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29 juillet 1832 - Numéro 40
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 26 juillet,

(présidée par m. goujon.)

La séance est ouverte à 6 heures devant un auditoire nombreux.

La première cause appelée est celle du sieur Bussière, qui réclame au sieur Lupin, des tirelles sur 22 pièces qu’il lui a fabriquées.

Le sieur Lupin répond qu’il réglait les comptes de toutes les pièces, que c’est l’usage de sa maison, et qu’ainsi, le sieur Bussière ne pouvait ignorer qu’il n’accordait jamais de tirelles ; cependant, voulant se conformer aux décisions du conseil, il consentira, à compter de ce jour, à les donner.

Le sieur Bussière ne nie point que les comptes n’aient été réglés de toutes les pièces, mais il dit avoir réclamé plusieurs fois les tirelles, et qu’on lui avait répondu que l’on verrait plus tard. Le sieur Lupin nie avoir jamais entendu cette réclamation.

Après une demi-heure de délibération, le conseil a rendu le jugement suivant :

Attendu que les comptes ont été réglés de toutes les pièces, mais que les tirelles sont dues à l’ouvrier, le sieur Lupin paiera au sieur Bussière, la tirelle sur la dernière pièce. Le conseil accepte la déclaration du sieur Lupin, qu’il paiera à l’avenir les tirelles à ses maîtresi.

Le sieur Rollet, apprenti chez le sieur Revallon, refuse de finir son apprentissage, parce que son maître lui avait dit qu’il le paierait comme ouvrier, les derniers six mois de son apprentissage. Le sieur Revallon dit qu’il est vrai qu’il a fait la faveur à son élève de le payer comme compagnon, pour le reste du temps de son apprentissage, mais qu’il n’a pas entendu lui donner son livret d’acquit, pour aller travailler ailleurs, mais seulement lui faire une faveur, sur les derniers mois de son apprentissage, attendu que les conventions ne peuvent être résiliées par la faveur que le maître fait à son élève.

Le conseil décide que l’apprenti rentrera dans l’atelier pour y finir son temps, et jouira de l’avantage que lui offre son maître de le payer comme ouvrier.

[5.2]Deux ouvriers imprimeurs avaient paru à l’audience de samedi ; ils étaient assistés d’une personne chargée de présenter leur réclamation. Les membres présens à cette audience ne firent aucune difficulté de l’entendre, et l’affaire fut renvoyée à l’audience de ce jour. Aujourd’hui, M. le président refuse d’entendre ce fondé de pouvoir que nous avons appris se nommer Tiphaine, ancien commis greffier de la police municipale. Une scène scandaleuse s’en est suivie, et le besoin de rendre hommage à la vérité nous force d’en donner le tort à M. le président qui, contrairement à la loi, s’est obstinément refusé à ce que les deux ouvriers fassent plaider leurs moyens de défense : vainement a-t-il objecté la jurisprudence du conseil. Il ne peut pas exister de jurisprudence contre la loi ; aussi le sieur Tiphaine a persisté à remplir le mandat à lui confié. Nous devons blâmer les expressions dont il s’est servi ; mais nous ne doutons pas que le conseil ne revienne sur une décision qu’il a prise mal-à-propos de restreindre le droit de défense ; il évitera par là une dangereuse scission et la censure de la cour suprême à laquelle cette question ne manquera pas d’être soumise. Quoi qu’il en soit, M. le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a condamné le sieur Tiphaine à 10 fr. d’amende et à l’affiche du jugement. Les ouvriers, incapables de se défendre par eux-mêmes, ont déposé en tremblant leurs conventions, et la cause a été renvoyée à huitaine. Le sieur Tiphaine se représentera certainement, nous engageons M. le président à faire taire tout sentiment hostile et à se conformer à la loi.

Le sieur Bonnet dit qu’ayant retiré un de ses métiers de tulles de chez le sieur Beaugelin, ce métier n’est plus en état de travailler ; que de plus, sur le balancier, il y a une inscription portant : Il est défendu à tout ouvrier de la Société de travailler sur un metier qui a fabriqué des flottes de 500 mètres au-dessus de la longueur voulue.

Le sieur Beaugelin dit que lorsque le métier a été enlevé de chez lui, il y avait de l’ouvrage dessus, qu’il était en état puisqu’il travaillait avec ; et ne pouvait être responsable des accidens arrivés depuis, il ne nie point avoir fait l’inscription. Le sieur Bonnet ayant été pris en contravention pour lui avoir fait fabriquer des flottes excédant la longueur voulue.

Attendu qu’il n’est pas constant que les dégâts du métier soient du fait du sieur Beaugelin, puisqu’ils n’ont pas été constatés chez lui ; mais attendu qu’il se reconnaît l’auteur de l’inscription, le conseil le condamne à 15 fr. de defrayement envers le sieur Bonnet.

 

 

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