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6 janvier 1833 - Numéro 1
 
 

 



 
 
    
 Mission St-Simonienne.

[6.1]A M. le colonel du 1er régiment de ligne, à Verdun.

Monsieur le colonel,

D?après le rapport qui vient de m?être fait par Rigaud, capitaine d?une compagnie d?ouvriers St-Simoniens ;

Une partie du 1er bataillon du 1er régiment de ligne qu?il a rencontrée à une halte sur la route de Nogent à Méry, est venue en désordre au devant de lui, a insulté, menacé et même sali de boue les quatorze hommes dont il est le chef.

Nous sommes des hommes de paix, Monsieur le colonel ; aux cris d?escrocs et de jésuites, nous répondons par nos noms inscrits sur nos poitrines ; et à la boue qu?on nous jette, par le calme ; sûrs que les gens de c?ur apprécient le courage de ceux qui, en prenant comme nous un uniforme, arborent ouvertement le signe de leur foi.

C?est pourquoi je suis étonné que la plupart des soldats de ce bataillon, qui avaient appris à nous connaître à Menilmontant, lorsqu?ils y étaient envoyés par M. le procureur du roi, se soient permis à notre égard ces actes que je vous laisse le soin de qualifier ; qu?aucun officier présent n?ait cru devoir intervenir, et que quelques-uns même aient ajouté l?injure aux persécutions que nous avons essuyées.

Ces soldats vont, dit-on, devant les murs d?Anvers, chercher sur le champ de bataille le baptême du feu.

Et nous, premiers soldats de l?armée pacifique des travailleurs, nous allons à Lyon chercher dans l?atelier du peuple le baptême du salaire.

Jugez, M. le colonel, de quel côté, dans la rencontre du 19 décembre, s?est trouvé l?honneur !

Je donnerai à cette lettre toute la publicité possible, afin que l?opinion, seul juge aujourd?hui entre ces militaires et nous, prononce ; et je suis sûr d?avance qu?un officier qui, comme vous, a gagné noblement ses épaulettes, le corps de vos officiers et la majeure partie du régiment, sentiront la moralité de cet acte, seul moyen qui nous convienne de demander raison à ceux qui nous ont insultés.

Au nom du père en prison,

E. Barraut.

Note du rédacteur. Nous insérons la lettre ci-dessus de M. Barrault suivant notre promesse, et quoiqu?elle ait déjà paru dans le Précurseur, parce qu?on ne saurait y donner trop de publicité. Nous sommes désintéressés dans cette cause ; il y a long temps que notre profession de foi a été faite, nous ne sommes pas St-Simoniens ; leurs idées mystiques, leur système sur la femme, leur soumission aveugle a un homme seul juge de la capacité de ses disciples, voila les motifs de notre éloignement de leur doctrine ; mais si nous tendons au même but, c?est par des moyens différens, et nous croyons que les nôtres sont plus favorables au progrès de la liberté, de la dignité de l?homme. Le Courrier de Lyon ne s?y est pas trompé dans son article sur l?arrivée des St-Simoniens à Lyon, et nous acceptons comme éloge ce qu?il a dit en nous blâmant. La ligne de démarcation ainsi tracée entre les adeptes de St-Simon et les rédacteurs de l?Echo, nous avouerons que la société doit beaucoup aux premiers par la marche qu?ils ont fait adopter à l?esprit du siècle. Il n?y a qu?une conviction profonde qui puisse inspirer d?aussi grands sacrifices que ceux d?Enfantin et ses adhérens. Toute conviction est respectable ; les St-Simoniens ont droit aux égards sinon à la sympathie de tous les hommes bien pensans. La persécution les grandirait. Nous ne doutons pas que les soldats du 1er régiment de ligne rougissent en ce moment de leur conduite envers des hommes pacifiques, et nous n?insisterons pas davantage.

 

 

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