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5 août 1832 - Numéro 41
 
 

 



 
 
    
LITTÉRATURE.1

revue des journaux de lyon.

Dans le n° 18 de l’Echo, nous avons passé en revue tous les journaux existant à Lyon. Depuis, plusieurs changemens ont eu lieu. Enregistrons d’abord les décès : Asmodèe a cessé de paraître avec la 6e livraison. Son auteur, M. Berthaud quoique bien jeune, a déjà montré toute l’inconstance et la caractère insouciant du poète, car il est réellement poète, ce jeune homme au front nuageux, au regard incertain, dont la vie a quelque chose de vague. D’abord il a prêché en faveur des doctrines saint-simoniennes, mais il n’a pas eu la foi, et il s’est séparé avec éclat de cette nouvelle religion, lorsque le père suprême a demandé à la femme libre de se montrer. M. Berthaud enrichit de ses productions un nouveau journal dont nous parlerons tout à l’heure.

Le Furet dont le nom était une épigramme contre la rédaction, a aussi connu le néant des choses d’ici-bas ; son gérant et principal rédacteur, Joseph Bœuf, a éprouvé la mansuétude de la cour d’assises du Rhône pour avoir publié un pamphlet qui certes ne méritait pas l’honneur d’une persécution. La haine lorsqu’elle n’est pas déguisée sous des formes polies, lorsqu’elle se traduit par l’injure, n’est plus à craindre.

La Glaneuse a succombé, non sous l’indifférence du public comme le Furet, mais sous les coups du pouvoir, dans une lutte glorieuse pour elle2. Son gérant, M. Granier et ses collaborateurs principaux, MM. Bertholon, Giraud, de Seynesi, Perrier, sont inscrits au livre des défenseurs de la liberté. La Glaneuse, commencée le 16 juin 1831, a cessé de paraître le 6 mai 1832, avec le n° 87. Elle doit renaître comme le phœnix plus brillante qu’à son aurore. Ce ne sera plus cette jeune fille timide et malicieuse qui pendant un an fit nos délices, mais bien une virago à l’œil de feu, à la voix tonnante, aux muscles robustes, ce sera la Minerve guerrière. Soumise au joug fiscal, en abordant la politique, elle fera payer cher, n’en doutons pas, les quelques écus qu’elle sacrifiera ; [7.1]son arme sera à deux tranchans, car à côté de cette politique tribunienne qui électrise les masses, on trouvera cette politique de sarcasme qui tue en riant. En vérité, nous la marierons au Corsaire3. A l’ouvrage donc enfans d’Apollon et de la liberté !

Les naissances ne sont pas égales aux décès. Deux journaux seulement ont vu le jour. L’un intitulé : Journal des huissiers, et dont le premier numéro a paru le 20 mai dernier, est rédigé par M. Barange, huissier, dans l’intérêt exclusif de sa communauté. Il paraît deux fois par mois. L’autre cherche à prendre la place de la Glaneuse à son origine, son titre est : Le Papillon, journal des dames, des salons, des arts, de la littérature et des théâtres. Il a fait son apparition le 3 juillet, et paraît deux fois par semaine sur papier de diverses couleurs, comme son emblême. Le nom de son gérant, M. Eugène de Lamerlière, est un gage de succès. Mais Lyon est une ville peu littéraire dans le sens exact de ce mot : le gérant a promis d’exclure la politique ; c’est bien pour un prospectus, mais gare, la politique est femme, elle est agaçante, M. Lamerlière est homme et patriote.

Nous ne mentionnerons que pour mémoire Erinnys4, satyre dans le genre de Némésis, par M. Louis B., dont un seul néméro relatif aux derniers événemens de Grenoble a paru ; Bulletin poétique5, par Ariste Lepagnez, qui doit paraître par livraisons de trois en trois mois, et dont la première a paru le 1er juillet.

Nous nous garderons bien d’encourager ces deux jeunes auteurs à poursuivre une carrière la plus ingrate de toutes si l’on n’y occupe un rang distingué. Par contre nous devons signaler une pièce de vers remarquable, que M. Amédée Roussillac vient de publier sous le titre de De profondis pour le second anniversaire des journées des 27, 28 et 29 juillet6 ; nous ne sommes pas accoutumés à l’hyperbole, mais nous pouvons assurer qu’elle est digne de la plume de Béranger.

Nous continuerons à des époques indéterminées à tenir nos lecteurs au courant du mouvement des journaux et de la littérature lyonnaise.

Marius Ch…..g.

Notes (LITTÉRATURE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 La Glaneuse avait suspendu sa parution quelques semaines avant le procès de Riom. Le journal ne reparaîtra qu’à la fin du mois de septembre 1832 avec un nouveau sous-titre, « Journal populaire ». De plus en plus offensif il verra dès octobre-novembre neuf de ces articles attirer l’attention du Parquet de Lyon. Dès lors saisies et poursuites à son encontre ne cesseront plus jusqu’à sa disparition.
3 Le Corsaire était un quotidien publié à Paris depuis 1823.
4 Il s’agit ici de Erinnys, satire populaire, par Louis B., publié en une livraison à Lyon à l’imprimerie de Perret.
5 Publié à Lyon à l’imprimerie G. Rossary, le Bulletin poétique d’Aristide Lépagnez connut deux numéros en juillet-octobre 1832.
6 Amédée Roussillac, Pour le second anniversaire des 27, 28, 29 juillet 1830. « De Profundis », chanson, paru à Lyon en juin 1832 chez Les marchands de nouveauté. Poète et chansonnier lyonnais, Amédée Roussillac sera l’un des collaborateurs réguliers, pour le chapitre littérature, de la nouvelle équipe de L’Echo de la Fabrique constituée à partir du noyau Berger-Chastaing et qui prendra officiellement les commandes du journal au début du mois de septembre.

 

 

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