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6 novembre 1831 - Numéro 2
 

 




 
 
     
DE LYON ET DE LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE.

[1.1]Lyon vient d'éprouver, dans ses manufactures d'étoffes de soie, une révolution qui fera époque dans ses annales. Cette révolution était prévue depuis long-temps, aujourd'hui elle était indispensable ; je dis indispensable, parce que, lorsqu'une partie quelconque du corps social s'affaiblit et tombe en désuétude, il faut qu'une réforme vienne lui donner une nouvelle vie et la tirer de l’état de langueur où elle était tombée : il en est de même de l'industrie et du commerce en général.

Je vais rechercher quelles étaient les causes du malaise ou, pour mieux dire, de la décadence de la fabrique d'étoffes de soie, et je prouverai que la réforme qui vient de s'opérer la sauve de son anéantissement total.

L'empire est l'époque où la fabrique de Lyon a brillé dans toute sa splendeur, malgré les guerres continuelles et quelquefois le peu de débouchés qu'avaient nos marchandises ; à quelques cessations près, le fabricant était encouragé par le gain et par cette espèce d'égalité qui régnait alors entre le commissionnaire, le négociant et le chef d'atelier. On dit, pour justifier la décadence où est tombée cette industrie, que les guerres avaient dévoré la moitié des hommes, qu'aujourd'hui on a trop de bras, que la concurrence tue tout. Sans doute, la fabrique de Lyon s'est multipliée en ouvriers1 ; mais sous l'empire où les bras ne manquaient pas autant qu'on le croit bien, avait-on les débouchés que nous avons aujourd'hui ? Continuellement aux prises avec les puissances de [1.2]l'Europe ; privés pendant huit ans des débouchés de l'Espagne, de ceux de l'Italie, envahie deux fois par les armées autrichiennes ; exclus de tout commerce avec la Russie, souvent même avec tout le Nord, théâtre de nos longues guerres ; sans colonies, et supportant une guerre maritime sans espoir de paix ; croit-on qu'il n'y ait pas compensation entre l'état où se trouvait le commerce sous l'empire et celui où il se trouve aujourd'hui ?2 Ce n'est point dans l'augmentation du nombre d'ouvriers, ni dans la concurrence qu'on doit voir la décadence de la soierie. Le mal est dans l'égoïsme de quelques commercans ; eux seuls ont fait tomber cette industrie dans l'état où elle est. Aussi a-t-on vu les artisans en proie à une affreuse misère, tandis que quelques négocians ont fait des fortunes colossales, et avec telle rapidité, qu'ils en sont étonnés eux-mêmes.

Depuis dix ans, les façons diminuent de plus en plus ; est-ce faute de commissions ou effet de la concurrence étrangère ? Il est prouvé que les marchandises se sont facilement écoulées et que les magasins sont vides. C'est sur la concurrence étrangère que les négocians rejettent la décadence de notre industrie : la Suisse, voilà leur mot d’ordre ; Berne et Zurich doivent tout envahir ; mais personne ne se laisse prendre à ces contes assez mal imaginés. Que peuvent, en effet, Zurich et Berne, dont la population ne s'élève pas à 20 mille âmes, contre notre ville immense ? et d'ailleurs, quand même ces deux villes rivaliseraient pour un article (les unis) avec nos manufactures, serait-ce cette rivalité qui pourrait perdre la fabrique de Lyon, diversifiée par des milliers d’articles, et par cet ensemble qui fait que nous serons toujours sans crainte de la concurrence ? Ceci me rappelle ce qu’on a [2.1]dit long-temps dans une autre branche de commerce : les marchands de tulle soie de Lyon épouvantaient leurs ouvriers en leur faisant craindre la concurrence de l'Espagne, parce que quelques métiers avaient été achetés par des négocians de cette nation ; qu'en est-il résulté ? Quelques ouvriers, trompés par ces bruits et attirés par l'appât du gain, se sont expatriés croyant faire leur fortune ; mais manquant de cet ensemble qu'on ne trouve plus dans les manufactures isolées, ils ont végété en tournant chaque jour leurs regards vers cette patrie que leur misère les empêche de revoir. Voilà la concurrence de l'Espagne ; voilà, je crois aussi, celle de Berne et de Zurich.

Je l'ai déjà dit, le mal est dans l'égoïsme des négocians ; sans la fermeté des chefs d'ateliers, eux seuls eussent perdu la fabrique d'étoffes de soie, et l'ouvrier eût été forcé de s'expatrier ne pouvant plus vivre. Lyon aurait bientôt manqué de bras qui, disséminés par toute la France, auraient porté leur industrie en vingt lieux différens, et la fabrique de Lyon eût été perdue sans retour. Je puis donner un exemple frappant de ce que j’avance : Avant notre première révolution, la fabrique de bonneterie de notre ville était la plus forte et la plus renommée de la France ; quelques négocians en avaient seuls le monopole. On diminua le prix des façons à tel point, que l'ouvrier ne pouvait se procurer les choses les plus nécessaires à la vie. On n'eut, dès-lors, pour ouvriers en soierie que des étrangers et des vagabonds. La fabrique de Lyon tomba pour ne se plus relever ; et Troies, pour les articles de coton, Ganges pour les articles de soie, profitèrent de sa chûte et s'emparèrent de cette partie du commerce pour ne plus la restituer.

Voilà quel aurait été le sort de la fabrique d'étoffes de soie ; mais les chefs d'ateliers viennent de la sauver d'un naufrage inévitable, et toutes les classes intéressées à cette branche de commerce, doivent applaudir à leur ferme résolution.

R. P.

BREVETS D’INVENTION

Par une ordonnance royale du 7 octobre, insérée au Bulletin des Lois, n° 111, il est accordé des brevets d'invention à diverses personnes de notre ville, savoir :

M. Jaillet jeune (Claude), liseur de dessins, montée St-Sébastien, n°11, pour une mécanique propre à fabriquer toutes sortes d'étoffes façonnés.

M. Felissent (Ennemond), rue St-Polycarpe, n°3, pour un appareil de dessication par l'air, échauffé directement par le feu.

M. Ducel (Basile), mécanicien-chimiste, rue Mercière. n° 58, pour des moyens de confection de calorifères, propres à la dessication des soies teintes, des tissus en soie, en laine et en coton, ainsi que pour le dessèchement des gélatineux et des colles fortes.

M. Courtet (Auguste), mécanicien, rue de la Sphère, n°10, pour une mécanique propre au crépage des étoffes de soie, coton ou laine moulinés, qu'il nomme crêpe-crêpe,  régulier et perfectionné.

MM. Morateur (Antoine), charron, et Thibaudon (François), boisselier. à la Guillotière, pour un procédé propre à faire monter par une ascension constante, oblique ou verticale, un volume d'eau de seize cent, de [2.2]diamètre, à la hauteur des édifices les plus élevés, même des montagnes ordinaires, à l'aide d'une pompe à vent.

M. Moasset (Philibert), mécanicien, rue Vieille-Monnaie, n°8, pour des mécaniques propres au dévidage des soies.

Et M. George (Antoine), mécanicien, rue Ste-Hélène, n°6, pour une machine à battre les grains.

Par ordonnance du 29 octobre, les conseils-généraux de tous les départemens du royaume, à l'exception de celui de la Corse, sont convoqués pour le 12 novembre prochain, et le conseil-général de la Corse pour le 20 novembre, à l'effet de délibérer sur des projets de travaux d'utilité publique, et sur tous autres objets qui n'auront pu être traités dans la dernière session. Cette session extraordinaire ne pourra durer plus de cinq jours.

Nous avons appris que le jour de la distribution de nos prospectus, quelques négocians les avaient déchirés sur la porte du Café du Commerce. Cette donquichotade ne nous a point surpris ; ces messieurs ont cru voir la verge d'Aaron prête à les frapper, et ils ne se sont point trompés. Nous ne pardonnerons point à ceux qui enfreindraient un tarif établi, ou qui, par des manœuvres frauduleuses, chercheraient à l'éluder.

Mais nous ne sommes point des Zoïles1, déchirant tout ce qui est grand et généreux, et ne flattant que la bassesse et l'ignominie ; il sera donc facile d'obtenir nos louanges, et certes elles ne seront point à dédaigner, étant celles de tout un peuple. Que MM. les négocians se rappellent bien leur origine ; qu'ils pensent qu'eux tous sont sortis de cette classe qu'ils méprisent aujourd'hui ; qu'ils cherchent donc les moyens d'adoucir le sort des artisans ; que lorsque ces derniers auront frappé à leurs portes dix fois le même jour pour obtenir de l'ouvrage ou leur salaire, on ne jette point avec mépris leurs livres au milieu du magasin ; qu'ils pensent enfin que leurs ouvriers sont des hommes comme eux, et dignes d'autant de respect ; nos colonnes seront alors remplies de leurs éloges, car nous avons pris pour devise : Impartialité : nous traiterons chacun selon ses œuvres.

Sans partager les doctrines des disciples de St-Simon1, nous empruntons dans un de leurs ouvrages les passages suivans qui nous semblent opportuns :

« Si nous envisageons l'état de la société, nous y remarquons des savans, des industriels, des artistes ; tous sont réduits à des travaux isolés, tous sont privés de la force si puissante de l'association. Le savant se livre à des recherches, et fait des découvertes souvent faites avant lui ; son travail et ses sacrifices inutiles à la science, sont nuisibles à ses intérêts particuliers ; en l'absence d'une hiérarchie intellectuelle, les efforts isolés ne font pas marcher la science et en arrêtent les développemens.

L'industriel est loin de marcher vers la perfection avec la rapidité dont il serait capable, aidé d'une meilleure organisation. Si parfois un nouveau procédé est découvert, l'inventeur, au lieu d'en faire profiter la société, le garde pour lui et en fait un mystère le plus long-temps qu'il peut ; de là, un retard considérable dans le progrès, résultat nécessaire d'un travail individuel.

On cherche à justifier ce déplorable état de l'industrie [3.1]en disant : laissez faire, la concurrence et le temps finissent par tout niveler. On peut répondre avec raison ; mais, en attendant, que faire de ces milliers d'hommes affamés ? Si on établit une machine à vapeur là où cent ouvriers étaient occupés, elle les plongera dans la misère, jusqu'à ce que, réduits à s'expatrier, à changer d'état, ils se soient procuré de nouveaux travaux, qui leur seront peut-être enlevés comme les premiers. Il y a donc pour l’industriel comme pour le savant, absence d'un but commun, indispensable à leurs progrès. »

Un moyen vient d'être présenté par un sieur Arnaud pour parer aux pertes présumées et objectées par certains négocians qui refusent de faire continuer les commissions entreprises, s'ils sont forcés d'allouer le prix porté au tarif.

« II est de notoriété publique, dit le sieur Arnaud, que les soies subissent des soustractions de la part d'un grand nombre de teinturiers ; que ces soustractions en beaucoup d'articles peuvent égaler, surpasser même l'augmentation portée au tarif.

Par le procédé du sieur Arnaud, procédé reconnu comme infaillible, on aurait un résultat aussi prompt qu'économique contre la plus minime soustraction de soie à la teinture. Toutes les expériences faites, soit à Lyon, soit à Saint-Etienne, en sont la preuve convaincante. Les divers certificats en bonne et due forme qui sont en la possession du sieur Arnaud constatent toutes ses expériences et leurs heureux résultats. On ferait par ce même moyen, dit encore le sieur Arnaud, disparaître le piquage d'once1 et dans le plus bref délai. Le plus grand fléau de notre industrie, qui lui a porté les coups les plus funestes et qui la perd insensiblement tous les jours, serait donc entièrement extirpé. » Avis aux négocians pour lesquels le tarif est un prétexte de pertes énormes !!

CONTE QUI N'EN EST PAS UN1.

Il y avait une fois… voilà qui ressemble trop à un conte de fées ; je ne veux pas commencer ainsi.

D'ailleurs, qu'ont de commun les rois et les reines avec quelques négocians qui ne veulent point payer au tarif ; et quelle comparaison peut-on faire aussi des vils courtisans qui, de tous les temps, ont vendu les peuples aux rois et plus tard les rois à leurs ennemis, avec l'hono­rable artisan qui gagne son pain à la sueur de son front ? Je dirai donc :

II y a peu de temps, dans une ville opulente d'un royaume, que les arts et la nature se plaisent à favoriser, existait une classe industrieuse, dont le travail faisait la prospérité de cette cité immense. Comme Athènes, dans sa splendeur, elle commandait par les arts à l'univers, et de ses ateliers sortaient des tissus plus beaux que ceux de l'Inde et de Damas. C'était, dis-je, ses beaux jours, et le soleil radieux qui éclairait alors le monde, semblait la protéger de ses rayons éblouissans.

Mais comme rien n'est stable sur cette terre, la grande cité sembla subir le sort d'Athènes ; elle fut, deux fois, vendue à des hordes de barbares, et deux fois envahie par elles : les arts survécurent aux malheurs de leur mère-patrie ; et cette classe industrieuse qui avait fait sa gloire, la releva encore de ses malheurs. Le commerce, cette source féconde, porta le bonheur dans la grande cité. Les étrangers empruntèrent encore le luxe et [3.2]le goût de celle qu'ils avaient cru vaincre ; et les nations, parées de ses produits, reconnurent qu'elle était sans rivales.

Bientôt les grands qui encourageaient la classe industrieuse, en devinrent le fléau par leur cupidité ; ils joignirent à cette cupidité la fierté et le dédain, ses compagnons inséparables ; on diminua, chaque jour, le tribut qu'on payait au travail et au talent ; enfin, accablée par la misère, cette classe sembla anéantie. Les hommes qui la composaient n'étaient point des ilotes courbant la tête sous la verge ; c'était le temps du grand siècle ; ses lumières avaient pénétré jusque dans l'humble demeure de l'artisan, qui, lassé de tant d'humiliations, leva la tête et demanda le prix de ses peines et de ses travaux. Tous se levèrent le même jour ; ce ne fut point un soulèvement de barbares, une de ces révolutions qui détruisent, ou, pour mieux dire, ce ne fut point une révolution : ce fut l'élan d'un peuple fort, mais généreux, réclamant son droit trop long-temps méconnu. Les grands, surpris de cette résolution subite et de son ensemble, se disposèrent à résister à de trop justes demandes ; mais les hommes qui tenaient dans leurs mains les destinées de la grande cité, les magistrats vertueux à qui on donnait les titres de pères et de protecteurs du peuple, connurent que l'heure de la justice était arrivée. Ils convoquèrent les grands, les artisans furent appelés, et dans une séance solennelle où l’on écouta la plainte et la défense, ils ordonnèrent aux premiers de mieux traiter des hommes de qui dépendaient leurs fortunes ; et de fixer, de concert avec les derniers, le prix de leurs travaux, ce qui fut appelé tarif.

Le peuple fut au comble de la joie ; les grands murmurèrent, ce qui n'est pas étonnant ; mais les magistrats, en paix avec leurs consciences, préférèrent les bénédictions du peuple à la flatterie de ceux qui l'avaient trop long-temps opprimé.

NOUVELLES DIVERSES.

On lit dans le Garde national de Marseille1 :

« Les affaires ont pris, dans la semaine qui vient de s'écouler, un accroissement bien supérieur à celui que nous avions précédemment signalé. De toutes parts la confiance renaît, les spéculateurs se livrent avec sécurité aux chances favorables que l'avenir semble leur promettre. Remarquez qu'il nous était impossible de connaître la prochaine et heureuse issue des affaires belges, ce qui n'aurait sans doute pas manqué de donner plus de courage à notre commerce. »2

- L'illustre Joachim Lelewel3, un des savans les plus distingués de notre siècle, ancien membre du gouvernement suprême national de Pologne, et, en dernier lieu, ministre de l'instruction publique, est arrivé à Paris, après des peines et des fatigues inouies. La France se réjouira qu'un des patriotes les plus purs et les plus vertueux de la Pologne ait pu toucher notre sol hospitalier.

- On écrit d'Arbois (Jura), 23 octobre :

« Une louve qu'on suppose enragée vient de mordre, tant dans les environs de Mouchard que dans ceux de Villiers-Falery, environ 30 personnes ; deux sont d'Arbois, un nommé Nicole, cordonnier, et le sieur Delti ; ce dernier a été cruellement déchiré à la figure.

Un jeune homme de 27 ans, sur lequel elle a sauté, l'a saisi et enlacé dans ses bras et ses jambes ; un enfant qui était près de lui, lui a enfoncé son sabot [4.1]dans la gueule, et un autre homme l'a tuée à coups de bêche dans les bras du premier.

On l’a amenée à Arbois, où on l’a ouverte ; on a trouvé dans son corps, avec un peu de blé de Turquie4, la paupière et une partie de la figure d'une personne. »

- On mande de Toulon, 28 octobre :

« Hier, dans le bagne, un condamné qui faisait la barbe à un adjudant des chiourmes, lui a coupé la gorge d'un coup de rasoir ; quelques minutes après, le pauvre adjudant avait cessé de vivre. Ce condamné est, dit-on, un de ceux qui ont été blessés lors d'une émeute réprimée, il y a quatre ou cinq ans, par une décharge de mousqueterie, commandée par cet adjudant, sur un groupe de 300 condamnés. Il lui avait gardé la rancune jusqu'à ce jour. »

- Le Mercure ségusien5, du 29 octobre, contient ce qui suit :

Un événement funeste vient d'affliger notre arrondissement ; ses mines de houille, sources inépuisables de richesses, sont encore cette fois le théâtre du plus affreux désastre.

Lundi soir, 24 de ce mois, un incendie s'est manifesté au fond du puits St-Isidore, faisant partie de la concession du Reclus. La cause de cet accident fut bientôt connue : la machine à vapeur servant aux épuisemens, quoique la chaudière fût entourée d'un épais massif de maçonnerie, avait mis le feu à la charpente et au boisement du puits. Une colonne de fumée sortait extérieurement. Pour parvenir au lieu de l'incendie, comme aussi pour servir à la sortie des mineurs, on avait pour ressource le puits Saint-Matthieu, qui communique à l'autre par une longue et sinueuse galerie. Après les premiers momens de désordre, inséparables d'un événement aussi imprévu, on s'aperçut dans la nuit qu'il manquait neuf mineurs qui, travaillant dans une galerie inférieure, n'avaient pu avoir de communication avec l'extérieur.

Loin de diminuer, la fumée s'étendait et redoublait de densité, la charpente embrasée ayant mis le feu au charbon.

Sans perdre de temps, on prit des moyens pour parvenir au point où l’on pensait que les mineurs avaient pu se réfugier. M. l'ingénieur des mines, prévenu par M. le sous-préfet de St-Etienne, se rendit en toute hâte dans la mine et ne la quitta plus. Son exemple, ses instructions, le concours zélé qu'il rencontra dans les gouverneurs et mineurs, au milieu des dangers qui les menaçaient à une profondeur perpendiculaire de 120 à 130 toises, activèrent les moyens d'aérage par l'emploi des caisses ; les secours de l'extérieur furent également bien dirigés par les soins des autorités et des extracteurs. En poussant de plus en plus loin les caisses d'aérage, on finit par trouver la galerie close par un corroi ; il parut évident que les malheureux ouvriers, atteints par le méphitisme de la fumée, avaient cherché à s'isoler, et à lui opposer une barrière ; mais hélas ! ils n'y étaient pas parvenus. Ce corroi n'était formé en partie que par leurs vêtemens ; les matériaux convenables leur avaient manqué. M. l'ingénieur fit enlever l'obstacle, et bientôt six cadavres presque nus, groupés dans le plus étroit espace, furent découverts. Deux de ces malheureux se tenaient embrassés !!! Plus loin, à une distance rapprochée du foyer, étaient les restes atteints par le feu et déjà putréfiés des trois autres victimes. C'est le 28, à 2 heures du matin, que se firent ces affreuses découvertes.

D'après la visite des corps et des lieux où on les a trouvés, les gens de l’art pensent que l'asphixie a été immédiate pour trois des mineurs, et que les six autres [4.2]ont pu vivre ou languir de 4 à 6 heures, perdant de plus en plus leurs forces à mesure que l'air devenait moins respirable, plus saturé des gazes délétères.

L'air des galeries où M. l'ingénieur Delsériès faisait placer les caisses d'aérage était tellement vicié, que les courageux mineurs du Reclus étaient obligés de se retirer après un quart-d'heure de travail.

Parmi les neuf malheureux mineurs, trois sont pères de famille et laissent 18 enfans ; on annonce que les six autres sont célibataires. Voilà des familles réduites à la plus profonde misère ; le gouvernement ne les abandonnera pas ; la bienfaisance publique secondera les efforts de l'administration.

Il est de toute évidence qu'il était absolument impossible de sauver ces infortunés ; on a mis en pratique avec énergie, avec promptitude, les moyens que l'art indiquait ; ils étaient impuissans contre de pareilles causes et dans un pareil gouffre.

- On a récemment découvert à Kertch, ville maritime de la Russie méridionale, dans la Crimée, plusieurs objets d'antiquité grecque très-intéressans. Ce sont dix petites statues, six vases de terre cuite et beaucoup d'ornemens de femme. Le plus important de ces restes est un petit groupe en marbre d'un travail exquis, représentant Vénus, qui vient de sortir de la mer avec deux amours à ses côtés : l'un sur un dauphin ; l'autre sur un cigne. Ces objets sont placés dans le muséum d'Odessa.
(Journal des Débats.6)

- Comme le choléra-morbus diminue sensiblement dans Vienne, et que l'état sanitaire devient de plus en plus satisfaisant, la cour quittera la semaine prochaine le château de Schœnbrunn et viendra occuper le palais impérial.

Tous les cordons sanitaires qui avaient été établis dans l'intérieur du pays, ont été dissous.

- On publie, à Varsovie, avec autorisation russe, un livre destiné aux classes inférieures, contenant des récits tirés de la Bible, et adaptés aux circonstances actuelles.

- Quelques fabriques ont repris leurs travaux ; mais on se plaint de la rareté des matières premières. Les cotons filés manquent généralement.

- Aujourd'hui il a gelé pour la première fois de cette
automne.
(Gazette d'état de Prusse.)

- A Halifax, dans les Etats-Unis, on a condamné, le mois dernier, à la peine de mort, le capitaine d'un navire venant d'Irlande, pour avoir fait échouer son bâtiment, dans l'intention d'obtenir le prix de l'assurance. La cupidité de ce misérable a coûté la vie à 273 personnes qui s'étaient embarquées sur son navire.

- Les journaux anglais ne laissent guère passer de jour sans enregistrer, dans leurs colonnes, quelques produits du règne végétal, qui font honneur aux progrès du jardinage. C'est ainsi que les dernières feuilles que nous avons reçues parlent d'une pomme de terre pesant six livres 14 onces, qui figure dans une exposition publique à Asthon, et d'un navet du poids de 28 livres et de la circonférence de 28 pouces, tiré d'un jardin  près de Heywood.

- Par ordonnance du roi, en date du 28 octobre dernier, M. le lieutenant-général baron d'Ordonneau, a été nommé commandant supérieur des trois légions de garde nationale de la ville de Lyon, des corps spéciaux, ainsi que des gardes nationales de la Croix-Rousse, de la Guillotière et de Vaise.

[5.1]Nos lecteurs partageront la satisfaction que nous éprouvons en leur annonçant que M. Gustave de Montebello7, qui a quitté les délices d'une riche existence à Paris, pour faire volontairement la campagne d'Alger et celle de Varsovie, est arrivé heureusement à Breslaw, d'où il annonce son retour prochain à Paris.

- Le choléra a entièrement cessé à Varsovie, mais quelques fièvres règnent en ce moment dans la ville. Le choléra a éclaté de nouveau et avec beaucoup de violence dans le palatinat de Plosk.
(Gazette d'état de Prusse.)

- Un horrible événement vient d'avoir lieu dans la commune de Saint-Sulpice (Tarn). Une femme qui nourrissait un enfant de trois mois, trouvant l'occasion de gagner quelques sous pour une commission, déposa cet enfant sur un lit, dans une chambre, près de laquelle était une truie. L'animal, pressé par la faim, pénétra dans la chambre et dévora la tête et les mains du malheureux enfant. La répétition fréquente de pareils accidens est une bien grande leçon pour les mères imprudentes.

- Dans la soirée du 25 octobre, la côte des Carmélites, la rue Tholozan et la Croix-Rousse ayant été illuminées, et un grand nombre de boîtes ayant été tirées à la Croix-Rousse, les habitans de Miribel, Montluel, Neuville et Villefranche, croyant que la ville était dans un désordre épouvantable, et que l'on voulait écraser les ouvriers, se disposaient à prendre les armes pour venir à leur secours ; ceux de Miribel étaient déjà à la Pape quand ils ont rencontré le courrier venant de Lyon qui leur dit que tout était tranquille, que les ouvriers avaient illuminé en réjouissance de ce qu'ils avaient obtenu un tarif, et l'espoir d'un avenir plus heureux.

- Aujourd'hui, la 1re légion de la garde nationale8 doit passer une grande revue sur la place Bellecour, pour reconnaître son colonel, M. Ch. Dépouilly, nommé en remplacement de M. Petit-Devé, démissionnaire.

- Un navire arrivé d'Alexandrie nous apprend que le choléra-morbus qui a emporté, à ce qu'on estime, 50,000 personnes en Egypte, y disparaissait rapidement. Les morts ne dépassent pas dix par jour ; et on s'attendait sous peu de jours à voir ouvrir les bureaux et recommencer les affaires. Le consul d'Espagne est le seul franc de marque à Alexandrie qui ait été victime de cette maladie.
(Sémaphore.9)

- Une société charitable de Londres, qui a pour but d'acquitter les petites dettes des débiteurs pauvres, a mis en liberté, l'année dernière, 1,786 prisonniers pour dettes. La liberté de chacun a coûté la somme moyenne d'environ 2 livres sterling et demie, ou 63 francs.

- M. Mery, collaborateur de M. Barthélémy, dans nombre de poèmes pleins de verve, d'esprit et de satire mordante, va publier un nouveau roman : L'Assassinat. L'ouvrage contient, dit-on, des scènes d'un grand effet dramatique.

- Dans la nuit du 30 octobre, un violent incendie a éclaté à Lille, dans les bâtimens de la fabrique de chicorée de M. Froidure. Malgré la promptitude et l'activité [5.2]des secours, deux bâtimens d'une grande étendue et le manège ont été presque entièrement détruits.
(Courrier Français.)

AU REDACTEUR

Lyon, le 4 octobre 1831,

Monsieur,

Veuillez, je vous prie, insérer dans votre plus prochain numéro, l'adresse suivante aux négocians en soierie de la ville de Lyon :

Messieurs,

Par la conduite de la majorité des chefs de commerce, leurs plans se déroulent et se dessinent ; et malgré leurs rassemblemens divers, leurs réunions secrètes, on soulève aisément le voile dont ils prétendent couvrir leur cupidité, et leur despotisme qu'on ne saurait qualifier.

Que signifie, en effet, une commission de négocians nommée aujourd'hui, dont les actes sont par elle désapprouvés et niés le lendemain ? c'est ressembler à un malade en délire, présentant cinq minutes des symptômes rassurans, et cinq minutes après les signes d'une mort imminente.

Au moment où le commerce déjà se réveille d'un trop long sommeil, au moment où un traité d'une paix générale rouvre les débouchés nécessaires à nos grandes exploitations, est-ce donc par l'astuce, la mauvaise foi, que cette portion de négocians entend servir la cité qui a commencé, nourri et terminé sa fortune ? Est-ce ainsi qu'ils respectent l'autorité de nos magistrats, qu'ils regardent sans doute comme n'étant pas les leurs toutes les fois qu'ils descendent jusqu'à l'opprimé, et lui rendent une partie de la justice qui lui est due ?

Non contens de nous avoir affaiblis, exténués, courbés jusqu'à terre, ils voudraient nous maintenir dans cet état de servilisme honteux, s'ils n'avaient encore besoin de nos labeurs pour grossir des trésors que les fraudes de tous genres ont seules légitimés. Et c'est là une réunion de la grande famille, réunion si préconisée par ceux qui ne veulent rien moins que la diviser pour la détruire !

Qu'ils se désabusent, ces messieurs ; qu'ils sachent que la prospérité de notre commerce et de notre ville ne dépend plus d'eux seuls ; qu'ils sachent que le soleil de juillet a paru pour tous ; que tous ont ressenti déjà les effets de ses rayons bienfaiteurs, et qu'éclairées aujourd'hui, les masses conservent pour elles la raison, le respect pour les magistrats, et le mépris le plus odieux pour leurs vils oppresseurs dont les actes de la veille sont, contre toute franchise et toute loyauté, impitoyablement désavoués le lendemain.

Non, messieurs, ces masses inoffensives ne deviendront pas les complices des désordres que vous provoquez ; elles se respecteront trop elles-mêmes pour souiller la justice de leur cause par les horreurs dont vous voudriez vous souiller vous-mêmes ; les fauteurs de troubles ne seront pas écoutés.

Un avenir plus heureux nous sourit ; une majorité nouvelle de nouveaux négocians assure notre triomphe sur vos menées criminelles ; bientôt vous serez forcés de faire place à d'autres moins égoïstes et plus francs que vous, et poursuivis de la malédiction générale, vous emporterez loin de ceux que vous avez réduits au désespoir, votre honte et leur mépris !!!
M.-S.
Un de vos  abonnés.

AU MÊME

Lyon, le 31 octobre 1831.

[6.1]Monsieur,

Je vous prie de vouloir bien donner place dans votre estimable Journal, à l'article ci-joint.

Agréez, etc.
F
1.
Un de vos abonnés.

Les ouvriers en soie ont montré trop de calme, trop de raison dans les réclamations que leur déplorable situation leur a arrachées, pour qu'on ait pu leur attribuer les odieuses provocations parties du sein de leur réunion, lorsqu'ils attendaient le résultat des délibérations sur le tarif qui vient d'être publié. Nous savons que d'absurdes calomnies ont été répandues, que d'horribles cris ont été proférés contre l'un de nos fabricans, dont la féconde imagination est une source de travail et de prospérité pour la fabrique lyonnaise. Les délégués et commissaires des ouvriers s'étaient déjà empressés de témoigner à M. Ch. Dépouilly toute l'indignation qu'il ressentaient de la conduite de quelques hommes qui, n'appartenant point à la classe ouvrière plaignante, s'étaient glissés dans ses rangs pour les exciter à des scènes de désordres. Le bon sens naturel des ouvriers a fait justice des basses manœuvres qu'on employait pour les égarer ; mais ils n'ont pas moins cru devoir une réparation publique à l'honorable citoyen dont ils apprécient les sentimens patriotiques, ainsi que le talent créateur qui donne tant d'impulsion à nos manufactures. Une brillante sérénade lui a été donnée dans la nuit de vendredi à samedi de la semaine dernière, en signe de la vive sympathie qui existe entre la véritable population laborieuse de notre cité, et celui dont le goût pur et varié fournit un constant aliment au développement de notre industrie.

AU MÊME

Veuillez, s'il vous plaît, insérer dans vos colonnes la note suivante :

Ayant appris par plusieurs des chefs d'atelier que nous occupons que le tarif récemment arrêté avait été basé pour faire rendre à chaque ouvrier tisseur la somme de 2 fr. à 2 fr. 25 c. par jour ; les articles mouchoirs 5/8 légers qui se vendent de 12 fr. à 20 fr. la douzaine étant confondus dans ce tarif avec ceux qui se vendent 5 fr. la pièce ; plusieurs de nos maîtres trouvant même exagérées les façons qui leur reviendraient d'après ce tarif ; nos mouchoirs étant d'ailleurs dans l'impossibilité d'être continués aux prix tarifés, nous venons, monsieur, vous prier de nous dire si, en donnant à l'ouvrier un prix convenu pouvant largement lui produire 40 à 45 sous par jour, nous ne serions pas consciencieusement, ainsi que le maître qui prendrait nos pièces, déchargés de toute responsabilité : s'il [6.2]en était autrement, nous déclarons que l'article mouchoir léger est un article exclu de la fabrique lyonnaise, et nous ne pensons pas que la manière régulière et franche avec laquelle les commissaires ont agi, ait voulu atteindre un but aussi nuisible.

Du reste, nous sommes loin de chercher à nous soustraire à un tarif quelconque ; mais pour qu'il puisse s'observer, sa première condition est d'être juste, et de l'aveu même de la majorité de nos maîtres que nous occupons encore, il ne l'est nullement en ce qui touche le genre de fichus que nous fabriquons. Nous prévenons en conséquence tous nos maîtres, qu'en attendant la révision d'un tarif que nous appelons de tous nos vœux, au lieu de mettre à bas tous nos métiers comme font quelques fabricans, nous continuerons tous nos genres de fabrications en augmentant de 25 pour cent le prix de la façon réglé antérieurement au tarif. N'est-il pas également de toute justice de prendre en considération les grands aunages qui procurent encore au maître une certaine compensation ?

Nous serions satisfaits d'apprendre en réponse à la présente si, les pièces données par nous aux maîtres à ces conditions réciproquement consenties, ces mêmes conditions seraient exécutées religieusement, ou si elles doivent se briser contre le tarif.

Nous avons l'honneur de vous saluer,
henry-droiteau et Cie.

Note du Rédacteur. — Nous entrons bien sincèrement dans la réclamation de MM. Henry-Droiteau et compagnie ; mais nous devons leur déclarer qu'il n'appartient qu'aux commissaires qui ont débattu l'article mouchoir, de leur expliquer si ceux qu'ils font fabriquer ont été confondus avec les autres genres, ou s'ils ont été omis. Nous sommes autorisés à les prévenir que le conseil des prud'hommes statuera sur toutes les plaintes portées contre la non-exécution du tarif, sauf à juger d'une manière relative les objets qui n'y seraient pas désignés, ou qui entraîneraient quelques contestations entre le fabricant et l'ouvrier. Sans douter tout-à-fait de la bonne-foi de MM. Henry-Droiteau et compagnie, nous pouvons assurer que beaucoup de leurs maîtres ne se contenteraient pas de 2 fr. 25 c. par jour, par la seule raison que cette somme ne suffirait point à leurs besoins : d'ailleurs quelques-uns, et même le nombre en est assez grand, sont venus protester à notre bureau contre les prix de leur maison.

BRUITS DE VILLE

On dit que, vendredi, plusieurs groupes étaient formés sur la place des Terreaux ; que dans l'un d'eux s'était glissé, en uniforme de garde national un individu qu'on a cru reconnaître pour un négociant de la rue Vieille-Monnaie. Cet agent-provocateur de désordres haranguait la multitude, en lui annonçant d'une manière positive, et alléguant, pour se faire croire, sa qualité de négociant, qu'aucun chef de commerce ne se conformerait au tarif ; que ce pacte arraché, disait-il, par [7.1]la violence, n'était qu'illusoire, et que la canaille qui s'était arrogé le droit d'y faire souscrire, ne méritait rien moins que la fusillade.

A ces propos le groupe indigné ne répondit que par des sifflets, et le garde national, dans la crainte de mauvais traitemens, de crier aussitôt à la garde ! Quelques grenadiers du poste de l'Hôtel-de-Ville, accourus sur les lieux, s'empressèrent de dissiper les attroupemens qui s'entretenaient sans bruit, sans cri quelconque, de la misère qui pèse sur eux ; et pendant ce temps l'orateur avait pris la fuite.

— On avait fait circuler, le soir du même jour, que les masses étaient prêtes à s'ébranler ; que déjà la Croix-Rousse se mettait en marche avec un drapeau noir pour assaillir l'Hôtel-de-Ville, et se diriger ensuite vers l'habitation de certains négocians, dont les noms figuraient sur une prétendue liste de proscription. L'autorité, croyant voir là les tables de Sylla, prit des mesures analogues, et de suite des piquets de gardes nationaux forment le carré devant l'Hôtel-de-Ville, d'autres sont établis sur divers points aboutissans à la place des Terreaux et dans les rues adjacentes. Les agens provocateurs, à la nuit close, profèrent d'abord quelques cris injurieux, s’éditieux même, dans l'intention d'ameuter contre la force armée une multitude de curieux qui se demandaient dans quelle intention on avait déployé tant de forces militaires. De suite ces agens pénètrent la foule, et s'empressent de faire circuler, avec la rapidité de l'éclair, les nouvelles alarmantes qu'ignoraient ceux même qu'on désignaient devoir faire partie de ces masses imposantes contre lesquelles on était en garde.

Déçus de leur espoir criminel, ils se portent seuls en avant, persuadés que leur exemple pourrait du moins entraîner une partie des paisibles spectateurs ; et alors une espèce de lutte s'engage entre eux et la force militaire. Quelques-uns sont arrêtés, et à notre grande satisfaction aucun n'a été désigné ni reconnu pour ouvrier de la fabrique.

Pendant que tout ceci se passait, deux ou trois de ces mêmes agens s'écrient : A la Croix-Rousse. Arrivés sur la montagne menaçante, poursuivant le cours de leurs provocations, ils annoncent sur la place de cette ville qu'à Lyon la garde nationale à pied et à cheval fait feu sur le peuple ; que les ouvriers de la Croix-Rousse ne resteraient pas impassibles aux horreurs qui allaient bientôt les atteindre ! Pas plus de succès dans ce faubourg que dans Lyon ; toutes les oreilles sont restées sourdes.

Nous pouvons donc avec assurance affirmer que tous les bruits alarmans qui sont semés, n'ont leur source que dans les agens provocateurs, ennemis de l'ordre public ; que ces mêmes agens ne sont rien moins que des individus à la solde de certains négocians pour faire déverser sur la classe ouvrière tout le blâme que mérite une conduite digne du plus grand mépris, pour ne pas dire de toute la sévérité de la justice.

Il était six heures du soir, le rappel n'avait pas battu, [7.2]et des gardes-nationaux se rendaient silencieusement à leurs places d'armes ; des bruits sinistres avaient couru ; Lyon, cette ville commerçante touchait à sa dernière heure ; les magasins se fermaient ; les mères effrayées couraient après leurs enfans ; chacun cherchait un refuge au sein de sa famille et regagnait le foyer domestique pour attendre avec résignation la fin de la nouvelle Babylone ; la terreur était enfin à son comble… Je sortis de ma demeure, le cœur navré de douleur, ne rêvant que sinistres, et agité par des pensées de mort. En effet, un calme effrayant avait fait place au premier moment de trouble ; les places étaient désertes ; des piquets de gardes-nationaux stationnaient dans l'ombre des rues de la Vieille-Monnaie et des Capucins. Je me dirigeai sur la place des Terreaux : là un appareil militaire annonçait la crainte et les dangers ; des feux étaient disposés pour éclairer les manœuvres militaires et protéger l'Hôtel-de-Ville contre une attaque qui paraissait imminente. Les approches de la place étaient interceptés du côté des rues Puits-Gaillot et Saint-Pierre  ; c'est là que je voulus attendre le dénoûment de cette terrible scène. J'étais prêt, comme un nouveau Décius, à me dévouer pour le salut de ma patrie ; la place était occupée par quelques groupes qui n'étaient rien moins qu'offensifs. Je m'étais placé dans un coin pour être prêt au premier qui vive ! Les heures passaient et le calme régnait toujours. Constant dans mon projet, je voulus attendre encore. Accablé par le sommeil, je m'endormis contre une colonne du théâtre provisoire… Je passai plusieurs heures dans cette situation. Enfin, je fus réveillé par quelques gardes-nationaux qui riaient aux éclats de la manière dont j'occupais mon temps. Eh ! l'ami, me dit l'un d'eux en me secouant, il est minuit, il faut vous retirer !… Je crus que le moment était arrivé et j'étais disposé à me défendre, lorsque je revins de mon erreur en voyant ces messieurs aussi gais qu'ils le seraient un jour de fête. Je leur demandai si tout était tranquille, ils me répondirent : Oui , très-tranquille, car nous allons nous coucher, Tourmenté par la faim et accablé par le sommeil, je regagnai ma demeure, me promettant de ne plus croire aux émeutes et de me défier des bruits sinistres, que je jugerais l'ouvrage de certains agens provocateurs.

Je jurai, mais trop tard , qu'on ne m'y prendrait plus.

CONSEIL DES PRUD'HOMMES.

Séance du 4 novembre 1831.

La séance de ce jour avait attiré une affluence d'autant plus nombreuse, qu'on s'attendait à y voir figurer plusieurs causes relatives au nouveau tarif. Deux seulement de ce genre ont été appelées et ont fixé l'attention d'une multitude impatiente de savoir si à l'avenir une convention librement débattue et consentie par les fabricans et les ouvriers aurait sa pleine et entière exécution, et ne serait point un pacte illusoire.

[8.1]La première cause a été celle de M. Mas contre M. Courajod, négociant, absent. M. Mas, maître-ouvrier en peluches, réclamait au sieur Courajod un poil pour terminer sa toile ; sur le refus du sieur Courajod, plainte a été portée, et le négociant qui a fait défaut a été condamné à donner le poil nécessaire pour la confection de la toile, et en outre à une indemnité à M. Mas, pour son temps perdu.

S'est présenté ensuite le nommé Dervieux, contre le sieur Sprecher, négociant, aussi absent.

Ce négociant prétendait, pour se soustraire au tarif, faire enlever la pièce de peluche du métier du sieur Dervieux, avant qu'elle fût terminée. Le tribunal, faisant droit à la plainte portée contre le sieur Sprecher, a condamné celui-ci par défaut, et autorisé le sieur Dervieux à continuer sa peluche ; et qu'après sa confection, le prix lui en serait alloué conformément au tarif.

M. le président a en outre annoncé qu'on n'avait nullement à s'inquiéter sur le prix des façons, quelques menaces qu'aient pu faire certains négocians ; que tout serait réglé pardevant le Conseil, qui rendrait la justice qu'on était en droit d'attendre de sa sagesse, et que tous les ouvriers devaient continuer leurs travaux avec assurance.

COUPS DE NAVETTE.

On disait que M. L*** était devenu très-populaire ces jours derniers ; il avait promis à ses ouvriers que, dans deux ou trois mois, il augmenterait les florences de cinq centimes… Les ouvriers ont demandé le tarif, et M. L*** est devenu plus vétilleux que jamais :
Chassez le naturel, il revient au galop.

Plusieurs négocians ont envoyé à M. Jars1une pétition contre le tarif, avec cette épigraphe : Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné.

Jeudi dernier, un Tunisien se mettait en évidence sur la place des Terreaux ; le bruit se répandit aussitôt qu'il venait établir une maison de commerce à Lyon. Encore un arabe de plus2.

Des négocians devaient faire un charivari à un préfet : C'est imprudent, a dit l'un d'eux, la garde départementale est trop nombreuse.

M. L*** s'étant endormi dans son comptoir, croyait voir lacérer le tarif tous les coins de rues ; il fut éveillé par un commis qui criait à un chef d'atelier : Vous aurez le tarif au minimum. M. L***, revenu de son erreur, fredonna en se frottant les yeux :
Que ne peut-on rêver toujours !!

[8.2]Un enthousiaste a dit : L’homme est égal aux Dieux. Un chef d’atelier à qui on refusait le tarif, dit que son négociant n'avait pas le sens commun ; le juste-milieu est au café d'Idalie.

Un négociant de cette ville, dont la tête est un peu dérangée depuis les prétentions des chefs d'ateliers, déclamait, ces jours derniers, dans son magasin, les vers de manlius ; et, d'une voix de stentor, s'adressant à un de ses commis : Qu'en dis-tu ?… Le commis, qui est un peu poète, lui répondit vivement :
Je dis que le tarif vous brouille la cervelle…

Vendredi dernier, un voyageur anglais, tout étonné de la brillante illumination de l'Hôtel-de-Ville et du déploiement de forces militaires imposantes sur la place des Terreaux, demanda quelle fête nationale on célébrait. Un malin lui répondit : C'est la réconciliation des négocians en soierie avec leurs ouvriers.

Des chefs de commerce, assurés aujourd'hui du droit acquis de faire travailler gratis, ont fait publier, vendredi soir, au bruit des tambours, dans les différens quartiers de la ville, qu'ils ne seraient désormais visibles dans leurs magasins qu’en tenue militaire et baïonnette croisée.

AVIS ESSENTIELS.

Une révision complète du tarif doit avoir lieu incessamment par une nouvelle commission de délégués des négocians et des ouvriers nommée à cet effet. Ce travail, qui comprendra la rectification des articles portés au tarif, l'addition de ceux qui y ont été omis et la base pour la fixation des prix du montage de métiers1, une fois terminé, un tableau général sera immédiatement imprimé avec luxe, sur beau papier et beaux caractères, et tous les chefs d'ateliers ainsi que MM. les négocians, sont invités à se le procurer et à le placer dans l'endroit le plus apparent de leurs ateliers ou de leurs magasins.

Un bureau d'indication, spécialement consacré aux intérêts de la fabrique, est réuni à celui du journal.

Dans ce bureau on recevra :

1° Les demandes faites, par les maîtres, d'apprentis des deux sexes, ou par les apprentis des deux sexes pour trouver des places convenables ;

2° Les mêmes demandes à l'égard des ouvriers ou ouvrières ;

3° Celles de MM. les négocians qui auraient besoin de bons maîtres pour tous les genres d'étoffes.

MM. les abonnés ne paieront que 10 cent. par ligne pour leurs insertions ; on traitera de gré à gré avec les autres personnes.

Les articles comportant plus de 15 lignes subiront une diminution sur la totalité.

Notes (DE LYON ET DE LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE.)
1 Au début des années 1830 la population de Lyon et de ses principaux faubourgs était de 165 000 habitants. Lyon seule avait 134 000 habitants, les principaux faubourgs étaient La Guillotière (18 000 habitants) et la Croix-Rousse (9 000 habitants).
2 Sur l’état général du marché de la soie après 1815, et sur la situation comparée de la fabrique lyonnaise, voir P. Cayez, L’Industrialisation lyonnaise au 19e siècle. Du grand commerce à la grande industrie, Atelier de reproduction des thèses, Université Lille 3, 1979, 1er volume, 1ère partie, chapitre 3, « Le développement de l’économie traditionnelle », p. 196-299.

Notes (Nous avons appris que le jour de la distribution...)
1 Défini ainsi par le Trésor de la langue française : « Critique injuste, malveillant et envieux », qui précise que ce mot, d’un usage littéraire, est aujourd’hui vieilli. Il s’agit d’une antonomase du nom propre déjà en usage en latin ; Zoïlus (gr. Zoïlos ) était un grammairien du IVe siècle avant J-C célèbre pour ses critiques d’Homère.

Notes (Sans partager les doctrines des disciples de...)
1 Dirigée par Pierre Leroux et Jean Reynaud, une mission saint-simonienne était arrivée à Lyon au début du mois de mai 1831. Les prédications qui se déroulèrent du 3 mai au 17 juin firent grande impression à Lyon. (Voir F. Rude, Le mouvement économique et social, ouv. cit., p. 267-273 ; F. Rude, « Les saint-simoniens et Lyon », Actes du 89ème congrès des sociétés savantes, Lyon 1964, Paris, 1965.) Dans les numéros suivants de L’Echo de la Fabrique, et en particulier pendant l’année 1832, de très nombreux encarts, notes, brèves vont signaler les missions, les enseignements et les publications saint-simoniennes. Au mois d’octobre 1832, Michel Chevalier écrira à Arlès-Dufour, « Quant au centre à fonder à Lyon, ce ne sera évidemment que la constatation d’un fait existant. Lyon est la clé de la vallée du Rhône et de la Saône, le centre d’un mouvement industriel colossal qui comprend une vigoureuse population chez qui la foi religieuse n’est pas éteinte, et qui s’enflammera instantanément au flambeau étincelant que nous allons faire luire », Œuvres de Saint-Simon et Enfantin, vol. 8, 1865-1878, p. 122.

Notes (Un moyen vient d'être présenté par un...)
1 Le piquage d’once consistait, pour le chef d’atelier, à incorporer un corps étranger, eau ou huile, à l’ouvrage et ainsi à conserver une partie de la soie donnée par le négociant. J. Falconnet va définir un peu plus tard le piquage d’once dans les termes suivants : « On appelle ainsi la vente que certains individus font à des marchands, de diverses parties de soie soustraite soit à la teinture, soit à la fabrication ; vente qui a lieu en dessous du cours, et constitue les délinquans en état de vol » (L’Echo de la Fabrique, n°41, 5 août 1832, p. 2, note 1). Selon Falconnet, alors prud’homme chef d’atelier, « le piquage d’once est le fléau de notre fabrique : c’est lui qui a engendré la première et la plus dangereuse des concurrences, celle que les fabricants se font entr’eux ».

Notes (CONTE QUI N'EN EST PAS UN.)
1 Antoine Vidal est l’auteur de ce texte d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
1 Fondé à Marseille par les conservateurs au début de la Monarchie de Juillet pour contrer la Gazette du Midi (légitimiste), et le Peuple Souverain (républicain). Le journal Le Sud lui succéda en 1839.
Référence : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, tome 2, 4e partie, « La presse provinciale de 1814 à 1848, Paris, PUF, 1969, p. 149-203.
2 Depuis le Congrès de Vienne (1814-1815), la Belgique avait été rattachée au royaume des Pays-Bas. Au lendemain des « Trois Glorieuses » en France, la bourgeoisie belge accentue discours et actions en faveur de la séparation de la Belgique aux Pays-Bas. Le 4 octobre, un gouvernement provisoire proclame l’indépendance de la Belgique et, le 20 janvier 1831, la Conférence de Londres à laquelle participent l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse, La France et la Russie, va entériner le principe de l’indépendance et de la neutralité du nouvel Etat Belge qui se donne une constitution en février et un roi, Léopold Ier, en juillet. Demeurent néanmoins de nombreux conflits de frontière en particulier avec la Hollande. Le 14 octobre 1831, le Traité des XXIV articles règle la question des frontières en donnant à la Belgique la partie Wallonne du Luxembourg et aux Pays-Bas les bouches de l’Escaut et le Limbourg. Ce traité accepté par la Belgique sera rejeté par les Pays-Bas et les conflits resurgiront bientôt en particulier à propos de la forteresse d’Anvers. Référence : Marie-Thérèse Bitsch, « Belgique », in : M. Ambrière (dir.), Dictionnaire du XIXe siècle européen, PUF, 1997, p. 129-133.
3 Né le 22 mars 1786 à Varsovie et mort le 29 mai 1861 à Paris. Historien et géographe, professeur à l’université de Vilnius, il dut quitter sa chaire en raison de son action en faveur de la résistance nationale polonaise. Exilé à Paris en 1831, expulsé en 1833 par Louis-Philippe sur la demande de l’ambassadeur de Russie, il rejoint Bruxelles. Il fut, à partir de 1832, l’un des dirigeants de la Société Démocratique Polonaise qui liait la renaissance d’une Pologne indépendante à une révolution sociale. Son œuvre la plus importance demeure Géographie du Moyen-Age, (5 volumes, 1852-1857).
4 Maïs
5 Créé en octobre 1825 le Mercure Ségusien, d’orientation libérale et bourgeoise était le principal journal politique de la Loire.
6 Le Journal des débats et décrets fondé le 29 août 1789 effectue d’abord les compte-rendus des séances législatives de la Constituante. Il devient le Journal des débats et lois du Corps législatif puis le Journal des débats, des lois du pouvoir législatif et des actes du gouvernement en 1799. Chateaubriand et Royer-Collard parmi d’autres apportent leur contribution au journal. Etroitement contrôlé sous la période napoléonienne où il devient le Journal de l’Empire, il reprend son nom d’origine en 1814. Le Journal des débats juge favorablement la Révolution de juillet 1830 et se montre ensuite très proche du pouvoir en place.
Références : Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, (1866-1876), Lacour-S.A-France 1990, Tome 7, p. 183-184 ; Hélène Fréchet et Jean-Pascal Picy, Lexique d’histoire politique de la France de 1789 à 1914, Ellipses, 1998, p. 147
7 Fils de Jean Lannes (1769-1809), Maréchal d’Empire fait duc de Montebello en 1808, Napoléon-Auguste de Montebello (1801-1874) sera notamment ministre des affaire étrangères (1839).
8 Formée à Paris le 13 juillet 1789 à l’appel de La Fayette, la Garde Nationale s’inscrit dans la tradition des milices communales du Moyen Age. D’inspiration bourgeoise, elle constitue à la fois un rempart contre le pouvoir royal et contre les insurrections populaires visant la défense des droits politiques (la liberté et l’égalité juridiques). Ses objectifs initiaux connaissent une évolution importante après la déclaration de guerre (20 avril 1792) où elle se voit assignée une fonction militaire. Etroitement contrôlée sous la période napoléonienne, elle est dissoute ensuite par Charles X en 1827 avant de se reconstituer durant les « Trois Glorieuses » (26 juillet 1830). Réservée à tous les hommes (âgés de 20 à 60 ans), les catégories pauvres de la population n’y participent cependant pas. Elle s’oppose régulièrement aux insurrections populaires comme celles des Canuts en 1831 et 1834. Jouant un rôle important durant la révolution de 1848 et la Commune en mars 1871, la Garde Nationale est définitivement supprimée après ce dernier soulèvement populaire.
Références : H. Fréchet et J.-P. Picy, Lexique d’histoire politique de la France de 1789 à 1914, ouv. cit., p. 22-23. ; P. Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, ouv. cit., Tome 11, p. 1023-1024.
9 Fondé en 1828 le Sémaphore n’était au départ qu’un journal commercial et maritime. Avant de devenir le principal organe libéral de la cité. Référence : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, ouv. cit., p. 170 et p. 196-197.

Notes (AU MÊME)
1 D’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832), Léon Favre est l’auteur de ce texte. Pierre Léon Favre (1807-1881) était le fils d’Auguste Favre, marchand drapier dont il reprendra l’affaire, à Lyon jusqu’en 1836, puis à Paris. Il était le frère aîné de l’avocat républicain Jules Favre qui lui permettra, à partir de 1848, d’entamer une longue carrière diplomatique. Référence : Pierre Antoine Perrod, Jules Favre : Avocat de la liberté, Lyon, La Manufacture, 1988, p. 450-457.

Notes (COUPS DE NAVETTE.)
1 Né à Lyon le 9 janvier 1774, Antoine Gabriel Jars avait été maire de Lyon pendant les « Cent Jours ». Représentant de l’opinion libérale sous la Restauration il sera élu député du 1er arrondissement de Lyon en 1827 et le restera jusqu’à 1842. En 1830 il fit partie des signataires de l’adresse des 221. Référence : Adolphe Robert, Edgar Bourloton, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, 5 vol., 1889-1891, vol. 3, p. 404.
2 Défini ainsi par Littré (1873) : « Usurier, homme avide ». Cet emploi, aujourd’hui sorti de l’usage est attesté en français dès le XVIe siècle. Voir sur ce thème, Michel Glatigny, « L’article arabe dans un certain nombre de dictionnaires français de Nicot au Grand Robert », Cahiers de lexicologie, revue internationale de lexicologie et lexicographie, n°83, Paris, Champion, 2003-2.

Notes (AVIS ESSENTIELS.)
1 Dans le numéro du 22 janvier 1832 de L’Echo de la Fabrique, quinze abus principaux exercés par les négociants sur les chefs d’atelier seront listés. Dans le numéro du 5 février l’abus de montage de métier est décrit comme le « plus monstrueux des abus » (p. 2). L’abus est décrit de la façon suivante : « […] il arrive souvent qu’un ouvrier, après avoir dépensé 20 fr. pour frais d’ampoulage, appareillage, remettage, etc, après avoir passé une semaine pour monter et ajuster le métier, ne tisse qu’une ou deux petites pièces, qui ne produisent qu’une somme de 50 francs après un mois et demi ou deux mois que le métier a été disposé : le négociant ne continue plus de faire fabriquer cet article, et le chef d’atelier a dépensé, comme nous l’avons dit :
Pour son montage : 20 fr.
Payé à son ouvrier pour 50 aunes de façons : 25fr.
Enlaçage de cartons, dévidage, cannetage : 10 fr.
Total : 55 fr. »
Les chefs d’ateliers exigeaient donc qu’une convention soit établie entre eux et les négociants pour mutualiser les coûts de montage.

 

 

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