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6 janvier 1833 - Numéro 1
 
 

 



 
 
    
 origine des sobriquets suivans :
négus, mitrons, merlans, piques-prunes, gniafres.

[8.1]On appelle l’empereur des Abyssins (Afrique) grand Négus ou Prêtre-Jean, ce mot en arabe signifie absolu, qui a droit de vie et de mort sur ses sujets, droit dont il use assez souvent, et faisant allusion à ce nom, ici on désigne par le mot Négus les garçons bouchers, et cela depuis le neuvième siècle, à cause qu’à cette époque une famine affreuse ayant désolé la France, on fut réduit à manger de la chair humaine et sans doute que les malheureux chargés d’expédier leurs semblables furent qualifiés de ce nom, qui plus tard, par allusion, passa à ceux qui font les mêmes fonctions sur les animaux destinés à notre nourriture. Ce qui vient à l’appui de cette assertion, c’est qu’il est dit dans un abrégé de l’histoire de Bourgogne 1, édition de 1760, dont je ne me rappelle pas le nom de l’auteur, mais qu’au besoin je pourrais montrer, que vers ce temps à Villefranche (Rhône), un boucher de cette ville vendit publiquement de la chair humaine.

Mitrons : Ce mot vient de mitra, mitre, coiffure assez en usage en France au 14e siècle ; on a depuis désigné par ce nom les garçons boulangers, qu’avant on nommait geindres (de gendre ou premier garçon.) Le mot de mitron leur est resté, parce que lorsqu’un maître boulanger engageait un premier garçon à son service, il s’engageait à lui fournir par an, en outre de ses gages, 3 devantiers, (tabliers), et 2 mitres ou bonnets ; cette coiffure était en drap et en forme de cône. Ceci me rappelle que le mot boulanger vient de pollenguer, du mot italien pollenta qui en Italie est encore usité, dont s’est formé celui de bolanguer et bouliguer qui signifie remuer ; donc, bolanger la farine, veut dire remuer, pétrir.
Voyez Dictionnaire de l’industrie2. Arts et métiers.

Merlan : On désigne par ce nom les garçons perruquiers, parce qu’à Paris et dans les villes maritimes de France, il était autrefois d’usage dans cette profession que le maître fournissait à ses garçons un merlan (poisson) pour chaque déjeûner, comme aujourd’hui nos commis ont, dans certaines maisons, une miche et du vin.
Idem.

Piques-prunes : Quatre garçons tailleurs, dans les environs de Tours, (Touraine) s’étant rendus coupables d’avoir dérobé quelques-uns de ces fruits (prunes) dans le verger d’un nommé Pivac, furent condamnés chacun à 3 sols 6 deniers pour dédommagement.

Voyez Recueil de dictons provinciaux, édition de 1630, par P. L. à Moulins.

Gniafre : Ce sont les cordonniers qu’on désigne par ce sobriquet. Pour l’entendre, il faut d’abord savoir que le mot de cordonnier vient de cordouannerie, dérivé de cordouan, qui vient de couair primitif de cuir. Ce mot est celte d’origine, et dans cet idiôme cordonnier est exprimé par cordougnafrier, dont, sans doute, celui de gniafre n’est qu’un diminutif, comme celui de truand (de truanderie) signifie mendiant.
Voyez dérivés de la langue française, par Raymont de Villaret, édition de 1573 à Paris.

Notes ( origine des sobriquets suivans :
négus, mitrons, merlans, piques-prunes, gniafres.)

1 Il s’agit peut-être ici de : Description du gouvernement de Bourgogne, suivant ses principales divisions temporelles, ecclésiastiques, militaires et civiles ; avec un abrégé de l'histoire de la province, et une description particulière de chaque pays, villes et bourgs qui en dépendent, par le sieur Garreau, 2édition publiée à Dijon en 1734.
2 Cette notice doit être extraite du : Dictionnaire technologique, ou dictionnaire universel des arts et métiers et de l'économie industrielle et commerciale par une société de savants et d'artistes, 22 volumes publiés à Paris entre 1822 et 1835.

 

 

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