureau du journal.

L’on demande un ouvrier pour un métier de schalls au quart, en 5/4.
S’adresser au bureau du journal.

Notes (LYON.
industrie lyonnaise.)

1 L’auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Il est à noter que l’organisation proto-industrielle de la production, dominante au XVIIIe siècle, a survécu dans le textile au cours du XIXe siècle. Ainsi, dans la région de Condé-sur-Noireau, le tissage  du coton occupe 2500 métiers en 1837. La bonneterie troyenne conserve une structure à base d’ateliers familiaux. En Haute-Loire, la dentelle occupe 50 000 personnes dispersées dans la campagne. La soierie lyonnaise connaît aussi une ruralisation importante. En 1830, le quart des métiers se situe à la campagne. Au total et selon une enquête de la Chambre de Commerce de Paris, la petite industrie réunit en 1851 encore, près de 4 700 000  personnes en France contre 1 330 000 pour les grandes manufactures. À cette même date, il y a 1 524 000  petits patrons, référence : D. Woronoff, Histoire de l’industrie en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, Le Seuil, 1998, p. 217-225.

Notes (ÉCONOMIE SOCIALE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (L’IMPÔT PROGRESSIF.)
1 L’auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (JURISPRUDENCE USUELLE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (considérations relatives aux eaux publiques de...)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Il s’agit d’une brochure publiée en juin 1832 chez l’imprimeur J. Roger, Considérations relatives aux eaux publiques à Lyon.
3 Le problème de l’eau est fondamental au XIXe siècle à double titre. C’est d’abord une question d’énergie, elle alimente les besoins de l’industrie. Un principe s’est imposé comme le note C. Grimaud  de Caux : « plus l’eau est abondante, plus l’industrie se développe » (cité par G. Vigarello, Histoire des pratiques de santé, Paris, Le Seuil, 1999, p. 241). Par ailleurs, les questions d’hygiène sont de plus en plus à l’ordre du jour. La découverte des germes invisibles renforce l’idée d’une purification des eaux consommées qui s’imposait déjà dès le XVIIIe siècle. à Lyon, la distribution des eaux fut une question largement débattue et des investissements en équipement hydraulique  entre 1824 et 1833 ont été entrepris. La Compagnie Générale des Eaux fondée en 1853 passe son premier accord avec la ville de Lyon. Elle obtint la concession des services publics de distribution d’eau à des conditions très intéressantes  et la distribution put commencer dès 1856. Le prix de l’eau pour les particuliers s’élevait à 0.60 F. et à 0.30 F pour l’industrie.  Cette dernière était grande consommatrice d’eau, en particulier l’industrie de la teinturerie, référence : J.-P. Goubert, La conquête de l’eau, Paris, R. Laffont, 1986.

Notes (BAINS DE RIVIÈRE.)
1 L’auteur de ce texte est Pierre Lortet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (SUR LE CHOLÉRA.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Joseph Bard (1803-1861), Le choléra morbus, improvisation lyrique, Paris, A. Levavasseur, avril 1832.
3 Référence ici à Bertrand Barrère de Vieuzac (1755-1841), révolutionnaire français, membre redouté de la Convention et du Comité du Salut Public.

Notes (La bienfaisance fut toujours une vertu dans tous...)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (société saint-simonnienne. Les apôtres...)
1 Peu de temps après le schisme qui avait vu le départ de Saint Amand Bazard et d’autres membres de la secte et quelques semaines à peine après la cessation de parution de leur organe Le Globe, quarante apôtres saint-simoniens groupés autour du « Père Enfantin » s’étaient rassemblés et avaient fait retraite au printemps 1832 dans la maison de Ménilmontant tentant de mettre en pratique leur dogme. En août, les principaux représentants du mouvement, dont Prosper Barthélémy Enfantin, Michel Chevalier et Charles Duveyrier, traduits devant la cour d’assises seront condamnés. L’Echo de la Fabrique rendra compte des principaux procès (numéros du 2 et 9 septembre), des missions lyonnaises de l’automne (numéros du 21 octobre, des 18 et 25 novembre) auxquelles participent des anciens de Ménilmontant, Bruneau, Maschereau, Desloges. Le 25 novembre 1825 un grand banquet saint-simonien verra les principales figures de l’église lyonnaise, Cognat et Derrion, recevoir les missionnaires venus à Lyon pratiquer la « politique pratique » en se joignant aux travailleurs (L’Echo de la Fabrique, numéro du 9 décembre 1832).

 

 

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