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23 septembre 1832 - Numéro 48
 
 

 



 
 
    
 AU MÊME.

Lyon, 14 septembre 1832.
Monsieur,
La même plainte que vous avez insérée, il y a trois mois, dans votre journal, sur la déclaration d’un ouvrier dont vous avez cru devoir taire le nom, que nous ne payons que 60 cent. le mille les mêmes articles que d’autres maisons payent 85 cent., s’est renouvelée en d’autres termes à la séance des prud’hommes de mardi dernier.

M. Peyronnet, chef d’atelier, qui nous a monté deux métiers en 6/4, il n’y a encore que peu de jours, trompé par les ouï-dire de ses ouvriers, et poussé par quelques personnes qui se croyaient intéressées dans la cause, a avancé, avant d’avoir pris le temps de reconnaître son erreur, que nous payions 5 fr. les mêmes articles que d’autres maisons paient 7 fr. 50 c.

Renvoyés par-devant trois membres du conseil (dont deux chefs d’ateliers), chargés de prendre une connaissance exacte de la cause pour ensuite chercher à nous concilier : six heures au moins ont été employées à prendre des renseignemens de tous genres, soit chez les fabricans, soit chez les maîtres faisant l’article ; et c’est après un examen approfondi, après une longue discussion où MM. les prud’hommes, fabricans et chefs d’ateliers, ont montré un tact exquis dans l’appréciation du grand nombre d’articles qui leur ont été soumis, et où 1es intérêts de l’ouvrier ont été défendus avec habileté, qu’il a été reconnu en fait :

1° Que les mouchoirs que nous payons 5 fr. ne pouvaient être assimilés à ceux que d’autres maisons payent 7 fr. 50 c.

[3.2]2° Que ceux de nos articles qui auraient pu leur être comparés, étaient payés à peu près les mêmes prix. Et en droit :

Que payant l’article qui faisait le sujet de la contestation au cours des maisons faisant le même article sous tous les rapports, nous ne pouvions qu’être invités à le payer quelque chose de plus.

MM. les prud’hommes ont apprécié les motifs qui nous mettaient dans l’impossibilité de le faire.

Mais ne voulant pas même encourir le reproche d’avoir profité de la méprise d’un ouvrier, nous avons offert immédiatement, et en présence de nos arbitres, à M. Peyronnet, de lui tenir compte de tous ses frais si, croyant trouver plus d’avantage à travailler pour une autre maison, il voulait nous rendre ses comptes. Cette affaire étant pour nous bien plus une question d’honneur que d’argent, nous le remercions sincèrement d’avoir provoqué une discussion qui servira à nous rétablir dans l’esprit de tous ceux qui, comme lui, avaient pu se laisser tromper par les apparences.

C’est dans cette intention, monsieur, que nous vous prions de vouloir insérer notre lettre.
Agréez, etc.
Cinier, Fatin.

P. S. M. Peyronnet, éclairé et convaincu par la discussion à laquelle il a assisté et pris part, vient à l’instant nous dire que, non-seulement il nous conservera ses deux métiers, mais encore, si cela peut nous convenir, qu’il nous en montera deux autres. Proposition qui a été acceptée. Entre gens de bonne foi cela ne pouvait finir différemment ; et nous nous félicitons d’avoir conservé l’estime d’un homme aussi franc et loyal que M. Peyronnet.

 

 

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