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20 janvier 1833 - Numéro 3
 
 

 



 
 
    
 NOTICE

SUR LA CROIX-ROUSSE, SAINT-CLAIR, SERIN
et vaise, faubourgs de lyon,
par m. beaulieui1.

La Croix-Rousse tire son nom d’une croix en pierre de Couzon, qui y fut érigée en mémoire d’une mission faite en l’année 1560 ; son église paroissiale était autrefois celle des augustins réformés qui s’y établirent en 1624. Vers ce temps ce faubourg n’était qu’une dépendance du village de Cuire. On trouve, dans un manuscrit intitulé : Chronique sur les masures de l’Ile-Barbe, que l’endroit où est ce faubourg portait, vers le 12e siècle, le nom de coteau St-Sébastien  ; non (comme l’assurent plusieurs auteurs modernes), à cause d’une récluserie ainsi nommée et dont la chapelle, située au haut de la colline, subsistait il y a peu de temps, mais parce qu’une chapelle dédiée à saint Sébastien y avait été élevée à côté d’une autre dédiée [7.1]à saint Pothin. Cette dernière chapelle, qui existe toujours, a donné son nom à la rue où elle est située ; elle fut bâtie vers l’an 1315, par Béatrix de Ferlay, comtesse de Sathonnay, en mémoire d’un vœu fait par elle le jour de la fête de saint Pothin, ainsi que le rapporte la chronique.

En 1340 Françoise-Isabeau Alleman, nièce de la précédente, héritière des dépendances et de la tour barbare, appelée depuis de son nom, la Tour de la Belle Allemande, fit élever la chapelle de St-Sébastien à l’entrée d’un souterrain qui conduisait dans la tour barbare, et cela en mémoire du jour de sa délivrance de cet asile où l’avaient plongée le farouche dom Diego, abbé de l’Ile-Barbe, et le débauché Cristophe de Brossannes, souverain seigneur de Royodan (château de Roye sur le bord de la Saône, près l’Ile-Barbe.)

Il est à remarquer que ce vaste plateau qui s’étend depuis le faubourg jusqu’à Neuville-sur-Saône, et sur lequel sont situés Cuire, Caluire, Sathonnay, Neyron, etc., était antérieurement dépendant de deux bourgs célèbres connus sous les Romains sous les noms de Vimies et Dole ; le premier, aujourd’hui Neuville, dont nous venons de parler et où l’empereur Caracalla fut proclamé César ; le second, que la tradition indique avoir été englouti par les eaux dans un lieu appelé les Echets, près Neyron, où se voit encore un étang dont la profondeur est inconnue.

Depuis 1819 on s’est habitué à appeler la Croix-Rousse du nom de ville, mais aucune loi ou ordonnance ne lui a donné ce titre. Cette commune contient aujourd’hui une population d’environ 9,213 individus. Daprès un recensement fait en 1830, elle avait à cette époque trois places, trente-cinq rues, ruelles ou montées, quatorze cents maisons, plus de deux mille métiers d’étoffes de soie, dont une cinquantaine pour les velours.

Les quartiers dit St-Clair et Serin dépendent de la Croix-Rousseii.

Saint-Clair tire son nom d’une chapelle dédiée à saint Clair.

Là où il n’y avait vers 1760 qu’un chemin étroit, quelquefois dangereux, une montagne sablonneuse qui s’éboulait très-fréquemment, existe aujourd’hui une route bien pavée, large, bordée à droite par un quai complanté d’arbres, et à gauche par des maisons qui cachent les sables affreux contre lesquels elles sont adossées. Quelques-unes sont belles, entr’autres celle dite salle Gayet, actuellement divisée en plusieurs parties.

A l’extrémité est la Boucle dont le nom vient de ce qu’avant qu’on eût détourné le Rhône pour faire le quai St-Clair, ce fleuve venait battre la base de la colline. Dans cet endroit il y avait un port et une boucle énorme qui servait à fixer les cordages des bateaux, etc. ; plus tard on y construisit une auberge qui prit peur enseigne un grand anneau.

La population de St-Clair, en 1829, était de 1760 ames, il y existait environ 2 à 300 métiers d’étoffes de soie.

Serin. L’origine de ce nom se perd dans la nuit des temps. Un massif de rochers, connu sous le nom de porte d’Halincourt (ancien gouverneur de Lyon), existait jadis à la place où est la porte de la ville. Au delà de cette porte on lisait contre une muraille cette singulière épitaphe :

Ci-gît le fils, ci-gît la mère,
Ci-gît la fille avec le père,
[7.2]Ci-gît la sœur, ci gît le frère,
Ci-gît la femme et le mari,
Et ne sont que trois corps ici.

Voici l’explication : Un jeune homme sollicitant la servante de la maison à lui accorder un entretien secret, elle en avertit sa maîtresse mère de ce jeune homme, et qui était veuve. Cette dernière lui fit donner rendez-vous la nuit dans sa chambre et se rendit à la place de sa servante sans se faire connaître. De cet infâme inceste, à neuf mois de là, naquit une fille. Le fils, qui avait été faire un voyage de plusieurs années, étant de retour et trouvant jolie cette fille que sa mère disait être orpheline, il l’épousa ; de sorte que de sa fille et de sa sœur il fit sa femme. Ces jeunes gens moururent avant leur mère qui voulut être enterrée auprès d’eux en expiation de ses crimes. Ceci s’est passé vers l’an 1476.

La population de Serin est comprise dans celle de la Croix-Rousse dont le chiffre a été donné ci-dessus.

Vaize. Ce nom vient de Vésia, Vezola qui veut dire tuyau. L’étroit canal ou ouverture de la Saône qui était autrefois à l’entrée de Vaize, a sans doute produit ce nom, dit M. Cochard. Quoi qu’il en soit, ce faubourg portait primitivement le titre de Bourg de St-Pierre, du nom d’un monastère dont il ne reste plus que l’église devenue paroissiale. Il a été aussi designé sous le nom de Bourg-d’Eau, parce qu’il était fréquemment inondé par la Saône dans le temps, dit Paradin (en racontant l’histoire du roi des ribauds), que l’autorité temporelle de la ville appartenait à l’archevêque et aux chanoines de Lyon ; c’était dans ce bourg qu’ils avaient relégué les femmes publiques, d’où est venu le nom de b…l qu’on a donné aux lieux que ces femmes habitent.

La population de Vaize est de 3,500 ames. Dans d’autres articles on donnera une notice sur le Plan-de-Vaize, sur le nom et le cours de la Saône, etc.

Notes ( NOTICE)
1 Charles Beaulieu publiera en 1837, Histoire de Lyon depuis les Gaulois jusqu’à nos jours.

 

 

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