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5 août 1832 - Numéro 41
 
 

 



 
 
    
LYON.
le courrier de lyon.1

Le Courrier de Lyon s?est fâché de notre article sur sa monomanie ; mais il n?y a pas répondu et s?est borné à une sortie contre l?auteur supposé et le journal en général.

A l?entendre, nous devrions le remercier de ses opinions et de ses théories sur les prolétaires, et dire amen et bravo aux outrages qu?il leur prodigue.

Nous l?avons accusé de soulever des questions dangereuses et d?irriter les classes pauvres, en affectant de les représenter désireuses de renversement et de pillage.

Et ce qui nous prouve qu?il n?a pas voulu comprendre cet article, c?est qu?il est resté froid et muet à cette accusation, tandis qu?il s?est monté et indigné contre les épithètes de monomane et de froid et pâle copiste des Débats.

Les preuves de la vérité des épithètes de froid et pâle copiste des Débats se trouvent dans tous les Numéros du Courrier, depuis sa création : quant à celles de sa monomanie dangereuse, nous allons encore les reproduire.

Le Courrier inséra, en avril et mai, une série d?articles dont le but, apparent au moins, semblait être de prouver la moralité des riches, leur intérêt à l?ordre et à la conservation, et l?immoralité des pauvres, et leur intérêt au désordre et au renversement. Dans son N° du 22 mai, il mit la couronne à sa mauvaise ?uvre en développant naïvement et bien au long ses idées sur le même sujet. Des plaintes nous furent adressées de toutes parts contre les injures du Courrier, et nous fûmes [1.2]l?écho de ces plaintes dans notre article du 27 mai sur le Courrier de Lyon.

Le Courrier ne répondit pas à cet article ; mais il cessa ses déclamations, ce qui nous fit croire qu?il l?avait lu et compris.

Nous pensions que nous n?aurions plus à combattre les opinions du Courrier sur ces questions, lorsque parut son article les prolétaires sont la minorité de la nation.

Quoique nous soyons convaincus aussi bien que les hommes du Courrier, que l?assertion est fausse, nous ne l?aurions pas relevée, si elle n?avait été appuyée, allongée, embellie des raisonnemens que nous trouvons dangereux et outrageans, entr?autres que le riche, celui qui possède, a intérêt à l?ordre, le pauvre, le prolétaire a intérêt au désordre.

En notre ame et conscience, nous croyons et disons qu?une pareille persistance à développer des théories aussi fausses que dangereuses, et d?où il ne peut, en aucun cas, sortir aucun bien, est un symptôme de monomanie, et pour prouver qu?il y a persistance, nous allons répéter la fin de notre article du 27 mai.

« Le Courrier dit (dans son article du 22 mai) :

Le riche a intérêt à la conservation de l?ordre qui lui a procuré les avantages dont il jouit : le pauvre, au contraire, a un intérêt au renversement, afin d?arriver plus promptement au but qu?il convoite? »   

« Il faudrait vraiment être de glace pour que le sang ne vous montât pas au front, à la lecture de pareilles doctrines ! Hommes de paix, de travail, de concorde, si ce sont là vos convictions, nous vous plaignons ; car vous êtes malades : mais au nom de l?ordre et de la paix, taisez-les, et qu?elles ne dépassent plus le seuil de vos demeures ! Mais voyons, hommes privilégiés, dans quels livres, dans quels temps, avez-vous trouvé que le pauvre eût un intérêt au renversement, afin d?arriver plus promptement par là au but qu?il convoite ? Que perd le riche aux révolutions, aux renversemens ? Quelques années de revenu : sa paix, son bien-être, sont troublés, dérangés. Quel but supposez-vous donc que convoite le [2.1]pauvre ? disons le mot : vous l?avez sur les lèvres, le pillage. Le pillage n?a jamais enrichi personne, excepté le pillage des deniers publics, qui chaque jour enrichit bien des hommes que vous ne classez certainement pas parmi les pauvres ; mais le pillage, comme vous l?entendez, celui qui vous touche directement, loin d?enrichir le peuple, l?appauvrit, le ruine. Quelques mauvais sujets en profitent momentanément ; mais ce sont de faibles exceptions, la masse y perd ; car la masse vit de son travail, et tout le monde sait, excepté, à ce qu?il paraît, les rédacteurs du Courrier, que la paix et l?ordre sont les sources d?où le travail découle : dès que ces sources sont troublées, le pain manque au pauvre et à ses enfans, et leur existence est menacée.

Jamais la misère du peuple n?est si grande, si affreuse, si générale, qu?après une commotion, un renversement.

Certes, les renversemens dérangent tout le monde ; les hommes qui ont du superflu se privent, se restreignent ; mais ceux qui ont à peine le nécessaire, que du pain, que font-ils ? Ils meurent de faim ou de misère.

Les renversemens dérangent le riche : ils tuent le pauvre, Qui donc, messieurs du Courrier, a le plus d?intérêt au maintien de l?ordre public, le riche ou le pauvre ? Nous disons et prouvons que c?est le pauvre.

Malheur, malheur, s?il devenait possible de prouver le contraire ! »

Notes (LYON.
le courrier de lyon.)

1 L?auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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