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16 septembre 1832 - Numéro 47
 
 

 



 
 
    
LYON.1

Sur la pétition adressée par le Conseil des Prud’hommes à M. le Ministre du Commercei.

Il y a quelque temps que nous avons annoncé qu’une pétition avait été adressée par les membres du conseil des prud’hommes, à M. le ministre du commerce, afin de réclamer des lois protectrices de notre industrie, ou, pour mieux dire, des réglemens de douanes, à l’effet d’empêcher l’exportation de nos mécaniques. M. le préfet vient de faire tenir au conseil la réponse de M. le ministre, de laquelle il résulte que le conseil était dans l’erreur de croire que le simple droit de 2 p. % existait encore sur l’exportation des machines. Ce droit a été réduit par une ordonnance du 16 juin dernier, à 2 p % applicable seulement sur un quart de la valeur. M. le ministre fait observer que cette réduction a été effectuée sur les réclamations unanimes qui se sont élevées contre le droit de 2 pour cent. Nous persistons à croire, qu’à ce [1.2]sujet, il est tombé dans une erreur grave, et qui peut porter un coup mortel à notre industrie, en confondant les vœux de quelques constructeurs de machines et d’ustensiles, avec les intérêts de l’industrie lyonnaise, qui est d’exporter les produits de son industrie ; en conservant ses inventions et ses procédés mécaniques, qui servent à sa production, et qui lui ont jusqu’à ce jour conservé sa supériorité sur toutes les autres villes manufacturières. Nous ne pouvons croire que la chambre de commerce, que nos députés, que les membres du comité des arts et manufactures, qui représentent l’industrie de notre ville, aient donné leur assentiment à une pareille mesure, qui tend évidemment à diminuer nos exportations, en suscitant, non-seulement à Lyon, mais à St-Etienne, à Nîmes, une nouvelle concurrence. Tout le monde sait que nos voisins, depuis long-temps envient notre industrie, qu’ils cherchent tous les moyens de nous la ravir ; et que si chez eux elle commence à y prospérer, c’est que les gouvernemens étrangers la favorisent et lui accordent toutes les protections dont elle est susceptible. L’Angleterre, qui déjà frappe nos soieries à leur arrivée dans ses ports, d’un droit de 30 pour cent, nous menace aujourd’hui d’en prohiber l’entrée. Lorsque l’Allemagne, le Piémont, l’Italie et l’Espagne, auront augmenté leurs moyens de fabrication, ces peuples nous tiendront le même langage, et finiront par prohiber nos produits.

M. le ministre observe encore que, soit par la contrebande, soit en payant des droits de douanes plus élevés, nos voisins sont aujourd’hui venus à bout de nous enlever presque tous nos procédés mécaniques, et qu’il en sera de même de ceux que nous pourrions inventer. S’il en était ainsi précédemment, nous pouvions espérer qu’il n’en serait pas toujours de même, qu’une autre marche serait suivie, et qu’en améliorant encore nos procédés, nous serions toujours sans concurrence pour les façonnés et les articles de nouveautés ; que nous pourrions, à force de génie et de persévérance, en faisant prospérer notre commerce, améliorer le sort de nos industriels, et préserver notre ville d’une décadence qui nous paraît si imminente. Il est douloureux pour nous, de perdre jusqu’à cette espérance, et cela par la volonté même de notre gouvernement.

C’est par une ordonnance, en date du 12 octobre 1830, que l’exportation des machines fut permise, moyennant un droit de 2 pour cent, et c’est le 16 juin dernier qu’il [2.1]a été réduit sur un quart pour cent de la valeur, comme nous l’avons dit plus haut.

Il serait possible qu’avant la fin de l’année, en suivant cette marche, une nouvelle ordonnance accordât une prime à l’exportation des machines plutôt qu’à l’exportation des étoffes unies, réclamée depuis long-temps par nos fabricans, qui demandent que les sommes perçues sur l’entrée des soies étrangères, soient applicables à cette prime. M. le ministre du commerce n’a jamais voulu entendre raison à ce sujet.

A quoi bon aujourd’hui chercher à perfectionner notre industrie ? à quoi bon les écoles spéciales de dessin ? pourquoi discuter sur l’organisation future de l’école la Martinière, si les fruits que peuvent procurer de pareilles études ne doivent être recueillies que par l’étranger ? Que nous sert d’avoir des industriels intelligens, si par la négligence et l’incurie de nos gouvernans, ils sont obligés, pour vivre, d’emporter leurs machines et leurs talens à l’étranger, où ils apprendront à oublier leur patrie ?

Pourquoi notre imprévoyance force-t-elle nos malheureux concitoyens à aller mendier leur existence à l’étranger en l’enrichissant de leurs talens, et en créant ainsi une concurrence funeste à leur pays ?… Est-ce là le but de M. le ministre du commerce ? nous sommes loin de le penser ; mais nous voyons un effet dont nous ne pouvons nous expliquer la cause. La grande population de notre ville manufacturière l’épouvante-t-elle ? Nous n’avons jamais voulu attribuer qu’à la malveillance les propos qui ont pu circuler à ce sujet, il nous sera doux d’en recevoir le désaveu ; mais alors il faudra que le ministère agisse en conséquence.

F......t.

Notes (LYON.)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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