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25 novembre 1832 - Numéro 57
 
 

 



 
 
    
 CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Audience du 22 novembre,

(présidée par m. goujon.)

Un auditoire nombreux attendait l?ouverture de la séance. Il était excité par un intérêt majeur, celui de savoir si, dans la question de prescription opposée par M. Bender, négociant, à M. Naud, chef d?atelier, le conseil se conformerait au code civil, ou invoquerait le règlement de 1744, tombé en désuétude, et dont la promulgation fut le signal d?une grave émeute, et de l?émigration de six mille de nos ouvriers.

A l?appel de cette cause, Me Augier, avocat, se présente à la barre, assisté du sieur Naud, à l?effet de plaider cette importante question de droit. M. le président ne craint pas d?insulter le corps entier des avocats, en refusant à Me Augier un droit que les conseils de guerre eux-mêmes n?ont jamais eu l?idée d?enfreindre, celui de la libre défense. Me Augier demande à plaider sur l?incident. Le président, sans consulter ses collègues, refuse encore, et se borne, sur la demande du client et de l?avocat, à donner acte de ce refus arbitraire. Nous avons d?autant plus lieu d?être étonnés de cet acte d?omnipotence, que nous savons que M. le président a lu à ses collègues, dans la chambre du conseil, une consultation sur cette question, rédigée par Me Menoux, avocat. Sans vouloir diminuer en rien la haute estime que mérite ce jurisconsulte, nous ne pensons pas qu?il soit infaillible ; et dès lors sa consultation n?est qu?une opinion ; à part l?inconvenance de se rendre ainsi l?organe d?une partie, nous sommes fondés à dire qu?il y a quelque chose de peu loyal à interdire la défense, lorsqu?on a écouté l?attaque. Ainsi, Me Augier devait d?autant mieux être entendu, qu?un avocat l?avait été pour sa partie adverse.

Nous sommes fondés à croire, que MM. Gamot, Vuldy ne partagent pas l?opinion de M. Goujon, sur le droit d?assistance.

Cet incident terminé, M. le président lit le jugement rendu contre le sieur Naud, au profit du sieur Bender, et qui est ainsi conçu :

« Le conseil, vu le réglement de 1744, ordonne que les comptes des parties demeurent réglés tels qu?ils sont, attendu que l?ouvrier ne s?est pas pourvu dans le mois, à compter du réglement desdits comptes, le sieur Naud condamné aux dépens. »

M. le président fait ensuite lecture publique d?une lettre que M. le procureur du roi lui aurait adressée, [6.2]en réponse à sa plainte contre l?huissier qui a signé la citation, laquelle contiendrait, suivant lui (nous ne pouvons en juger, la citation n?ayant pas été lue), des injures contre la classe des négocians. Il ajoute, nous ne savons trop pourquoi, que l?huissier lui a fait des excuses, en lui annonçant qu?il avait signé de confiance pour son confrère, chargé spécialement de ce service, et momentanément empêché ; il nous semble qu?après une excuse aussi claire, il y avait peu de générosité à M. le président, à humilier en public un fonctionnaire estimable.

Nous n?avons pas indiqué en tête de cet article la question à juger, attendu qu?elle n?a pas été discutée ; nous attendrons la décision du tribunal de commerce, pour en faire part à nos lecteurs.

Le sieur Favre, fabricant, demande au conseil de statuer, sur la contravention qu?il a exercée contre le sieur Hopch. Le conseil, après avoir confronté, déclare qu?il y a contrefaçon, et renvoie les parties pardevant qui de droit. M. Putinier, vice-président, fait observer aux parties, que si elles veulent se concilier, elles peuvent se présenter de nouveau devant le conseil.

Le sieur Aurel, chef d?atelier, étant resté débiteur du sieur Sondar, réclamait une révision de ses comptes, afin de pouvoir connaître la somme dont il pourrait être redevable. Le sieur Gelot, qui occupe maintenant le sieur Aurel, déclare que le sieur Sondar est allé chez lui retirer les deux livrets qui étaient en sa possession : que depuis il est venu réclamer la retenue du huitième des façons du sieur Aurel, mais qu?il lui avait répondu que le sieur Aurel ne pouvait consentir à une retenue sans avoir réglé ses comptes avec lui.

Le sieur Gelot a ensuite développé cette affaire, et a servi de défenseur au sieur Aurel, qui ne pouvait pas s?exprimer. C?était seulement pour donner des renseignemens qu?il était en cause. Il en a profité pour prendre la défense d?un ouvrier, et il est parvenu à faire renvoyer pardevant quatre membres du conseil, pour vérifier les comptes. Désormais, lorsque les ouvriers voudront se faire assister, ils devront appeler en cause un fabricant. C?est là le seul défenseur qu?ils puissent obtenir, puisque cela est défendu même aux avocats, et qu?un prud?homme a été rappelé à l?ordre, pour avoir voulu aider la mémoire d?un chef d?atelier.

 

 

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