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30 décembre 1832 - Numéro 62
 
 

 



 
 
    
 EXTRAIT DE LA GLANEUSE.i

Nous lisons dans cette feuille patriote, dont nous recommandons la lecture aux ouvriers, un dialogue entre un électeur et un prolétaire. Voici un passage de ce dialogue, qui entre parfaitement dans notre cadre, et que nous livrons à la sagacité de nos lecteurs.

Le prolétaire. Permettez-moi, monsieur, de vous raconter à ce sujet un conte que je tiens de ma grand-mère. Ecoutez :

C’était en 1778. Un paysan, à force de lire Voltaire, oublia de payer la dîme à M. le curé ; mais le temps de Pâques étant venu, force lui fut d’aller à confesse. Le curé qui attendait cette occasion pour attraper la dîme, dit au paysan lorsqu’il eut fini. Avez-vous, mon frère, d’autres péchés ? Je ne m’en souviens pas, mon père, répondit le paysan. – Pensez-y bien, mon fils, car vous commettriez un grand sacrilége. – Ma conscience ne me reproche plus rien. – Payez-vous bien et loyalement les dîmes et les prémices comme notre sainte mère l’Eglise l’ordonne ? – Et quelle est donc, mon père, cette mère église qui ordonne cela ? – Comment ! mon fils, c’est le saint concile de Trente, composé d’un légat du pape, de 200 archevêques, de 300 évêques, de 400 théologiens. – Et dites-moi, mon père, y avait-il beaucoup de paysans au saint concile de Trente ? – Oh ! l’imbécile, répliqua le curé, que pouvaient faire les paysans au concile ; il n’y en avait pas un. – Voilà pourquoi, mon père, reprit le paysan, vous nous avez condamné à vous payer les dîmes et les prémices. Si ce concile eût été composé de laboureurs, à coup sûr nous aurions ordonné que les dîmes fussent payées par les évêques et les curés.

Que dites-vous de mon histoire ?

L’électeur. Je dis que lorsque les prolétaires raisonnent ainsi, on ne devrait pas se donner la peine de leur faire des lois.

Le prolétaire. Dans ce cas, mon cher monsieur, nous les ferons nous-mêmes.

 

 

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