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22 juillet 1832 - Numéro 39 |
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AVIS.
[1.1]Les personnes dont l’abonnement est expiré, sont priées de venir le renouveler si elles ne veulent pas éprouver de retard dans l’envoi du Journal.
LYON. le courrier de lyon monomane.1
En vérité, lorsque nous disions que les hommes du Courrier étaient sous l’influence de quelque idée fixe, nous disions vrai : ils ont le cauchemar, la monomanie du prolétariat. Vainement leur a-t-on fait sentir l’inconvenance, le danger et surtout l’inutilité de leurs lourdes tirades sur ce sujet ; un moment seulement, après avoir voulu prouver dans quelques laborieux articles que le pauvre, le prolétaire qui ne vit que du travail journalier, a plus d’intérêt que le riche à ce que le travail soit suspendu par le désordre, le bon Courrier s’est arrêté comme effrayé ou accablé de son œuvre. Mais ce temps de repos ou d’apparente raison n’a pas été long : la monomanie a repris son puissant empire avec les grandes chaleurs qui, comme chacun sait, portent au cerveau. L’imagination malade vient encore d’évoquer le terrible fantôme. Dans un article, pâle et pauvre copie du fameux article des Débats sur la plaie de l’époque, le Courrier s’évertue à prouver que les prolétaires, les hommes qui ne possèdent pas, sont la minorité dans la nation2 ; mais comme cette proposition déjà si difficile, ne suffit pas à sa richesse d’esprit, de sagacité, de rédaction, il trouve encore moyen d’avancer que le riche, celui qui possède, a intérêt à l’ordre, et le pauvre, le prolétaire, au désordre. Il nous serait aussi facile de prouver que les prolétaires sont la majorité de la nation, qu’il nous a été [1.2]facile de prouver au Courrier que les prolétaires ont plus intérêt que le riche à l’ordre et à la paix ; mais notre intention n’est pas de le suivre dans tous ses écarts de raison et de prudence, notre temps est trop précieux, nous voulons seulement, dans l’intérêt de tous, remplir un devoir en lui donnant un bon conseil. Si le Courrier s’est imposé la tâche facile d’exaspérer les non-propriétaires contre les propriétaires, qu’il continue ses déclamations, nous lui garantissons pleine et entière réussite ; mais s’il veut au contraire, ainsi qu’il le dit souvent, la paix, l’union, la concorde, nous le supplions, dans l’intérêt de l’ordre public, qui est sa devise, de changer de thème et de laisser en paix la question des prolétaires. Certes, tous les actionnaires du Courrier ne sont pas malades de la monomanie de ses rédacteurs ; la majorité doit être saine : eh bien, qu’elle le prouve en redressant la marche du journal. N’est-il pas honteux pour la propriété et le commerce qu’une feuille fondée, dirigée et rédigée par des négocians et des propriétaires, s’égare aussi dangereusement ! Le champ des intérêts matériels n’est-il donc pas assez vaste pour l’imagination et la verve de ces messieurs ? Ils disent si souvent qu’ils s’intéressent au sort des masses : mais alors qu’ils le prouvent en réclamant pour elles ce qu’ils lui reprochent si souvent de ne pas avoir, l’instruction, l’éducation, les lumières ; qu’ils réclament un changement dans l’assiette de l’impôt, afin que la charte soit vraiment une vérité, et que le riche paie plus que le pauvre ; Qu’ils s’occupent aussi de notre industrie souffrante que l’énormité des impôts et l’esprit stationnaire de ses chefs livrent pieds et poings liés à la concurrence étrangère. Qu’à l’approche du terrible choléra, ils excitent le pauvre et le riche à la propreté3, à la tempérance, et l’administration à une surveillance plus active. Enfin, que le Courrier soit un journal utile, au lieu d’être un journal futile et surtout dangereux. Z.
[2.1]Elle a paru enfin cette mercuriale sous le nom de laquelle on a été obligé, pour satisfaire de vaines exigences, de déguiser le tarif que la sagesse d’un administrateur éclairé avait accordé aux besoins d’une immense population ouvrière qui l’avait accueilli comme un bienfait. La force des choses commandait au nouveau conseil des prud’hommes de se livrer à cette tâche, et il s’est empressé de satisfaire à son mandat. Nous l’en remercions ; car tarif ou mercuriale, c’est tout un à nos yeux. Plût à Dieu qu’une mesure pareille n’eût jamais été nécessaire ! plût à Dieu qu’on pût appliquer, dans leur rigueur, les principes du droit civil sur les conventions à cette espèce de convention qui lie le fabricant et le chef d’atelier ! Nul plus que nous ne serait partisan de l’empire absolu de la loi ; mais il est telle hypothèse où la loi fléchit devant la nécessité. La fabrique de Lyon se trouve dans cette hypothèse. Mais la loi est-elle bien elle-même aussi impérieuse qu’on le dit ? Nous ne le pensons pas. Elle dit bien que les conventions font loi entre les parties : mais elle ajoute que toute convention doit être libre, sans cela elle l’annule de plano. Maintenant, de bonne foi, y a-t-il toujours liberté entre ce négociant dont la fortune lui permet de travailler ou de vivre sans rien faire, et cet ouvrier qui attend un salaire quelconque pour donner à sa famille le pain nécessaire à sa subsistance ? Je dis hautement non. Il n’y a point de liberté, et partant point de convention dans le sens légal que la loi a attaché à ce mot. Dès lors il faut que le pouvoir intervienne d’une manière ou d’une autre, pour rétablir l’équilibre, pour tenir la balance entre l’homme riche et l’homme pauvre, de manière à ce que ce dernier, vaincu par le besoin, ne soit pas la victime de la cupidité du premier. Il faut qu’en traitant avec ses commettans, le fabricant mette, en première ligne de compte, le prix de la main-d’œuvre, et cette main-d’œuvre, qui est bien en quelque sorte une matière première, doit être calculée, non pas suivant les chances du commerce, mais suivant le besoin réel de la dépense nécessaire à un ouvrier. Qu’on fasse bien attention ! Un fabricant peut occuper 100 métiers, livrer 5 ou 600 aunes par jour d’étoffes à la circulation, et quelque minime que sera son bénéfice, il pourra gagner au-delà de ses besoins physiques ; mais quelle que soit la prospérité du commerce en général, un ouvrier ne pourra pas livrer un plus grand nombre d’aunes au fabricant qui l’emploiera. Il faut donc une règle pour que le salaire ne descende pas au-dessous des besoins réels de l’ouvrier. Ce n’est que dans un tarif que cette règle peut se trouver. C’est en ce sens que nous comprenons et que nous acceptons la mercuriale. Elle est une barrière entre la cupidité insatiable et la misère trop facile à subir de dures conditions. Rien ne sera ôté à la liberté des conventions ; mais on n’en passera que de justes, parce que l’on saura qu’envain écrirait-on sur le livre d’un ouvrier un prix minime et inférieur à celui que d’autres maisons donneraient, l’ouvrier plus éclairé pourra toujours, la mercuriale à la main, demander au conseil le redressement du tort qu’il éprouve. Et si le négociant lui objectait qu’il a consenti à ne recevoir que tel prix au lieu de celui fixé par la mercuriale, il répondrait j’avais faim, et cet argument suffirait pour anéantir la convention immorale inscrite en tête de son livre. On sent bien qu’une différence dont on pourrait rendre une raison plausible, ne serait pas atteinte par cette règle. Nom avions projeté de nous étendre davantage sur ce [2.2]sujet, et de répondre spécialement aux diatribes du Courrier de Lyon, contenues dans ses Nos des 8, 9, 10 et 11 juillet der; mais un bon citoyen, qui s’est caché sous le nom de Pierre, y a fait une réponse à laquelle nous n’aurions presque rien à ajouter : nous l’avons extraite du Journal du Commerce, et nous l’offrons à nos lecteurs. Nous allons donner, suivant la promesse que nous avons faite dans le dernier Numéro, le préambule de la mercuriale. Il y a dans ce préambule le germe d’une grande amélioration pour la fabrique, nous en reportons notre hommage d’abord à M. Gasparin qui, sous l’habit de préfet, conserve le cœur d’un citoyen libre, et ensuite au conseil des prud’hommes qui a pensé que, pour arriver à un but, il fallait marcher. Nous pourrons, dans un autre Numéro, donner quelques réflexions sur ce préambule qui est ainsi conçu : « Le conseil des prud’hommes, dans sa séance du 14 juin dernier, ayant mis en discussion le projet d’établir une mercuriale des prix des façons pour la fabrique de soierie, a considéré que les avantages généraux résultant de cette mesure seraient : 1° D’établir pour lui un tableau de renseignemens propre à baser ses jugemens, lorsque le défaut de convention entre les parties traduites à sa barre, l’oblige de fixer un salaire ; 2° De le mettre à même d’apprécier si le salaire alloué est proportionné au travail, et s’il n’y a pas lésion. Car on ne saurait admettre un accord qui placerait l’ouvrier dans l’impossibilité de gagner sa vie, et ce doit être un devoir pour les prud’hommes d’empêcher que le besoin ne fasse accepter de l’ouvrage à un prix trop bas. Le conseil fait observer toutefois qu’il ne faudrait cependant pas conclure de là, que les prix de la mercuriale seront obligatoires, car ces prix toujours accordés à l’instant de sa publication, peuvent varier chaque jour, soit en hausse soit en baisse, suivant les demandes ou la mévente des divers produits de nos fabriques. Les prix donnés par la mercuriale ne seront d’ailleurs que des prix moyens, calculés sur ceux payés à l’instant où on l’établira, prix qui varient d’une fabrique à l’autre en raison des différences de matière et des consommations plus ou moins délicates. Un troisième avantage de la mercuriale sera de bien préciser, chaque fois qu’on l’établira, la situation de la fabrique et celle d’une population ouvrière, à laquelle la France doit sa plus belle industrie. Il y aura prospérité quand les salaires seront élevés, et infortune quand ils seront trop bas. Lorsque ce dernier malheur arrivera, devenu plus palpable par le fait de la mercuriale, il excitera davantage la sympathie qui existe naturellement entre les fabricans et les chefs d’ateliers ; il poussera plus vivement à la recherche des moyens d’amélioration désirables, soit qu’il faille recourir à ces grandes mesures de douane ou de diminution de charges qui viennent du gouvernement, soit qu’il suffise de trouver dans la localité de l’industrie un remède prompt et sûr. Le conseil des prud’hommes, ayant donc bien pesé toutes ces considérations, et résolu en faveur de la mercuriale toutes les objections qui ont été soulevées lors de leur discussion, a décidé qu’une mercuriale des prix de façons pour la fabrique de soierie, serait affichée avec le présent document, dans la salle du greffe du conseil. Cette mercuriale sera renouvelée aussi souvent que les variations de prix le commanderont. [3.1]Les prud’hommes dans les recherches qu’ils ont été obligés de faire pour s’assurer des prix des façons les plus généralement pratiqués par toutes les fabriques, se sont convaincus que chaque espèce d’étoffes, déjà si variées dans ses qualités, l’est peut-être encore davantage par la manière dont le fabricant la combine ; sans rien changer au compte de la chaîne ou au nombre de bouts de la trame, ils reconnaissent qu’il est presque impossible de déterminer d’une manière absolue des prix que tant de modifications doivent rendre relatifs ; En un mot, la mercuriale pourra donner le prix de façon apparent d’une étoffe, mais jamais ne pourra déterminer le prix réel. »
l’impôt progressif.1 L’assiette de l’impôt est vicieuse. Le pauvre paie proportionnellement plus que le riche, chacun le comprend et le dit ; chacun sent qu’il faut changer de route, et cependant tous crient haro lorsqu’on parle d’innovation. C’est qu’en matière de finances les expériences et les erreurs coûtent cher et sont souvent dangereuses. Mais s’il y a danger à innover, il y a péril flagrant à maintenir les injustices, surtout lorsqu’elles pèsent sur la majorité. En mangeant, on peut mourir d’une indigestion, c’est une chance ; mais en ne mangeant pas, de peur d’indigestion, on a la certitude de mourir de faim. Il faut donc manger. L’édifice menace ruine, il va crouler : en en sortant et avancant, nous serons peut-être atteints de quelque pierre ; mais en stationnant, nous sommes certains d’être écrasés sous les décombres. Il faut donc avancer. Quel homme oserait dire que les charges sont bien réparties ? Que la charte est une vérité ? Que l’impôt indirect qui écrase le pauvre, et touche à peine le riche, n’est pas une criante injustice ? Enfin qui pourrait de bonne foi soutenir que la justice, et non l’intérêt des législateurs-propriétaires, ait jamais présidé à la répartition des charges ? Le malaise qui tourmente partout les masses et qui partout se manifeste par des émeutes ou une irritation menacante ; ce malaise si effrayant, vainement voudrait-on l’attribuer aux caprices ou bien aux partis républicain, carliste, bonapartiste : sa cause permanente est dans l’injuste répartition des charges, et surtout dans la mauvaise application de leur produit La révolution de 1830, dans laquelle on n’a voulu voir qu’un caprice ou un retour à la charte, n’ayant pas reconnu ni attaqué la cause, n’a pu arrêter les effets. Il est temps que les hommes qui gouvernent et légifèrent se réveillent et ouvrent les yeux avec l’intention de voir ; il est temps qu’on cherche le mal où il est, et non dans de sottes et puériles chimères. L’économie politique de l’école St-Simonienne a mis le doigt dans la plaie, et les hommes avancés, les plus opposés à l’ensemble des doctrines de l’école, adoptent franchement son économie politique. L’impôt progressif, l’abolition de l’amortissement, qui n’amortit rien puisqu’on emprunte toujours, et surtout le dégrèvement des impôts indirects, sont quelques-uns des traits saillans qui la distinguent. M. Terme a proposé au conseil municipal, qui se [3.2]trouve dans la dure nécessité de crier encore à de nouveaux impôts, d’entrer dans la voie nouvelle de l’impôt progressif : M. Gros a répondu à M. Terme, dont il improuve la proposition : Nous avions promis d’examiner les deux opinions. Mais ayant appris que M. Terme prépare une réponse aux argumens de M. Gros, nous croyons devoir suspendre notre jugement. Dans ce que nous avons lu ou entendu de ce débat et sur ce débat, nous n’avons rien trouvé qui prouvât que d’un côté ou de l’autre, on eût compris l’urgence, la force majeure, qui oblige, sous peine d’un terrible naufrage, à quitter le vieux vaisseau qui fait eau de toute part, dont les voiles sont déchirées, la boussole brisée, l’équipage et les chefs écrasés de doute, de méfiance et de désespoir. Z.
M. Charnier, membre du conseil des prud’hommes, s’est déclaré en faveur de la libre défense devant le conseil, dans un article inséré dans le Précurseur, dimanche dernier (15 juillet, n° 1723 ;) ainsi conçu : Comme membre du conseil des prud’hommes, je me fais un devoir de répondre à la lettre de M. Gamot, insérée dans le dernier N° de l’Echo de la Fabrique, en réponse à un article signé Marius Ch......g, qui exprime une opinion que je partage entièrement. Non-seulement les juges de paix entendent les fondés de pouvoir comme l’a dit l’auteur de cet article, mais aussi les conseils de discipline de la garde nationale. Il n’y aurait donc que les conseils de prud’hommes qui refuseraient d’entendre des fondés de pouvoir comme assistans des parties présentes. Pourquoi les enceintes où siégent ces mêmes conseils seraient-elles les seuls lieux où la plus précieuse des libertés serait proscrite, la liberté de la défense, celle qui n’est jamais refusée aux plus grands criminels ? Si un pareil système d’oppression venait à prévaloir dans le conseil, l’on n’en pourrait accuser que quelques-uns de ceux qui en font partie, et M. Gamot s’exprime comme si tous les membres qui le composent partageaient son opinion. Elus d’après le libre choix de leurs commettans, ceux qui pourraient partager l’avis de M. Gamot, auraient reçu de ceux qui, après avoir joui de la liberté du vote, l’étrange mission de supprimer la liberté de la dèfense ? ce serait vraiment de l’égoïsme libéral. Je dis supprimer, parce que l’ancien conseil, comme l’a fort bien dit M. Gamot, admettait des assistans. Le conseil, dit-il, en refusant d’admettre des agréés, n’a en vue que l’avantage de l’ouvrier. Quels sont ceux qui sont le plus compétens pour décider là-dessus ? Assurément ce sont les prud’hommes chefs d’atelier. Cependant mes collégues ne partagent pas cet avis. M. Gamot croit que nous ne voulons, ou plutôt que nous ne connaissons pas ce qui est avantageux à nos commettans ; qu’il se détrompe : nous ne voulons que ce qui est conforme à l’équité, sans causer aucun préjudice à la classe dont nous faisons partie, et que nous représentons ; pour agir autrement, il faudrait que nous fussions tout-à-fait ineptes ou traîtres à nos compatriotes. « Les considérations qui ont déterminé le conseil beaucoup plus que la loi. » Oh ! c’est par trop fort, des considérations au-dessus de la loi !!! La loi avant tout : elle est notre seul guide ; nous ne sommes institués juges que pour aplanir les difficultés en rapprochant d’elle les cas qu’elle n’a pu prévoir. « Un agréé ou défenseur n’ira pas passer un après-dîner sans un salaire en espèces ou en rafraîchissemens. » Dans cet office d’ami, je ne vois qu’un service de réciprocité. Quand [4.1]même on croit généralement la classe ouvrière corrompue par des besoins factices, il y a plus d’austérité et de grandeur d’ame qu’on ne pense. D’ailleurs ne sommes-nous pas libres d’agir à cet égard comme bon nous semble ? L’on n’a pas cru devoir nous accorder un tarif parce qu’il était contraire à la liberté, et M. Gamot voudrait-il nous imposer un tarif de dépenses en matières de poursuites judiciaires ? celui-ci serait sans contredit, encore plus opposé à la vraie liberté. Bref, il vaut mieux payer son défenseur que de se laisser dépouiller de ses droits. Je crois qu’un ouvrier timide et inexpérimenté doit préférer être tributaire d’un défenseur que de son inexpérience. Il n’y a pas d’économie plus déplacée que de vouloir édifier sans architecte, si l’on ignore l’art de bâtir. Il en est de même à l’égard des imprudens qui osent se charger de leur propre défense, quoiqu’ils se connaissent peu aptes à soutenir une discussion ; il est vrai qu’ils avouent presque tous n’avoir pas prévu l’influence qu’aurait pu exercer sur eux la présence des juges. Eh bien ! ces mêmes hommes seraient moins embarrassés à défendre la cause d’autrui : c’est pour cela que les avocats sont dans l’usage de charger leurs confrères de leur défense, parce qu’ils ont reconnu qu’ils ne possédaient pas le sang-froid nécessaire pour discuter leurs propres intérêts. Pourquoi l’artisan, privé d’instruction et d’expérience, ne jouirait-il pas de la même prérogative que ces hommes instruits qui font métier de défendre les autres ? Croirait-on l’artisan moins digne de jouir de la liberté de la défense ? Si l’un d’eux devait être privé de ce droit immense, ce serait à l’ouvrier que serait due la préférence : sa faiblesse morale causée par sa position subalterne lui vaut plus d’un égard ; heureusement il n’a pas besoin de ce privilége, parce qu’il est écrit dans la Charte : Tous les Français sont égaux devant la loi. Conséquemment le droit de nous faire assister nous est dû, par la seule raison que les avocats sont admis à se faire représenter. Charnier, prud’homme, chef d’atelier.
abus dans les renvois en conciliation.1 L’ouvrier doit savoir que les fabricans ne se croient pas plus au-dessus de lui qu’ils ne se croient eux-mêmes au-dessous du commissionnaire qui leur achète leur étoffe et leur fait ainsi gagner leur vie. M. Gamot, prud’homme. Lettre au rédacteur de l’Echo de la Fabrique, n° 37. Tout ce qui tient à l’égalité sociale, tout ce qui peut servir à rompre la ligne de démarcation, que d’injustes préjugés ont formée entre les diverses classes de citoyens, tout cela est la propriété de l’Echo. C’est à ce titre que je me suis emparé des mémorables paroles de M. Gamot et que je m’en sers pour épigraphe au présent article. Je relis ces paroles : Il est donc bien entendu que l’ouvrier est égal au fabricant comme ce dernier est égal au commissionnaire, à bien plus forte raison le chef d’atelier prud’homme doit-il être l’égal du chef d’atelier fabricant. Personne ne le nie, s’écrie-t-on ; eh bien ! qu’importe que le principe soit admis, si tous les jours il est violé dans son application ; je vais l’établir : Le conseil des prud’hommes, avant de juger, renvoie habituellement les parties devant deux ou quatre de ses membres à l’effet de s’expliquer et d’opérer une conciliation toujours désirable ; de cette manière d’agir, qui paraît si simple au premier coup-d’œil, de graves abus ont surgi. Le demandeur, et c’est ordinairement un chef d’atelier, est obligé d’aller chez le prud’homme fabricant [4.2]prendre son jour et son heure, d’aller en instruire le prud’homme chef d’atelier, et de se rendre enfin lui-même au jour indiqué chez le prud’homme fabricant. Heureux pour lui s’il n’y a que deux prud’hommes de nommés, car s’ils sont quatre la corvée est doublée. Un autre inconvénient est celui-ci. Un usage abusif paraît s’introduire, mais nous nous hâtons de protester contre avant qu’il ait pris racine ; cet usage veut que le prud’homme chef d’atelier se rende chez le fabricant, lors même que ce dernier est plus jeune que lui. D’où vient cette primauté entre deux magistrats égaux en pouvoiri. Je propose donc, organe en cela d’une immense majorité d’ouvriers : 1° que le conseil fixe par son jugement de renvoi le jour et l’heure où la réunion des parties doit avoir lieu ; 2° que cette réunion ait lieu dans la salle même du conseil, ou bien que les prud’hommes rapporteurs se réunissent chez celui d’entr’eux qui sera le plus âgé sans distinction de la profession. La liberté de la discussion, le principe sacré de l’égalité y gagneront tous deux. Prud’hommes chefs d’atelier, vous pouvez, si bon vous semble, comme simples particuliers, faire abnégation de tout sentiment orgueilleux, parce qu’au besoin vous sauriez bien vous faire respecter, mais comme magistrats, comme mandataires de la classe ouvrière, vous ne pouvez abandonner vos droits les plus minimes ; vos commettans. vous regardent, ils ont foi en vous, vous ne trahirez pas leur confiance. Marius Ch......g.
i Ces abus n’ont pas lieu devant le tribunal de commerce, parce que ce tribunal ne commet qu’un de ces membres.
Sur la lettre de M. Pierre, insérée dans le journal du Commerce de Lyon du 18 juillet1. Avec bien moins d’emphase, mais surtout plus de conscience que le Courrier de Lyon, le journal du Commerce s’occupe quelquefois des intérêts de la classe industrieuse dont nous sommes le principal organe ; loin de voir cela avec jalousie nous nous empresserons toujours de nous rendre propres les articles remarquables que ce journal peut contenir, relatifs à la noble cause que nous défendons. M. Rivière avait posé dans le N° du journal du Commerce du 9 mai dernier une série de questions à laquelle M. Pierre (nous ignorons quel est l’homme estimable qui se cache sous ce pseudonyme) a répondu de la manière suivante : « Question. Par l’établissement d’un tarif la fixation du prix des façons serait-elle juste et en harmonie avec nos lois ? La concurrence étrangère serait-elle facile ? et celle que se font les fabricans serait-elle aneantie ? RÉponse : L’établissement d’un tarif est une chose juste, indispensable, à laquelle il faudra tôt ou tard revenir, la fixation du prix des façons est aussi juste, elle est aussi bien en harmonie avec nos lois que la taxe du pain et celle des fiacres ; la première sacrifie les intérêts des boulangers au bonheur du peuple, la seconde, établie pour satisfaire aux plaisirs des riches, froisse les intérêts des propriétaires de voitures. Les boulangers, les entrepreneurs de voitures n’ont jamais prétendu que la Charte s’opposât à cette espèce de tarif ; et nos sages administrateurs se seraient bien gardés d’en poursuivre l’exécution si elle n’eût point été en harmonie avec nos lois. Si donc, le bien général veut [5.1]que les bénéfices de certains particuliers soient restreints pour profiter à la masse, le tarif atteindra le même but, produira les mêmes effets que la taxe du pain ; il garantira 50 mille individus de la cupidité de 400 ; sous ce rapport le gouvernement doit s’empresser de l’adopter. Quest. La concurrence étrangère serait-elle facile ? Rép. Nous avons prouvé dans le temps que la concurrence étrangère n’était qu’une fiction inventée, dans la plus grande prospérité de la fabrique, par MM. Les fabricans eux-mêmes pour augmenter leurs bénéfices. L’Angleterre, disaient-ils, s’empare de notre commerce ; un de nos plus habiles manufacturier a passé dans le camp ennemi, y a porté notre industrie ; nous ne pouvons soutenir la concurrence qu’en diminuant le prix des façons ; les crédules ouvriers acceptèrent cette diminution, il la subissaient au moment même où nos marchandises cessaient d’être prohibées dans la Grande-Bretagne, au moment où les négocians faisaient dans notre ville des achats de plusieurs millions. Comme ce fait prouvait assez que la concurrence anglaise n’avait jamais existé, MM. les fabricans se créèrent celle de Zurich, chimère que nous ne voulons pas combattre. Nous dirons seulement que nous expédions des soieries à Naples, à Florence, à Turin, à Vienne, à Munich, à Berlin, à St-Pétersbourg, quoique dans chacune de ces villes il y ait des fabriques d’étoffes de soie ; que les cantons de Genève et de Neuchâtel expédient des montres dans tous les pays où l’on en fait ; et que les horlogers de ces cantons n’ont jamais craint la concurrence de Lyon, quoique nous ayons ici deux faiseurs de boîte. Il n’est pas prouvé que les fabricans de bouchons de la Provence, du Languedoc, du Roussillon et de la Catalogne aient diminué le prix des façons en apprenant que quatre hommes en faisaient à Lyon, dans la rue du Plat. Quest. Et celle que se font les fabricans serait-elle anéantie ? Rép. Oui, par l’établissement d’un tarif, cette concurrence cesserait, car si tous les fabricans payaient le même prix de façons, certains nouveaux fabricans opposés au tarif ne pourraient plus offrir au commissionnaire la même étoffe à dix centimes de moins par aune, puisqu’ils ne pourraient plus faire supporter cette diminution à l’ouvrier, et la bonne fabrication aurait seule la préférence. MM. les nouveaux venus devraient alors rivaliser en bien avec les anciens. Ils seraient à cet égard comme le boulanger qui crée un fond ; il doit faire de plus beau pain que son voisin s’il veut s’achalander. En résumé, sans tarif la fabrique ne peut subsister. L’égoïsme, la cupidité, l’amour de la dépense, étant innés chez la plupart des hommes, il n’est point étonnant que beaucoup de nos jeunes fabricans soient infatués de ces vices. Accoutumés à voir de près la misère, leur cœur s’endurcit à cette vue, ils savent que ce qu’ils donnent à tel ouvrier ne peut le faire subsister, peu leur importe ! ils n’augmenteront pas son salaire ; mais ils diront partout qu’ils ont souscrit pour le concert donné au bénéfice des pauvres ouvriers. Quest. Comment sans tarif vaincre l’égoïsme de certains fabricans ? Rép. Le 22 novembre, il n’en était aucun qui n’eût offert la moitié de sa fortune pour sauver l’autre. Huit à dix maisons de commerce ont été à cette époque victimes de la fureur populaire, un plus grand nombre pouvait le devenir. La cause était commune. Qui les a [5.2]sauvées ? Les chefs d’ateliers qui sont venus faire la garde à leur porte. Quelle sera leur récompense ? diminution des prix de façons. Le danger passé, tout a été oublié, et, chose inconcevable que l’on aura peine à croire, aucune souscription n’a été ouverte en faveur des victimes du 22 novembre. Le commerce n’est pas venu au secours du commerce, les épargnés ont passé de sang-froid devant les maisons saccagées, devant l’habitation de leurs confrères que le désastre avait atteints ; ils ont marché sur les cendres fumantes et leur cœur ne s’en est point ému, tandis que nous voyons journellement des associations d’ouvriers se former pour venir au secours de leurs confrères dans la détresse. Après tant d’égoïsme de la part de certains fabricans, peut-on les croire capables de s’appitoyer sur le sort des malheureux qu’ils occupent ? non ; le remède aux maux qu’endurent les ouvriers, c’est un tarif. Espérons donc que le gouvernement, mieux informé, s’empressera de l’adopter, si toutefois les jugemens rendus par le nouveau tribunal des prud’hommes, en faveur des ouvriers tullistes, sont portés à sa connaissance. Ils parlent assez haut, et font voir où est la mauvaise foi. » Agréez, etc. Pierre.
de l’urgence de donner de l’eau à la ville de lyon.1 M. A. S. dans ses considérations sur les eaux publiques de Lyoni, regarde avec raison comme un impôt prélevé sur les classes laborieuses le temps qu’elles sont obligées d’employer pour s’en procurer, il porte cet impôt à 379,600 fr. par an. Nous croyons devoir signaler à l’autorité l’état dans lequel se trouvent les puits, pompes et fontaines des quartiers élevés, et des côtes qui les avoisinent et y conduisent. L’eau de la fontaine de la place Sathonay coule si doucement que les personnes qui vont en chercher sont obligées d’attendre leur tour pendant une heure ; la fontaine du bas de la côte des Carmélites ne donne pas 40 litres d’eau par heure ; celles de la rue Vieille-Monnaie et de la cour du Soleil sont dans le même état, et au premier jour aucune ne donnera de l’eau. La pompe de la rue Tholozan est dans le même état. A la Croix-Rousse, les puits n’ont presque plus d’eau, et le peu que l’on en tire est de mauvaise qualité. Ainsi, pour avoir de l’eau il faut perdre aujourd’hui 2 heures par voyage, et chaque ménage en économisant l’eau n’en peut consommer moins de deux voyages ou quatre seaux, ce qui fait une dépense de quatre heures par jour, et demain l’eau venant généralement à manquer dans ces quartiers, la moitié de la ville sera forcée d’aller chercher de l’eau au Rhône et perdra, avec beaucoup de peine, un temps bien précieux. En ce moment les chaleurs sont excessives et peuvent durer encore long-temps ; l’administration doit donc, dès aujourd’hui, songer à pourvoir d’eau les quartiers qui en sont privés : rien ne doit l’arrêter ; il y a urgence ! Nous croyons, en attendant l’exécution des projets soumis, que nous ne pouvons ni ne voulons juger, devoir proposer un moyen. Ce moyen le plus simple et le plus facile, à notre avis, pour procurer facilement et en abondance de l’eau, serait de faire comme [6.1]cela se pratique à Paris, passer dans toutes les rues où l’eau manque, et au moins trois fois par jour, des voitures chargées d’un tonneau rempli d’eau potable, qui serait distribuée à cinq centimes le voyage. Ce mode de distribution couvrirait certainement les frais qu’il occasionneraitii. Ce moyen de donner de l’eau aurait encore un grand avantage dans le cas où un incendie viendrait à éclater dans les quartiers élevés qui manquent d’eau. Les hommes qui seraient chargés d’en distribuer, devant être à la disposition de l’autorité, fourniraient en peu de temps l’eau nécessaire pour alimenter les pompes à incendie. Nous croyons que M. le maire ne peut se refuser à former de suite une entreprise semblable, dont les avantages sont inappréciables et le besoin urgent. F.......t.
i M. Marius Chastaing a rendu compte de cet ouvrage dans le N° 37 de l’Echo, mais on ne saurait trop s’en occuper. Depuis longtemps une brochure aussi utile et aussi bien faite n’avait paru. ii Le peuple aurait de la bonne eau, car il serait facile de mettre au fond des tonneaux un lit de gravier ou de charbon qui clarifierait l’eau et la rendrait salubre.
AU RÉDACTEUR.
Monsieur, Veuillez insérer, dans votre prochain numéro, la lettre suivante que nous adressons au Courrier de Lyon. A M. le rédacteur du Courrier de Lyon. « Votre article du 11 courant, qui nous concerne et que nous lisons en arrivant de Paris, est une indigne fausseté. Il n’est pas vrai que nous nous soyons occupés de la réorganisation de la garde nationale de Lyon, et que nous ayons demandé et obtenu aucune audience du roi. Nous donnons à cet égard le démenti le plus formel au correspondant qui vous a communiqué cette absurde nouvelle. En vertu de la loi, nous vous sommons d’insérer notre réponse dans votre plus prochain numéro. Nous avons l’honneur, etc. » C. Depouilly. Cheze. Lyon, 18 juillet 1832.
AU MÊME.
Monsieur, Je vous prie d’insérer dans votre prochain numéro la lettre suivante : Dans votre numéro du 15 courant, M. David vous a fait insérer une lettre qui dit que nous avons copié les mécaniques dont nous avons reçu le brevet : cela est faux ; elles ne ressemblent nullement aux siennes, car il ne comprend même pas comment elles sont confectionnées. Ainsi, nous ne craignons pas les poursuites et les saisies que l’on pourrait diriger contre nous. Nous avons l’honneur, etc. DÉlÈgue et Bailly, brevetés, Rue St-George, n° 29.
AU MÊME.
Monsieur, Comme votre estimable journal est destiné à faire connaître tout ce qui peut être utile et avantageux pour la fabrique, et que chacun en son particulier doit coopérer à son perfectionnement, et à simplifier les opérations [6.2]dont elle est susceptible, je vous prie de bien vouloir insérer l’avis suivant dans votre journal. Je viens de faire confectionner un râteau, propre à plier les pièces de rubans séparées sur le rouleau, et faire de bords à chaque pièce avec la même facilité, que si l’on en pliait qu’une seule à la fois. Je pense que cela peut être utile à cette branche d’industrie, qui depuis quelques années à tant occupé de bras dans notre fabrique. J’invite MM. les plieurs et fabricans qui désireraient prendre connaissance dudit râteau, à se transporter chez moi, pour en reconnaître l’utilité, le râteau leur sera montré sans aucune réserve et gratuitement. J’ai l’honneur d’être votre dévoué serviteur. Dumas, Fabricant d’étoffes de soie, montée des Carmélites, n° 25, au 3e.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 19 juillet, (présidée par m. goujon.) La séance est ouverte à 6 heures 1/4. L’affaire entre les sieurs Troubat et Vernas et le sieur Desmaison n’a pu être entendue, ce dernier ayant fait défaut. La dame Wais déclare avoir pris en contravention le sieur Petit-Jean, manufacturier à Tournus, lequel occupait son apprentie qui s’en était allée de son atelier sans son consentement. Le sieur Petit-Jean déclare n’avoir eu aucune connaissance que la demoiselle dont il s’agit, eût été placée en apprentissage à Lyon ; qu’il occupait la mère à qui il confiait du coton pour dévider, lui laissant la faculté de s’adjoindre plusieurs personnes et qu’il ne pensait pas devoir être responsable de leur conduite. L’excuse n’est point admisei. Attendu qu’il est constant que le sieur Petit-Jean occupe l’apprentie de la dame Wais, le conseil déclare qu’il payera la somme de 80 fr, et les frais à la maîtresse, et qu’il aura son recours contre la mère de l’apprentie. Un maître réclamait également son élève à son père, ou le défrayement que portaient les conventions. Le père dit n’avoir jamais consenti à placer son fils en apprentissage ; que c’est sa femme qui a passé les engagemens avec le maître ; qu’il n’est pas maître chez lui et ne peut être engagé en rien. Attendu que le père de famille n’ignorait pas que son fils avait été placé en apprentissage par son épouse, le conseil le condamne à faire rentrer son fils de suite chez son maître, ou à lui payer la somme de 90 fr. de défrayement. La demoiselle Barbier avait pris une élève qui avait été placée ailleurs, et avait donné la somme de 180 fr. de défrayement à sa première maîtresse qui, pour cette somme, avait résilié les conventions. Cette apprentie, s’étant sauvée de l’atelier de la demoiselle Barbier, était allée travailler chez le sieur Frejet qui a été pris en contravention, les témoins ayant déclaré avoir vu travailler l’apprentie chez lui ; le sieur Frejet fait défaut. Attendu qu’il est constant que le sieur Frejet a reçu chez lui une apprentie qui n’avait pas satisfait à ses engagemens, le conseil déclare qu’il doit rembourser de suite [7.1]la somme de 180 fr, à la demoiselle Barbier, lui donnant tout recours contre l’apprentie. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur annonçant que le laçage de cartons vient d’être mis à la charge du fabricant. Dans une cause qui s’est présentée à cette audience, un fabricant vient d’être condamné à payer 10 fr. à un chef d’atelier pour cet objet. Le conseil après de mûres délibérations, a reconnu qu’il était souverainement injuste que l’ouvrier fit lacer les cartons qui sont la propriété du fabricant, et dont il est loin de pouvoir disposer, lors même qu’ils sont en activité. Nota. Plusieurs fabricans viennent de faire afficher dans leur magasin, qu’à compter du 1er août, ils paieront le laçage des cartons qu’ils n’auront pas fourni lacés.
i Des causes semblables se présentent toutes les séances. Nous ne saurions donc trop inviter les industriels de tous les états, à ne recevoir dans leurs ateliers que des ouvriers ou ouvrières munis de livrets ; ou, s’ils les acceptent comme élèves, à se procurer tous les renseignemens, afin de s’assurer s’ils n’ont contracté ailleurs des engagemens auxquels ils n’auraient pas satisfait.
M. Gamot a déposé, le 20 de ce mois, sa démission de membre du conseil des prud’hommes, entre les mains du président dudit conseil. Cette démission a quelque chose de déplorable ; un mot échappé dans un moment de vivacité, sans doute, prive le conseil des prud’hommes d’un négociant éclairé et d’un homme d’honneur. Cette démission nous met dans le cas de supprimer une lettre que MM. Charnier et Martinon nous avaient adressée, ainsi que les réflexions dont nous l’avions fait suivre. Nous voulions bien prêter nos colonnes à une polémique contre un fonctionnaire, mais nous croyons que ce fonctionnaire redevenu citoyen a droit à de plus grands ménagemens.
des locations. (Suite.) de l’occupation. Troubles apportés à la jouissance. Il est rare que des tiers viennent troubler un locataire dans la jouissance des lieux à lui loués. Si cela arrivait, de deux choses l’une : ou ce trouble ne serait qu’une rixe entre le tiers et le locataire ; alors ce dernier doit employer les voies légales de la police ou des tribunaux pour faire cesser ce trouble ; ou bien le locataire se prétend propriétaire de tout ou parties desdits lieux loués : alors le locataire doit dénoncer ce trouble au propriétaire et il a droit à une diminution proportionnée sur le prix de son bail, mais il doit bien avoir soin de signifier de suite ce trouble, autrement il perdrait son droit à cette diminution. Le même droit de résiliation de bail appartient au locataire s’il n’existe dans la maison aucuns lieux d’aisance, parce que sans cela, une maison n’est pas habitable. Il en serait de même, mais plus difficilement, si la maison est privée de pompes ou puits ; à moins que dans une circonférence peu éloignée, il existe, soit une pompe commune, soit une fontaine publique. Cette dénonciation doit être faite par exploit d’huissier : le propriétaire en remboursera le coûti Pendant la durée du bail, il peut y avoir lieu à des réparations. Elles sont de deux natures : 1° grosses réparations ; 2° réparations locatives. Les premières sont à la charge du propriétaire ; les secondes à la charge du locataire. Nous en parlerons après avoir traité des obligations du locataire. [7.2]Le locataire doit : 1° User de la chose louée en bon père de famille, sans faire ni souffrir qu’il soit fait aucune dégradation ; 2° En user suivant la destination qui lui a été affectée par le bail ; 3° Garnir les lieux loués de meubles suffisans ; 4° Payer le prix aux termes convenus. User en bon père de famille. Je n’ai pas besoin de définir ce que la loi entend par bon père de famille : tout le monde connaît et comprend cette locution. Celui-là n’est pas bon père de famille qui, par une conduite déréglée et brutale, trouble la paix du voisinage, nécessite l’intervention de la police. Il n’est pas non plus bon père de famille celui qui ouvre sa maison à des débordemens publics contraires à la morale. Dans une acception beaucoup plus restreinte, il n’est pas sans reproche le père de famille qui, soit par lui, soit par sa famille (et l’on renferme dans ce terme générique la femme, les enfans, les compagnons, ouvriers et domestiques), détériore la chose qu’il tient à bail et pour laquelle il remplace le propriétaireii. Ce dernier a, dans ces divers cas, suivant leur gravité, le droit de demander en justice l’expulsion de son locataire et la résiliation du bail, avec dommages-intérêtsiii. User suivant la destination. Il est aisé de concevoir que le locataire n’a pas le droit de changer la destination des lieux loués ; il est facile de le prouver, Un propriétaire loue une boutique à un orfèvre. Ce dernier peut-il avoir le droit de changer de profession, et de construire un four ou une forge, etc. ? Non, pour deux raisons ; la première relative au propriétaire. Il a pu avoir des raisons pour que son locataire exerçât soit un état de luxe, soit un état peu bruyant ; d’ailleurs il a loué à un individu exerçant telle profession, et non telle autre. La seconde relative aux voisins. Le propriétaire peut être convenu avec eux de ne pas introduire un locataire dont la profession serait en concurrence avec la leur. Il est bien entendu que le locataire qui a dans son bail la permission de sous-louer, ne peut pas davantage sous-louer à quelqu’un exerçant une industrie opposée à la sienne, que changer lui-même de profession. Ce paragraphe mérite une explication ; et l’on peut demander si par exemple un orfèvre peut se mettre horloger ou sous-louer à un horloger. La solution de cette question ne peut être faite que d’après les circonstances. Nous pensons que la profession étant analogue, il ne peut y avoir d’empêchement qu’autant que cela nuirait à un voisin de la même maison, exerçant cette même profession ; en ce cas le propriétaire a le droit de s’y opposer : il en est de même pour toutes les autres professions. Ainsi, deux règles générales qu’on ne peut enfreindre ni directement ni indirectement, par soi-même ou par voie de sous-location. On ne petit substituer un état bruyant à une profession paisible, on ne peut faire concurrence à un autre locataire dans quelque état que ce soit, sans le consentement du propriétaireiv qui est libre de le donner ou de le refuser. Par une même raison, le locataire qui, dans le bail, a pris la qualité de rentier ou s’est dit exercer une profession [8.1]quelconque, et qui sous-loue à des filles publiques, change la destination des lieux loués, et doit être expulsé sur la demande du propriétaire. Si cette sous-location n’a pas été faite directement par lui, mais à un tiers qui introduit des filles, il n’en est pas moins responsable vis-à-vis du propriétaire, faute par lui de faire cesser cet état de chose, sur la dénonciation qui lui en est faite par exploit d’huissier ; autrement la fraude serait facile, puisqu’il pourrait sous-louer à un homme de paille qui ne serait que son prête-nom. Les locataires, quoique incommodés par un pareil voisinage, n’ont pas le droit de demander cette expulsion ; ils peuvent seulement, s’ils ont un bail antérieur, demander contre le propriétaire la résiliation de leur bail, après l’avoir mis en demeurev. Nous observerons néanmoins que cette résiliation est laissée à la discrétion des juges qui consultent à cet égard les lieux et la position des parties. Ils peuvent aussi s’adresser à la police, en cas de bruit ; mais elle n’est pas tenue de faire droit à leur réclamation. (La suite au prochain N°.) Marius Ch.....g.
i On appelle coût, en style de palais, le montant total d’un acte, lequel se compose, 1° des déboursés ; 2° des honoraires attribués à l’officier ministériel pour cet acte. ii Personne n’ignore que le père de famille est civilement responsable des fautes que commet sa famille, et la famille se compose de tous les individus dont nous avons parlé dans le présent paragraphe. iii Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais qui te fût fait, ne alteri feceris quod non tibi vis fieri. iv Le locataire dont la profession craint la concurrence, doit faire stipuler dans son bail que le propriétaire ne pourra louer a aucun autre individu de sa profession. S’il ne l’a pas fait, il a cette faute à s’imputer. v On appelle mettre en demeure, signifier par huissier un acte extrajudiciaire, portant sommation de faire telle ou telle chose. Cet acte précède toute instance, mais il n’en fait pas partie, ce qui fait qu’on le nomme extrajudiciaire, c’est-à-dire hors jugement.
VARIÉTÉS.
Une société de tempérance vient de se former à Chelmsford, en Angleterre. L’un des orateurs, qui a pris la parole pour faire sentir la nécessité de son organisation, a insisté sur l’énorme consommation de liqueurs fortes qui se fait dans ce pays, et sur la perte d’argent qui en résulte pour le peuple. Dans une seule année, on a payé les droits sur 27,000,000 de gallons, qui formeraient une rivière de cinq pieds de profondeur, de quarante pieds de large et de cinq milles de long ; et dans le même espace de temps, plus de seize millions de livres sterling ont été dépensés par les pauvres pour des liqueurs spiritueuses. - Il y a eu au Mexique une loi d’après laquelle celui qui a tué un homme en duel est responsable de toutes les dettes de sa victime. Nous pensons qu’une pareille disposition, contre laquelle ne se révolterait pas le préjugé national, qui refuse de considérer le duel comme un assassinat, mériterait de trouver place dans nos codes, et serait un moyen de rendre moins fréquens des crimes dont nous avons eu à déplorer depuis quelques mois tant d’exemples. - La prison de Genève vient d’offrir un exemple remarquable d’un bon régime pénitentiaire. En 1829, le nommé Pierre Pélissier, du village de Brand en Savoie, avait été condamné à 4 ans de réclusion. Dès-lors sa conduite dans cette prison a été exemplaire ; grâce au régime adopté pour les détenus, il a appris à lire et à écrire, et rédigé lui-même sa pétition à la commission de secours, laquelle lui a fait grâce des seize derniers mois de sa réclusion. Pélissier, entré tout nu en prison, le jour de son élargissement avait 168 fr. qu’il avait gagnés et économisés pendant ses 32 mois de captivité. Quand un pareil régime existera-t-il en France ? [8.2]Epitaphe arithmétique trouvée sur le tombeau de Benjamin Constant, à l’imitation de celle de Maurice de Saxe.
Ci-gît qui combattit avec son sens comm' |
1
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L'empire et les Bourbons, et les vainquit tous |
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Des pouvoirs réunis sous le nombre de |
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Il adopta l'esprit sous un fils d'Henri |
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Mais il se déclara l'ennemi d'Henri |
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Sur le banc des ministres il se serait as |
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Car il aurait été le plus digne des |
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Mais la mort le surprit en décembre |
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Cherchant la liberté comme en quatre-vingt |
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Passant, pour son repos dis un De profun |
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B. B. vêtemens a l’épreuve du feu. Un fumiste de Constantinople vient de faire établir des vêtemens fabriqués en crin de cheval, qui peuvent s’imprégner d’une quantité d’eau évaluée à 150 livres, et être portés en cas d’incendie. Ils résistent pendant long-temps à la violence des flammes. (J. de chim. méd.1)
ANNONCES DIVERSES.
[40] Le sieur David prévient les chefs d’ateliers et dévideuses, qu’il adapte son nouveau procédé aux anciennes mécaniques rondes et longues, soit pour le dévidage, trancanage et pour les canettes, ensemble ou séparément. Par ce moyen, les anciennes mécaniques deviennent telles que celles de son invention : le tout à un prix très-modéré. Il fait aussi toutes sortes d’échanges de ses nouvelles mécaniques avec les anciennes ; ce qui fait qu’il a toujours chez lui un assortiment de mécaniques à dévider, en rencontre, à bon marché et avec garantie. Place Croix-Paquet, au bas de la côte St-Sébastien. Les sieurs Déleigne et Bailly, mécaniciens, rue St-George, n° 29, à Lyon, préviennent messieurs les fabricans, chefs d’ateliers et dévideuses qu’ils viennent d’obtenir un brevet d’invention et de perfectionnement d’un nouveau genre de mécaniques rondes, dites à roue volante, propres à dévider, trancanner et faire des cannettes à plusieurs bouts, de toutes sortes de soie. Par un nouveau procédé, elles suppriment rouleaux, cordages et engrenages, et sont supérieures à toutes celles qui ont paru jusqu’à ce jour. Les broches tournant par une seule roue qui tourne horizontalement, font qu’elles tournent toutes régulièrement. Ces mécaniques sont d’une grande simplicité, et offrent beaucoup d’avantage à l’acquéreur. On les livre à un prix très-modéré avec garantie. A vendre, deux métiers de schalls lancés, grenadine, en 6/4, mécanique en 900 avec tous ses accessoires, et un appartement à louer, ensemble ou séparément. S’adresser à M. Lambert, rue impasse du boulevard St-Clair, n° 3. (54) Banques à jour et à placards, meubles de marchand-fabricant, plusieurs milliers de roquets, mettage en mains, trafusoir, trancanoir, peignes 28 portées 50 centimètres, 34 portées 59 centimètres et en divers autres comptes et largeurs, le tout presque neuf, à vendre en gros ou en détail, rue des Capucins, n° 27, à l’entresol. [56] A vendre, un quinquet à grande coupole et à deux branches, propre pour comptoir ou café. S’adresser à M. Meunier, Grande-Côte, n° 66. [57] A vendre, une bonne mécanique en 600 et son corps empouté en 8 chemins 11/24. A vendre, un remisse en 5/8 en soie, 70 portées, tout passé, avec le peigne, le tout en très-bon état, n’ayant qu’à tordre et travailler. [45] Plusieurs Navettes en cuivre à vendre. [52] On demande un ouvrier pour métier schalls au quart en 5/4. S’adresser au bureau du journal.
Notes (LYON. le courrier de lyon monomane.)
L’auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Si l’on assimile les ouvriers seuls, aux prolétaires, ils constituèrent un groupe très minoritaire puisque tard dans le siècle, ils ne représentaient encore que 26.7 % de la population (voir Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France, Paris, Le Seuil, 1998, p. 284). Rappelons que le choléra sera déclaré non contagieux par les enquêteurs de 1834, car il est associé prioritairement à la misère et aux conditions de vie (voir George Vigarrello, Histoire des pratiques de santé, Paris, Le Seuil, 1999, p. 200).
Notes (LA MERCURIALE.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (l’impôt progressif . L’assiette de...)
L’auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (abus dans les renvois en conciliation ....)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Sur la lettre de M. Pierre , insérée dans...)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (de l’urgence de donner de l’eau à la ville...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (JURISPRUDENCE USUELLE.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (VARIÉTÉS.)
Il s’agit du Journal de chimie médicale, de pharmacie et de toxicologie, dont la première série fut publiée entre 1825 et 1834.
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