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16 décembre 1832 - Numéro 60
 
 

 



 
 
    
 M. Voyer-d?Argenson, député.1

Narrando laudare et laudendo monere, novum genus scribendi, hactenus intactum.

« Quand le pauvre demande du travail, cela signifie : je ne veux ni mendier ni voler ; vous, messieurs, qui stipulez pour lui, vous lui devez davantage ; vous lui devez un salaire suffisant, le pain quotidien de l?Evangile.

Du travail ! mais des corvées sont du travail ; ce n?est pas là ce que vous demandez pour lui. Ce que vous devez pour prix de son travail, à cette partie du peuple improprement appelée classe industrielle, c?est de L?AISANCE.

Dites donc pour assurer de l?aisance aux hommes, (mieux vaudrait dire aux citoyens), qui vivent du travail de leurs mains ; ou du moins si vous ne le dites pas, souffrez sans colère que je vous propose de le dire.

Croyez-moi, messieurs, dans une nation où la richesse sociale est parvenue au degré de la nôtre, et où quatorze millions d?individus sont privés de pain de froment, il y a pour le maintien de l?ordre, quelque chose de mieux à faire que des travaux de charitéi, les aumônes, ou des actes de police souvent inhumains lorsqu?ils sont répressifs, immoraux lorsqu?ils sont préventifs.

[1.2]Par respect pour votre droit d?initiative, et pour répondre au sentiment qui m?a fait monter à cette tribune, je vous propose d?ajouter à l?adresseii que vous discutez, ce paragraphe :

« Votre majesté nous annonce d?autres propositions de lois, parmi lesquelles plusieurs, nous n?en doutons pas, sont destinées à assurer l?AISANCE aux citoyens qui vivent du travail de leurs mains. Nous nous empresserons de les adopter ou de présenter à la sanction royale les projets les plus propres à atteindre ce but que nous considérons comme le premier dans l?ordre de nos devoirs. » »

Ces paroles graves, mesurées et généreuses ont été prononcées par M. Voyer-d?Argenson, à la chambre des députés, dans sa séance du 3 décembre. L?amendement qu?il proposait a été rejeté par la majorité dont M. Fulchiron fait partie. N?importe, la France sait gré à d?Argenson de l?avoir proposé.

Voyer-d?Argenson, décoré d?un beau nom, possesseur d?une grande fortune, s?est toujours fait remarquer par sa sympathie envers les classes pauvres et souffrantes. Il s?est toujours mis entre les bourreaux et les victimes. Ce fut lui, qui en 1816, dans la chambre dite (nous ne savons pourquoi), introuvable, éleva seul une voix courageuse contre les Trestaillons2 du midi, et fut rappelé à l?ordre. Collégue et ami dévoué de Manuel et Benjamin-Constant, sa carrière est pure de toute versatilité d?opinions, de toute transaction coupable. Il est aujourd?hui au Palais-Bourbon, un des représentans du parti républicain, dont M. Garnier-Pagès a si éloquemment proclamé les principes et les v?ux dans sa belle réponse à M. Fulchiron.

Le peuple peut encore espérer. Sa voix ne sera pas étouffée, de dignes citoyens, ne craignent pas de la proférer sous l?égide parlementaire. Le peuple sait où sont ses amis, il les reconnaîtra au jour du triomphe, nous avons foi dans l?avenir, et l?avenir c?est peut-être demain, dans quelques jours.

Nous continuerons à enregistrer dans nos colonnes tout ce qui sera fait ou dit en faveur de la classe prolétaire, et dans le but de concourir à son émancipation physique et morale.

Notes ( M. Voyer-d?Argenson, député.)
1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing, d?après la table de L?Écho de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Les trestaillons étaient les bandes royalistes sévissant dans le midi de la France autour de 1815.

 

 

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