AU RÉDACTEUR.
Monsieur,
Ayant été désigné par mes noms et qualités dans la lettre de M. Gamot insérée dans votre dernier N°, je me crois obligé d’y répondre.
Je suis navré de démentir publiquement un de mes collègues ; mais la vérité me commande d’oublier toutes les considérations, parce que son récit est on ne peut plus inexat. Voici le fait.
Le maître que j’assistais, réclamait au conseil contre un prix trop minime, ou à défaut d’augmentation demandait qu’on lui payât le montage de son métier qui n’avait fait qu’une pièce de 40 aunes, attendu qu’on lui en offrait une seconde qu’il ne pouvait accepter, soit à raison du vil prix, soit pour l’aunage (il était de 5 aunes).
Le fabricant, représenté par le sieur Gustel, répondit qu’il y avait une pièce ourdie exprès pour le réclamant, non de 5 aunes mais de 80 aunes, ce qui ne pouvait pas être, attendu que le chef d’atelier avait prévenu le fabricant qu’il n’en voulait pas au prix proposé. C’est à cette circonstance que M. Gamot fait sans doute allusion, en disant que l’ouvrier m’avait caché la vérité, mais c’est une erreur que la suite démontre.
Je compris de suite que c’était un système de dénégation adopté par le sieur Gustel, et je demandai le renvoi à la prochaine audience qui fut accordé. Nous fûmes de suite auprès de M. Goibet pour accepter la pièce de 80 aunes, et traiter d’après un prix de façon convenable. Tout parut s’arranger le mieux possible, mais le lendemain le chef d’atelier n’obtint rien et fut obligé de faire comparaître de nouveau ce négociant devant le conseil qui alloua un défrayement pour le montage d’après le refus d’augmentation.
Je termine en déclarant, puisque j’en trouve l’occasion, qu’ainsi que beaucoup de mes collègues, je partage l’opinion de M. Marius Chastaing sur la nécessité qui, chaque jour, se fait sentir, que les ouvriers puissent être libres de se faire assister par un défenseur.
Agréez, Monsieur, etc.
Charnier, Prud’homme, chef d’atelier.