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2 septembre 1832 - Numéro 45
 
 

 



 
 
    
LITTÉRATURE.

L’auteur du De profundis des trois jours, pièce de vers d’un mérite supérieur, que nous avons signalée dans un de nos derniers numéros, a bien voulu nous ouvrir son portefeuille. Dans l’intérêt de nos lecteurs nous y puiserons souvent. Ce jeune homme a un véritable talent poètique ; Nous offrons au public pour en juger, les stances qui suivent, adressées à l’immortel Béranger. Ce poète aimable a encouragé notre jeune auteur à poursuivre la carrière des Delavigne1, des Lamartine, etc. Les convenances nous empêchent de publier la lettre qu’il a adressée à M. Roussillac. Il fait beau voir le poète aurela tendre la main à son émule.

a béranger.

Air : d’Octavie.

O Béranger, le peuple te demande
Des chants nouveaux pour tromper sa douleur ;
Il se souvient que ta voix noble et grande,
Rit du pouvoir et flatte le malheur.

Dis ses exploits dans la triple journée,
Et son triomphe aussi pur que brillant ;
Dis ta bannière aux vents abandonnée,
Qu’il exhuma de son pavé béant.

Toi seul pourrais à de chères victimes
Donner le sceau d’un baptême divin,
Et consoler par tes odes sublimes,
La sœur, la veuve et le pauvre orphelin.

[8.1]Toi seul pourrais du héros des Deux-Mondes
Peindre l’audace et la sérénité,
Lorsque du peuple il soulevait les ondes
Contre un pouvoir stupide et détesté.

Ta muse alors silencieuse et sage
Et pressentant des mécomptes futurs,
Ne voulut point aux palmes du courage,
Associer des intrigans impurs.

Tu jugeais bien nos roués politiques,
Ces loups-renards, princes et courtisans,
Dont l’ame au grè des tourmentes publiques
Rampe ou s’élève et se rit des sermens.

Mais aujourd’hui que l’affreux hypocrite
Laisse tomber son masque décevant
Rends à Judas ce que Judas mérite,
Ce qu’il mérite, à l’apôtre fervent.
O Béranger, etc.

En grands acteurs Paris est bien fertile,
Tartufe encore est gros, gras et huppé ;
Vois ! Figaroi met le froc de Basile ;
Par Bartholo tout le monde est dupéii.

Un vaste champ d’ignoble ridicule
Offre à ta faulx une riche moisson ;
Le brave Thiers croit égaler Hercule,
Viennet Homère, et Mahul Cicéron.

Au pilori de ta lyre magique
Il faut traîner les libéraux bâtards ;
Les torturer de ton vers satirique,
Stygmatiser leurs visages blafards.

Non, tu ne peux sur les maux de la France,
O Béranger, plus long-temps fermer l’œil :
Réveille-toi poète ! ton silence
Aux deuils publics ajoute un nouveau deuil.

De ton génie une seule étincelle
Du feu sacré qui couve dans nos cœurs
Peut ranimer la chaleur immortelle ;
Chante, il est temps, chante et taris nos pleurs à
O Béranger, etc.

Amédée roussillac.

Notes (LITTÉRATURE.)
1 Il s’agit de Casimir Delavigne (1793-1843), poète et auteur dramatique français, d’esprit libéral, bibliothécaire au Palais-Royal au début de la Monarchie de Juillet. Jouée en 1832, sa tragédie en 5 actes, Louis XI fut à l’époque un grand succès.

 

 

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