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28 octobre 1832 - Numéro 53
 
 

 



 
 
    
DE L’INDUSTRIE LYONNAISE.1

L’avenir de notre industrie, depuis si long-temps languissante, ne se présenta jamais, en remontant même à plusieurs années, sous des chances aussi défavorables, que celles où elle se trouve placée maintenant. Le commerce semble perdre son énergie, plusieurs articles de goût, principalement les rubans et les ceintures, dont les commissions ont été achevées depuis quelques temps, sont encore sans nouvelles demandes ; et les ouvriers, travaillant à cet article, sans occupation. Les seuls articles qui se soutiennent encore, sont les velours, les peluches, les schals et étoffes pour gilets. Plusieurs de nos premières maisons de commerce qui occupaient, il y a quelques mois, trois à quatre cents métiers, n’en occupent plus maintenant qu’une cinquantaine. Une sorte de crainte, de dégoût, semble s’emparer des esprits ; l’avenir paraît sombre pour tous. L’ouvrier sans appui est naturellement sous le joug impérieux des circonstances ; il ne voit point de termes à ses misères ; il n’a plus qu’un désir, celui de changer d’état, aussi voit-on tous les jours des ateliers vendus ou abandonnés pour cause de départ ou changement de profession. Chacun semble se demander ce que font nos autorités municipales, la chambre de commerce et le gouvernement lui-même, pour parer à la misère des classes ouvrières, pendant cet hiver, qui se présente sous un si triste aspect.

Qu’a fait le conseil municipal ? – Rien. Nous nous trompons, il a fait quelque chose, il a voté 70 mille francs d’indemnité pour les théâtres, pendant sept mois, pour divertir nos oisifs, et nos fashionables, qui auraient fini par s’ennuyer d’avoir continuellement sous leurs yeux, le spectacle de la souffrance ; il leur en faut un plus doux, et pour cela il faut bien que le pauvre paie ; oui le pauvre : l’on n’avait pas la plus modique somme pour lui procurer de l’eau cet été, il fut obligé d’endurer la soif, il pourra bien endurer la faim cet hiver. L’on a continué de percevoir aux barrières, le droit le plus immoral et le plus injuste s’il en fut un, celui sur les raisins, pommettes et autres fruits propres à faire de la piquette, boisson de la classe ouvrière. Tout cela sert à payer l’indemnité du directeur des théâtres…

Plaignez-vous, travailleurs, lorsque vous n’aurez pas [2.2]de pain, que vous serez oisifs faute d’ouvrage, ou parce que, suivant l’harmonieux langage du Courrier de Lyon, vous serez inhabiles ou tracassiers ; contemplez ce monument, l’orgueil de la ville de Lyon, cela coûte 5 à 6 millions, et une centaine de mille francs par an se dépense afin qu’il ne soit pas inutile et désert. Calculez combien pour votre cote part, vous avez payé pour cela, et vous sere naturellement amenés à penser que ce que l’on a soutiré de votre argent par les impôts dont vous êtes accablés, serait mieux placé dans votre gousset et servirait à satisfaire vos plus pressans besoins, à vous nourrir et à vous vêtir.

Tandis que vous êtes sans le sou, l’avare, l’égoïste se plaignent de ne pouvoir placer leur argent, ils ont 80 mille francs en caisse qui ne leur rendent rien, et ils craindraient de vous prêter la plus modique somme.

Fera-t-on, comme précédemment, des bals par souscription, dent les faibles produits absorbés par les dépenses de luxe, seront distribués au printemps, après qu’un grand nombre de malheureux auront succombé au froid et à la faim !… C’est là l’affreuse vérité, elle nous pesait sur le cœur ; l’aurons-nous dite vainement.

F........t

Notes (DE L’INDUSTRIE LYONNAISE.)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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