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20 novembre 1831 - Numéro 4
 
 

 



 
 
    
DE LA CONCURRENCE.

On parle toujours de la concurrence ; qu'elle ruine le commerce ; je l'ai long-temps cru ; enfin, mes yeux se sont dessillés ; voici un fait :

J'avais dernièrement une commission de cent pièces de taffetas à placer ; je fus chez un négociant avec lequel je fais souvent des affaires, et traitant d'une partie de ma commission, il me livra vingt pièces au prix de 6 fr. 25 c. l'aune. Je vis d'autres maisons. Le lendemain, divers négocians sachant que j'achetais, vinrent m'offrir le même article à 6 fr. ; j'achetais à deux maisons quarante pièces. Le même jour, vinrent encore deux négocians qui m'offrirent de me livrer l'article à 5 fr. 75 c., et j'achetais vingt pièces à l'un ; l'autre voyant que je ne lui commettais rien, revint une heure après m'offrir de me livrer de suite à 5 fr. 55 c. ; je complétais ainsi ma commission, et je ne pus m'empêcher de lui dire : Coquin que vous êtes ! comment faites-vous pour me livrer à ce prix une étoffe dont le courant est de 6 fr. à 6 fr. 25 c. Ah ! Monsieur, me répondit-il, pour commencer des affaires avec vous, nous ne faisons aucun bénéfice, et d'ailleurs nous avons plus de talent pour l'achat des matières que M. P***, et ce qui fait encore que nous pouvons vendre à ce prix, c'est que nous rattrappons sur la main-d'?uvre.

Ainsi, ce n'est pas la concurrence étrangère qui tue la fabrique d'étoffes de soie ; mais c'est cette concurrence scandaleuse que je viens de signaler.

Un commissionnaire.

 

 

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