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30 septembre 1832 - Numéro 49 |
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SOMMAIRE. [1.1]Du conseil des prud’hommes. – Sur l’affiche du jugement qui condamne M. Tiphaine à 10 fr. d’amende, pour avoir insulté le conseil des prud’hommes, et lettre de M. Tiphaine. – Note sur la lettre d’un marchand-fabricant. – Conseil des prud’hommes, séance du 27 septembre. – Lettre de M. Gouge. – Lettre de M. Verpillat. – Lettre de M. Cognat sur la saisie opérée par M. le commissaire de police Remy, le 23 septembre courant, dans le domicile des saint-simoniens de Lyon. – Lettre de M. Bitry, sur la manière dont s’opère la vaccination gratuite. – Résultat de la réclamation faite par le gérant de l’Echo à son confrère du Papillon contre une expression inconvenante employée à l’égard des ouvriers en soie. – Aux lecteurs, sur la nécessité de signer les lettres et articles qu’on adresse à l’Echo. – Littérature : Mort du duc de Reischtadt, par Amédée Roussillac. – La Prolétairienne, par P. Corréard. – Souscription aux œuvres complètes de feu Antoine Vidal, prospectus par MM. Falconet et Marius Chastaing. – Avis aux souscripteurs du banquet Garnier-Pagès. – Variétés : Ecoles rurales. – Substitution du gaz à la vapeur. – Etat financier de l’Angleterre. – Fait curieux arrivé à Lyon. – Coups de Navette. – Avis au public. – Annonces diverses.
DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES. 1
Nous avons attendu long-temps avant que de nous rendre l’interprète des plaintes que les chefs d’ateliers font entendre de toute part. Il faut le dire aussi, des relations d’amitié, et ce qu’on appelle vulgairement bon voisinage, nous retenaient. Cependant, nous serions coupables envers nos commettans, envers nos amis eux-mêmes, si nous gardions plus long-temps un silence que déjà l’on nous reproche. Le blâme ne peut plus expirer sur nos lèvres, le cri de notre conscience ne saurait être refoulé plus long-temps ; d’ailleurs il a fait explosion ; nous allons donc commencer une nouvelle carrière, pénible pour nous à fournir, mais dans laquelle nous avancerons d’un pas ferme quoique mesuré2. Le conseil des prud’hommes, disent les ouvriers en soie avec une énergie croissant chaque jour, ne remplit pas sa mission. Nous n’accusons pas les intentions, ajoutent ces hommes estimables, mais à quoi servent-elles ? Nous avons cru nommer les plus capables et les plus zélés : s’endorment-ils sur la modeste chaise de leur tribunal comme tant d’autres sur des siéges plus élevés et [1.2]plus moëlleux, ou comme les académiciens dans leur fauteuil ? Est-ce que les dignités auraient déjà fait sur eux un tel effet ? le pouvoir serait-il donc tellement contagieux qu’il suffise d’y arriver pour cesser de le mériter ; et les hommes caustiques n’épargnent pas les lazzis. Tous les jours nous entendons ces reproches formulés de mille manières ; il faut bien que ceux que cela regarde directement en soient instruits ; ce serait leur rendre un mauvais service que de leur cacher plus longtemps la vérité ; osons la dire. Qu’ont fait les prud’hommes depuis leur installation ? quelle jurisprudence ont-ils adopté ? quelle question importante ont-ils résolue ? quelle amélioration réelle ont-ils apporté à la condition de leurs camarades, naguère compagnons d’infortune ? ont-ils même obtenu la liberté de la défense que cinq mille trente chefs d’ateliers ont réclamé par une pétition déposée en nos bureaux ? la liberté de la défense qui est un droit sacré admis devant tous les tribunaux, et dont le refus par le conseil des prud’hommes ne pouvait pas être compris par les organes indépendans de la presse ; question vitale qui a pour elle la sanction unanime de la presse et l’appui du barreau ; et cependant ne savent-ils pas combien dans les circonstances actuelles ce droit serait utile ; ne connaissent-ils pas les secrets motifs des prud’hommes-négocians pour s’opposer à cette mesure ? ne savent-ils pas que ce droit admis amènerait immédiatement la nécessité d’une jurisprudence fixe, et porterait le flambeau d’une discussion sérieuse sur ces transactions immorales que les marchands-fabricans décorent du nom pompeux de conventions ? ne savent-ils pas que si les ouvriers insistent sur ce droit, c’est dans leur intérêt et non dans celui de la gent judiciaire, sous quelque nom qu’il plût à ses membres de se présenter, soit comme agens d’affaires, soit comme avoués ? Il faut en convenir, la classe des ouvriers est plus malheureuse depuis l’installation du conseil actuel des prud’hommes qu’auparavant, et avec moins d’espoir de rompre ce réseau de misère qui l’entoure. Il semble qu’on a conservé contr’elle, dans certain lieu, rancune de son triomphe futile. Nous ne pouvons pas dire tout ce dont on nous charge ; on nous accuserait de pousser à la haine, d’attiser les brandons de la discorde entre les prud’hommes-négocians et les prud’hommes chefs d’ateliers, entre la classe des marchands et celle des ouvriers. [2.1]Nous aurions bien pour nous la conscience d’avoir fait notre devoir ; nous pourrions bien dire avec vérité que cette accusation serait aussi peu juste que si l’on accusait la sentinelle qui crie qui vive, de troubler l’harmonie de deux armées ennemies lorsqu’elles viennent de signer la paix. Mais que nous servirait peut-être d’avoir raison ? Nous espérons que de part et d’autre on appréciera notre modération, notre silence. Notre voix plus libre serait, nous le croyons, plus utile même à nos adversaires ; mais Cassandre eut beau prévoir les maux de Troie, et en avertir Priam, elle ne fut pas écoutée, parce qu’il fallait que les destins d’Illion s’accomplissent. Avant d’aller plus loin, nous croyons devoir rechercher les causes de la nullité de l’intervention des prud’hommes chefs d’ateliers dans le conseil actueli ailleurs que dans leurs intentions que personne ne met en doute, ailleurs que dans leur capacité que nous nous plaisons à reconnaître. Ce sera le sujet d’un prochain article. Nous avons besoin de nous recueillir, la question est grave.
i On ne pouvait pas dire que les chefs d’ateliers fussent représentés dans l’ancien conseil, puisqu’ils n’étaient pas élus directement par leurs confrères.
Sur l’affiche du jugement qui condamne le sieur Tiphaine à dix francs d’amende, pour avoir insulté le conseil des prud’hommes. Nous prions nos lecteurs de revoir le N° 40 du journal, en date du 29 juillet dernier, qui rend compte de la séance du conseil des prud’hommes, en laquelle le sieur Tiphaine s’étant, ainsi qu’il en avait le droit, présenté, assisté de deux ouvriers pour les défendre, en fut empêché arbitrairement par M. le président du conseil. On sait qu’une polémique s’est engagée, et qu’il a été démontré, pour tout homme de bonne foi, que la force seule pouvait interdire à un citoyen la faculté d’en assister un autre. Nous ne pensions pas que M. le président mettrait à exécution le jugement qu’en vertu de son pouvoir discrétionnaire il rendit alors contre le sieur Tiphaine ; car il est vrai de dire que si ce dernier eut tort de s’emporter, M. le président avait encore plus tort de le mettre dans ce cas, en lui refusant brutalement l’exercice d’un droit légitime. On a sans doute été étonné de voir au bas de ce jugement la signature de MM. Labory, Charnier, Falconet, Perret, Sordet, Verrat, Bourdon et Martinon, prud’hommes chefs d’ateliers. Ils nous ont expliqué que c’était par erreur qu’ils avaient signé ce jugement. Lorsque le secrétaire du conseil le leur présenta, il était revêtu de la signature de leurs collègues, et ils crurent que c’était un jugement ordinaire ; ils signèrent de confiance suivant l’usage. Nous devions cette explication au public et au sieur Tiphaine qui, dans cette circonstance, a fait le devoir d’un bon citoyen, et n’est coupable que d’avoir prononcé des paroles un peu vives, mais excusées par la conduite arbitraire employée à son égard, et par ce scandaleux déni de justice que nous ne nous lasserons pas de signaler jusqu’à ce que l’intervention de l’autorité l’ait fait cesser. Voici la lettre que M. Tiphaine nous adresse : AU RÉDACTEUR. Monsieur, Ce n’est pas sans surprise que j’ai vu placardé sur les [2.2]murs de cette ville un extrait seul du jugement contre moi rendu par le conseil des prud’hommes de Lyon, le 26 juillet 1832 ; car la loi exige que le jugement en entier soit affiché. J’ignore quel motif on a eu d’en agir ainsi, mais comme je sais fort bien qu’en ne faisant pas connaître les causes de ma condamnation, le public pourrait être amené à tirer des inductions fâcheuses du laconisme du contenu de l’affiche ; je crois lui devoir, ainsi qu’à moi-même, l’explication succinte des faits qui ont amené ma condamnation, les voici : Chargé devant le conseil des prud’hommes de défendre officieusement les intérêts de deux ouvriers, je m’y présentai le 26 juillet 1832, assisté de ces derniers. M. Goujon, président du conseil, refusa de m’entendre. J’insistai pour user de mon droit ; l’ordre fut donné de m’expulser ; je résistai en m’écriant que c’était la force qui triomphait et non pas le droit. Ce fut alors que M. Goujon, en sa qualité de président, prononça ce jugement, que le respect que l’on doit à la chose jugée m’empêche de qualifier. Aux audiences suivantes, je reparus devant le conseil, et je n’ai pu faire triompher devant ce magistrat le principe inviolable et sacré de la libre défense, malgré que les journaux de cette ville, une consultation d’avocats et une lettre de M. Odilon-Barrot, aient résolu la question contrairement à la volonté de M. le président. Déjà une lettre, par moi publiée le 28 juillet dernier, a donné une connaissance plus étendue des faits qui précèdent ; mais, comme un grand nombre de personnes pourraient les avoir oubliés, et que la lecture du seul extrait affiché pourrait laisser, comme je l’ai dit plus haut, une impression défavorable sur mon compte, j’ai cru devoir vous adresser la présente, pour que vous ayez la bonté de vouloir l’insérer dans le plus prochain numéro de votre estimable journal. Agréez, etc. tiphaine.
Note sur la lettre d’un marchand-fabricant.1 Nous avons reçu une lettre signée : un marchand-fabricant, commençant par ces mots : J’ai lu dans vos derniers numéros, etc., et finissant par ceux-ci : Et non des paroles. Cette lettre est honorable pour son auteur ; elle renferme des idées justes, et nous nous empresserions de la publier si ce négociant n’avait pas gardé l’anonyme. Nous l’invitons, en conséquence, à vouloir bien se faire connaître à nous ; s’il persiste à ne pas vouloir livrer son nom au public, ce qui ne saurait être que par modestie, nous garderons son secret, mais notre responsabilité ne nous permet pas d’insérer aucune lettre anonyme. Nous réitérons à cet égard l’avis que nous avons donné, en expliquant que nous n’avons pas entendu livrer à la publicité les noms de ceux auxquels cela pourrait ne pas convenir, par quel motif que ce soit ; il suffira toujours, en ce cas, de l’exiger par une note au bas de la signature. Nous nous y conformerons strictement.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 27 septembre, (présidée par m. goujon.) L’affaire entre les sieurs Malcros et Montperlier-Dubois, qui est terminée sur tous les points, sauf celui des déchets sur les matières laines et cotons, que le sieur [3.1]Malcros demande qu’on porte à 45 gr. au lieu de 30 gr. par kil. qui lui ont été seulement accordés par les sieurs Montperlier et Dubois, est appelée ; déjà renvoyée de la précédente audience, à celle-ci elle l’est encore et pour la même cause. Les membres du conseil n’étant nullement d’accord sur cette question, à notre avis, si simple, décident que l’affaire est remise à quinzaine, et qu’une enquête sera faite pour fixer le montant desdits déchetsi. Le sieur Carrier n’avait pu parvenir à se faire entendre à la précédente audience ; son affaire avait été renvoyée pardevant MM. Favier et ... Ces messieurs ont décidé que le solde du sieur Carrier montait à 15,060 gr. en matières fantaisie et coton, lesquels à 1 f. 50 les 100 gr. (au lieu de 2 fr.), formaient la somme de 225 fr. 90 c. Son avance en matières soie a été réglée à 1,825 gr. valant 5 fr. 50 c. les 100 gr., soit la somme de 100 fr. 35 c. qui, soustraite de celle de 225 fr. 90 c., donne un reliquat de 125 fr. 55 c. à la charge du sieur Carrier. Le sieur Girard, liquidateur de la maison de commerce Egly et Girard, consent à réduire cette somme à 62 fr. 75 cent. Le sieur Carrier dit ne pouvoir consentir à cette conciliation, et demande à M. le président de vouloir lui permettre de déveloper tous les faits qui ont contribué à le mettre en solde d’une aussi grande quantité de matières, qui, lors de l’inventaire que firent les sieurs Egly et Girard, quelques temps après avoir renvoyé le sieur Guillot leur commis, se montait à 25,000, et qui depuis, diminué par ses avances, ne se trouve plus que de 15,060 gr. Le sieur Carrier dit encore devoir dans l’intérêt de sa défense, rappeler la conduite du sieur Guillot qui, pour vol et abus de confiance, a été condamné à dix ans de travaux forcés ; il soutient l’avoir surpris à lui marquer des matières qu’il lui remettait, sur deux comptes, et qu’à la suite du scandale qui arriva dans le magasin, le sieur Egly lui promit de balancer ses comptes, s’il se trouvait en solde. Que cette promesse lui fut renouvelée plusieurs fois et devait avoir son exécution au réglement définitif de ses livres, ce qui ne pût avoir lieu, le sieur Egly s’étant absenté et ayant cessé de faire fabriquer en 1827, ensuite de la déconfiture de son commerce. Les comptes sont restés dans cet état depuis cette époque. Il prie le conseil de vouloir faire attention qu’un solde aussi fort, quoi qu’il eût monté onze métiers à ces messieurs, a eu lieu précisément à l’époque où le sieur Guillot était employé dans le magasin, et que depuis, son solde est diminué de 10,000 grammes ; que les livres n’étaient réglés qu’à la longue, et qu’il a été forcé de laisser son livre plusieurs jours [3.2]entre les mains du sieur Guillot, ne pouvant pendant cet intervalle, se rendre compte de ce qu’il recevait ou rendait, ni de ce qui pouvait être ajouté à ses comptes à son insu, ce qui ne pourrait jamais être reconnu, même par un expert teneur de livres, le poids des matières étant seulement marqué en chiffresii, au lieu de l’être en toutes lettres avec indication de dates. M. le président fait diverses questions aux sieurs Carrier et Girard ; à la suite d’une de ces questions, le sieur Carrier observe à M. le président qu’il a lieu d’être surpris de ces questions qui lui sembleraient mieux placées dans la bouche de son adversaire. M. le président rappelle à l’ordre le sieur Carrier, lequel fait ses excuses et demande à continuer ses observations, qu’il termine en faisant observer que sa moralité et sa probité sont connues, et que tous les fabricans pour lesquels il a travaillé l’attesteront au besoin ; que tout ce qu’il vient de relater de la conduite du sieur Guillot, doit prouver clairement que le solde dans lequel il se trouve, est du fait de ce dernier, et qu’il est assez malheureux pour lui d’abandonner ses avances pour balancer son solde, et déclare ne pouvoir consentir à la conciliation. « Vu le rapport de M. Favier, vu les faits imputés au sieur Guillot, vu la négligence des sieurs Egly et Girard à régler les livres ; attendu, également, le défaut de preuves de la part du sieur Carrier, le conseil décide que la conciliation prend force de jugement, et condamne le sieur Carrier à payer la somme de 62 fr. 55 c. au sieur Girard. » Le sieur Delorme déclare qu’il a fait constater une contravention contre le sieur Girerd, les flottes dépassant de 215 mètres la longueur voulue par le règlement, et dit que, depuis 18 mois, il employait des flottes qui étaient au-dessus de la longueur voulue, mais moins longues que les dernières. Vu la conciliation de la section de Bonneterie, ainsi conçue : « Attendu qu’il est constant que les flottes dépassent la longueur voulue, et qu’elles ont de 5,100 à 6,215 mètres ; vu l’arrêté de M. le ministre de l’intérieur, promulgué par M. le préfet du Rhône, qui fixe la longueur des flottes à 5,000 mètres ; la contravention est reconnue ; le sieur Girerd est condamné à payer la somme de 15 fr. et aux frais au sieur Delorme, qui est débouté de ses autres demandes. Le conseil décide que cette conciliation est maintenue et prend force de jugement. Le sieur Boisset réclame contre le prix de 8 fr. que veut lui faire payer le sieur Bruguier, pour le pliage d’un poil de pluche de 315 aunes de longueur. La dame Bruguier répond pour son mari, que le poil de pluche a été très-long et très-difficile à plier, la soie étant de qualité inférieure. Le sieur Boisset réplique qu’il n’a pas été averti, et par conséquent ignore si la déclaration du plieur est vraie et sa demande juste. « Attendu que le plieur n’a pas prévenu le chef d’atelier, le conseil réduit le prix du pliage à la somme de 5 fr. » Le sieur Tocanier, chef d’atelier, réclame au sieur Henry Droiteau, une indemnité pour le temps qu’il a perdu, ayant reçu un dessin mal lu, et que M. Henri Droiteau fut obligé, non-seulement de le faire relire, mais encore de le faire remettre en carte, le liseur l’ayant égaré. Dans la conciliation qui eut lieu à l’audience du 18 septembre, le sieur Henry Droiteau avait déclaré que le chef d’atelier lui avait dit n’être pas pressé. Ce fait fut désavoué à l’instant par le sieur Tocanier. [4.1]La conciliation portait qu’une indemnité de 3 francs par jour serait accordée au sieur Tocanier, à compter du jour où il avait reçu le premier dessin, jusqu’à l’époque où il reçut le second. Le sieur Henry Droiteau, reconnaît bien maintenant devoir une indemnité au sieur Tocanier, mais refuse de lui rembourser les frais de laçage et de lui payer des tirelles. « Attendu que le sieur Tocanier n’a pu travailler, par suite de l’erreur du lisage, le conseil décide qu’une indemnité de 3 fr. par jour lui sera payée par le sieur Henry Droiteau, qui remboursera les frais du laçage et tiendra compte de la tirelle sur la dernière pièce. Le sieur Droiteau est condamné aux frais. »
i Nous ne pouvons nous abstenir de réflexions pénibles sur ce sujet ; nous ne concevons pas que le conseil hésite, puisqu’à diverses époques des enquêtes sur ce sujet ont eu lieu, et qu’il a toujours été décidé que le déchet des matières laine, bourre de soie et coton était fixe à 45 grammes par kilog. ; de plus, M. Reverchon, fabricant de schals, aujourd’hui membre du conseil, fut condamné par l’ancien conseil à porter les déchets à ce taux. Lorsqu’il régla avec le sieur Gaillard, il lui dit que, si jusqu’à ce jour il avait réglé les déchets à 30 gr. par kilog., c’est qu’il ignorait l’usage, mais que dorénavant il règlerait tous les maîtres à 45 gr. par kil. puisque le conseil l’avait décidé, et qu’il serait toujours des premiers à se conformer à ses décisions. Nous avons encore la lettre que nous écrivit le sieur Gaillard à cette époque, et que nous ne pûmes insérer. Nous ignorons si M. Reverchon a tenu parole ; nous avons lieu d’en douter ; car nous savons qu’il est aujourd’hui le prud’homme-fabricant le plus obstiné à annuler les décisions de l’ancien conseil, et à réclamer une enquête, comme s’il ne tombait pas sous les sens de toutes les personnes qui connaissent ces matières, que la laine et la bourre de soie perdent, étant travaillées, un tiers et quelquefois plus que les diverses qualités de soies employées à la fabrication des étoffes ; et qu’il y aurait l’injustice la plus criante à ne pas fixer le déchet de ces matières au-dessus de la soie. ii Il y a là un abus bien grand contre lequel MM. les prud’hommes auraient dû réclamer.
Nous n’avons pu, vu l’abondance des matières, insérer dans notre numéro précédent la lettre suivante : AU RÉDACTEUR. Monsieur, Assigné à comparaître à la barre du conseil des prud’hommes de jeudi 20 septembre, le sieur Dumoulin, ma partie adverse, demanda que les marchandises que j’ai reçues de la manufacture du baron de Rostaing, pour les faire fabriquer, fussent déposées au greffe du conseil. Je voulais faire observer à M. le président que je ne pouvais me dessaisir de ce qui faisait ma garantie, vu la mauvaise foi du sieur Dumoulin, qui refuse de me payer le salaire qui m’a été promis, sans qu’il ne déposât également au greffe ce qui m’est dû. Cette affaire devait être conciliée par M. Riboud, qui ne le put, le sieur Dumoulin refusant de produire ma correspondance avec le baron de Rostaing. Eh bien ! ce que l’on aura de la peine à croire, c’est qu’il me fut impossible de me faire entendre ; M. le président statua, sans consulter ses collégues, et apparemment sans avoir compris l’affaire, puisqu’il n’a pas voulu m’entendre ; il m’imposa trois fois silence en s’emportant d’une manière épouvantable, qui a scandalisé l’auditoire. Sur son ordre, l’huissier me repoussa de la barre. De semblables procédés à mon égard, et les prévenances qu’on a eues pour ma partie adverse, ne prouvent-ils pas jusqu’à l’évidence que je suis, dans l’esprit de ces messieurs, condamné à l’avance. Je livre de pareils actes de violence aux réflexions du public. Agréez, etc. f. gouje.
AU MÊME.
Monsieur, Attaqué gravement dans mon honneur, j’ai méprisé long-temps des bruits anonymes. Mon silence a enhardi la calomnie. Ces bruits ont pris de la consistance ; je ne peux plus les tolérer, car il pourrait sembler que je les accepte. J’ai éprouvé des malheurs dans la gestion de mes affaires, je suis prêt à en rendre compte et dans tous les cas je saurais en supporter le poids ; je me tairais donc s’il s’agissait de ma position sociale, mais ce n’est pas là ce dont il est question : on m’accuse, puisqu’il faut le dire, d’être carliste ou mouchard, et je crois même l’un et l’autre ; si j’étais carliste, je l’avouerais tout comme d’autres avouent qu’ils sont républicains ou juste-milieu ; mais je le nie positivement : ce désaveu explicite d’une opinion qui, en elle-même ne serait pas un crime, doit, je pense, suffire. Beaucoup de mes concitoyens plus haut placés que moi, ne voudraient peut-être pas en faire un [4.2]aussi solennel. Si j’étais mouchard, je me cacherais pour remplir ma mission et gagner mon argent ; car enfin on conviendra bien qu’on n’est pas mouchard pour le plaisir de l’être. Eh bien ! je le déclare hautement, je porte le démenti le plus formel à qui voudra l’accepter et me prouver le contraire : qu’on fouille dans les cartons de la police, je la somme de les ouvrir à qui le demandera. Si je suis mouchard, j’ai, sans doute, fait un pacte avec elle ; eh bien ! qu’elle le produise. Qu’elle ne garde aucun ménagement, et pour la pousser à bout, pour qu’elle puisse me confondre, je lui déclare qu’elle est l’institution la plus dangereuse et la plus immorale que la société ait inventée. Autant j’estime et trouve utile la police qui s’attache à la répression des délits, autant je méprise et j’abhorre la police politique, patente et occulte. Que si, après ces désaveux formels, ce démenti porté en face de la police elle-même, des individus, quels qu’ils soient, persistent à m’accuser, il me sera permis de ne voir en eux que des ennemis personnels ; et alors, s’ils n’ont pas perdu tout sentiment d’honneur, ils se nommeront, et je les attends. Car je n’ai rien à me reprocher. verpillat, Grande rue des Capucins, n° 5.
AU MÊME.
Lyon, le 27 septembre 1832. Monsieur, Dimanche passé, M. le commissaire Remy s’est transporté à notre domicile, avec une ordonnance du juge d’instruction, a mis les scellés sur nos livres et nos papiers, alléguant que notre délit était de tenir des réunions saint-simoniennes. Je concevrais, jusqu’à un certain point, que l’on nous empêchât de prêcher nos théories, mais je ne comprends pas que l’on nous empêche d’instruire gratis le peuple, à moins de voir en cela l’acte providentiel qui déconsidèrera le pouvoir à notre profit ; car quelles que soient les persécutions que l’on nous suscite, nous continuerons avec calme mais avec courage. Je remercie hautement ici M. le commissaire de l’aménité avec laquelle il a rempli ses fonctions. Agréez, etc. cognat. P. S. Tous ceux qui voudront connaître la religion saint-simonienne n’ont qu’à rassembler chez eux dix-neuf personnes et adresser leurs demandes rue Casati, n° 1 ; on leur enverra toujours un enseignant. La religion saint-simonienne ne fait acception ni de rang social, ni d’opinions politiques.
AU MÊME.
Monsieur, Parmi les nombreux abus qui existent, il y en a de moins ou de plus funestes ; celui que je viens vous signaler est du nombre des derniers. Le fait parle assez de lui-même ; toute réflexion de ma part serait inutile. Chaque année, à une certaine époque, des affiches annoncent la vaccination gratuite1 dans les divers hôpitaux de la ville. Une malheureuse mère de famille crut qu’il suffisait de se présenter avec son enfant pour qu’il fût vacciné. Mais non : on lui demanda cinq francs pour garantie que dans huit jours elle se présenterait de nouveau afin que l’on pût prendre du vaccin sur son enfant. Cette malheureuse femme n’avait que deux francs qui [5.1]devaient la faire vivre pendant ces huit jours… elle les offrit ; – on les refusa, en lui disant d’un ton très-dur, que, puisqu’elle ne pouvait donner la garantie suffisante, son enfant ne serait pas vacciné. Enfin, quelque temps après, ayant pu compléter la somme exigée, on vaccina son enfant. Combien de mères qui, rebutées par une demande injuste et souvent au-dessus de leurs moyens, ne reviennent plus ! Et l’on viendra dire : Le peuple a des préjugés ; il ne veut pas comprendre… Oui, le peuple est malheureux, par conséquent il a tort. J’ai l’honneur, etc. bitry. P. S. Le fait cité s’est passé à la Charité ; et la demande de la garantie a été faite par un élève.
Résultat de la réclamation du gérant de l’echo à son confrère du papillon1. Nous avons annoncé, dans notre dernier numéro, que notre gérant avait écrit à M. Eugène Lamerlière, gérant du Papillon, journal entièrement littéraire, spécialement destiné aux dames et à ce qu’on appelle la haute société, pour obtenir la rétractation d’une expression inconvenante, insérée dans un de ses numéros. Voici le sujet de notre plainte : M. L… B…, décrivant le quartier St-Jean, terminait ainsi son article : « C’est un quartier mort, le silence de ses rues n’est interrompu que par le cliquetis monotone de l’ouvrier en soie, machine qui mène une autre machine, etc. » Nous ne pensons pas avoir poussé trop loin la susceptibilité en nous offensant de ce terme de machine appliqué à l’ouvrier en soie lui-même. Il faut qu’on sache bien que la classe ouvrière est déterminée à ne souffrir aucune insulte, aucun lazzi, aucune offense, aucune injustice, de quelque part et par qui que ce soit. M. Lamerlière vient d’insérer dans le N° 25 du Papillon, la note suivante : « Une phrase de l’article intitulé : le quartier Saint-Jean, inséré dans notre 22e numéro, ayant, à ce qu’il paraît, éveillé la susceptibilité de quelques ouvriers, et M. Berger, gérant de l’Echo, s’étant rendu l’interprète de leur plainte, nous nous empressons de déclarer ici que cette phrase nous a semblé toute littéraire, et qu’il était bien loin de notre pensée de jeter aucune idée défavorable sur une classe de citoyens pour laquelle nous n’avons qu’estime et sympathie, la regardant avec raison comme une des principales bases de la prospérité lyonnaise. » Nous pensons devoir nous contenter de cette amende honorable, observant néanmoins que les ouvriers en soie veulent être respectés comme hommes et citoyens, et non pas seulement parce qu’ils sont la principale base de la prospérité lyonnaise, ce qui équivaudrait à dire qu’on ne les estime qu’à raison de leur utilité et des jouissances qu’ils procurent à la classe oisive. Si l’on pense ainsi dans les salons où le Papillon pénètre, peu nous importe, pourvu que cela n’ait pas du retentissement hors des lambris dorés. L’Echo n’a jamais dit ce que dans les ateliers on pense des salons.
AUX LECTEURS. [5.2]Nous avons reçu deux articles d’économie sociale ; l’un est signé G… et l’autre n’a point de signature. Quoique nous ne partagions pas les principes qui y sont professés, nous les insérerions si nous en connaissions les auteurs. Nous réitérons donc cet avis qui sera le dernier. « Nous ne pouvons insérer aucune lettre, aucune pièce dont l’auteur ne se ferait pas connaître à nous, au moins confidentiellement. »
LITTÉRATURE.
mort du duc de reischtadt. air : Muse des bois et des accords champêtres. Seul rejeton d’un héroïque père, Mon ame émue au bruit de ton trépas, A ramené sa pensée en arrière Et mesuré la trace de tes pas. Je me suis dit : Quel avenir de gloire Lui présageait le laurier paternel ! Et le destin borne là sa mémoire : Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Un Dieu cruel s’est joué de sa vie ; Il lui donna pour langes un drapeau, Et le montrant à l’Europe asservie, Il dit ! Ton maître est là dans ce berceau ! Et puis le Dieu, par un soudain caprice, Voile ses jours d’un nuage éternel. Le Fils de l’Homme a bu tout le calice ; Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Qui nous dira les combats de son être Et les regrets et le vaste désir ? Désir brûlant, gros de feu, de salpêtre, Qu’un même instant voyait naître et mourir ; Car il sentait que sa morne existence Devait s’user contre un repos mortel, Et, consumé d’une lente souffrance, Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Les potentats ont de ses funérailles, En souriant écouté le doux son, Tant les glaçait jusqu’au fond des entrailles Un mot fatal, un mot : Napoléon ! Vaines terreurs ! au roc de Sainte-Hélène Du demi-dieu s’était brisé l’autel. Son fils des rois a recueilli la haine ; Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Sous les Bourbons, la patrie abaissée, Vers lui parfois a tourné son regard ; Puis rejetant une folle pensée A confié sa fortune – au hasard ! – Astre déchu, dégénéré peut-être, Il eût été rétif à notre appel : Doutant de soi, n’osant pas se connaître, Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Fils d’un despote absous par la victoire, Pour notre chef l’aurions-nous adopté ? Si nous dressons des autels à la gloire, Nous adorons aussi la liberté ! – Mais pleurons-le ; la France était sa mère ; Son premier jour est un jour immortel, Et son trépas fut celui de son père ! Il s’est éteint loin de notre beau ciel. Amédée roussillac.
LA PROLÉTAIRIENNE. juin 1832. Sic vos non vobis. air noté. Pauvres nous sommes, O mes frères, et chaque soir, En Dieu seul mettant notre espoir [6.1]Nous lui disons : Père des hommes, Peut-être que demain Nous n’aurons pas de pain. Refrain : « Ah ! quand le prolétaire Féconde, embellit, charme tout, Pour prix de sa sueur et de son long dégoût N’aurait-il donc que la misère ? Gerbes dorées, Dont nous creusâmes les sillons ; Plaines, montagnes aux grands fronts Que nous avons tant labourées, Vos fruits, si beaux, si doux, Sont pour d’autres que nous. « Ah ! etc. Soie ondoyante, Laine ravie aux doux agneaux, Qui devenez par nos travaux Vêtemens, parure attrayante, Souvent nous et nos fils Nous n’avons pas d’habits. « Ah ! etc. Tours élevées, Maisons aux dehors opulens, Dont les intérieurs brillans Semblent des demeures de fées, Ceux qui vous ont construits Qu’ils ont de froids réduits ! « Ah ! etc. Toi douce femme, Qui console par ton baiser ; Pauvre, si tu viens épouser Celui qui n’a rien que son ame, Pour vous, pour vos enfans, Que de jours de tourmens ! « Ah ! etc. Travail, souffrance, Semblent notre lot ici-bas. Il chante et ne travaille pas, Cet heureux fils de l’opulence ; Qu’un peu de son bonheur Calme notre douleur. « Ah ! etc. Non, Dieu suprême, Nous te devons aussi le jour ; Déjà des hommes pleins d’amour Viennent, inspirés par toi-même, Partager nos travaux, Nos peines et nos maux. Refrain : Courage, ô prolétaire ! Féconde, embellis, charme tout, Sèche enfin ta sueur, calme ton long dégoût, Bientôt pour toi plus de misère. p. corréard. nota. Cette chanson est inédite ; son auteur a promis de rendre l’Echo dépositaire de ses inspirations poétiques.
ŒUVRES COMPLÈTES D’ANTOINE VIDAL décédé gérant de l’écho Souscription.i La bienfaisance accoutumée de la classe ouvrière lyonnaise est venue au secours de la famille d’Antoine Vidal ; c’est assez pour la mémoire de l’honnête homme ; mais un autre devoir reste à remplir en faveur de la mémoire de l’homme de lettres. Ce devoir non moins pieux, nous venons y satisfaire autant qu’il est en nous. Notre ami ne mourra pas tout entier. Cette noble ambition à laquelle le savant, le philosophe, le poète sacrifient leurs jours, ne sera pas trompée. Ce désir naturel à l’homme qui a reçu du ciel le feu sacré du génie, ce désir louable de vivre dans la postérité sera satisfait. Vidal, sans être au premier rang des littérateurs, occupera [6.2]une place honorable sur le Parnasse français. Le vieux Pannard ne dédaignera pas son jeune émule. La parque inflexible a tranché le fil de ses jours au milieu de sa carrière. Ses œuvres sont peu nombreuses, mais toutes sont dignes de voir le jour ; nous n’avons eu aucun choix à faire. Les œuvres déjà imprimées se composent, 1° de l’Enseignement mutuel et de ses détracteurs ; 2° la Bienfaisance, poème ; 3° le Galoubet d’un patriote. Celles inédites sont entr’autres les suivantes : Les Adieux de Fontainebleau, (Messenienne). La Jésuitéïde, (poème). Riégo ou le martyr de la liberté (drame en un acte et en vers). A ma Muse, (soliloque). Emma ou le Charme de la vertu, (Nouvelle protestante, en prose). Enfin divers articles de littérature et de polémique insérés dans l’Echo de la Fabrique. Nous ferons précéder ces œuvres d’une notice sur cet écrivain, des discours prononcés sur son tombeau, etc. Le tout réuni, formera un volume in-8° dont le prix sera versé après l’acquittement des frais, à la souscription au profit de la famille de l’homme de lettres infortuné. Nous invitons les amis des lettres et les hommes philantropes à souscrire de suite. Nous nous réservons le droit de rendre à ceux qui auraient souscrit le montant de leur souscription, dans le cas où nous n’aurions pas un nombre de souscripteurs suffisant, pour couvrir les frais, d’ici au 1er décembre prochain, époque où la souscription sera fermée. falconnet. m. chastaing. On souscrit à Lyon : Au bureau de l’Echo ; Chez M. Chastaing, rue du Bœuf, n° 5 ; Chez M. Falconnet, rue Tholozan, n° 6 ; Chez M. Babeuf, libraire, rue St-Dominique ; Chez M. Bohaire, libraire, rue Lafont ; A Paris : Chez M. Courbier, commissionnaire en librairie, rue Chaussée d’Antin, n° 25, Et chez les principaux libraires.
i Un vol. in-8° de 200 à 250 pages, prix 3 francs.
avis aux souscripteurs du banquet garnier-pagès. La Commission exécutive du banquet1 offert à M. Garnier-Pagès, nous invite à annoncer que ce banquet aura lieu dimanche prochain, à l’Elysée Lyonnais. Le jardin sera ouvert à midi ; on se mettra à table à une heure. MM. les souscripteurs sont engagés à ne pas oublier leurs billets. j. m. poujol, j. seguin, philibert perrin.
VARIÉTÉS.
écoles rurales d’enfans pauvres. La Suisse est parsemée de petites colonies où l’agriculture fournit aux enfans pauvres une occupation lucrative, qui leur permet, avec le temps, d’acquitter par eux-mêmes les frais de leur pension, et de se préparer un petit pécule pour le moment de leur sortie. Chaque jour vient démontrer les avantages économiques et moraux de cette combinaison, qui change à la fois un sol pauvre en riches cultures, et de malheureux petits mendians en cultivateurs honnêtes, laborieux et instruits. [7.1]Hors de leur enceinte, ces écoles exercent encore une salutaire influence : le spectacle de leur prospérité, de l’ordre, des vertus, du bonheur qui règnent parmi les élèves, frappe l’esprit, gagne le cœur des parens, et les fait insensiblement participer aux progrès de leurs enfans. Ces sortes de producteurs forment une sorte de communauté où les forces, les talens les plus âgés, sont employés aux progrès de l’éducation des plus jeunes, et aux développemens de la prospérité de l’établissement. L’ordre et la suite des occupations sont variés en raison de la saison et de l’état du ciel. Chaque escouade a son chef, qui préside aux travaux agricoles. Les petits enfans sont chargés du sarclage, les plus grands de la plantation des haies ; d’autres font la récolte. L’instituteur, qui les surveille tous, va continuellement des uns aux autres, leur donne des avis, des exemples, du secours, selon le besoin. Des étendues considérables de terrains incultes, malsains, infestés par la mendicité, ont été entièrement transformés par les seuls travaux d’une cinquantaine d’enfans robustes et joyeux. C’est vers l’enfance surtout qu’il faut porter les soins régénérateurs de la morale : on corrige difficilement les hommes imprégnés de vices ; ce sont les jeunes mendians qu’il faut séparer, quand il en est encore temps, des vétérans de la mendicité. On se plaint de la dépopulation d’une partie de nos campagnes, dont les enfans viennent imprudemment encombrer les ateliers, les fabriques, les magasins des villes. Rendez aux champs les bras qu’ils perdent, en multipliant les écoles des enfans des pauvres et des orphelins de nos cités, en les disposant à embrasser la vie agricole, si heureuse quand on en connaît tous les biens. Le nombre des prolétaires, dit-on, devient menaçant ! Eh bien ! c’est aux propriétaires qu’il faut crier : « Le travail diminue, la mendicité s’accroît ! Améliorez vos terres pour occuper les bras inactifs ; multipliez les écoles rurales, pour amoindrir le nombre des vagabonds ; les associations de bienfaisance pour assurer la famille de l’homme laborieux contre l’accident qui peut, en le privant quelques mois de travail, le réduire toute sa vie à la misère. » Il faut que la propriété, sous peine de destruction, se retranche derrière toutes les institutions utiles et bienfaisantes. emile girardin. (Extrait du Journal des connaissances utiles.)
On vient de soumettre à des épreuves décisives, en Angleterre, une invention qui promet de laisser bien loin derrière elle la découverte pourtant si célèbre des machines à vapeur. Un habitant de Londres, nommé Brown, est parvenu, après huit ans d’expériences, à se servir du gaz hydrogène pour moteur, au lieu d’employer la vapeur d’eau. Son appareil se compose d’un cylindre dans lequel il introduit du gaz hydrogène, très-facile et surtout peu coûteux à préparer. Le gaz, poussé dans le cylindre d’une manière et en quantité convenables, y soulève un piston qui communique avec une manivelle. Quand le piston est arrivé au terme de sa course, l’hydrogène s’enflamme comme la vapeur, se condense dans les machines à feu actuelles, et le vide se fait ; le piston retombe immédiatement, chassé par la pression atmosphérique, et il se relève poussé par un nouveau courant de gaz, de manière à produire ce mouvement alternatif de hausse et de baisse qui caractérise les machines à [7.2]vapeur. La différence consiste dans l’emploi du gaz au lieu de la vapeur, et le vide s’opère, dans le premier cas, par la combustion de ce gaz, ainsi qu’il a lieu par la condensation dans les machines à vapeur. Nous apprenons qu’une expérience en grand sur ce nouveau moteur a parfaitement réussi à Croydon, près Londres, où un appareil, mu d’après ce système, a fourni seize mille litres d’eau par minute. Nos lecteurs comprendront sans peine l’importance d’une telle découverte, qui permettrait de supprimer tout-à-coup les chaudières si lourdes et les provisions d’eau si coûteuses et encombrantes, aujourd’hui indispensables aux machines à feu. (L’Industriel.)
État financier de l’Angleterre du 5 janvier 1831 au 5 janvier 1832. Revenu total, 51,012,608 liv. st. ; 1,275,315,200 fr.
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liv. sterl.
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francs.
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Frais de perception, |
3,615,368
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90,384,200
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Intérêts de la dette, |
28,311,416
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707,785,400
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Liste civile, |
511,314
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12,782,850
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Armée de terre, |
7,216,292
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180,407,300
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Flotte et marine, |
5,689,858
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142,246,450
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Artillerie, |
1,472,944
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36,823,600
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Dépenses diverses, |
4,864,270
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121,606,730
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__________
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51,681,462
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1,292,036,550
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Il résulte que le déficit est de 700,000 liv. sterl., soit de plus de 17 millions de francs. Le capital de la dette, d’après l’intérêt payé, est de près de 800,000,000 liv. sterl., c’est-à-dire 20 milliards de francs, somme incommensurable ! L’armée de terre et de mer ne monte qu’à 135,000 hommes, dont 100,000 pour l’infanterie et la cavalerie, 31,000 pour la marine, et 4,000 pour l’artillerie.
Fait curieux arrivé à Lyon. – Le sieur Joux, connu sous le nom de l’Hercule de Givors, passait par hasard, le samedi, 15 septembre dernier, dans la nouvelle rue de la Préfecture, lorsqu’il a reçu dans ses bras un jeune ouvrier plâtrier qui tombait d’un second étage. Ce jeune homme n’a ressenti aucun mal d’une pareille chute ; il doit bénir la destinée qui a fait rencontrer pour le recevoir, au moment où il tombait, le sieur Joux, à qui il doit son existence. De pareils faits se reproduisent rarement.
COUPS DE NAVETTE.
On assure que depuis long-temps il règne chez les négocians une épidémie teigneuse, qui s’est ensuite communiquée à leurs commis. C’est pour cela que bien peu lèvent leur chapeau en entrant chez les ouvriers. M. Lamerlière a dit que c’était littérairement parlant qu’il avait traité les ouvriers en soie de machines. Ne serait-ce rien aristocratiquement qu’il a voulu dire ? Ecrivez à la suite l’un de l’autre ces mots : Négociant en soierie, tarif ; numérotez chaque lettre vous arriverez au nombre 23 ; faites-en ensuite l’appel par les nombres suivans : 4, 6, 2, 9, 14, 16, 7, 1, 11, 22, 18, 23, 21, 20, 8, 5, 10, 3, 13, 17, 12, 19 et 15, vous en composerez quatre mots dont le sens sera tout différent. La querelle de MM. B....d et B....-F… a valu 120 fr. au fisc. C’est la fable de l’Huître et des Plaideurs1. [8.1]Avez-vous vu l’affiche ? c’est ça de la force ; c’est presque un coup-d’état. Apprendre au public que moyennant dix francs on peut être insulté, ce n’est pas adroit. On montre sa dignité, on affiche son arrogance. afficher ne se prend qu’en mauvaise part. C’était une scène vraiment comique de voir le public se grouper autour d’une certaine affiche ces jours derniers ; mais quelle injure a-t-il donc dit, ce Tip....., demandait-on de tout côté ? Ah ! vous ne savez pas, il a dit que les nouveaux ne valaient pas mieux que les anciens, disait l’un ; non, reprenait un autre, il a dit que les prud’...... ne faisaient pas leur devoir par crainte de déplaire à leurs marchands et de n’avoir plus de pièces ; ce n’est pas ça, criait un troisième, il a dit qu’ils recevaient un traitement de la ville pour se taire. Enfin, autant d’interlocuteurs, autant d’avis différens. Que conclure de tous ces rapports contradictoires ? L’affiche était mal rédigée, aussi s’est-on bien gardé de la signer. Il est question de voter une somme qui sera employée à acheter des bonnets d’honneur à MM. les prud’...... On parle de rétablir le huis-clos pour le conseil des prud’hommes, attendu que le droit de publicité d’audience ne se trouve pas écrit dans la loi qui les institue. Nous voudrions savoir qui a fait l’avance des frais contre le sieur Tiph...., pour les rembourser. Nous prévenons M. G....... que, s’il insiste pour le droit de libre défense, dans la séance qu’il se propose, dit-on, de convoquer, il pourrait bien être condamné à l’amende en vertu du pouvoir discrétionnaire. Quand on a un pouvoir discrétionnaire, il faut être bien discret pour en user. La Glaneuse vient de reparaître, nous craignons bien qu’elle ne trouve rien à faire, tant de gens se sont occupés de la moisson. On s’étonnait, en haut lieu, de ce que la Glaneuse, en reparaissant après un long laps de temps, et avec des changemens notables, eût continué l’ordre de ses numéros. C’est pour être plus tôt à 93, a répondu finement M. Cheg.... ; mais nous l’arrêterons.
AVIS AU PUBLIC. religion st-simonienne. – Eglise de Lyon. Nous prévenons le public que mercredi, 3 octobre, nos cours gratuits de mathématiques et de tenue de livres commenceront à huit heures et demie du soir, rue Masson, n° 17, cour Pitrat. Les hommes et les femmes y seront indistinctement admis. Pour compter au nombre des élèves, il faut se faire inscrire, rue Casati, n° 1, au 1er ; les leçons sont publiques. cognat.
AVIS DIVERS.
LA MAÇONNERIE1, par A. G. CÈSENA et F... I... GOUHENANT, a tous les oriens de france. prix : 1 fr. 25 c. Chez babeuf, rue St-Dominique, et chez tous les principaux libraires. (101) [8.2]JOURNAL DES INTÉRÊTS MORAUX ET MATÉRIELS, manuel agricole, industriel, commercial, législatif, historique et littéraire2 ; Contenant tous les faits utiles aux Français de toutes les professions, dans leur vie privée et dans leur vie publique. (32 pages grand in-8° par mois.) deux francs par an pour paris et lyon ; Et pour les départemens trois francs. Les bureaux sont à Lyon, chez louis babeuf, rue St-Dominique n° 2 ; à Paris, chez j. person, rue Pavée-St-André, n° 13. (102)
Notes (DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). A plusieurs reprises les prud’hommes chefs d’ateliers seront pris à parti par les journalistes qui ici se feront l’écho des nombreuses plaintes des canuts. Il leur sera reproché, par ambition, vénalité ou faiblesse, de trahir leur fonction. Au premier plan on les critiquera pour leur manque de fermeté sur les chapitres essentiels de la libre défense et de la jurisprudence fixe. Mais d’autres épisodes seront importants : ainsi, en juillet 1833 lorsque sera imposée la réorganisation autoritaire du conseil des prud’hommes le journaliste de L’Echo de la Fabrique notera significativement « nous ne concevons pas la complaisance des prud’hommes chefs d’atelier » (numéro du 28 juillet 1833) ; alors qu’au tournant de l’année 1833-1834, au moment de la réélection aux prud’hommes L’Echo de la Fabrique et L’Echo des travailleurs dénonceront longuement la tentative faite par le préfet Gasparin de maintenir Labory - considéré par les ouvriers comme vendu aux autorités - parmi les prud’hommes canuts.
Notes (Note sur la lettre d’un marchand-fabricant....)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (AU MÊME.)
Les premières campagnes de vaccination contre la variole eurent lieu en France à Rochefort en 1800 et dans la région lyonnaise en 1801. Le succès de ces campagnes va en s’amplifiant puisque, selon le Ministère de l’intérieur de l’époque, on passe de 150 000 vaccinations en 1806 à 750 000 en 1812. Toutefois la période ultérieure annonce une décrue car entre 1820 et 1829, le chiffre moyen annuel des vaccinations s’établit à 350 000, il dépasse de justesse les 400 000 dans la décennie suivante. Les tournées vaccinales représentent toutefois pour les médecins un investissement considérable en peine et en temps. L’État refuse de consacrer le moindre argent à ces campagnes et exerce des pressions pour que les départements limitent leurs dépenses. De cette absence de politique sanitaire réellement efficace, découlera une réapparition d’épidémies. Référence : Olivier Faure, Histoire sociale de la médecine (XVIIIe – XXe siècles), Paris, Anthropos, 1994.
Notes (Résultat de la réclamation du gérant de...)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (avis aux souscripteurs du banquet...)
Les banquets avaient une fonction sociale et politique très importante pendant cette Monarchie censitaire et constituaient un événement à part et un lieu de ralliement pour l’opposition. Dans le courant de l’année 1832, souvent sous l’impulsion des organes républicains, La Glaneuse et Le Précurseur, des banquets furent offerts à Odilon-Barrot ou à Garnier-Pagès et les saint-simoniens en organiseront également un. A l’automne 1832, L’Echo de la Fabrique présentera un grand banquet réunissant plus de trois cents convives pour célébrer son premier anniversaire. On décrira cette manifestation comme une grande « fête prolétaire », union du journalisme et de l’industrie (numéro du 28 octobre 1832).
Notes (COUPS DE NAVETTE.)
« L’huître et les plaideurs » est l’une des fables du livre IX des Fables choisies de Jean de la Fontaine (1621-1695).
Notes (AVIS DIVERS.)
AG. Cesena et F. Gouhenant, La maçonnerie, Lyon, les principaux libraires, 1832. Il s’agit ici du Journal des intérêts moraux et matériels. Manuel agricole, industriel, commercial, législatif, historique et littéraire, publié à Lyon à partir d’octobre 1832.
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