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27 janvier 1833 - Numéro 4
 
 

 



 
 
    
 SUR L’ÉLECTION

des juges du tribunal de commerce de lyon,

Qui aura lieu demain.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Vous vous êtes élevé avec force et raison contre le serment qu’on voulait imposer aux chefs d’atelier appelés à élire leurs prud’hommes. Vous n’avez pas prêché dans le désert puisque votre voix a été entendue, et M. le préfet a reconnu son tort en renonçant à exiger cette formalité. D’où vient donc que dans l’affiche qui convoque les notables commerçans de Lyon pour l’élection des juges du tribunal de commerce, il est dit qu’ils devront jurer fidélité au roi, etc. Est-ce que les observations que vous avez faites pour les prud’hommes, et à la justice desquelles M. le préfet a eu le bon esprit de céder, ne s’appliquent pas à toutes les élections, au moins à celles non politiques ? Espère-t-on plus de docilité des négocians que des ouvriers ? on ne fait pas [3.2]attention que c’est peut-être à cette formalité que vous avez si justement traitée d’illégale et sacrilège qu’il faut attribuer le peu d’individus qui se présentent aux diverses élections. Veuillez appeler l’attention publique sur cette matière, qui entre parfaitement dans le cadre de votre journal ; je m’adresse à vous parce que je m’aperçois que vous ne faites jamais fléchir un principe devant ses conséquences, et que vous ne craignez pas, en abordant les questions les plus ardues, de les traiter avec une franchise toute républicaine.

Je profite de cette occasion pour vous faire part d’une réflexion qui n’a rien de politique, et que vous pouvez par conséquent admettre dans vos colonnes. La liste des notables commerçans affichée, et qui est le sujet de ma lettre, ne porte que 158 noms. Est-ce qu’il n’y a que 158 négocians notables dans une place comme Lyon ? Qu’entend-on par notables, et après avoir défini cette expression, serait-il bien difficile de trouver des négocians exclus de la liste et pour le moins aussi notables que quelques-uns de ceux qui y sont inscrits ? Qu’est-ce que 158 négocians pour représenter le commerce de Lyon ? Pourquoi exclure les petits commerçans ? n’ont-ils pas autant d’intérêt que les sommités de la banque et du commerce à l’élection de leurs juges. Que devient, avec un pareil mode, le principe d’égalité qui est la base de notre constitution ? Vous rendriez service à bon nombre de marchands si vous vouliez vous donner la peine de résoudre ces diverses questions.

Agréez, etc.

H. S.

Note du rédacteur. – Nous partageons entièrement l’avis de notre correspondant. La question du serment n’est pas douteuse, il doit être refusé par les commerçans comme par les chefs d’atelier, les cas sont analogues ; les uns n’y sont pas plus astreints que les autres. Quant au nombre des électeurs, il est de beaucoup trop minime, même en se renfermant dans les prévisions de l’art. 649 du code de commerce qui règle cette matière. Nous pensons qu’on devrait réformer cette loi d’une époque où la liberté perdait chaque jour quelque chose de ses droits. On devrait appeler à l’élection des juges consulaires, tous les marchands en général payant depuis un temps qui serait fixe, patente. Si l’on craignait de passer trop brusquement d’un régime d’ilotisme à celui de démocratie, que nous préférerions sans aucun doute, on pourrait provisoirement n’appeler que ceux dont, les patentes sont d’une classe supérieure.

Nous saisissons cette occasion pour avertir nos lecteurs que nous nous occuperons, à dater de ce jour, des affaires commerciales. Là encore est une forêt d’abus dans laquelle nous entrerons la hache à la main.

 

 

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