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2 septembre 1832 - Numéro 45
 
 

 



 
 
    

lectures prolétaires.1

Ce qui est le plus rare parmi les hommes, c’est une idée homogène et complète.
De Pradt2.

Comme un compas suffit pour mesurer le monde ; de même des principes suffisent pour embrasser tous les événemens.
Idem.

Les soupçons sont entre les pensées, ce que sont les chauves-souris parmi les oiseaux.
Bacon3.

Une vérité n’appartient pas à celui qui la trouve, mais à celui qui la nomme.
Fontenelle4.

Celui qui se borne à ce que les autres ont pensé, ressemble à un homme qui allant chercher du feu chez son voisin, en trouverait un bon et s’y arrêterait sans se donner la peine d’en apporter chez lui.
Plutarque5.

Plus vous cédez de votre liberté, plus vous êtes prêts à perdre le reste.
Servan.

Si les hommes ne veulent point s’occuper du malheur des autres pour se soulager, que n’y pensent-ils pour s’en garantir eux-mêmes.
Idem.

Hommes prompts et légers, si l’on mesurait vos denrées comme vous mesurez la certitude, vous crieriez au voleur.
Idem.

Quand votre majesté dit oui, si tout le monde disait non, qu’arriverait-il ?
Un fou à Philippe II, roi d’Espagne.

L’homme nait avec le sentiment de son indépendance ; le grand art de l’élèver c’est de ne pas heurter ce sentiment qui doit un jour servir de base à toutes ses vertus.
Anne Radcliffe6.

Plus l’autorité agitera le vase ou les vérités nagent pêle mêle avec les erreurs, plus elle retardera la séparation des unes et des autres.
D’Alembert7.

La fortune est une fille de condition qui s’abandonne à des valets.
Epictète8.

La violence est le délire du pouvoir ; la colère est l’ivresse de la violence.
Necker.

Que de vertus l’on affecte que pour se dispenser d’être justes.
Idem.

On parvient à dépriser les plus nobles sentimens en leur donnant le nom d’exaltation. C’est une manœuvre assez ordinaire aux hommes médiocres, qui pour conserver une idée honorable de leur stature, s’efforcent de donner un air gigantesque à tout ce qui les surpasse.
Idem.

[7.2]0 temps ! être inconnu !
Je te vois, je te sens, et ne te conçois pas.
O Saturne ! ô destin ! divinité muette,
Quel est de ton pouvoir la limite secrète ?
O combien de débris ont semé ton chemin !
Que de peuples puissans sont tombés sous ta main.
Trop heureux, si ta voix consacrant leur mémoire,
Daigne encore séparer par un instant de gloire,
De ces mortels si vains, la tombe et le berceau.
Esmenard9.

Heureux ceux qui sont loin des fêtes étrangères,
Et ne se sont assis qu’aux rives bocagères.
Si le geai bleu, touché des longs gémissemens
Dont l’oiseau voyageur exhale ses tourmens,
Lui disait : ah ! suspend cette douleur profonde,
Jouis de ces bosquets, baigne-toi dans cette onde.
L’oiseau lui répondrait : dans d’autres régions,
Le soleil sur mon nid darde ses doux rayons.
Mlle Arnassant10

Tu portes avec confiance tes mains sur ces biens ; arrête, ils ne sont pas faits pour toi. Ta naissance, ta faiblesse, ton âge, rien ne te donne le droit d’en jouir. Veux-tu savoir quelle part tu dois y avoir un jour ? regarde autour de toi, quel est l’état et la condition de ceux à qui tu dois le jour ? sont-ils riches ou pauvres, tyrans ou esclaves ? leur sort sera le tien. Est-tu né dans ces pays barbares où l’homme tel que la bête de somme est vendu par son semblable ? rassure-toi si tu es du nombre de ces esclaves, tu appartiens à un maître : ton travail, ton attachement et ton zèle t’assurent une subsistance. Il te consolera dans tes peines, il te soulagera dans tes maladies, il craindra de te perdre. Mais si tu as vu le jour dans ces pays plus barbares encore, où le malheureux n’a d’autre bien que l’air qu’il respire, si tes parens sont condamnés à cultiver pour d’autres, cette terre qui ne produit pour eux que le travail et la douleur, frémis d’être né homme ; destiné à consacrer tous les momens de ta vie au riche qui te méprise, à peine te jète-t-il dédaigneusement de quoi t’empêcher de mourir. Et lorsque tu auras consumé tes forces à le servir, lorsque tes membres affaiblis ne se prêteront plus au travail, il te traînera dans ces prisons décorées du nom d’hôpitaux.
Laveaux11

Notes (lectures prolétaires. Ce qui est le plus rare...)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Il s’agit de l’abbé Dominique de Pradt (1759-1837). Député du clergé en 1789, royaliste sous l’Empire, il entamera un court virage libéral sous la Restauration et sera élu député du Puy-de-Dôme (1827-1828), siégeant aux côtés de Benjamin Constant. Il reviendra vers le royalisme au début de la Monarchie de Juillet. En 1832 il publie De la presse et du journalisme et Du refus général de l’impôt.
3 Il s’agit ici de Francis Bacon (1561-1626), philosophe anglais auteur de L’Avancement des sciences (1605), de Novum Organum (1620) et de La nouvelle Atlantide (1627).
4 Il s’agit de Bernard le Bovier de Fontenelle (1657-1757), philosophe et poète français qui joua un grand rôle dans la diffusion des idées nouvelles de son temps, auteur de Digression sur les Anciens et les Modernes (1688).
5 Il s’agit ici de Plutarque (46-120), moraliste grec auteur des Vies parallèles des hommes illustres.
6 Il s’agit d’Ann Radcliffe (1764-1823), romancière anglaise auteur de romans « gothiques » à succès comme Les mystères d’Udolphe (1797, édition originale 1794).
7 Il s’agit ici de Jean le Rond D’Alembert (1717-1783), mathématicien et philosophe français, rédacteur aux côtés de Diderot de L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers dont il rédige le fameux Discours préliminaire.
8 Il s’agit d’Epictète (50-125/130), philosophe et moraliste grec représentant de l’école stoïcienne.
9 Il s’agit probablement de Joseph Esmenard (1767-1811), journaliste et homme de lettres français, créateur du journal anti-jacobin Le babillard du Palais-Royal (juin-octobre 1791), devenu plus tard le véritable « poète officiel » sous l’Empire.
10 Il s’agit ici de Marie-Louise Arnassant, Atala, poème en six chants, suivi de pensées poétiques, publié à Lyon en 1810.
11 Il s’agit de Jean-Charles Thibault de Laveaux (1749-1827), grammairien, lexicographe et homme de lettres français, auteur en 1818 du Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales de la langue française.

 

 

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