|
28 octobre 1832 - Numéro 53 |
|
|
|
SOMMAIRE. [1.1]De la caisse de prêts pour les ouvriers en soie de Lyon. – De l’industrie Lyonnaise, par M. F. T.– Rapport de M. Marius Chastaing, sur le concours ouvert pour l’adoption d’un nom générique devant remplacer celui de Canut. – Conseil des prud’hommes. – Avis aux souscripteurs du banquet industriel. – Souscription Tiphaine. – Nouvelles diverses. – Le prolétaire, par M. L. B – Le vieillard et la police correctionnelle, par M. Marius Ch.....g, – Sur l’Église française, par M. Ad. St-Eve. – Littérature : Méditation religieuse, par feu Antoine Vidal. – Sur le journal l’Européen. – Coups de navette. – Annonces.
DE LA CAISSE DE PRÊT proposée pour les Ouvriers en soie de Lyon 1. 2
La seule chose que le gouvernement ait songé de faire en faveur des Lyonnais, est l’établissement d’une caisse de prêt destinée à faire des avances aux chefs d’atelier de la fabrique d’étoffes de soie seulement ; sans doute, ils sont plus malheureux et plus nombreux que les autres industriels. Pourtant les tullistes et d’autres branches d’industrie souffrent également, et nous croyons qu’il y aurait de l’injustice à les priver des avantages de cette banque, qui devrait être générale et ouverte à toutes les industries. Une somme de 170 mille francs a été mise, aussi par le gouvernement, à la disposition de la chambre de commerce, lors de son installation. Ce n’est comme nous l’avons annoncé le 12 octobre, que le conseil des prud’hommes a été appelé à nommer six de ses membres pour former une commission qui sera également composée de membres du conseil municipal et de la chambre de commerce. Pour bien apprécier l’emploi que font nos administrateurs des fonds qui leur sont confiés, et qui sont destinés à soulager les malheureux, nous devons nous reporter en arrière. La formation d’une caisse de prêt, pour les chefs d’atelier de Lyon, ne date pas d’aujourd’hui. Le gouvernement avait mis à la disposition de la chambre de commerce 25,000 fr. le 30 mai 1831 ; ainsi, ce n’est qu’à la négligence de cette chambre, et de ceux qui ont [1.2]pouvoir sur elle, que les ouvriers doivent d’en avoir été privés jusqu’à ce jour ; voici les faits : Par une décision de M. le ministre du commerce, en date du 30 mai 1831, le versement d’une somme de 25,000 fr., à la caisse des prud’hommes, est ordonné comme devant servir de premiers fonds à un établissement d’utilité publique, de prêt pour les chefs d’atelier ; cette décision fut sanctionnée par une ordonnance royale, le 27 juin 1831. La chambre de commerce a fait connaître au conseil des prud’hommes cette décision, et l’a invité à nommer plusieurs de ses membres, pour donner son avis sur l’organisation de la caisse. Le conseil, après avoir nommé ses membres et donné son avis, reçut, à la date du 31 juillet 1831, la réponse suivante : « La chambre de commerce décide n’avoir pu prendre en considération les propositions des membres du conseil » Depuis cette époque, ces 25,000 fr. sont demeurés sans emploi. L’on n’en a plus parlé. Avant les tristes événemens de novembre, M. Dumolard, alors préfet, sans parler de ces 25,000 fr., annonçait que le gouvernement était dans l’intention de donner un fonds de 400,000 fr. pour fonder l’utile établissement d’une caisse de prêt. Il ajoutait qu’il avait fait la demande que cette somme fût portée à 600 mille francs ; et qu’il attendait incessamment les premiers fonds. Cette caisse devait plus tard dépasser un million : on devait y verser le produit des bénéfices de la Condition des soies. M. Dumolard pensait aussi que la chambre de commerce et tous les capitalistes s’empresseraient d’y verser des fonds, afin d’assurer et d’étendre les bienfaits de cette institution, et lui donner toute l’importance dont elle paraît susceptible. Où sont ces promesses ? La misère seule a marché. Mais sans incriminer contre le passé, parlons du présent qui nous appartient. Les ouvriers vont-ils, enfin, après un an et demi de promesses, jouir bientôt des avantages que pourra leur procurer cette caisse, ou seront-ils dupes d’une mystification ? On serait presque fondé à le croire, par la lenteur que l’on met à penser seulement à son exécution. Nous sommes fondés à demander compte de la négligence que l’on apporte à cet établissement. Car, [2.1]indépendamment de ces premiers 25,000 fr. laissés sans emploi, il y a plusieurs mois que le gouvernement a versé les premiers fonds. D’où vient donc que l’on a attendu si long-temps pour appeler la coopération des prud’hommes ? Et depuis que ces derniers ont choisi les membres qui doivent s’occuper de cette organisation, ils n’ont pas encore eu de réunion générale. Nous croyons donc devoir engager messieurs les prud’hommes à réclamer une prompte organisation de cette banque. C’est à eux que nous nous adressons, à eux qui connaissent les besoins de leur classe, besoins si pressans à l’entrée de l’hiver, et surtout dans ces momens où l’ouvrage manque déjà à beaucoup d’entre eux. Avec de la bonne volonté, il ne faudrait pas quinze jours pour mettre la caisse à même de faire son service. Nous reviendrons souvent sur ce sujet ; nous croyons qu’il intéresse trop vivement l’industrie pour le négliger. Car, nous ne pourrions, comme nous l’avons dit, taxer la négligence sur un objet aussi pressant, autrement que de mystification. La plaisanterie serait par trop forte.
DE L’INDUSTRIE LYONNAISE. 1
L’avenir de notre industrie, depuis si long-temps languissante, ne se présenta jamais, en remontant même à plusieurs années, sous des chances aussi défavorables, que celles où elle se trouve placée maintenant. Le commerce semble perdre son énergie, plusieurs articles de goût, principalement les rubans et les ceintures, dont les commissions ont été achevées depuis quelques temps, sont encore sans nouvelles demandes ; et les ouvriers, travaillant à cet article, sans occupation. Les seuls articles qui se soutiennent encore, sont les velours, les peluches, les schals et étoffes pour gilets. Plusieurs de nos premières maisons de commerce qui occupaient, il y a quelques mois, trois à quatre cents métiers, n’en occupent plus maintenant qu’une cinquantaine. Une sorte de crainte, de dégoût, semble s’emparer des esprits ; l’avenir paraît sombre pour tous. L’ouvrier sans appui est naturellement sous le joug impérieux des circonstances ; il ne voit point de termes à ses misères ; il n’a plus qu’un désir, celui de changer d’état, aussi voit-on tous les jours des ateliers vendus ou abandonnés pour cause de départ ou changement de profession. Chacun semble se demander ce que font nos autorités municipales, la chambre de commerce et le gouvernement lui-même, pour parer à la misère des classes ouvrières, pendant cet hiver, qui se présente sous un si triste aspect. Qu’a fait le conseil municipal ? – Rien. Nous nous trompons, il a fait quelque chose, il a voté 70 mille francs d’indemnité pour les théâtres, pendant sept mois, pour divertir nos oisifs, et nos fashionables, qui auraient fini par s’ennuyer d’avoir continuellement sous leurs yeux, le spectacle de la souffrance ; il leur en faut un plus doux, et pour cela il faut bien que le pauvre paie ; oui le pauvre : l’on n’avait pas la plus modique somme pour lui procurer de l’eau cet été, il fut obligé d’endurer la soif, il pourra bien endurer la faim cet hiver. L’on a continué de percevoir aux barrières, le droit le plus immoral et le plus injuste s’il en fut un, celui sur les raisins, pommettes et autres fruits propres à faire de la piquette, boisson de la classe ouvrière. Tout cela sert à payer l’indemnité du directeur des théâtres… Plaignez-vous, travailleurs, lorsque vous n’aurez pas [2.2]de pain, que vous serez oisifs faute d’ouvrage, ou parce que, suivant l’harmonieux langage du Courrier de Lyon, vous serez inhabiles ou tracassiers ; contemplez ce monument, l’orgueil de la ville de Lyon, cela coûte 5 à 6 millions, et une centaine de mille francs par an se dépense afin qu’il ne soit pas inutile et désert. Calculez combien pour votre cote part, vous avez payé pour cela, et vous sere naturellement amenés à penser que ce que l’on a soutiré de votre argent par les impôts dont vous êtes accablés, serait mieux placé dans votre gousset et servirait à satisfaire vos plus pressans besoins, à vous nourrir et à vous vêtir. Tandis que vous êtes sans le sou, l’avare, l’égoïste se plaignent de ne pouvoir placer leur argent, ils ont 80 mille francs en caisse qui ne leur rendent rien, et ils craindraient de vous prêter la plus modique somme. Fera-t-on, comme précédemment, des bals par souscription, dent les faibles produits absorbés par les dépenses de luxe, seront distribués au printemps, après qu’un grand nombre de malheureux auront succombé au froid et à la faim !… C’est là l’affreuse vérité, elle nous pesait sur le cœur ; l’aurons-nous dite vainement. F........t
Concours ouvert sur l’adoption d’un terme générique, pour désigner la classe des ouvriers en soie d’une manière complète, simple et euphonique.1 Rapport fait le 16 octobre 1832, à la commission de surveillance de l’Echo, par M. Marius Chastaing, rédacteur en chef. Messieurs, la question qui nous occupe semble au premier coup-d’œil être oiseuse, cependant elle ne l’est point ; elle est la suite du mouvement social dont aujourd’hui nous sommes spectateurs en même temps qu’acteurs. Notre programme, « amélioration physique et morale de la classe prolétaire, » est le résultat de la marche de l’esprit humain auquel nous avons dû nous associer. La discussion qui s’agite actuellement en est une conséquence. Je ne crois pas avoir à insister davantage là dessus. La classe des ouvriers en soie comme toutes les autres, se divise en un grand nombre de professions, ayant chacune un nom distinct. Il y a parmi eux des veloutiers, des rubanniers, des satiniers, des taffetatiers, etc. Ces divers états réunis en forment un seul désigné par un sobriquet devenu à Lyon une injure, je ne sais pourquoi. Ce sobriquet, c’est le mot canut. Pour éviter de l’employer, il faut se servir d’une périphrase, et dire : Fabricans d’étoffes de soie ou ouvriers en soie. Il y a mieux : par suite de l’extension de l’industrie, des caprices de la mode, ces appellations sont inexactes ; car l’ouvrier en soie de nos jours, ne fabrique pas seulement des étoffes de soie, mais toutes sortes de tissus ; il travaille la laine, le coton, le fil et la soie ensemble ou séparément, et sans s’astreindre à un genre spécial de tissage, comme font ceux qui fabriquent seulement de la toile ou de la mousseline et qu’on appelle tisserands, mousseliniers. Les autres classes de la société ont cependant chacune un terme générique qui est en honneur, ainsi : sous le nom de prêtres on comprend toutes les fonctions sacerdotales, depuis celle de sacristain jusqu’à la plus éminente ; sous le nom d’artistes, le peintre, le sculpteur, le musicien, le mime ou comédien, et tous [3.1]ceux qui exercent les arts libéraux sont désignés en général. Le titre d’hommes de lettres se donne à tous les écrivains dans quelque genre qu’ils écrivent. Poète, grammairien, mathématicien, tous sont hommes de lettres. On range sous le nom de militaire, le général et l’officier, l’officier et le soldat. La classe des officiers elle même, comprend tous ceux qui ont un commandement quelconque à l’armée, quel que soit le grade. Sous le nom d’homme de loi, on comprend l’avocat, l’avoué, l’huissier, l’agent d’affaire. Enfin sous celui de marchand, de négociant, se trouvent compris tous ceux qui exercent un commerce plus ou moins étendu. C’est donc aux ouvriers de la fabrique lyonnaise seuls, qu’il manque un nom générique sous lequel ils puissent être désignés en corps et qui ne soit pas une injure ; dès lors, il convient de chercher un terme appellatif qui remplace celui de canut. Cette nécessité est universellement sentie. On conçoit le désagrément de faire du néologisme, mais dans un ordre de choses nouveau, il faut des noms nouveaux. Quelques-uns crurent trouver ce qu’ils cherchaient dans le mot ferrandiniers ; ils étaient dans l’erreur. Vous connaissez l’étymologie de ce mot : il vient de ferrandine., étoffe passée de mode ; il ne peut donc pas plus servir à désigner en général la classe des ouvriers en soie que tel autre mot spécial à l’une des nombreuses sous-divisions de cette classe. Cependant, on afficha hautement la prétention de substituer le mot de ferrandinier à celui de canut. M. Meziat ayant protesté contre par des raisons adoptées par vous dans sa lettre insérée dans le numéro 43 du journal, et proposé le mot de Sericariens qui ne vous parut pas davantage convenable, vous crûtes devoir pour résoudre le problème ouvrir le concours duquel je viens vous rendre compte. Ce concours a été ouvert le 26 août dernier, et le délai fixé est expiré le quinze de ce mois. Le prix offert aux concurrens était faible, un abonnement gratuit au journal, mais vous saviez que ce n’était pas l’intérêt qui vous amènerait des prétendans à ce prix. Vous ne vous êtes pas trompés, et jamais l’on ne se trompera, lorsqu’on aura foi en la moralité, en la générosité de la classe ouvrière. Vingt-cinq personnes ont répondu à votre appel, 41 mots plus ou moins heureux sont proposés ; voici le tableau chronologique que j’ai l’honneur de vous soumettre : dates. | concurrens. | Mots proposés. | Août. 26. | 1° Méziat | 1. Textoricarien. 2. Textorycien. 3. Tissericien. | Août. 26. | 2° Charbon | 4. Tisseur. | Août. 27. | 3° Domaine jeune | 5. Tissoie. | Août. 28. | 4° Collomb fils | 6. Arachnéens. | Août. 30. | 5° Bitry | 7. Polymithe. | Août. 30. | 6° Remond fils | Tisseur. V. N° 4. 8. Armuratisseur. | sept. 3. | 7° Cornillon | 9. Armatisseur. 10. Cotisseur. | sept. 3. | 8° Cheneval | 11. Maître tisseur de soie. | sept. 4. | 9° Renigu | 12. Tissutier. | sept. 5. | 10° Cl. B....t | Tissutier. V. n. 12. 13. Artisseur. | sept. 5. | 11° Vettard | 14. Tissoyer. | sept. 5 | 12° Janin | 15. Bombixier. | sept. 7. | 13° Charnier | 16. Tisseur de soie. | [3.2]sept. 9. | 14° D. Morel | 17. Tissoyen. 18. Tissoierien. | sept. 19. | 15° Collomb père | 19. Pamphilarien. | sept. 23. | 16° J.... H… | 20. Bombitisseur. | sept. 25. | 17° Leborgne | 21. Sericarier. | octo. 8. | 18° Topin | 22. Maître fabricant d’étoffes de soie. | octo. 10. | 19° Labory | 23. Canut. | octo. 12. | 20° Veloutier | 24. Soierinier. 25. Soierineur. 26. Soieriniste. Sericarier. V. n.21. 27. Sericarieur. 28. Sericareur. 29. Sericariste. 30. Sericariniste. | octo. 15. | 21° Bofferding | Tissutier. V. n. 12. | octo. 15. | 22° Thevenin | 31. Textorien | octo. 15. | 23° Corréard | Canut. V. n. 23. | octo. 15. | 24° Guillot | 32. Sériciphante. 33. Séricicophante. 34. Séritextor. 35. Séritexteur. 36. Séritisseur. 37. Bombitexteur. 38. Bombycinaire. 39. Bombytextorien. Bombitisseur. V. n. 20. 40. Bombitissorien. | octo. 15. | 25° Bouvery | 41. Omnitisseur. |
(La suite au prochain numéro.)
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Audience du 25 octobre, (présidée par m. putinier.) La séance de ce jour a été courte, peu de causes ont été appelées. De ce nombre étaient plusieurs différends entre des chefs d’atelier, sur la validité des contraventions exercées contre ceux qui occupent des ouvriers sans livrets, ces derniers ayant laissé leurs livrets à leurs débiteurs, les contraventions ont été reconnues valables, et les maîtres contre lesquels elles ont été exercées, condamnés à payer de suite les sommes dont leurs ouvriers étaient restés débiteurs à leurs premiers maîtres. Des affaires de ce genre se présentent trop souvent pour que nous négligions de rappeler aux chefs d’atelier qu’ils ne doivent point occuper d’ouvriers sans livrets, que c’est un réglement auquel ils doivent se conformer, s’ils ne veulent encourir les désagrémens des contraventions, le conseil, ne pouvant que faire exécuter la loi, ne fait point d’exception. *** Question. Un chef d’atelier peut-il se refuser au paiement des sommes qu’il doit à une dévideuse, sous le prétexte que cette dernière l’a trompé en imbibant les soies de matières grasses, capables d’altérer le brillant des étoffes, à raison de quoi il avance avoir subi une diminution de la part du négociant ? – R. Non. Le maître ne peut pas se refuser au paiement de sa dévideuse sur des allégations non justifiées. La dame Monnier, dévideuse, réclamait au sieur Verrier, la somme de 60 fr. 60 c., montant de son dévidage ; cette somme lui est due depuis près de quatre ans. Le sieur Verrier déclare reconnaître cette dette : mais se refuse à la payer, attendu, dit-il, que les matières par lui confiées à la dame Monnier, ont été engraissées [4.1]par elle, et qu’il a supporté des rabais pour ce fait. Le sieur Verrier ne donne aucune preuve des faits par lui avancés. « Attendu qu’il y a près de quatre ans, que le sieur Verrier doit à la dame Monnier, attendu que le sieur Verrier reconnaît devoir la somme de 60 fr. 60 c. ; attendu que rien ne prouve que la dévideuse a altéré les soies, le conseil décide que le sieur Verrier paiera la somme de 60 fr. 60 c. à la dame Monnier, avec intérêts et dépens. » Le sieur Jacob comparaissait avec un de ses ouvriers, les différends qui existaient entre eux, étaient des soupçons que le compagnon élevait contre son maître. Le conseil a renvoyé cette affaire pardevant quatre de ses membres. Nous apprenons qu’après de suffisantes explications de part et d’autre, et l’attestation du sieur Tocanier, fabricant, il a été reconnu que l’erreur sur laquelle réclamait l’ouvrier, était de fait du commis du sieur Tocanier, qui avait confondu des indemnités de montage avec le prix de la façon. L’ouvrier ayant ainsi reconnu la bonne foi du sieur Jacob, est rentré dans son atelier.
MM. les souscripteurs du banquet industriel pour l’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique, sont prévenus qu’il aura lieu aujourd’hui à midi précis, chez M. Bachelard, traiteur à Vaize, ancienne et nouvelle route du Bourbonnais. Le président de la commission exécutive, LABORY.
Souscription des ouvriers, en faveur du sieur Tiphaine, discrétionnairement condamné par M. le président du conseil des prud’hommes, à une amende de 10 fr, et aux frais, pour avoir persisté dans son droit d’assister des ouvriers dans leur défense devant le conseil.1 1re liste. M. Carrier, chef d’atelier. | 50c. | MM. Berger, gérant de l’Echo, et Chastaing, rédacteur en chef. | 1 f. 50c. | MM. Matras, Bouvery, Legras, Blanc, Berthelier, Moine, Déléas et Gourd, chefs d’atelier. | 2 f. 50c | Plusieurs chefs d’atelier du quartier des Epies (par les mains de M. Bret). | 4 f. 20c. | M. Goujon. | 25c. | MM. Ribaud, Favier, Bonnet, Reverchon, Prunot. | 65c. | MM. les prud’hommes chefs d’atelier, le montant intégral de l’amende. | 10 f. | MM. Seppe et Richard. | 20c. | M. Perrin, négociant. | 25c. | Un canut bousingot. | 25c. | Un icthiophage des bords du Rhône. | 15c. | Un scélérat de républicain. | 25c. | Total. | 20 f. 30c. |
NOUVELLES DIVERSES.
Nous savons ce que ce titre a de peu exact en ce qui concerne un journal hebdomadaire ; aussi, ne pouvant donner ces nouvelles dans leur primeur, nous nous bornerons à donner celles positives et d’un intérêt capable [4.2]de survivre à la circonstance, en sorte qu’on pourra les conserver comme Répertoire historique. Foire à Villeurbanne. – Le 15 novembre prochain aura lieu l’ouverture de la foire qui a été accordée à cette commune par ordonnance du roi du 15 décembre dernier. Nouvelle route. – Depuis le 10 octobre courant, une route départementale a été ouverte de Serrières à Annonay (Ardèche.) Cour d’assises de Lyon. – Les assises du quatrième trimestre commenceront le 19 novembre prochain. La cour sera composée de. MM. Luquet, président ; Sauzay et Devienne, conseillers. – Par arrêt de la cour d’assises de Lyon, du 25 août dernier, M. Rigaud Chieza, négociant, déclaré coupable de banqueroute frauduleuse, avec circonstances atténuantes, a été condamné à cinq ans de prison. – Par arrêt de la même cour, du 7 septembre suivant, Louis Rostaing, marchand de dorures, déclaré coupable de banqueroute simple, a été condamné à un an de prison. Liste générale du jury et des colléges électoraux du département du Rhône, pour 1833. Par arrêté de M. le préfet, du 16 octobre courant, cette liste a été close définitivement et arrêtée au nombre de 3,872 personnes, savoir : Electeurs | 1er arrondissement. 2e id. 3e id. 4e id. 5e id. : | 1013 1088 316 532 596 | Total : 3545 |
Membres des sociétés savantes et autres légalement adjoints :
1er arrondissement. 2e id. 3e id. 4e id. 5e id. | 86 62 64 58 57 | Total : 327 |
Recouvrement des impôts dans le département du Rhône, et délai pour réclamer. Un arrêté de M. le préfet, du 1er octobre courant, prononce la publication et mise en recouvrement des rôles des contributions foncières, des portes et fenêtres et des patentes de 1832, un delai de trois mois, à dater du 1er de ce mois, est accordé aux contribuables pour réclamer. Ce délai expirera le 31 décembre prochain. Les réclamations pour les cotes au dessus de 30 francs, devront être sur papier timbré, celles au dessous sur papier libre. Télégraphes publics de jour et de nuit. – Cette entreprise utile sera à la disposition du public, aussitôt qu’on aura réuni cinq cents souscripteurs. Le prospectus se délivre au bureau du Journal du Commerce, où les souscriptions sont également reçues. M. Pitrat a mis la tour, dont il est propriétaire, en état de recevoir les télégraphes de la ligne correspondante. Palais de justice. – Le conseil général du département du Rhône siègera, du 1er au 10 novembre prochain, pour délibérer sur le projet de reconstruction du palais de justice de Lyon, et sur les autres projets qui pourront lui être soumis par M. le préfet.
LE PROLÉTAIRE. Dans les villes d’Orient, dont les habitations, entourées de murailles sans ouvertures, ressemblent à de vastes tombeaux, l’étranger parcourt, isolé, des rues désertes au milieu d’une cité populeuse. Ainsi, le prolétaire est seul au sein de la société moderne, entouré d’existences faites et de positions prises aussi bien défendues que les châteaux des seigneurs de la féodalité. Un paquet de hardes, quelques outils et son livret, voila sa part du fonds social. Son livret, c’est sa vie privée, écrite jour par jour, signée de tous les chefs d’ateliers qui exploitent son industrie, visée et paraphée par la police. Les nègres portent le nom de leurs maîtres écrit sur la poitrine ; pour lui, il est seulement tenu de l’avoir dans sa poche. Le code civil lui a consacré trois articles, trois sans plus ; voyez-les au livre 3, tit. 8, chap. 3, sect. 1… et [5.1]c’est pour mettre sa bonne foi en état de suspicion légale et son livret à la discrétion de ses maîtres. – La charte lui accorde quelques droits politiques : il est l’égal de tous ses concitoyens devant la loi, tous les emplois publics lui sont ouverts, dit la loi ; mais il sent si bien que pour lui ces droits politiques sont illusoires, que si quelqu’un veut lui en donner six francs, le marché est conclu. Quant aux autres lois constitutionnelles, elles passent à peu près toutes au dessus de lui, et forment arceau sur sa tête sans le toucher. Le code pénal, voila sa charte ; il est fait presque tout entier pour lui. Comme ces génies invisibles et malfaisans, chacune de ses dispositions menace, à son insu, le peu de liberté qui lui reste. S’il veut changer de résidence, il a besoin d’un passeport qui coûte deux journées de travail. S’il ouvre un atelier, il est tenu avant tout, et sans savoir s’il réussira, de prendre une patente et d’en payer l’impôt. Pour lui la prison, s’il se réunit avec d’autres travailleurs afin d’exiger des maîtres un salaire proportionné à ses besoins ; la prison, s’il cesse d’avoir du travail, et ne justifie pas de ses moyens d’existence. Aussi le voyez-vous plein d’un respectueux effroi en présence d’un uniforme de gendarme. C’est que les gendarmes avec leurs riches costumes et leurs chevaux fringans, sont, à ses yeux, les gardes du corps des propriétaires aristocrates, et tiennent la limite des deux camps. Il a une patrie pourtant le prolétaire ; il l’aime, il l’honore, il la sert. – Ces applaudissemens redoublés qu’excitent au théâtre les allusions à la gloire française, d’où partent-ils ? C’est le parterre, c’est Jacques Bonhomme1 qui se livre naïvement à son enthousiasme, tandis qu’au dessus de sa tête Mont-d’or sourit dédaigneusement en homme qui n’est pas dupe. Après douze heures de travail, le soir est venu, le prolétaire, de sa main noircie, essuie son front ruisselant, endosse lentement sa veste plébéienne et reçoit avec satisfaction le prix de sa journée. En jouira-t-il librement en entier ? Non, le fisc, comme un voleur de nuit, l’attend au coin de chaque rue pour le détrousser. Ici il est forcé d’acheter le sel trente fois au dessus de sa valeur ; là le tabac ; chez le boucher il paie l’octroi ; chez le boulanger l’impôt foncier, dont le propriétaire n’a fait que l’avance. Pour lui dérober en détail les fruits de ses labeurs, le fisc prend toutes les formes. Le voyez-vous en prostituée couverte de fard, trompant sa crédulité après avoir exploité ses besoins, chercher à l’attirer dans un gouffre sans fond, par l’appât d’un terne entouré de lauriers ? Qu’y a-t-il pour lui dans ce monde ? Qu’elle est sa part dans les produits si riches, si abondans, si variés de la nature, dans ces magnifiques conquêtes de la science qui ont décuplé l’existence de l’homme, dans ces trésors d’amour, de jouissances et de sympathie que récèle l’humanité ? Quelques-uns entre tous auront-ils toujours le monopole de toutes ces choses, n’en laissant jouir les autres qu’autant et de la manière qu’il leur plait ? Et lorsque le prolétaire ayant faim, leur dira : Voila mes bras, employez-les, faites-les fonctionner ; je suis votre machine, pourront-ils toujours lui répondre : Qu’avons-nous besoin de tes bras, nous en avons plus qu’il n’en faut, tout se fait à la vapeur ? Il y a des gens qui ne peuvent croire que tous les hommes soient frères. Qu’ils interrogent donc celui dont les jours menacés [5.2]par les flammes d’un incendie, furent conservés, grace au dévouement intrépide d’un ouvrier ; celui qui, se débattant au fond des eaux contre les étreintes glaciales de la mort, se sentit arraché au péril par les bras nerveux d’un pêcheur : ils lui diront si, dans ce moment suprême, ils n’ont pas vu sur le front de leurs libérateurs le sceau de la fraternité humaine, si le lien de famille qui nous unit tous ne se révéla pas à leur cœur ! Et on ose se vanter de son égoïsme ! Et on a le courage de tourner en dérision et en moquerie les efforts des hommes qui travaillent à l’amélioration physique et morale de leurs semblables ! Et les chefs des états, gorgés d’or, tendent sans cesse à jeter le découragement, le dégoût et l’indifférence sur l’examen des questions de progrès ! – Mais ils s’épuisent en vain, le présent les dévore et l’avenir les condamne. – Un nuage grossissant chaque jour, se montre à l’horison, la pluie qu’il porte sera douce à la terre, et le soleil ne tardera pas à briller radieux et bienfaisant pour l’humanité ! L. B.2 (Le Patriote du Puy-de-Dôme, 13 octobre, numéro 34)
Le Vieillard et la Police correctionnelle. 1
Quel âge avez-vous ? demande M. le président à un vieillard décrépit qui paraît sur les bancs de la police correctionnelle, comme prévenu de mendicité. – Je suis de l’an 1749, répond le vieillard. D. De quel pays êtes-vous ? – R. Je suis né natif d’Orléans. D. Pourquoi avez-vous quitté Orléans ? – R. Oh ! vous n’étiez pas encore au monde à cette époque, Monsieur le juge : j’avais vingt mois quand je suis venu à Paris ; feue ma pauvre mère qui est morte il y a bientôt 60 ans, devant Dieu soit son ame, me disait souvent quand je lui demandais où était mon père, qu’elle l’avait quitté parce qu’il était méchant et qu’il la battait. D. Avez-vous des moyens d’existence ? quel est votre état ? R. J’en ai tant fait de ces états, que je ne sais plus lequel vous dire, M. le juge. J’ai passé par bien des tribulations depuis que j’étais soldat de S. M. Louis xv, aujourd’hui je ne sais pas lequel faire. D. Vous avez été trouvé mendiant dans les rues ; vous arrêtiez les passans ? – Quand on a ses quatre-vingts ans bien sonnés, on ne peut pas faire grand’chose ; c’est tout ce que je peux faire avec l’assistance du bon Dieu. D. Ainsi vous convenez que vous n’avez ni domicile ni moyens d’existence ? – R. Mon bon Monsieur, c’est ce que je demande tous les jours. D. Vous n’avez aucun parent qui puisse vous réclamer et se charger de votre entretien ? – R. De ma famille c’est tout ce qu’il en reste ; peut-être que si le roi le savait, il… Le Tribunal a déclaré Blois coupable de mendicité, et l’a condamné à six jours d’emprisonnement, et a ordonné en outre, qu’à l’expiration de sa peine, il serait conduit au dépôt de mendicité pour y être entretenu aux frais de l’état. Le Vieillard, en faisant de grandes salutations : Je vous remercie, mes bons messieurs les juges, Dieu vous le rende. Voila l’interrogatoire d’un prolétaire, d’un vieux soldat. Nous le transcrivons dans toute sa simplicité. Eh ! quel commentaire pourrait n’être pas inutile après [6.1]lecture de ce morceau sublime par sa naïveté ; il n’existe pas un tribunal de police correctionnelle en France, devant lequel une scène semblable n’ait lieu plus ou moins souvent. Les journaux ont répété froidement, et comme une bluette comique, cet interrogatoire d’un vieillard mendiant. Croient-ils que de sévères réflexions n’auraient pas valu le meilleur article pour ou contre un ministère qui tombera le jour où la France, s’inquiétant peu des camarilla et des intrigues de cour, aura dit je le veux ! En vain nous accusera-t-on d’exciter l’envie et la haine de la classe pauvre contre les riches, nous n’abandonnerons jamais la mission sacrée pour laquelle l’Echo nous a été confié. Nous avons déja fait voir, dans Demangeot,i le prolétaire cherchant dans la mort un refuge contre la faim. Cet article, conçu sur un plan nouveau, sortant de l’ornière des diatribes habituelles de la presse, fit sensation. Il troubla la conscience de plus d’un mauvais riche ! il en éveilla plus d’un en sursaut ! et l’insomnie est cruelle aux égoïstes. Cet article mérita la colère du Courrier de Lyon, mais on se remit bientôt d’une terreur vaine ; et Vichardii ; vainqueur de la Bastille, soldat des grands jours, ne trouvant que dans la mendicité de quoi subvenir à ses besoins, n’excita plus qu’un sourire dédaigneux. Puisse le malheureux Blois, que nous présentons aujourd’hui aux lecteurs, intéresser plus efficacement en faveur de ses nombreux compagnons d’infortune, et leur éviter désormais la honte de s’asseoir sur le banc réservé aux coupables. Que la pauvreté ne soit donc plus un crime ! que cet ordre de choses change ; il le faut. Oui, prolétaires, ayez confiance ! votre cause est sainte ! Le vieux monde croulera aux acclamations de tous les hommes qui portent un cœur sensible. Le prolétariat doit finir comme ont fini la féodalité et l’esclavage. Un régime de liberté et d’égalité règnera sur la société régénérée. Alors Demangeot vivra, Vichard aura reçu la récompense de son patriotisme. Blois ni aucun autre vieillard ne viendront s’asseoir sur les bancs d’un tribunal, pour implorer en faveur de leur misère. Quoi ! la prison ! et ensuite une autre prison décorée du nom de dépôt de mendicité… Les défenseurs de l’état seront récompensés, les vieillards auront un asile honorable…, et jusqu’à ce que cet ordre nouveau soit produit, l’on ne crierait pas anathème contre la société, l’on s’étonnerait de la sympathie populaire pour tout ce qui n’est pas l’ordre actuel ! Marius Ch…..g.
de l’abbé chatel Je pense comme vous, monsieur, que l’église schismatique fondée par l’abbé Châtel a des chances de réussite, mais j’ai peine à croire que son existence ait quelque durée : ce sera un court épisode dans l’histoire ecclésiastique ; épisode, néanmoins d’une haute portée, en ce qu’il peut devenir la cause médiate d’un rappel à l’orthodoxie ! Au premier abord ceci est paradoxal, car c’est dire que de la désunion résulte l’accord, et des schismes l’unité religieuse ; mais examinez bien ce qu’est en elle-même cette nouvelle église, quels sont ses rapports avec l’église catholique, apostolique et romaine, et avec les principales sectes entre lesquelles les chrétiens schismatiques [6.2]se divisent, et que je désigne sous cette dénomination unique et générale, le protestantisme. Il y a quelque chose de nébuleux, d’indéterminé, dans les croyances spéciales de l’église Châtel, ou plutôt cette église n’a rien de spéciale, ses croyances, ses erreurs ne lui appartiennent nullement : elle tient de l’église de Rome ce qu’elle enseigne d’orthodoxe ; elle tient de Luther, de Calvin, de l’église anglicanne, ce que Rome réprouve. Pas assez protestante pour un luthérien ou calviniste, pas assez catholique pour le catholique apostolique et romain, c’est un juste-milieu prélatiste presbytérien et cordialement anti-papiste, à peu près comme on est quasi-légitimiste, quasi-républicain, mais franchement anti-henriquinquiste. Le chrétien catholique, apostolique et romain base sa croyance, sur ce qu’il appelle le symbole des apôtres ; il règle la pratique de ses devoirs religieux sur l’approche des sacremens ; ses rapports avec le monde moral et plus d’une fois avec avec le monde physique résultent de ce qu’il appelle les commandemens de Dieu et de l’église. Je ne peux m’empêcher de dire ici, quoique je sorte un peu de mon sujet, que le vrai chrétien est d’autant plus homme d’honneur et fidèle aux engagemens qu’il contracte, que ceux-ci reposent plus positivement sur les droits du prochain formulés dans le décalogue, mais revenons à l’abbé Châtel. Il ne paraît pas que l’abbé Châtel rejette aucun article de foi du symbole, aucun sacrement ; il regarde tout le décalogue comme obligatoire. Sur ces trois points, sa doctrine est donc celle de l’église romaine. Voyons ce qu’il a de propre, du moins ce qu’il donne comme tel. 1° Il rejette, dites-vous dans votre article, le droit divin ; entendons-nous, et d’abord où le place-t-on, ce droit divin ? Dans la divinité même, il serait absurde de le contester si c’est là ; chez les hommes, il est tout aussi ridicule de le croire chez le peuple que dans le plus petit cerveau de roi possible. Ce n’est donc point dans le monde politique et tout humain qu’on le doit ni supposer ni chercher, mais dans le monde moral, religieux. Or, malgré qu’on en ait, ce droit y surgit de toute sa puissance, c’est le seul d’ailleurs qui soit là ; car, si la religion n’a et ne peut avoir pour objet qu’un commerce intime et réciproque entre l’homme et Dieu, le premier effet qui résulte de ce commerce c’est la révélation, c’est la manifestation de la divinité elle-même à sa créature ; et la révélation que pourrait-elle lui apprendre, sinon les droits de Dieu, les devoirs religieux de l’homme. Le droit divin existe quelque part. M. Châtel n’en veut point au nom des rois, c’est très bien ; beaucoup d’autres avant lui l’ont dit, je pense ; mais M. Châtel, pour ne pas vouloir ce qui en effet n’est pas raisonnable, se garde bien sans doute, de rejeter ce qui est nécessaire, il ne veut pas plus nier le droit divin à la divinité, que la révélation à la religion chrétienne. 2° Il rejette l’infaillibilité du pape et des conciles, vous le dites encore. Voila qui est plus grave : mais quelle est, quant à l’infaillibilité du pape, la doctrine de Rome ? Le pape, de son libre arbitre, prononce sur telle doctrine qui lui paraît éronée ou dangereuse, et le fidèle doit se soumettre à cet arrêt. Cela signifie-t-il que l’arrêt ne puisse être éroné ; ou en d’autres termes, la décision du pape est-elle un article de foi ? Examinons : la tradition la plus ancienne nous apprend que lorsqu’il s’agit d’une question, dont la solution importe à la chrétienté, le chef de l’église consulte d’abord les dignitaires ecclésiastiques de Rome, convoqués en sacré [7.1]collége, que, s’il reste quelque incertitude, il soumet la question isolément à chaque évêque de la chrétienté, pour obtenir ce qu’on appelle le témoignage de l’église dispersée ; mais si le fauteur de la question s’obstine, alors le pape convoque tous les évêques en assemblée générale, laquelle assemblée prend le nom de concile. Or, il est souvent arrivé que la décision du pape a été réformée, soit par le sacré-collége, soit par le témoignage de l’église dispersée, soit par les conciles généraux ou écuméniques. Que devient dès-lors la querelle qu’on a fait à l’église catholique, apostolique et romaine sur l’infaillibilité du pape ? D’autant mieux que dans toutes les circonstances graves, c’est l’église elle-même qui a prononcé et non le pape isolément. Quant à l’infaillibilité des conciles, c’est toute autre chose : que M. Châtel n’ait nulle foi aux conciles provinciaux, d’accord ; les pontifes les plus éclairés les ont blamés, les hommes qu’à juste titre l’église regarde comme ses oracles, en ont signalé les abus, enfin l’église a été unanime pour les interdire ; mais quant aux conciles écuméniques, le brigandage d’Ephèse excepté, leurs décisions sont des arrêts de foi et sans appel ; on ne peut admettre de croyance contraire sans hérésie. Si c’est là le cas de M. Châtel, il vient un peu tard, Luther, Calvin étaient avant lui. 3° Il supprime le jeûne et l’abstinence ; 4° Il permet le mariage aux prêtres ; Vous conviendrez que tout cela ne vaut pas la peine de faire un schisme, ou tout au moins qu’il n’y a rien de par là que des sectaires n’aient dit et fait avant l’abbé Châtel. Cependant, je crois pouvoir vous engager à vérifier les faits relatifs au mariage des prêtres, et vous verrez, monsieur, qu’il n’est pas exact de dire que dans la primitive église les prêtres eussent la faculté de se marier : il est fréquemment arrivé que des hommes mariés reçussent les ordres, et alors ils se faisaient un devoir de ne point cohabiter avec leurs femmes. Quelques exemples isolés ne sauraient faire preuve contre un usage continuel, et si l’on excipe du concile, où la question du célibat des prêtres devint un article rigoureux de discipline, pour supposer que dans les temps primitifs le mariage des prêtres était toléré, je dirai que c’est tirer une conséquence étrange ; les usages font les lois, et ce ne sont point les lois qui font les usages. 5° Enfin, l’abbé Châtel préfère l’usage de la langue vulgaire à celui d’une langue morte pour la célébration des offices, d’accord, mais dépéchons-nous à traduire un peu mieux les psaumes, les hymnes, les strophes, etc., etc., car pour le plus grand nombre des fidèles la traduction est tout aussi inintelligible que le texte latin. Je pense qu’il est assez clairement établi que l’église de M. Châtel n’a absolument aucun caractère ; mais comme cet état n’est que transitoire, il durera peu ; il faudra, malgré la messe et la confession, qu’elle opte pour le protestantisme. Et alors, surgira la grande question : l’amitié de foi et de communion ; et alors surgira la nécessité d’une hiérarchie ecclésiastique et de l’établir. Comment le faire s’il n’y a point d’origine dans les pouvoirs. Car M. Châtel est prêtre, mais de l’église romaine ; et du moment qu’il tend vers un autre but et se jette dans un ministère, pour les fonctions duquel il n’a reçu nul caractère, nul investiture, je le demande, qu’est-il, que peut-il ? M. Châtel répète le rôle de Luther ou de Calvin ; lorsque ces hommes remarquables parurent, on était plutôt [7.2]disputeur que logicien, raisonneur que raisonnable : aujourd’hui ce n’est plus cela ; aussi les gens sensés, et ils sont nombreux, réfléchiront ; la lumière brillera, les choses seront remises en question, on discutera sans aigreur, sans fanatisme, et nul doute que l’orthodoxie l’emporte : l’avenir dira, selon ces prévisions, que M. Châtel, tout en pensant fonder une église nouvelle, a ramené le protestantisme dans le sein de l’église romaine. Adol. St-Eve1.
LITTÉRATURE.
Nous croyons devoir profiter de la réunion qu’a fait naître l’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique, pour offrir à nos lecteurs une pièce inédite de feu Antoine Vidal, son premier rédacteur en chef. Nous leur rappelons en même temps que MM. Chastaing et Falconnet ont ouvert, chez eux et au bureau de l’Echo, une souscription pour la publication de ses œuvres complètes en 1 v. in-8, laquelle sera fermée le 15 décembre prochain. Il ne sera tiré des exemplaires que pour les souscripteurs. Méditation Religieuse. Ruisseau qui baignes cette rive, Qui te perds, à mes yeux, dans cette immensité, Je crois voir, dans ton flot, mon ame fugitive Qui vole vers l’éternité. Ainsi que la feuille qui tombe Sur les bords du torrent ou dans ces bois épais, Mon corps, mon faible corps descendra dans la tombe, Pour ne reparaître jamais ! Jamais ?… Et cette ame si belle, Quand je la tiens de Dieu, qui peut me la ravir ? Je dois à la nature un corps formé par elle, Mais mon être est divin il ne doit point mourir ! Dieu ne m’eût donc créé que pour tant de misère ? Un jour dans le néant tout serait confondu ? Eh ! que suis-je après tout sur cette pauvre terre ? J’ai trente ans et j’ai trop vécu. Non, tout ne mourra point. Le croire est un blasphème : L’avenir ! l’avenir me récompensera ; Et sans doute qu’un jour, sur le sein de Dieu même, Ma tête se reposera. a. vidal.
journal des sciences morales et économiques. Au nombre des journaux qui ont compris la mission de la presse dans ce siècle positif en même temps que progressif, nous devons citer l’Européen. Depuis dix mois qu’il existe, il a abordé avec une franchise toute républicaine les questions les plus vitales de l’économie sociale et les a toutes résolues avec autant d’énergie que de science. Aujourd’hui, il désirerait devenir politique et il s’adresse avec une noble confiance aux amis de la presse. Nous ne doutons pas que s’il parvient à son but, il ne porte dans les questions politiques la même clarté, la même hardiesse, le même patriotisme dont il a fait preuve dans les questions non moins graves, qu’il a pu traiter jusqu’à ce jour. Pour parvenir à son but, l’Européen propose la création d’actions de mille fr., divisibles en coupons de 250 fr. Chaque action donnera droit à un abonnement gratuit. Lorsque le journal dépassera ses frais (jusque-là [8.1]la rédaction continuera d’être gratuite), les bénéfices seront employés, savoir : un tiers au remboursement du capital des actions ; un tiers à la rédaction, et le dernier tiers sera distribué au marc le franc entre les actionnaires. Nous faisons des vœux sincères pour la réussite de cette entreprise. Nous affirmons, en conscience, que l’Européen rédigé dans le sens et de la manière dont il l’a été jusqu’à ce jour, serait en abordant la politique, un rival redoutable pour le National, la Tribune et les autres journaux patriotes. Comme nous n’avons pas la prétention d’être crus sur parole, voici un extrait de son prospectus, en parlant de l’opposition : « Ce qui lui a manqué, ce qui lui manque encore, c’est de dire pourquoi elle existe, ce qu’elle prétend obtenir… L’Européen est venu pour affirmer partout où l’on doute. Son premier principe a été que le gouvernement représentatif avait été institué comme instrument de progrès, dans l’intérêt du peuple et non comme moyen d’équilibrer des forces hostiles. Il a adopté les mots : liberté, égalité, fraternité universelle. Pour lui la liberté, c’est la possibilité pour chacun de choisir entre le bien et le mal. Or, la masse des hommes est liée au serrage du salaire ; elle n’est pas libre : l’égalité n’est pas seulement la négation des droits de naissance, c’est en fait, l’association : la fraternité universelle, c’est la fédération européenne. Nous avons vu la nation divisée en deux classes, les hommes de loisir et les hommes de travail ; les égoïstes qui consomment et les dévoués qui produisent ; les exploitans qui gouvernent et les salariés qui souffrent. Nous avons pensé qu’il fallait travailler et détruire cette opposition et non à la maintenir. Nous avons proposé les moyens de la faire disparaître successivement en améliorant la condition des classes pauvres, etc., etc. » Ceux qui voudraient concourir à cette œuvre patriotique, pourront, pour de plus amples renseignemens, s’adresser au bureau de l’Echo, ou écrire franco à M. Varagnat, rédacteur-gérant de l’Européen, rue Chabannais, n° 8, à Paris.
i Ce journal paraît tous les samedis, 16 pages in-4°, à deux colonnes, pagination courte ; prix : 10 fr. par trimestre.
COUPS DE NAVETTE.
Comme ces messieurs se fâchent ! Ils ne veulent pas que nous passions des coups de navette ; eh bien, qu’ils nous donnent des rentes pour vivre sans rien faire. On vendra incessamment le Grand-Théâtre pour donner des secours cet hiver aux ouvriers. Le Mont-de-Piété prêtera à 4 pour cent, à compter du 1er novembre prochain, ils ont reconnu qu’ils étaient coupables d’usure. Demain on entrera gratis à l’Hôtel-Dieu. MM. les administrateurs ayant reconnu l’injustice et l’illégalité du droit d’entrée qui se perçoit à la porte. L’enseigne du Courrier de Lyon est en caractères rouge sur un fond blanc. Est-ce une épigramme ? Un négociant se plaignait à un chef d’atelier de ce qu’il ne se conformait pas au réglement qui était affiché derrière la porte du magasin. – Ah ! je croyais, répondit l’ouvrier, que c’était une affiche de maison à vendre. Un chef d’atelier et un négociant plaidaient sur leur réglement de compte : le négociant voulait que la partie adverse commençât par déposer au greffe les matières dont elle était en solde. L’ouvrier voulait que le négociant déposât l’argent. Le conseil a fait droit à la demande des deux parties, et considérant qu’un ouvrier ne pouvait pas plus qu’un commerçant être en état de suspicion légale, il a ordonné à l’un de déposer les matières, à l’autre l’argent. Salomon n’eut pas mieux jugé. [8.2]De Perpignan à Grenoble, de Grenoble à Nantes, c’est un charivari continuel. Quand deux personnes veulent vivre en bonne intelligence, elles doivent se garder d’un tiers. Gâchis et imbroglio sont à peu près synonimes. Les marchands de peaux de lapin vont rendre plainte contre la Claneuse, qui a eu l’air de les mettre au dessous des pairs de France.
AVIS DIVERS.
[112] M. Dervieux fils, chapelier, rue Romarin, n° 5, détenu dans la maison d’arrêt de Roanne, en attendant son jugement, expose aux chefs d’atelier et ouvriers ses compatriotes, que par suite des événemens de novembre dans lesquels il a été compromis, il a perdu sa clientelle qui était principalement composée de négocians. Ceux dont il partagea les opinions, la conduite et les dangers, ne voudront sans doute pas qu’il continue à être victime : il compte sur eux pour remplacer les pratiques qu’il a perdues. La générosité de la classe ouvrière lui fait espérer qu’il ne sera pas trompé dans son attente. On aura rien à désirer sous le rapport de la bonne qualité, de la prompte exécution et de la modicité des prix. [53] Les sieurs Deleigue et Bailly, mécaniciens, rue St-Georges, n. 29, à Lyon, préviennent MM. les fabricans, chefs d’ateliers et dévideuses qu’ils viennent d’obtenir un brevet d’invention et de perfectionnement d’un nouveau genre de mécaniques rondes, dites à roue volonté, propres à dévider, trancanner et faire des cannettes à plusieurs bouts, de toutes sortes de soie. Par un nouveau procédé ; elles suppriment rouleaux, cordages et engrenages, et sont supérieures à toutes celles qui ont paru jusqu’à ce jour. Les broches tournant par une seule roue qui tourne horizontalement, font qu’elles tournent toutes régulièrement. [82] A vendre, plusieurs régulateurs, remisses et peignes de 3/4 et 7/8 de 72 à 84 dents au pouce, navettes en bois pour battant à bouton. S’adresser au Bureau. [86] A vendre de gré à gré en totalité ou en partie, atelier pour l’apprêt en satin, consistant en calandre, presse, cartons, etc. S’adresser rue Tables-Claudiennes, n. 15. [94] Six métiers de courants à vendre, ensemble ou séparément, s’adresser au bureau. [95] Appartement de trois pièces au centre de la ville à louer de suite, s’adresser au bureau. [96] Une mécanique en 900 et deux en 400, à vendre. [104] Restaurant, grande rue Mercière, n. 56. On sert a dîner à toute heure, on loue des chambres garnies au jour et au mois. On donne des cabinets aux sociétés qui veulent être séparées. [107] Une mécanique de Skola en 600, en très bon état, ayant une bascule à cilindre, à vendre, au prix de 60 fr. Plusieurs rouleaux en tilleul en 5/4 et 4/4, ainsi que diverses planches d’arcades de la même grandeur, dans un état presque neuf. S’adresser au bureau du Journal. [108] 10,000 fr. à placer par hypothèque en tout ou en partie. S’adresser à M. Chastaing, rue du Bœuf, n. 5, au 2e. [Un homme de 30 ans, sachant lire et écrire, désire se placer comme garçon de peine. S’adresser au bureau.] [110] Un métier de velours unis, en bon état, à vendre ou à louer, pour maître : on donnera toute facilité. S’adresser au bureau. [111] L’on demande un ouvrier pour un métier à la Jacquard, de robes et autres articles. S’adresser chez M. Gras, plieur, rue Vaubecour, n° 7. A vendre, deux métiers en 5/4 et un en 4/4, monté pour le gilet. ensemble ou séparément, et appartement à louer à la Noël. S’adresser rue des Flesselles, n° 5, au 2e. [116] A vendre une mécanique longue à 24 guindres, 12 de chaque côté. S’adresser à M. Gras, plieur, rue Vaubecourt, n. 7. [117] L’on demande une jeune personne pour domestique, elle pourra apprendre à faire les pantalons et gilets. S’adresser à M. Guinay, tailleur, place de la Boucherie des Terreaux, n. 9. [115] A vendre ou à louer, un atelier propre au lissage des desseins et au repiquage des cartons pour la fabrique, composé de deux lissages, avec accessoires ; on donnera facilité pour le paiement. S’adresser à M. Sigaud, rue du Cornet, n. 4.
Notes (DE LA CAISSE DE PRÊT proposée pour les Ouvriers en soie de Lyon.)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Falconnet sera l’un des principaux défenseurs de la caisse de prêt. Il analyse le crédit comme un lien renforçant la solidarité et comme un moyen de redistribuer l’activité et les positions, une véritable « banque industrielle » (numéro du 18 novembre 1832). Son argumentation s’oppose à ceux estimant que cette institution constitue un moyen de contrôler et de domestiquer les ouvriers (numéro du 25 novembre 1832).
Notes (DE L’INDUSTRIE LYONNAISE.)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Concours ouvert sur l’adoption d’un terme...)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Souscription des ouvriers, en faveur du sieur...)
La publicité faite par L’Echo de la Fabrique sur le détail des souscriptions témoigne, comme pour les banquets, de la volonté des canuts de se reconnaître et de se compter. Rapidement, le principe va se généraliser. En novembre 1832, une souscription est ouverte en faveur des victimes de l’insurrection de 1831. L’année 1833 enregistre l’élargissement de cette pratique à d’autres fractions que celle des seuls membres de la Fabrique ; des souscriptions vont s’ouvrir en faveur des ouvriers tullistes (février), en faveur de Jacques Lafitte (mars) puis, longuement suivie, en faveur des ouvriers mineurs d’Anzin (juillet-septembre). Ainsi, ces pratiques, suivant le commentaire d’un journaliste de L’Echo de la Fabrique, « témoignent de la révolution morale dont la société est en travail » (numéro du 10 février 1833).
Notes (LE PROLÉTAIRE. Dans les villes d’ Orient ,...)
Jacques Bonhomme, chef de la révolte paysanne de 1358, exécuté par Charles le Mauvais. L’auteur de l’article du Patriote du Puy-de-Dôme était L. Baraduc.
Notes (Le Vieillard et la Police correctionnelle.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (SUR l’EGLISE FRANÇAISE)
Adolphe St-Eve, employé de bureau, en particulier au Mont-de-Piété, avait été l’un des principaux membres, auprès de Lacombe, du gouvernement provisoire mis en place à l’Hôtel-de-Ville par les Volontaires du Rhône en novembre 1831. Il était l’un des rédacteurs de La Glaneuse.
Notes (L’EUROPÉEN,)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
|
|
|
|
|
|