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26 août 1832 - Numéro 44
 
 

 



 
 
    
BIOGRAPHIE.

[6.1]prieur et daumesnil.

Deux hommes célèbres dans les fastes de la nation française viennent de payer à la nature le tribut que l?homme en naissant contracte envers elle. Nous devons des larmes à la mémoire de ces citoyens vertueux qui ont concouru à sauver la patrie, l?un comme représentant du peuple, l?autre comme soldat.

Le premier fut un de ces hommes qui sortis du peuple n?ont jamais désavoué leur origine, et qui au contraire, en faisant passer l?égalité dans les m?urs, y ont fondé le principe de notre nouveau droit social sur une base indestructiblei.

 

C. A. Prieur Duvernois, fils du receveur des finances d?Auxonne, est né dans cette ville le 22 décembre 1763. Officier du génie à l?époque de la révolution, il en embrassa les principes avec enthousiasme. Il fut élu député en 1791 à l?assemblée législative par le département de la Côte-d?Or, et en 1792 à la convention par le même département. Il siégea toujours et vota constamment avec son ami et compatriote Carnot, ce célèbre montagnard dont le nom est au-dessus de l?éloge. Au 31 mai, Prieur se trouvait en mission dans le Calvados ; le 4 août 1793, il fut élu membre du comité de salut public et chargé spécialement de la fabrication des poudres et salpètres. Il présida la convention le 1er prairial an 2 (20 mai 1794). Après la dissolution de la convention, il entra au conseil des 500, et y resta jusqu?en 1798 : à cette époque, il rentra dans la vie privée et n?en est plus sorti même dans les cent jours. C?est sur sa proposition que la convention décréta l?usage du calcul décimal et de l?unité des poids et mesures ; c?est encore principalement à lui qu?est dû l?établissement de l?école polytechnique, cette pépinière de savans, orgueil de la France, objet de jalousie pour l?Europe.

Prieur a publié plusieurs ouvrages sur les poids et mesures et plusieurs mémoires et rapports dans le journal de l?école polytechnique et dans les annales de chimie.

Cet homme de bien, ce savant modeste, ce législateur courageux et intègre, est mort à Dijon le onze août courant, à l?âge de 69 ansii.

Le second est Pierre Daumesnil, dit la jambe de bois, cité comme un brave parmi les braves, et dont le nom est populaire. Né à Périgueux le 14 juillet 1777, il est décédé le 17 de ce mois au château de Vincennes dont il était gouverneur, à l?âge de 55 ans, par suite d?une attaque du choléra-morbus.

Sa vie est simple comme celle de la plupart des hommes de nos grands jours. Parti comme volontaire en? il fit les campagnes d?Italie et d?Egypte. En 1808 il était chef d?escadron dans la garde impériale, et lors de l?insurrection de Madrid il eut deux chevaux tués sous lui. En 1809, il fut nommé major de la garde, colonel à Wagram ; le 21 février 1812, il fut promu au grade de général de brigade, ensuite gouverneur de Vincennes et commandant de la légion-d?honneur. En 1814 il fut nommé commandant de la place de Condé ; mais en 1815 Napoléon lui rendit le commandement de Vincennes : il le perdit à la seconde rentrée des Bourbons, fut mis à la retraite le 8 septembre 1815 et resta dans cette position jusqu?à la révolution de juillet, lors de laquelle il fut réintégré dans sa place.

Le brave Daumesnil eut la jambe emportée par un [6.2]boulet à la bataille de Wagram, d?où lui est venu le glorieux sobriquet que mainte chanson a illustré.

On cite de cet officier-général des réponses remarquables. Sommé de rendre Vincennes, il répondit en riant, je le rendrai quand les Russes me rendront ma jambe. Blucher qui ne le connaissait pas lui écrivit pour lui proposer trois millions s?il voulait rendre cette forteresse : Daumesnil lui répondit : « Je ne vous rendrai pas la place que je commande, mais je ne vous rendrai pas non plus votre lettre, à défaut d?autres richesses elle servira de dot à mes enfans. » C?est aussi la seule qu?il leur laisse. Le gouvernement acquittera sans doute la dette de la patrie envers sa veuve et ses enfans.

MM. Aumassip, Grener et Dupin aîné ont prononcé sur la tombe de cet incorruptible et brave général des discours que nous regrettons de ne pouvoir transcrire.

Ainsi s?éteignent chaque jour les nobles débris de la république et de l?empire. Encore quelques années et les géans de la convention, les capitaines qui promenèrent le drapeau tricolore des pyramides au capitule, du Danube au Guadalquivir et au Niémen, auront vécu deux générations de héros, dormiront dans la tombe d?un sommeil éternel ; mais Clio a gravé leurs noms au temple de Mémoire. Panthéon, tu réclames les urnes de ces grands citoyens !

Marius Ch....g.

 

 

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