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4 décembre 1831 - Numéro 6
 
 

 



 
 
    

Les Membres de l’état-major provisoire de la ville de Lyon,

A Monseigneur le duc d'Orléans.

Auguste Prince,

Vous accourez parmi nous chargé par notre bien-aimé souverain de nous rendre la paix et le bonheur ; nos sentimens vous rendront cette tâche aussi douce que facile. On nous a peints aux yeux du gouvernement comme des factieux ennemis de l'ordre et de votre dynastie ; on nous a indignement calomniés. Tirons un voile épais sur l'erreur ou le hasard qui a ensanglanté notre cité ; oublions le passé, votre présence doit ramener l'espoir et la concorde, et faire fuir au loin la tristesse et la haine. Que la royauté se rassure, nous sommes ses soutiens les plus dévoués ; que l'étranger, et le factieux sous quelque couleur qu'il se présente, ne se méprennent pas à l'exposé de nos malheurs ; que rien ne soit dénaturé par l'éloignement ; qu'ils se rappellent toujours le courage qui de part et d'autre a été si malheureusement prodigué, et qu'ils se gardent de jamais le mettre à l'épreuve : notre intrépidité alors redoublerait contre eux.

Pour vous convaincre de la droiture de nos intentions, Prince, nous avons cru devoir vous remettre copie de notre rapport à M. le Préfet du Rhône, pendant notre gestion. Il y a exacte vérité dans ce simple narré des faits en ce qui concerne notre conduite et les résultats que nous avons obtenus. Nous appelons votre jugement, votre équité nous le rendra propice.

Nous sommes, Monseigneur, avec la plus respectueuse soumission,
De votre Altesse Royale,
Les très-humbles et très-obéissans serviteurs.
Les Membres de l'état-major provisoire,
Buisson, Dianot, Martinon, Chabrier, Cantat, Michallet, Damour, Bret, Richard, Leclerc.

[4.1]Rapport résumé des Membres composant l’état-major provisoire de la ville de Lyon, du 23 au 29 novembre 1831,

A M. le Préfet du département du Rhône.

Monsieur le Préfet,

La mort, guidée par l'erreur ou un mal-entendu, pendant deux jours avait promené sa faux meurtrière parmi nous ; l'autorité avait perdu son pouvoir ; des désordres affligeans en étaient la suite. Les passions secouant leurs torches incendiaires avaient éveillé l'anarchie qui déjà faisait entendre sa voix lugubre. A la vue du danger qui menaçait d'anéantir notre malheureuse cité, nous n'avons pas restés spectateurs impassibles ; un devoir impérieux nous commandait de mettre à profit la confiance dont nous entouraient nos concitoyens, et de tout entreprendre pour comprimer les passions et rétablir la tranquillité publique. La tâche était grande et le péril imminent, mais ce n'était rien pour nous ; le salut de notre pays nous inspirait et nous donnait le courage nécessaire pour l'exécution de notre entreprise.

Vu l'urgence et sur la communication que nous vous fîmes d'accord avec la commission des ouvriers, vous vous êtes empressé, M. le Préfet, d'approuver et d'autoriser notre résolution. Immédiatement la commission qui s'était établie à l’Hôtel-de-Ville et osait méconnaître l'autorité fut expulsée par ceux d'entre nous présens : MM. Dianot, Martinon, Buisson, Chabrier, Michallet. Des mesures énergiques furent arrêtées et sur-le-champ mises à exécution. Nos efforts ne furent pas infructueux, et bientôt les désordres cessèrent. Dès le jeudi nous vîmes l'aurore dégagée des nuages menaçans de la veille. Heureux de nos succès, nous avons redoublé de zèle ; des postes nombreux furent établis, des patrouilles fréquentes et partout dirigées assurèrent l'inviolabilité des personnes et des propriétés, et parvinrent à purger notre ville d'une grande partie d'individus qui y étaient étrangers ; tous ceux armés rencontrés isolément, furent désarmés.

Enfin aujourd'hui, M. le Préfet, aujourd'hui que l'anarchie a fui notre cité, que le calme a succédé à l'orage, que la voix de l'autorité n'est plus méconnue, que force est rendue à la loi, notre mission est terminée.

Tous ensemble, avant de reprendre nos occupations habituelles, nous sentons le besoin de vous remercier, ainsi que nos commettans, de la confiance dont vous nous avez honorés ; nous nous retirons avec la conviction de n'en avoir point abusé et d'avoir fait tout ce qui était possible pour y répondre dignement ; heureux si nous avons pu mériter votre approbation, votre estime et celle de tous nos concitoyens : c'était-là notre unique ambition, notre conscience nous dit qu'elle ne sera pas déçue.

Quant à nos intentions et à nos sentimens, M. le Préfet, quant aux intentions et aux sentimens de la commission des ouvriers et des ouvriers eux-mêmes, envers l'autorité et le trône de juillet, nous laissons à notre conduite et aux heureux résultats que nous avons obtenus, le soin de vous les faire connaître, et nous vous prions d'en transmettre l'expression au Prince chéri qui s'empresse d'accourir dans nos murs pour cicatriser nos blessures. La nouvelle seule de son arrivée a comblé notre espoir. Votre prudence et votre équité, M. le Préfet, feront le reste, et vous assureront des droits éternels à la reconnaissance de tous.

L'aurore d'un avenir meilleur commence à luire. Il est doux de nous retirer en laissant notre ville paisible et sous l'influence du génie bienfaisant qui vient lui rendre sa prospérité, en nous rappelant la triste époque [4.2]où nous a été confiée la direction de l’état-major provisoire de la ville de Lyon.

Agréez, M. le Préfet, l'assurance de notre profond respect.

Les membres de l'état-major provisoire :
Buisson, Dianot, Martinon, Chabrier, Cantat, Michallet, Damour, Bret, Richard, Leclerc

 

 

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