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13 novembre 1831 - Numéro 3 |
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LYON.
[1.1]Nos lecteurs nous sauront gré de la publicité que nous allons donner à une pièce assez curieuse qui, dit-on, a été portée à Paris par quelques négocians de notre ville. Nous la publions littéralement, nous réservant de démontrer, dans ce même Numéro, avec quelle insigne fausseté on a dénaturé les faits et dans quel esprit elle a été rédigée, faisant grâce à tous les contre-sens et aux fautes de style dont elle fourmille.
L'une des plus graves questions qui puissent s'agiter dans nos sociétés modernes, où les intérêts matériels occupent une si grande place, vient d'être tranchée, à Lyon, avec une incroyable légèreté. C'était celle du paiement de la main-d'œuvre de l'ouvrier par le fabricant pour lequel il travaille. A cette question s'en rattachaient d'autres d'administration et d'ordre public. Nos autorités ont montré qu'elles n'en comprenaient aucune. Voici les faits : Depuis quelques années, la fabrique de Lyon ayant à soutenir la concurrence de celles de l'étranger, a été obligée de réduire progressivement le prix de ses étoffes. Sans cette réduction, il est incontestable qu'elle eût été depuis long-temps sans travail, et particulièrement depuis dix-huit mois. Tout le monde sait que le résultat momentané des derniers événemens politiques a été d'arrêter la vente des produits manufacturés en France et sur le reste du continent. Cet effet d'une cause majeure n'est pas entièrement cessé, et d'ailleurs le choléra [1.2]pourra bien continuer la langueur du commerce commencée par l'appréhension de la guerre générale. Dans ces circonstances, le débouché qu'a offert et que peut offrir encore à l'industrie lyonnaise l'Amérique du nord est, sans contredit, le plus important de tous. Mais les affaires avec ce pays, par-là même qu'elles sont très-considérables, n'offrent qu'un bénéfice extrêmement limité. L'on comprendra donc que la façon des étoffes fabriquées pour cette destination ait dû être également très-restreinte. Cette façon qui serait relativement très-considérable pour un ouvrier habitant la campagne, est actuellement tout-à-fait minime pour un ouvrier de Lyon, à cause de la cherté des locations et des subsistances, et encore, il faut bien le dire, à cause de certains besoins factices qu'on ne manque jamais de se créer au sein d'une grande ville. Au lieu d'attendre du retour de l'activité industrielle l'augmentation du prix de la main-d'œuvre, les ouvriers ont imaginé de l'obtenir au moyen d'un accord entre eux. Dire quel est l'auteur ou les auteurs du plan qui a été conçu à cet égard, serait sans doute difficile ; toujours est-il qu'il a été exécuté avec un ensemble parfait, qui révèle une organisation récente, source future et certaine d'embarras pour notre ville. Au commencement d'octobre, les ouvriers avaient eu déjà des réunions partielles, quand fut résolue une grande assemblée sur la place de la Croix-Rousse, à l'effet de nommer des commissaires chargés de stipuler, soit avec les autorités, soit avec les fabricans. Il faut bien remarquer que cette assemblée avait pour but de nommer des délégués et non pas des chefs, car ils en avaient déjà. Ils étaient déjà partagés en circonscriptions de quartiers et de rues, [2.1]chaque division ayant à sa tête un supérieur chargé de correspondre avec le bureau central qui tenait ses séances dans une maison de la Croix-Rousse. Tout cela s'était fait à l’insu ou au mépris de la vigilance municipale. Il est vrai de dire que le commissaire central de police, averti de la grande réunion qui avait lieu, s'y était transporté, et après avoir écouté les doléances de ceux qui paraissaient les chefs du rassemblement, leur avait conseillé une démarche paisible et régulière auprès des autorités civiles pour leur exposer les besoins et les vœux de la classe des ouvriers tisseurs. Ce conseil était sage, nous ne savons s'il aurait été suivi ; mais notre mairie n'en attendit pas l'exécution, elle alla elle-même au-devant des réclamations. Si les délégués des ouvriers se fussent présentés spontanément auprès des magistrats, ceux-ci auraient pu s'étonner et se plaindre des rassemblemens qui avaient eu lieu, ils auraient été en droit de demander par qui tout cela avait été préparé, organisé. Mais M. l'adjoint, remplissant les fonctions de maire de Lyon, agit différemment. Avant que les délégués des ouvriers eussent pris l'initiative d'une démarche, il en choisit douze sur le nombre total qu'il convoqua à l'Hôtel-de-Ville, reconnaissant et sanctionnant par-là leur nomination irrégulière, peut-être même factieuse, puisqu'elle avait eu lieu par voie d'attroupement, sur l'appel d'on ne sait qui. Cette faute est la première de ce magistrat, qui en commit immédiatement deux autres ; celle d'appeler douze fabricans pour discuter les réclamations des ouvriers devant eux, et celle de s'abtenir de paraître à une réunion qu'il aurait dû présider lui - même. (Ceci avait lieu le 11 octobre.) Il ne faut point laisser passer, sans le remarquer, le piège tendu aux fabricans appelés à cette réunion. La lettre de convocation était ainsi conçue : « J'ai l'honneur de vous inviter à venir dans une des salles de l'Hôtel-de-Ville, demain à dix heures du matin, pour parler d'affaires qui intéressent la fabrique de Lyon. Boisset, adjoint. » Les douze fabricans durent croire et crurent, en effet, qu'il s'agissait de donner avis à M. le maire sur les événemens qui se passaient ou se préparaient, et non point d'entrer en discussion d'intérêts avec les représentans des ouvriers mutinés, sans préparation, sans intermédiaire. Une marche bien simple était indiquée par la raison dans cette affaire. La mairie de Lyon, après avoir pris connaissance de l'exposé des griefs des ouvriers, aurait pris le temps et les précautions nécessaires pour s'assurer de leur réalité ; elle aurait pu s'entourer de tous les renseignemens possibles, faire expliquer sur ce sujet, en toute indépendance et toute liberté, soit les individus, soit le conseil des prud'hommes et la chambre de commerce, et enfin apporter des remèdes prudens aux maux qu'elle aurait reconnus vrais. Mais, au contraire, l'on a commencé par mettre en présence, et pour ainsi dire aux prises, deux classes d'intérêts opposés, et des hommes dont la moitié regardait l'autre comme ses persécuteurs. Il est arrivé de là qu'il n'y a pas eu liberté morale pour tout le monde ; nier cette vérité, serait méconnaître le cœur humain. Dans cette réunion, qui a peut-être été la plus importante de toutes celles qui ont eu lieu depuis le commencement de cette affaire, parce qu'elle a ouvert la mauvaise voie dans laquelle on s'est malheureusement engagé, les ouvriers ne se contentèrent pas d'exposer leurs griefs ; profitant de la position dans laquelle on les avait laissé mettre, ils demandèrent formellement une augmentation arbitraire du prix des façons ; et, traitant comme de puissance à puissance, ils proposèrent la [2.2]fixation d'un tarif dont ils s'étaient déjà occupés entre eux. On sent facilement tout l'embarras que durent éprouver les fabricans présens pour combattre cette proposition qu'ils savaient être illégale et contraire même aux intérêts bien entendus de ceux qui la faisaient, mais qui était présentée comme l'expression de l'opinion unanime des masses qu'on ne devait pas, disait-on, irriter et porter à des excès. En toute circonstance, il faut considérer les hommes, non pas tels qu'ils devraient être, mais tels qu'ils sont. Or, il est arrivé dans cette occurence que des fabricans qui, le 31 juillet 1830, n'avaient pas craint de braver les baïonnettes sur la place publique, n'ont pas osé encourir le reproche, même mal fondé, d'inhumanité, et exposer leur existence manufacturière au ressentiment des ouvriers, en combattant ouvertement leurs prétentions. Si nous tenons tant à faire remarquer que le langage des fabricans devant les ouvriers a pu et dû être différent de ce qu'il aurait été hors de leur présence ; si nous avons insisté si minutieusement sur tous les détails qui précèdent, c'est que la triple faute que fit l'autorité municipale de Lyon : 1° en prenant l'initiative auprès des ouvriers en quelque façon soulevés ; 2° en mettant les fabricans en collision avec eux ; 3° en s'abstenant de paraître dans une assemblée qu'elle avait provoquée ; cette faute, disons-nous, a été la cause et l'excuse de toutes celles qui ont suivi. Les délégués des ouvriers, en se retirant de cette réunion où leur demande avait été faiblement contredite, répandirent partout qu'un tarif du prix des façons allait être établi, et, dès ce jour-là, s'assemblèrent tous les soirs pour travailler à le faire selon leurs vœux. Voilà l'origine de cette opinion des masses, qu'on a alléguée, plus tard, comme un fait irrésistible, dominant toutes les considérations, nécessitant toutes les concessions. Le conseil des prud'hommes, réuni en entier la veille, 11 octobre, s'était déjà prématurément occupé de cette affaire. Mais la composition ne permettait pas qu'il portât à cet égard un jugement bien sain, auquel on pût entièrement se rapporter. Certains membres étaient partisans-nés d'une augmentation du prix des façons, quoique soudaine et considérable ; d'autres membres n'étaient pas en position d'en entrevoir toute la portée. Ainsi, les prud'hommes ouvriers en soie ne voyaient dans la question d'un tarif que l'intérêt direct et immédiat de leur classe ; les prud'hommes des autres professions, telles que la chapellerie, la fabrique de tulles, des bas, etc., n'y considéraient que l'intérêt de la ville, intérêt qui peut n'être pas toujours identique avec celui de l'industrie de la soierie, comme cela est facile à prouver. Les fabricans formant à peine le quart de la réunion représentèrent vainement l'illégalité flagrante et les dangers subséquens de la fixation d'un tarif ; leur opinion ne prévalut pas ; et comme ils se virent en grande minorité, ils ne firent pas constater leur opposition, circonstance qui a laissé croire que la délibération avait été prise à l'unanimité, ce qui n'est pas. L'on avait beaucoup insisté, dans cette séance du conseil des prud'hommes, sur la crainte d'irriter les ouvriers ; c'est encore la grande considération que l'on fit valoir dans une séance de la chambre de commerce convoquée à la Préfecture le 15 octobre. Là, les vices et les dangers du tarif furent formellement reconnus par chacun des assistans en présence de M. le Préfet ; cependant, presque tous l'admirent comme une fâcheuse nécessité, dans la crainte des excès auxquels se porteraient les masses soulevées, si l'on trompait leur attente. Toutefois un fabricant des plus distingués, maire d'une commune de dix-huit mille ames, protesta jusqu'au [3.1]bout, et exigea que son opposition fût constatée dans le procès-verbal. Ainsi, les bonnes raisons ne manquèrent pas dans cette assemblée, à laquelle assistaient les chefs du département et de la cité. A la même époque, parut dans le journal le Précurseur2une série de trois articles consécutifs qui présentaient la question sous son véritable jour. Les autorités civiles ont donc eu toutes les lumières nécessaires pour s'éclairer dans la circonstance, et si elles ont suivi une conduite contraire à la fois aux intérêts de l'industrie et de l’ordre, ce n'est pas faute de renseignemens. Au lieu de dissiper les craintes d'une émeute dans l'esprit des prud'hommes, des membres de la chambre de commerce et des personnes appelées à donner leur avis, elles semblaient s'attacher à les entretenir et à les propager. Par manque de prévision et par faiblesse, elles avaient laissé s'organiser et se rassembler des masses populaires, et elles s'armaient de ce fait qui leur était tout entier imputable, comme pour arracher de déplorables concessions. Le 21 octobre, M. le préfet convoqua dans son hôtel vingt-quatre fabricans et vingt-quatre délégués des ouvriers pour fixer ensemble le prix des façons ; car son opinion était alors déjà formée, et ce magistrat ne voyait d'autres moyens de rétablir l'ordre que de céder aux volontés de ceux qui le troublaient, et d'autre service à rendre à l'industrie lyonnaise que l'établissement arbitraire d'un tarif qui devait la priver immédiatement de la fabrication d'une grande partie de ses produits habituels. Dans cette réunion où les fabricans et les ouvriers étaient de nouveau en présence, les premiers ne furent pas admis à discuter la convenance d'un tarif ; ils furent positivement avertis qu'ils n'avaient qu'à s'occuper de la fixation au minimum du prix des façons, contradictoirement avec les délégués des ouvriers. Mais ils répondirent : Ce que M. le préfet devait bien savoir, qu'ils n'avaient aucune mission pour faire une chose aussi capitale ; et sur cette objection imprévue, M. le préfet s'empressa de déclarer que les fabricans seraient tous prochainement convoqués pour nommer des représentans chargés de concourir à cette œuvre, à l'égard de laquelle son parti paraissait si bien pris. Mais il ne leva pas la séance sans demander en quelque façon excuse aux délégués des ouvriers du retard apporté à l'accomplissement de leurs désirs, et sans les prier d'employer leur autorité pour empêcher une émeute dans l'intervalle qui allait s'écouler jusqu'à une nouvelle réunion. Sans doute, l'appréhension d'une émeute est concevable et, à certains égards, même louable de la part d'un magistrat ; mais trembler ainsi devant ceux qui l’ont dans leurs mains, ce n'est pas la prévenir, c'est la provoquer. La preuve en est dans ce qui se passa le soir du même jour. Une affiche posée à la tombée de la nuit, ayant annoncé que tous les fabricans étaient convoqués pour le lundi 24 octobre, à l'effet de nommer des commissaires pour concourir à la fixation d'un tarif au minimum du prix des façons, quelques centaines d'ouvriers parcoururent le quartier où sont les principales maisons de fabrique, en proférant des vociférations incendiaires et des menaces de mort, qui eurent pour effet de faire fermer les magasins dans la rue des Capucins et les rues adjacentes. Le lendemain, l'on s'attendait à voir quelques mesures ou du moins quelque affiche concernant les attroupemens tumultueux. Il n'en fut rien, le fait ne parut pas assez grave à nos magistrats. Le 24 octobre il ne se présenta dans les trois sections où l'on devait, sur l'appel de l'autorité, nommer des commissaires pour le tarif, que cent quarante fabricans [3.2]sur près de six cents convoqués. Encore demandèrent-ils que l'on commençât par voter sur la question de savoir si, dans la circonstance, il y avait lieu de faire un tarif. Mais dans chaque section, le président sans doute, par suite des instructions qu'il avait reçues, s'y refusa formellement, disant que l'assemblée avait un but déterminé duquel il n'était pas possible de s'écarter, qu'il fallait procéder à la nomination du nombre désigné de commissaires, et que ces commissaires auraient sans doute le droit d'examiner la question qui se représenterait à eux toute entière. Ce fut après ces préliminaires que la cinquième partie au plus du corps des fabricans, réunie en trois sections, nomma vingt-quatre membres, qui, suivant l'annonce publique précédemment faite, devaient se réunir le lendemain 25 à la Préfecture avec les délégués des ouvriers. Dans la soirée qui suivit leur nomination, les vingt-quatre représentans prétendus de la fabrique se réunirent chez l'un d'eux, et là, rédigèrent une lettre adressée à M. le Préfet, dans laquelle ils le prévinrent que, si la place de la Préfecture contenait des rassemblemens au moment de la délibération à laquelle ils étaient appelés, ils croiraient devoir s'en abstenir, ils le priaient en conséquence de prendre des mesures pour empêcher ou dissiper les attroupemens. Mais il n'en fut pris aucune ; le simple déploiement de quelque force militaire aurait prévenu ce qui est arrivé, et ce magistrat paraît, depuis le commencement de cette déplorable affaire, avoir marché constamment vers un but déterminé, l'établissement d'un tarif pour satisfaire à quelque prix que ce fût les ouvriers, et échapper ainsi à une émeute. Messieurs les fabricans, en se rendant à cette réunion du 25 octobre, s'imaginaient, d'après ce qu'avaient dit les présidens des sections, pouvoir discuter le meilleur parti qu'il y aurait à prendre dans la circonstance, il n'en fut rien ; M. le Préfet ne permit qu'une chose, la fixation d'un tarif. Au moins ils croyaient être venus pour débattre réellement et librement les bases de ce tarif ; impossible encore : les bases en étaient toutes arrêtées d'avance par les maîtres ouvriers qui avaient mis trois semaines à les délibérer entr'eux. C'est alors que commença une série de choses scandaleuses dont le récit ne peut être que très-imparfaitement rapporté. Dès le matin, les ouvriers qui, comme nous l'avons dit en commençant, s'étaient donné une organisation que les magistrats avaient ignoré ou permise, et que l'on déplorera un jour amèrement, les ouvriers, disons-nous, quittèrent leurs métiers suivant un ordre donné, et vinrent se ranger sur la place de la Préfecture et lieux circonvoisins au nombre de cinq à six mille, marchant par escouades de deux rangs de dix hommes, commandées par un chef de peloton. Quelqu'un avertit le Préfet de l'arrivée de cette foule autour de son hôtel ; l'on s'imaginera que ce magistrat prit aussitôt des mesures pour assurer la liberté morale de la délibération qui se préparait, en faisant rentrer dans leurs quartiers respectifs ces milliers d'hommes venus de toute part avec des intentions faciles à deviner ; il se contenta de descendre dans la cour déjà entièrement obstruée, de leur adresser quelques paroles obligeantes et de les prier de débarrasser les abords de son hôtel. Cette foule docile à la prière du Préfet, qui devint un ordre en passant par la bouche des chefs du rassemblement, se retira, non pas dans les quartiers d'où elle était sortie, mais sur la place Bellecour, c'est-à-dire, à cinquante toises du lieu où les délégués des ouvriers soumettaient aux fabricans le tarif qu'ils avaient préparé, comme condition de la tranquillité publique, et resta là pendant cinq [4.1]heures, attendant sans doute ce qu'on lui ordonnerait de faire. A peine une discussion dérisoire était elle commencée dans les salons de la préfecture, qu'un fabricant, chef d'une maison dont l'industrie donne les moyens d'existence à plus de mille ouvriers de divers genres, se plaignit de l'espèce de guet à-pens où il avait été attiré lui et ses collègues ; il déclara que les prix fixés dans le tarif exigé par les ouvriers étaient tels qu'ils auraient pour effet certain de transporter à l'étranger la fabrication de la plus grande partie de l'étoffe unie, et de laisser, à Lyon, sans ouvrage plusieurs milliers de métiers. Ce fabricant ajouta que, ne voulant prendre aucune part à une mesure désastreuse pour la classe ouvrière elle-même, et par suite pour la tranquillité de la ville, il croyait devoir se retirer ; ce qu'il fit en effet. Les autres fabricans qui restèrent se flattaient encore de l'espoir d'amener les ouvriers à des propositions raisonnables et qui pourraient tout concilier. Mais ceux-ci alléguaient que le tarif apporté par eux, était celui que leurs commettans leur avaient remis pour le faire adopter (et il faut se rappeler que cinq à six mille de ces commettans étaient en expectative à quelques pas de là.) Les prétentions des ouvriers, il faut bien le dire, trouvaient un singulier encouragement et un merveilleux appui dans les recommandations de M. le préfet aux fabricans de vouloir bien se presser et d'en terminer au plus tôt ; recommandations qui avaient commencé une heure après l'ouverture de la séance. L'on voit jusqu'à quel point les fabricans délibéraient librement ; ce n'est rien encore, rien auprès de ce qui va se passer. Sur les quatre heures, le bruit se répand parmi les ouvriers qui stationnaient à Bellecour que la fin de la délibération est renvoyée à deux jours. Aussitôt ils se précipitent dans la rue St-Dominique, se dirigeant sur la préfecture, et criant : « Point de renvoi. » Le commissaire central de police, qui était sur les lieux, court à la tête de la colonne, et, pour l'arrêter, il déclare que le bruit répandu est sans fondement. M. le commissaire disait vrai ; il n'y avait pas de renvoi. Mais pourtant il pouvait, ou plutôt il devait avoir lieu, car huit jours auraient à peine suffi à un travail aussi compliqué que la fixation du minimum des prix des façons de plusieurs centaines d'articles différens. Eh bien ! dans ce cas, que serait-il donc arrivé ? On le devine suffisamment. Aussi, dès que l'annonce de ce qui se passait à l'extérieur se répandit dans les salons de la préfecture, il ne fut plus possible de continuer la moindre discussion. « Dépêchez-vous, disait M. le préfet, finissez-en, etc. » Quelques fabricans étaient en voie d'obtenir quelques réductions de ceux des délégués des ouvriers avec lesquels ils étaient abouchés. Mais quand on annonça qu'on ne pouvait plus contenir les rassemblemens, il fallut bien tout terminer, ou plutôt tout accepter ; c'est en effet ce qui arriva. La place de la Préfecture s'était de nouveau remplie, ainsi que la cour de l'hôtel ; les escaliers mêmes avaient été envahis, et tout-à-fait à la fin de la séance, l'on n'ouvrait que difficilement les portes extérieures des appartemens où se tenait la réunion, tellement elles étaient encombrées. Enfin, M. le préfet descendit lui-même pour annoncer le résultat aux ouvriers qui l'accueillirent avec de grandes démonstrations de joie, après quoi ils se retirèrent dans le même ordre que lorsqu'ils étaient venus. Ceux qui étaient de la Croix-Rousse suivirent, comme ils l'avaient fait le matin, la rue des Capucins dans toute sa longueur en poussant de grands cris, ce qui ressemblait assez à une provocation, attendu que ce quartier est le centre des maisons de fabrique, et que [4.2]cette troupe n'avait nul besoin de suivre cette route pour arriver à sa destination. Le lendemain, le tarif n'étant point affiché dans la matinée, les meneurs contraignirent encore ce jour-là, même avec violence, comme ils l'avaient fait la veille, les ouvriers paisibles à quitter leurs métiers pour venir former des rassemblemens destinés à se porter en ville. Enfin, le surlendemain 27 octobre, il fut affiché avec un préambule portant qu'il avait été librement débattu et consenti, ce qui était une amère dérision, et après cela, nos magistrats crurent avoir acquis du repos pour long-temps. Nous venons de rapporter les faits ; nous devons maintenant nous expliquer sur leurs conséquences. Indépendamment de ce qu'un tarif est une chose en complet desaccord avec nos lois et notre état politique, celui qu'on vient d'établir à Lyon annule, de compte fait, pour notre industrie, un tiers ou une moitié des articles qui se fabriquent à Lyon. En parcourant la nomenclature des nouveaux prix des façons, l'on peut se convaincre que l'augmentation qu'on y a faite élèvera certains articles façonnés à peu près au taux auquel le fabricant les livre à la vente ; tel autre article deviendra de 15 à 20 pour cent plus cher que le cours auquel seulement il trouve de l'écoulement ; et enfin la totalité de l'étoffe unie en qualité légère, qui forme plus de la moitié de l'exportation de nos produits en soierie, se trouve frappée de 20 centimes à l'aune ou 8 pour cent au moins sur la valeur totale : différence énorme, quand on considère que nous sommes en concurrence avec les fabricans de la Prusse et de la Suisse, et que nous ne pouvons depuis long-temps soutenir la lutte que par la modicité du gain, soit du fabricant, soit de l'ouvrier. L'étoffe unie, en forte qualité, peut, il est vrai, supporter cette augmentation, parce qu'elle s'adresse à la haute consommation ; mais cette sorte de produits ne doit pas entrer pour un dixième dans l'appréciation de ceux de la fabrique lyonnaise. De toutes les déplorables concessions faites aux ouvriers, la plus inconcevable est celle en vertu de laquelle le tarif a été rendu exécutoire à dater du 1er novembre, et d'où il est résulté une perturbation immédiate dans les affaires. En effet, il y a toujours en fabrique des commandes pour deux ou trois mois environ ; or toutes les commissions données depuis quelques jours, ou sur le point d'être données, étant basées sur le taux des façon des mois d'octobre et de septembe, il est arrivé que les fabricans en ont rendu une grande partie, et en ont refusé d'autres qui les auraient constitués en perte. L'autorité doit donc songer à mettre en réserve de quoi nourrir quelques milliers de personnes qui vont se trouver à peu près sans pain à l'entrée de l'hiver ; car l’on sent bien qu'il n'y a aucun moyen de persuasion qui puisse engager des manufacturiers à continuer un genre de fabrication qui les ruinerait au bout d'un certain temps. Nous ne nous sommes point hâtés de réclamer auprès de l'administration supérieure, parce que, dans le premier moment, notre démarche eût pu paraître le résultat de l'irritation. C'est donc avec calme, avec réflexion que nous venons aujourd'hui signaler le mal, et déclarer qu'il est déjà commencé. La plupart des métiers dont les pièces ont été finies depuis huit jours, n'ayant pas été remontés par les causes que nous avons expliquées, les ouvriers ont prétendu qu'il y avait complot contre eux de la part des fabricans. De là des propos menaçans, de là des attroupemens qui effraient certains quartiers, de là quotidiennement la mise en armes de la presque totalité de la garde nationale, de là enfin, [5.1]désordre dans la fabrique et bientôt peut-être dans la ville. Nous avons exposé nettement l'état des choses et ses conséquences inévitables ; nous venons maintenant demander au gouvernement de faire en sorte que notre administration comprenne les intérêts de notre industrie et assure la tranquillité de notre ville. Des chefs d'établissemens qui livrent annuellement à la consommation intérieure et à l'exportation, pour quatre-vingt millions de produits, ont droit de compter sur une haute protection qui sans doute ne leur manquera pas.
Un exposé des faits, un mémoire (et nous avouons que nous n'avons pas été assez intelligens pour savoir quel titre lui donner) vient d'être, dit-on, envoyé à Paris, escorté par quelques négocians. Cette pièce, dont l'ensemble est assez insignifiant, même obscur, contient des accusations graves, tant contre les magistrats que contre la classe industrielle de notre cité. L'auteur ou les auteurs de ce mémoire ont écrit pénétrés d'un sentiment de haine, et par conséquent n'ont pu dire la vérité. Nous allons les suivre dans leur digression, et peut-être trouvera-t-on que nous sommes trop indulgens. Nous lisons au deuxième paragraphe : Que l'ouvrier se crée des besoins factices dans une grande ville ; voilà les auteurs du mémoire pensant que l'ouvrier, semblable au serf des colonies militaires russes, ne doit point trouver d'adoucissement à ses travaux, et que pour eux seuls sont établis les lieux de délices, qui font quelquefois oublier à l'homme et ses peines et son infortune. Dans ce mémoire on fait un crime de ce que M. l'adjoint Boisset avait fait appeler douze délégués des ouvriers avant que ces derniers eussent pris l'initiative, reconnaissant et sanctionnant par-là leur nomination irrégulière, peut-être factieuse. MM. les délégués des ouvriers devaient aller le lendemain chez M. l'adjoint Boisset ; il est vrai qu'il les prévint, non pas pour sanctionner une nomination, qui certes n'avait rien d'hostile, mais par ce devoir que doit s'imposer tout magistrat vertueux, d'aller au-devant du besoin de ses administrés ; et, d'ailleurs, M. l'adjoint, remplissant les fonctions de maire, ne voyait pas, comme les auteurs du mémoire, des factieux dans quelques chefs d'ateliers, tous pères de famille, qui, dans leur sphère, auraient autant à perdre dans les émeutes que beaucoup de négocians. Or, disent plus loin les auteurs du mémoire, il est arrivé dans cette occurrence que les fabricans qui, le 31 juillet 1830, n'avaient pas craint les baïonnettes sur la place publique, n'ont pas osé encourir le reproche mal fondé d'inhumanité, et exposer leur existence manufacturière aux ressentimens des ouvriers, en combattant ouvertement leurs prétentions. Voilà un singulier rapprochement ! Mais ces baïonnettes que ces messieurs ont bravées, nous les avons bravées aussi... et nous ne voyons pas quelle analogie il peut y avoir entre quelques régimens qui, certes, montrèrent qu'ils étaient aussi patriotes que nous, et des ouvriers impatiens de savoir s'ils auraient du pain à l'avenir. Il est vrai que les auteurs du mémoire les montrent comme des factieux prêts à tout saccager. Mais, plus loin, on verra que ces messieurs se font eux-mêmes justice. Les auteurs du mémoire, qui voient partout des rebelles ou des factieux, disent : Les autorités civiles au lieu de dissiper les craintes d'une émeute elles semblaient s'attacher à les entretenir. Voilà une accusation grave ; mais les magistrats sont en paix avec leur conscience. En effet, quel aurait été leur but en prenant un système d'émeutes ? Le fait est que l'autorité savait que les réunions d'ouvriers n'avaient rien d'hostile, et que, confiante dans [5.2]ces masses qu'on nous montre comme prêtes à tout entreprendre, elle ne s'est occupée que de faire le bien et elle n'a pas eu lieu de s'en repentir. En rendant compte d'une des séances de la Préfecture, les auteurs du mémoire disent encore : que M. le Préfet ne leva pas la séance sans demander en quelque façon excuses aux délégués des ouvriers du retard apporté à leurs désirs. Ce ne fut point des excuses que M. le Préfet adressa aux délégués des ouvriers, mais bien des paroles d'espérance et de paix ; des paroles dignes d'un premier Magistrat dont l'ame est accessible aux misères humaines, afin qu'elles fussent transmises à des milliers d'individus qui attendaient le tarif comme un moyen sûr de ne pas mourir de misère. Ici nous ne réfutons point quelques phrases pleines de mots sinistres : d'ouvriers qui parcourent les quartiers en proférant des vociférations incendiaires... des menaces de mort... Nous n'avons pas pris à tâche de réfuter le burlesque... Nous ne nous arrêterons pas non plus sur les mots de déplorables concessions faites aux ouvriers ; d'un Préfet qui ne permit qu'une chose, la fixation du tarif ; d’une série de choses scandaleuses dont le récit ne peut être que très-imparfait, etc. Nous l'avons déjà dit, ces messieurs n'ont écrit leur mémoire que dans un sentiment de haine et sous l'influence de l’égoïsme déçu. Rien ne doit donc nous surprendre. L'autorité, disent-ils, doit donc songer à mettre en réserve de quoi nourrir quelques milliers de personnes qui vont se trouver à peu près sans pain à l'entrée de l'hiver. Les pauvres, et certes ces messieurs ont trouvé le moyen d'en rendre la classe assez nombreuse, savent apprécier ce que les magistrats ont déjà fait pour eux, soit en leur distribuant des secours, soit en ouvrant des travaux où ils trouvaient le moyen de gagner de quoi calmer la faim de leurs enfans ; leurs bénédictions est la seule chose qu'ils puissent offrir aux magistrats qui leur ont tendu une main secourable, et elles les suivraient dans la retraite si ces hommes vertueux étaient victimes de la calomnie et de la perversité. Enfin les auteurs du mémoire disent de la fin de la séance du 25 que M. le Préfet se contenta de descendre dans la cour déjà obstruée par les ouvriers, de leur adresser quelques paroles obligeantes et de les prier de débarrasser les abords de son hôtel ; cette foule docile à la prière du Préfet, qui devint un ordre en passant par la bouche des chefs, se retira, etc. Voilà une foule, qui tout-à-1'heure ne parlait que d'incendie et de mort, devenue docile à la voix du premier magistrat et qui se retire pour attendre avec calme la fin des délibérations. Ces messieurs semblent faire un crime à M. le Préfet de sa popularité, ce sont ces mêmes hommes qui viennent de nous parler de Juillet, qui voudraient qu'un Préfet ne parlât au peuple qu'avec une cravache... Nous nous arrêtons ici, notre tâche est remplie ; nous ne cherchons point à défendre les magistrats, ils sont au-dessus des attaques de quelques égoïstes ; nous avons passé rapidement sur les faits parce que nous n'avons vu qu'allégations fausses, contre-sens et calomnies ; nous livrons le mémoire et ses auteurs, non point à la haine, nous en sommes incapables, mais au mépris du public.
Tout est bien ! Nous sommes dans le meilleur des mondes possible..., disait à tous momens le père de Jacques, espèce d'esprit fort, qui avait lu quelques brochures des philosophes du 18me siècle et qui les avait méditées dans un petit jardin dont il était propriétaire à la montée des Epies. Jacques le crut, et dès l'âge de quinze ans il quitta la maison paternelle pour jouir des douceurs [6.1]que devait procurer un monde où tout est bien ; il avait appris chez son père l'art de tisser la soie, porté à un suprême degré à Lyon sa ville natale. A cette époque, la France était gouvernée par ce génie extraordinaire qui, passant comme un météore, laissa des traces éternelles de sa grandeur et de sa magnificence. Lyon ne semblait alors habité que par des êtres heureux, tant la prospérité avait pénétré dans toutes les classes. Jacques profita de ce bien-être, sa jeunesse fut sans orages, et jugeant que son père avait raison, que tout était bien et qu'il était dans le meilleur des mondes possible, il crut pouvoir profiter de ses douceurs. Cependant la France avait de longues guerres à soutenir : la conscription atteignit Jacques qui partit, sans murmurer, pour servir sa patrie ; il rejoignit les armées, et dans la fatigue des camps, il douta souvent de la vérité du précepte de son père, mais son ame étant toute française, la gloire dont se couvraient alors nos armes lui fit facilement oublier les momens de peines et de misère attachés à la vie du soldat. Il assista aux batailles de Dresde et de Leipsik, et reçut à cette dernière une balle dans le bras qui le força à quitter ses compagnons de gloire. Jacques ne se plaignit point, son sang avait coulé pour cette patrie qu'il adorait, et décoré du ruban des braves, il regagna sa ville natale pour se livrer à son industrie. Son pays venait d'être trahi par la fortune ; les armées étrangères l'avait envahi, et l'homme qui vingt ans avait fait sa gloire venait de disparaître pour aller mourir dans l'exil. Jacques chercha dans son industrie les moyens de servir de nouveau cette France objet de son amour ; il se voua tout entier à son art et trouva le moyen de porter la soierie à un tel degré de perfection qu'on ne craignit plus la concurrence des étrangers. Jacques passa ainsi quinze ans sans ambition et n'ayant qu'un seul but, celui d'être utile à son pays. Mais comme les découvertes ne sont pas toujours une source féconde de fortune, il resta pauvre en servant ses concitoyens. La patrie n'avait point terminé ses longues épreuves, les hommes qui la gouvernaient, imbus de principes gothiques, attirèrent un nouvel orage sur leurs têtes ; la France avait été humiliée ; on traînait ses peuples vers l'esclavage... juillet la releva de ses malheurs et la porta de nouveau au plus haut période de la gloire. Jacques ne resta point spectateur impassible à ce dévouement sublime ; il quitta les attributs des arts et reprit ces armes dont il s'était autrefois si bien servi. Dans ces journées solennelles où tout était confondu, il se plaça à côté du négociant qui l'occupait ; alors était la vraie égalité, l'homme au coffre rempli d'or lui frappait dans la main et l'appelait son ami !... Ces jours devaient être de courte durée, et le pauvre s'aperçut bientôt que l'égalité n'existait plus ; il fut humilié par ceux qui l'avait accueilli avec enthousiasme ; mais il se consola en pensant qu'il avait aidé à régénérer sa patrie. Alors commença une autre série de malheurs ; ces hommes qui semblaient ne parler que du peuple et pour le peuple voulurent profiter de son industrie et grossir leurs fortunes aux dépens de ses peines et de ses travaux. Ils diminuèrent son salaire à tel point que Jacques, malgré ses talens, tomba dans une affreuse misère, et n'osait plus, sur ses haillons, porter ce ruban dont l'avait décoré sa patrie reconnaissante. Mais comme tout doit avoir un terme, ce peuple, victime de l’égoïsme, ne pouvant plus supporter l'état affreux où il se trouvait, se réunit et demanda le prix de ses travaux. Jacques fut député par ses concitoyens, et joint à d'autres délégués, ils obtinrent enfin qu'à l'avenir l'ouvrier ne serait plus condamné à mourir de misère… [6.2]Quoique heureux d'avoir revu son drapeau et de pouvoir donner du pain à sa famille, Jacques douta encore si tout était bien et s’il était dans le meilleur des mondes possible.
RECLAMATIONS.
Nous recevons, tous les jours, un grand nombre de réclamations de la part des chef d'ateliers. Les uns se plaignent que le tarif au minimum a diminué de dix centimes le prix des façons dont ils étaient payés précédemment, et que les négocians se font un malin plaisir de leur montrer le tarif, en leur diminuant les dix centimes par aune. D'autres se plaignent que leur article n'est pas assez clairement expliqué, qu'on le leur assimile à des articles tarifés au-dessous, et qu'ils ne savent comment faire entendre raison à ceux qui ne veulent l’entendre. Enfin, quelques-uns vont jusqu'à dire que les négocians leur annoncent qu'ils ont de l'ouvrage à leur donner, mais qu'ils ne paieront jamais au tarif, parce que cet une œuvre dérisoire que les ouvriers ont cru pouvoir leur imposer, et que c'est par cela seul qu'ils ne s'y conformeront jamais. Nous voyons que ces messieurs en font preuve en proposant de l'ouvrage à cinq centimes de moins que le prix précédent. Heureusement ils ne feront point fortune par ce nouveau procédé, et l'ouvrier a assez de raison pour savoir que, ne pouvant vivre à ce prix, en l'acceptant il se fait non-seulement du tort, mais il en fait aux négocians honnêtes qui paient au tarif, et plus encore à ceux qui paient au-dessus. Il en est enfin qui se plaignent que beaucoup d'articles ont été omis au tarif, ou n'y sont pas suffisamment spécifiés. Ces articles sont, pour les unis : les gros de Berlin, les gros de Chine, les gros grains dits gros d'Orient, les gros de Varsovie ou varsovienne, et les gros de Naples chiné, gros des Indes, popelines triples en laine trois bouts, etc. tous articles riches, exigeant une belle fabrication, et dont les commissionnaires et en général tous les négocians reconnaissent pouvoir supporter une augmentation. Nous répondrons à toutes ces questions que les chefs d'ateliers et ouvriers, dans leur position déplorable, sont considérés comme mineurs, que le conseil des prud'hommes est leur tuteur, et qu'il doit remplir avec une religieuse conscience son devoir envers eux. Le conseil engage tous ceux qui ont des réclamations à faire de s'adresser à lui, qu'il se charge de leur faire rendre justice. Ce sont les paroles exactes de M. le président du conseil, et que nous lui avons entendu répéter plusieurs fois ! Honneur à ce Magistrat ! si telle est la base de la conduite qu'il s'est tracée, et que nous n'avons pu apprécier lorsque les séances du conseil se tenaient à huis clos ; mais aujourd'hui que les audiences sont publiques, que chacun peut, par lui-même, apprécier la noble impartialité de son caractère, cela ajoutera un nouveau fleuron à la couronne civique que lui réserve un peuple reconnaissant.
La note suivante nous a été communiquée. MM. Lecourt, Lachapelle et Desmaillan, ont, assistés des sieurs Violet et Damaisin, maîtres ouvriers, fait appeler le sieur Jacob dans un café à la Croix-Rousse, afin de le faire revenir sur les articles que ce dernier avait débattu à la préfecture, dans la séance du 25 octobre. Sur ce que le sieur Jacob paraissait vouloir accepter la révision desdits articles, ces messieurs faisant abnégation de leur fierté habituelle, lui adressèrent les [7.1]paroles les plus flatteuses ; mais le sieur Jacobleur ayant annoncé qu'il ne se rendrait que d'après une invitation émanée de la Préfecture, et qu'il ne discuterait les articles que devant la chambre du commerce et le conseil des prud’hommes, ces messieurs déconcertés, ne l'ont plus pressé et se sont retirés, n'ayant obtenu qu'un refus qui a porté un rude coup à leur orgueil.
AU RÉDACTEUR.
Lyon, le 9 octobre 1831. Monsieur, Etant comme vous, partisan de l'impartialité, et voulant aussi, comme vous, rendre à chacun selon ses œuvres, j'ose espérer que vous ne refuserez pas dans votre prochain Numéro une place à la réponse ci-jointe. A MM. Henry-Doiteau et Ce. Messieurs, En réponse à votre lettre du 6 courant, je prends la liberté de vous observer que vous faites bien peu de cas des peines de vos ouvriers, lorsque vous prétendez que le maître et l'ouvrier, pour prix de leur journée, doivent se partager la faible somme de 2 fr. 25 c. Quel est, je vous prie, le frotteur qui voudrait, pour 22 sous et demi, se cloîtrer dans vos appartemens depuis cinq heures du matin jusqu'à 11 heures ou minuit pour y opérer l'ouvrage nécessaire ? Quoi ! vous croyez avec cette somme dédommager suffisamment le maître des frais que lui nécessitent l'entretien de son métier et le logement de l'ouvrier ? et le compagnon qui se consume en sueurs pour vous acquérir une fortune de jour en jour plus brillante ? Mais je vois quel est votre raisonnement : à quoi bon, sans doute dites-vous, accorder à l'ouvrier un superflu ; 22 sous et demi lui procurent le strict nécessaire. Eprouve-t-il quelque maladie ? il peut réclamer les secours de l'hôpital. Parvient-il à un âge où ses forces se refusent au travail ? la Charité est encore là. Comment, vous voudriez réserver le triste partage de la mendicité à celui qui aura, pendant toute sa jeunesse, travaillé pour vous faire jouir de tout les délices de la vie ! Quel frappant contraste ! la belle reconnaissance ! c'est-là raisonner dans le sens de l'égoïsme, et non dans celui de l'humanité. D'un autre côté, que prouverait, s'il existait chez vous, le grand aunage que vous faites valoir en faveur de votre cause ? autre chose qu'une plus longue prolongation de travail sans interruption ? mais cela ne compenserait pas l'excédant du prix de vos mouchoirs en question, fixé d'après le tarif. Lorsque vous avez saisi cette arme pour votre défense, vous n'avez sans doute pas pensé que les lecteurs de l'Echo seraient autant de sentinelles inexorables qui, à chaque fois que vous vous écarterez du sentier de la vérité, vous crieront ? Alte-là. En effet, ouvrez vos livres, vous y verrez qu'il est sorti, la semaine dernière, de votre magasin des pièces de cinquante, de quarante et même de vingt-cinq aunes. Après cela, pour raisonner juste, vous serez forcés de m'accorder de deux choses l'une : ou vous appelez les pièces mentionnées des pièces de grand aunage ou non ; je ne vois pas de milieu. Il n'est pas vraisemblable de supposer le premier cas, car vous savez fort bien qu'on qualifie de grandes pièces celles de cent, cent vingt et cent trente aunes qui sortent presque toujours de la maison de la plupart de vos confrères ; nous sommes donc forcés d'admettre le second cas, et alors, pour terminer comme j'ai commencé, je prends encore la liberté de vous dire que c'est avoir bien peu de délicatesse que d'employer un mensonge pour se soustraire à une augmentation trop justement méritée. marin, maître ouvrier.
Nais donc, pauvre ouvrier ! nais, grandis, le travail usera tes forces, la misère éteindra ton énergie. Va, prends place au grand banquet des malheureux par prédestination, mais garde-toi d'aspirer aux jouissances dont la vue t'enchante, dont le désir te dévore. Ces jouissances, ces plaisirs doivent fuir tes lèvres avides. Si tu as faim travaille. Si tu ne peux travailler ?… mendie. Oh ! qu'il est amer le pain de l'aumône ! quoi pour les uns toutes les joies, jusqu'à celle de la bienfaisance, pour les autres toutes les souffrances, jusqu'à l'humiliation de recevoir ! Eh bien ! quand les douleurs trop palpitantes auront débordé la coupe de la patience, quand surtout une révolution nouvelle aura donné un nouvel essor aux idées, si le peuple, long-temps opprimé, se sent monter la rougeur au front, et trouvant battre en lui un cœur d’homme, secoue ses haillons héréditaires et vient demander de ne plus mourir de faim, quelle réponse obtient-il ? Peuple, malheureux peuple, détrompe-toi ! la puissance n'a fait que changer aux mains des grands du jour, tu n'as fait que réforger tes fers ! la haute noblesse, l'aristocratie de naissance ont succombé vermoulues qu'elles étaient de la pourriture de plusieurs siècles. Une aristocratie de richesse est surgie à leur place, caduque déjà dans sa jeunesse, et montrant les rides profondes de l'égoïsme et de l'impuissance. [7.2]Mais aujourd'hui qu'il suffit d'être riche pour être juste, bon et moral, que le peuple prenne patience ; égoïstes, hâtez-vous de jouir, votre règne sera éphémère ; sans nouvelle commotion politique, sans troubles, sans émeute, par la seule force des choses, la révolution baissera encore d'un cran, et le peuple entrera en partage du bien-être qui maintenant est votre exclusif appanage. Alors ne se présentera plus le spectacle désolant qui vient de fatiguer nos regards ; une société se scinder en deux parts, d'un côté l'égoïsme et ses terreurs, de l'autre la faim et ses exigences ; alors les classes privilégiées ne trembleront plus, poursuivies qu'elles sont, par la peur de l'émeute, Briarée aux cents bras, qu'il se représente échevelé, un poignard et une torche à la main, marquant leur porte d'un sceau de réprobation, comme au jour de la vengeance du seigneur. C'est qu'aussi, c'est pitié de la manière dont ils traitent leurs frères ! après plusieurs mois de réclamations individuelles, laissées infructueuses, ou ironiquement repoussées, les ouvriers se réunissent et s'organisent ; une large association est entre eux formée, et on est obligé d'avouer que l'ensemble est parfait ; c'est que l'égoïsme n'a pas encore corrompu leur cœur ! ils nomment des délégués, et de suite on insinue que leur nomination est peut-être factieuse, puisqu'elle a eu lieu par voie d'attroupement ; mais de grâce, comment voter sans se réunir ? et comment se réunir sans former une agglomération qu'une loi rigoureuse ne puisse définir attroupement ! et comment l'auteur du mémoire qui devine si charitablement et pèse si impartialement, ne voit-il pas aussi un attroupement dans les 140 fabricans réunis à si grande peine sur 600, pour la nomination de leurs délégués ? étaient-ils aussi factieux ? à Dieu ne plaise ! courbe ton front, peuple ouvrier, toi seul es factieux d'avoir faim ; n'entends-tu pas que plus bas on t'accuse de traiter comme de puissance à puissance ! il fait beau vraiment, voir venir vanter l'intrépidité des héros du 31 juillet, qui tremblent éperdus devant une foule inoffensive ; il leur a fallu sans doute un grand courage, pour biffer d'une main repentante la signature apposée huit jours plutôt au tarif ! il est vrai qu'alors ces héros délibéraient sous les poignards ! si comme on l'assure une pareille bassesse a eu lieu elle est stigmatisée d'avance par le sceau infamant que lui appliquera l'opinion publique. Qu'un égoïsme retardataire parque les hommes en castes privilégiées, qu'il veuille leur imposer des barrières infranchissables, mu qu'il est par l'intérêt de ses jouissances, c'est possible ; mais que ses arrêts soient irrévocables, et que le travailleur soit condamné à une éternelle souffrance, c'est ce qui est une étrange anomalie aujourd'hui et ce qui touche à son terme. Un négociant votre abonné1.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Les causes qui ont offert le plus d'intérêt, sont celles du sieur Danton, tulliste, troisième ouvrier plaignant du sieur Maillot, chef d'atelier, contre Mme Meruès, qui, pour n'être pas prise en contrevention, sachant qu'on devait faire une visite dans l'atelier du sieur Maillot, en a fait enlever les soies et couper les pièces. L'ouvrier Danton se plaignait que les flottes que lui faisait employer la dame Meruès, avaient jusqu'à six mille deux cents mètres, et le sieur Mailliot qui, à une éprouvette, n'a pu nier avoir trouvé souvent des flottes de 5300 à 5500, mètres, ce qui est un délit grave, la loi ne portant les flottes qu'à 5000 mètres. La dame Meruès a été condamnée à payer à l'ouvrier Danton, un défrayement de 2 francs par jour, pour son temps perdu, et 50 cent, de supplément de façon sur chaque flotte, qu'il a employée au nombre de 54. Une question relative aux peluches s'est aussi présentée. Le négociant était convenu de payer l'ouvrier à 1 f. 40 c. l'aune, avant le tarif, et prétendait ne devoir plus le payer que 1 f. 30 c. Il ne donnait point de poil pour finir sa toile ; il y a plus de huit jour que l'ouvrier attendait. Le conseil a condamné le négociant à faire lever sa pièce, à défrayer l'ouvrier et à payer la coupe précédente à 1 f. 40 c. Le sieur Charvet demandait au sieur Alix le payement de la somme qu'il a été condamné précédemment à lui payer, et le sieur Alix demandait une nouvelle expertise, alléguant que les pièces sont de mauvaises fabrications, et que les syndics qui avaient été nommés, n'étaient pas experts dans cette partie. Les pièces doivent être déposées au Conseil, qui a renvoyé l'affaire à jeudi prochain. Le sieur Dubito demandait au sieur Goumand son [8.1]livret, que celui-ci était forcé de lui refuser, parce que le sieur Dumas qui a retenu à l'ouvrier la somme due à M. Goumand, ne veut pas la rembourser ; l'ouvrier a déclaré ne plus rien lui devoir. Le Conseil a décidé que le sieur Goumand ferait appeler le sieur Dumas pour se faire payer, et rendre le livret à l'ouvrier. C'était une chose étrange, et qui a paru étonner M. le Président du Conseil, que de voir le sieur Goumand à sa barre ; il n'a pu s'empêcher de lui demander amicalement : s'il avait fait des sottises ? — Non, répondit en riant cet honnête négociant, qui peut-être était là pour la première fois, et auquel tout le monde se plaît à reconnaître la plus grande probité. Cet homme qui fait le commerce depuis plus de trente ans, est un de ceux qui ont toujours le mieux payé. A des personnes qui se sont entretenues avec lui il a manifesté le désir qu'il avait de voir abolir les abus qui s'étaient introduits dans la fabrique depuis quelques années, il a même avoué que sur un million d'affaires qu'il faisait par année, les tirelles qu'il alloue pourraient bien se monter à 7000 francs, et qu'il ne voyait pas pourquoi les autres négocians seraient dispensés de rendre ce droit l'ouvrier, consacré depuis des siècles. Le sieur Chardonnet réclame du sieur Henry Droiteau le payement au tarif des Mouchoirs fabriqués depuis le 1er novembre, il est résulté des débats : que le sieur Henry Droiteau ne croit pas son article suffisamment expliqué au tarif, par la seule différence que les mouchoirs brillantines n'y sont spécifiés qu'à deux fils et quatre fils en dent, et que les mouchoirs, dont on réclame le payement, sont passés à trois fils. Le Conseil a renvoyé l'affaire pardevant M. Ray i. L'affaire de MM. Micol et Comp déjà si connue, par le scandale auquel elle a donné lieu, a fixé l'attention du Conseil et de l'auditoire. Le sieur Borel réclame une somme de 33 fr. 50 cent, portée sur son livre à son compte d'argent, et qu'il n'a pas reçue ; les preuves étant trop convaincantes, le sieur Micol a avoué qu'il avait porté cette somme au compte de cet ouvrier pour balancer la différence du prix de façon de ses mouchoirs avec celle du tarif. Le sieur Micol était en outre accusé de vouloir compter ses mouchoirs 4/4 au prix des 3/4, et de ne peser en recevant ses étoffes que par dix grammes, ayant soin cependant de bien peser juste et par cinq grammes en donnant les matières à l'ouvrier. Le Conseil a condamné le sieur Micol, à payer la somme portée sur le livre de l'ouvrier, chose à laquelle il ne se refusait pas, disait-il, à payer ses mouchoirs comme 4/4, à peser par cinq grammes, et à payer à l'ouvrier ce dont il lui avait fait tort par ses pesées fausses et illégales. Le sieur Leas réclame du sieur Guinand, un prix convenu de 2 francs par mouchoir dit Thibet, il a fait deux pièces, faisant 44 mouchoirs, le sieur Guinand lui a gardé huit jours son livre, et ne le lui a réglé qu'à 25 cent, de rabais par mouchoir. Le sieur Guinand a allégué pour se justifier, que ces mouchoirs étaient entrebattus et mal tissés. Le Conseil n'a pu admettre cette excuse, vu le laps de temps écoulé depuis que le sieur Leas avait rendu ses mouchoirs, et que le sieur Guinand ne s'était jamais plaint de sa fabrication. Le Conseil a condamné ce dernier à payer le prix convenu. Les autres causes ayant offert peu d'intérêt, nous nous abstenons d'en rendre compte.
i On nous a rapporté depuis que le sieur Henry-Droiteau n'a pas voulu reconnaître à M. Ray, ainsi qu'au membre au conseil qui l'assistait, le droit d'expertiser ses mouchoirs.
[8.2]La Glaneuse1, journal des salons, dont l'esprit est éminemment philantropique, vient d'ouvrir, à son bureau, rue d'Amboise, barrière de fer, une souscription en faveur des ouvriers en soie ; elle a la certitude de compter au nombre de ses souscripteurs les noms les plus honorables. Des listes de souscription seront publiées par elle. La Glaneuse s'inscrit d'avance pour 100 francs.
L'Association générale et mutuelle des chefs d'ateliers est sur le point d'avoir terminé son travail. Nous pouvons dire qu'il ne s'est trouvé, que très-peu de personnes qui aient refusé d'en faire partie ; mais qu'il était douloureux, pour ceux qui ont fait le recensement, de voir le triste spectacle de la misère de quelques ateliers, dont les chefs ne pouvaient satisfaire de suite à leur faible rétribution de 25 c. par métier.
COUPS DE NAVETTE.
Les personnes qui désireraient faire recouvrir de vieux parapluies, sont prévenues qu'elles trouveront un grand assortiment de schalls, propres à cet usage, dans la fabrique de M. G**, plus généralement connu sous le nom de B**. Le jour de son mariage, M. G. ou B. a fait cadeau à sa femme de six schalls de sa fabrique, dont on a aussitôt confectionné une demi douzaine de parapluies. Quelques négocians veulent offrir à l'auteur du fameux mémoire une médaille représentant, d'un côté, un lion dévorant un morceau de pain noir, et, de l'autre, un chef d'atelier à qui on refuse une pièce au tarif, avec cette légende : Au pauvre la besace. Quand il fait beau, prends ton manteau ; quand il pleut, prends un schall de la fabrique de M. G., autrement dit B. On dit que M. Jars, tout essouflé par la lecture du fameux mémoire de neuf pages, à la fin de la sixième, s'est écrié par la force de l'habitude : La clôture !!! On demandait à l'auteur du fameux mémoire pourquoi il ne l'avait pas écrit en meilleur français : c'est pour ne pas être reconnu, a-t-il répondu, que j'ai baraguiné. Quand les petites filles pleurent, on les console en leur promettant, pour la semaine de trois jeudis, un merle blanc et un schall de la fabrique de M. G.-B. On dit avoir vu trois oiseaux de sinistre présage se dirigeant sur la capitale. Verrait-on se réaliser les prédictions de 1832 ?... Quelques jeunes gens, divisés sur une question grammaticale, ont pris pour arbitre le rédacteur du fameux mémoire. Quelques négocians projetant un nouveau journal, se demandaient les uns aux autres : quel titre lui donnerons-nous ? la vérite ! s'écria l'un d'eux, comme frappé d'un trait de génie : vous prétérez lé manteau, reprit un gascon , et jé séré le rédactur en chef.
ANNONCES DIVERSES.
A vendre, une Mécanique de 32 guindres, faite par M. Breton, en très-bon état. S'adresser à M. Couturier, rue Bodin, n° 1, au 3me. Un négociant demande des métiers de maître, pour peluches de chapeau. S'adresser au Bureau du Journal. - On demande à acheter un peigne 314, réduction de 74 dents au pouce. S'adresser au Bureau du Journal. - On demande un jeune homme sachant lire et écrire pour prendre des notes et faire des commissions. S'adresser au Bureau. - On demande plusieurs ouvriers ou ouvrières, pour des articles de goût et des peluches. S'adresser au Bureau. A louer de suite, une belle chambre garnie ou non. S'adresser au Café de l'Union, au coin de la place Léviste et de la place Bellecour.
Notes (PIÈCE CURIEUSE.)
Depuis début novembre, les négociants de Lyon, de plus en plus hostiles au préfet, se réunissaient et rédigeaient un mémoire pour la présidence du conseil des ministres. Ce mémoire fut discuté et accepté par l’assemblée des négociants le 5 novembre. Une lettre du docteur Desgoultières du 3 novembre 1831 adressée au docteur Prunelle, maire de Lyon, rend bien compte de l’état d’esprit alors régnant parmi les négociants ; selon Desgoultières, plusieurs mesures doivent être prises : « 1/ Retour prochain du maire pour reprendre les rênes de l’administration municipale, tenues, en ce moment, par une main faible et inexpérimentée, afin qu’il puisse s’entendre avec le général Roguet, homme capable et résolu, sur les mesures ultérieures à prendre. 2/ Prompte installation du général Ordonneau, comme chef de la garde nationale. 3/ Franche coopération d’un préfet qui ait des c… 4/ Désarmement prudent et simultané des hommes de la garde nationale […] et à, cet effet, réunion dans notre ville d’une force militaire suffisante, surtout en cavalerie. 5/ Ordonnance royale motivée par une protestation qui vous sera prochainement adressée et qui prononcerait la nullité de toute délibération illégale prise contre le texte des lois qui régissent l’industrie et le commerce », citée dans Canton-Debat Maurice, Un homme d’affaire lyonnais : Arles-Dufour (1797-1872), ouv. cit., p. 149. F. Rude évoque cet épisode dans Le mouvement économique et social (ouv. cit., p. 346.). Evoquant la géographie de la presse républicaine au début de la Monarchie de Juillet, Gabriel Perreux a relevé judicieusement que « de toute la région de l’Est, c’est Lyon qui possède les deux plus grands journaux républicains. Le Précurseur et la Glaneuse » (Gabriel Perreux, La propagande républicaine au début de la Monarchie de Juillet, Paris, Librairie Hachette, 1930, p. 194.). Créé une première fois en 1821-1822, relancé en 1826, Le Précurseur était le principal organe du libéralisme à Lyon sous la Restauration. En première ligne du combat contre les Bourbons au moment de juillet 1830, il devient au début 1832 plus proche de l’opposition républicaine avec l’arrivée à sa tête du journaliste parisien Antoine Pétetin et devient un organe de plus en plus hostile au gouvernement orléaniste. Journal des classes moyennes, de tendance relativement modéré, il est néanmoins dès juin 1832 sous le poids de quatre procès. Il faut souligner que durant l’automne 1831 la ligne du journal n’est cependant pas claire. Pour remplacer Jérome Morin, deux tendances s’affrontent : l’une, plus conservatrice et représentative des élites en accord avec le gouvernement de Casimir Périer, est favorable à la candidature de Jean-Baptiste de Montfalcon. L’autre tendance, plus républicaine, va défendre, victorieusement, la candidature d’ Antoine Pétetin. C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, ouv. cit. ; J. D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France (1830-1835), ouv. cit., chapitre 2.
Notes (HISTOIRE DE JACQUES.)
Antoine Vidal auteur de cette Histoire de Jacques débute une série qui se poursuit dans les numéros 3, 7, 14 et 17 de L’Echo de la Fabrique.
Notes (Nais donc, pauvre ouvrier ! nais, grandis, le...)
L’auteur de ce texte est Léon Favre d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes ([8.2] La Glaneuse , journal des salons, dont...)
La Glaneuse parut à Lyon du milieu de l’année 1831 à avril 1834. Il se présentait comme une presse alternative, essentiellement culturelle, et peu attaché aux questions économiques, sociales et politiques. Mais rapidement, à partir de l’insurrection de 1831, il se révèle comme le plus virulent des journaux républicains et développe des critiques contre le mercantilisme orléanistes beaucoup plus sévère que celles du Précurseur. « […] la Glaneuse, dont les bureaux sont le siège de la Société des droits de l’homme est la feuille terrible de la fraction avancée du parti républicain » (Gabriel Perreux, La propagande républicaine au début de la Monarchie de Juillet, ouv. cit., p. 194.). Références : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, ouv. cit., p. 190-191 ; J. D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France (1830-1835), ouv. cit., chapitre 3, p. 114-120.
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