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23 septembre 1832 - Numéro 48
 
 

 



 
 
    
 LITTÉRATURE.

Nous allons chercher bien loin des talens qui sont bien près, et qui ne demandent qu’à se faire connaître pour rivaliser avec les dieux du Parnasse. L’Echo de la Fabrique verra avec plaisir ces jeunes poètes lui apporter le tribut de leurs veilles. Déjà il a ouvert ses colonnes à MM. Berthaud et Amédée Roussillac, nous espérons enrichir successivement notre galerie des poésies de MM. Eugène Lamerlière, César Bertholon, Ceséna, Eugène Dufaitelle, et de quelques-uns de ces jeunes hommes auxquels un avenir de gloire est promis. Nous n’oublierons pas non plus cette jeune fille, Mlle Sophie Grangé1, qui, selon nous, cherche mal à propos dans l’originalité, une célébrité que les muses lui assureraient dans un commerce paisible, qu’elle est digne de cultiver avec elles. Aujourd’hui nous allons nous occuper d’un poète peu connu, quoiqu’il mérite de l’être, ainsi que les lecteurs vont en juger.

M. Pierre Corréard, saint-simonien, fils d’un riche négociant de cette ville, vient de publier le premier numéro d’un recueil de chansons2 composées par lui dans les années 1826 et suivantesi. L’une d’elles, le Cigare, est devenue populaire. Nous la donnerons dans un prochain numéro ainsi que le Barde gaulois qui peut servir de modèle aux hymnes de guerre ; nous allons transcrire les deux chansons suivantes, qui nous ont paru d’un mérite supérieur, et, à vrai dire, nous avons été embarrassés pour faire un choix. Il y a du Chénier et du La Martine dans le cerveau de ce poète lyonnais.

SAMUELii.
1828.
Air : Il est donc parti ce vainqueur.

Au temps des juges d’Israël,
Les Hébreux désirant un maître,
Demandaient au vieux Samuel
Que, par lui, Dieu le fit connaître.

[7.2]« Le ciel vous parle par ma voix,
Dit le vieillard qui sort du sanctuaire,
Il vous exauce en sa colère :
Tremblez !!! vous aurez des rois. »

Oui, nous le voulons… plus de retard :
– Vous l’aurez… Oubliez la gloire
De celui qui d’un seul regard
Donne ou retire la victoire,
Souvent, pour prix de vos exploits,
Ces maîtres qui font votre envie,
Vous raviront et l’honneur et la vie :
Tremblez !!! etc.

« Vos fils serviront leurs valets ;
Vos filles, vos femmes en larmes,
De force en leurs riches palais,
Verront prostituer leurs charmes ;
Du Seigneur respectant les lois,
Un grand-prêtre a dit : Anathème !
On le massacre à l’autel même.
Tremblez !!! etc. »

« Vous serez accablés d’impôts,
Pour eux seuls produira la terre ;
Ils vous causeront plus de maux
Que la faim, la peste et la guerre.
Hébreux, ces maîtres je les vois,
Sur le glaive appuyer leur trône ;
Le sang inonde leur couronne :
Tremblez !!! etc. »

« Oui, l’avenir m’est déroulé,
Grand Dieu !!! jusqu’où va leur audace…
Mais le temple s’est écroulé,
D’Israël on proscrit la race…
Alors vous n’aurez plus le choix
De briser de rudes entraves ;
Pour toujours vous serez esclaves,
Tremblez !!! vous aurez des rois !

***

HYMNE.
1831.
Air : Tendres échos errans dans ces vallons.

Bénissons Dieu, que la céleste odeur
D’un encens pur, enfant de l’Arabie,
Des hymnes saints augmente la splendeur ;
Vierges, prenez votre harpe chérie,
Fumez, encens ; mêlez-vous, douces voix ;
Montez ensemble aux pieds du Roi des rois.

Il a voulu, mille globes de feux
Au même instant s’élance dans l’espace ;
L’homme est formé pour habiter les cieux
Dieu doit choisir les plus purs de sa race.
Fumez, etc.

Ah ! quand celui qui créa l’univers,
Dédaignerait nos vœux et notre hommage,
Croire lui plaire en nos simples concerts,
Peut de la vie alléger l’esclavage.
Fumez, etc.

[8.1]Mais qu’ai-je dit, enfant, chaque matin,
Il m’en souvient, quand j’offrais à mon père,
Des fleurs, des fruits, cueillis en son jardin,
Il souriait… Dieu nous devons te plaire,
Fumez, etc.

Souffle des airs qui bruit dans les roseaux,
Odeur d’amour qu’au printemps on respire,
Parfum des fleurs, chants légers des oiseaux,
Mariez-vous à nos chants, à la myrrhe.
Fumez, etc.

Notes ( LITTÉRATURE.)
1 Le Papillon, surtout un temps durant l’année 1832, favorisa, le premier, l’expression des femmes lyonnaises. Sophie Granger publia ainsi deux poèmes remarqués et discutés dans lesquels elle revendiquait l’égalité et l’autonomie des femmes : « Moi » fut publié dans le numéro du 10 juillet, « A la femme » dans celui du 4 septembre.
2 Après ce premier recueil, les  Chansons par Pierre Corréard, furent publiées à Lyon à l’imprimerie D.-L. Ayné en 1833.

 

 

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