CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Les causes qui ont offert le plus d'intérêt, sont celles du sieur Danton, tulliste, troisième ouvrier plaignant du sieur Maillot, chef d'atelier, contre Mme Meruès, qui, pour n'être pas prise en contrevention, sachant qu'on devait faire une visite dans l'atelier du sieur Maillot, en a fait enlever les soies et couper les pièces. L'ouvrier Danton se plaignait que les flottes que lui faisait employer la dame Meruès, avaient jusqu'à six mille deux cents mètres, et le sieur Mailliot qui, à une éprouvette, n'a pu nier avoir trouvé souvent des flottes de 5300 à 5500, mètres, ce qui est un délit grave, la loi ne portant les flottes qu'à 5000 mètres. La dame Meruès a été condamnée à payer à l'ouvrier Danton, un défrayement de 2 francs par jour, pour son temps perdu, et 50 cent, de supplément de façon sur chaque flotte, qu'il a employée au nombre de 54.
Une question relative aux peluches s'est aussi présentée. Le négociant était convenu de payer l'ouvrier à 1 f. 40 c. l'aune, avant le tarif, et prétendait ne devoir plus le payer que 1 f. 30 c. Il ne donnait point de poil pour finir sa toile ; il y a plus de huit jour que l'ouvrier attendait. Le conseil a condamné le négociant à faire lever sa pièce, à défrayer l'ouvrier et à payer la coupe précédente à 1 f. 40 c.
Le sieur Charvet demandait au sieur Alix le payement de la somme qu'il a été condamné précédemment à lui payer, et le sieur Alix demandait une nouvelle expertise, alléguant que les pièces sont de mauvaises fabrications, et que les syndics qui avaient été nommés, n'étaient pas experts dans cette partie. Les pièces doivent être déposées au Conseil, qui a renvoyé l'affaire à jeudi prochain.
Le sieur Dubito demandait au sieur Goumand son [8.1]livret, que celui-ci était forcé de lui refuser, parce que le sieur Dumas qui a retenu à l'ouvrier la somme due à M. Goumand, ne veut pas la rembourser ; l'ouvrier a déclaré ne plus rien lui devoir. Le Conseil a décidé que le sieur Goumand ferait appeler le sieur Dumas pour se faire payer, et rendre le livret à l'ouvrier.
C'était une chose étrange, et qui a paru étonner M. le Président du Conseil, que de voir le sieur Goumand à sa barre ; il n'a pu s'empêcher de lui demander amicalement : s'il avait fait des sottises ? — Non, répondit en riant cet honnête négociant, qui peut-être était là pour la première fois, et auquel tout le monde se plaît à reconnaître la plus grande probité.
Cet homme qui fait le commerce depuis plus de trente ans, est un de ceux qui ont toujours le mieux payé. A des personnes qui se sont entretenues avec lui il a manifesté le désir qu'il avait de voir abolir les abus qui s'étaient introduits dans la fabrique depuis quelques années, il a même avoué que sur un million d'affaires qu'il faisait par année, les tirelles qu'il alloue pourraient bien se monter à 7000 francs, et qu'il ne voyait pas pourquoi les autres négocians seraient dispensés de rendre ce droit l'ouvrier, consacré depuis des siècles.
Le sieur Chardonnet réclame du sieur Henry Droiteau le payement au tarif des Mouchoirs fabriqués depuis le 1er novembre, il est résulté des débats : que le sieur Henry Droiteau ne croit pas son article suffisamment expliqué au tarif, par la seule différence que les mouchoirs brillantines n'y sont spécifiés qu'à deux fils et quatre fils en dent, et que les mouchoirs, dont on réclame le payement, sont passés à trois fils. Le Conseil a renvoyé l'affaire pardevant M. Ray i.
L'affaire de MM. Micol et Comp déjà si connue, par le scandale auquel elle a donné lieu, a fixé l'attention du Conseil et de l'auditoire. Le sieur Borel réclame une somme de 33 fr. 50 cent, portée sur son livre à son compte d'argent, et qu'il n'a pas reçue ; les preuves étant trop convaincantes, le sieur Micol a avoué qu'il avait porté cette somme au compte de cet ouvrier pour balancer la différence du prix de façon de ses mouchoirs avec celle du tarif. Le sieur Micol était en outre accusé de vouloir compter ses mouchoirs 4/4 au prix des 3/4, et de ne peser en recevant ses étoffes que par dix grammes, ayant soin cependant de bien peser juste et par cinq grammes en donnant les matières à l'ouvrier.
Le Conseil a condamné le sieur Micol, à payer la somme portée sur le livre de l'ouvrier, chose à laquelle il ne se refusait pas, disait-il, à payer ses mouchoirs comme 4/4, à peser par cinq grammes, et à payer à l'ouvrier ce dont il lui avait fait tort par ses pesées fausses et illégales.
Le sieur Leas réclame du sieur Guinand, un prix convenu de 2 francs par mouchoir dit Thibet, il a fait deux pièces, faisant 44 mouchoirs, le sieur Guinand lui a gardé huit jours son livre, et ne le lui a réglé qu'à 25 cent, de rabais par mouchoir. Le sieur Guinand a allégué pour se justifier, que ces mouchoirs étaient entrebattus et mal tissés. Le Conseil n'a pu admettre cette excuse, vu le laps de temps écoulé depuis que le sieur Leas avait rendu ses mouchoirs, et que le sieur Guinand ne s'était jamais plaint de sa fabrication. Le Conseil a condamné ce dernier à payer le prix convenu.
Les autres causes ayant offert peu d'intérêt, nous nous abstenons d'en rendre compte.