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27 janvier 1833 - Numéro 4
 

 




 
 
     

 DES JUGEMENS
Du Conseil des Prud’hommes.

Un président de cour souveraine répondit à une sollicitation inconvenante : La cour rend des arrêts et non des services. Transportons cette belle réponse du sens énergique qu’elle avait à un sens plus restreint mais également vrai, et disons, sans métaphore : c’est pour juger et non pour rendre service que les tribunaux sont institués. Ainsi le conseil des prud’hommes n’est pas établi seulement pour rendre service aux négocians et aux chefs d’atelier en cherchant à les concilier, mais pour juger les différends qui s’élèvent entr’eux. Dès lors le paiement des frais auquel la partie qui succombe doit être condamnée, est un acte moral et de justice ; il est, suivant l’axiome du palais : La peine due au téméraire plaideuri.

Par une exception bienveillante, les conseils de prud’hommes doivent faire subir à toutes les causes qui se présentent devant eux l’épreuve de la conciliation. Aucune citation ne peut être donnée qu’après ce préliminaire. Deux choses sont donc à considérer : 1° la conciliation ; 2° l’instance. Nous ne nous occuperons pas de la première, et nous sommes d’accord qu’une simple note tenue par le secrétaire est suffisante. Nous ne parlerons que du cas ou la conciliation n’ayant pas lieu, les parties sont renvoyées à se pourvoir sur citation. Alors commence vraiment une instance judiciaire, [1.2]et de quelque nom qu’on veuille qualifier la décision qui intervient, c’est bien un jugement qui est rendu. Le conseil prononce et condamne par défaut ou contradictoirement. Qu’arrive-t-il ? la partie condamnée exécute souvent le jugement et paye ; mais elle n’a aucun mérite ; elle ne paye que pour éviter les frais à venir, et par conséquent comme contrainte ; elle a fait jusque-là tout ce qui dépendait d’elle pour se soustraire à l’acquittement d’une dette légitime. Si elle n’est menacée d’aucuns frais, elle doit en rire elle-même, car elle a fait tout le mal qu’il lui était possible de faire sans s’exposer à aucune chance défavorable. Par exemple, un négociant doit à un ouvrier 3 francs de tirelles, que risque-t-il d’attendre la condamnation, puisque en payant de suite le jugement rendu, il ne supporte aucune augmentation, il ne paye toujours que 3 fr. Si au contraire il savait que son mauvais vouloir l’exposera nécessairement à des frais, il serait moins porté à un refus qui entraînerait une perte réelle pour lui ; mais il n’en est rien aujourd’hui, et dans le cas qui a presque toujours lieu, d’exécution volontaire du jugement, l’affaire demeure éteinte : le jugement prononcé en audience publique, répété par le journal, n’est transcrit sur aucun registre tenu conformément à la loi, et partant, il n’est pas soumis à la formalité salutaire de l’enregistrement sur minute. C’est un abus grave que nous nous empressons de signaler.

Deux questions surgissent ; l’une fiscale, l’autre d’ordre public. Quant à la première, sans nous constituer les avocats de la régie, nous dirons que de tous les impôts indirects, ceux du timbre et de l’enregistrement, renfermés dans de justes bornes, sont les moins onéreux. Nous ne voyons pas pourquoi le receveur des actes judiciaires a négligé cette source de recettes, cette branche du revenu public. Nous croyons utile de lui la rappeler, et au besoin nous en ferons la demande formelle au directeur de l’enregistrement de la ville de Lyon.

La question d’ordre public est facile à établir. La formalité de l’enregistrement sur minute dans un court délai, est conservatrice des droits des parties, et même de ceux des tiers par les précédens qu’elle fournit.
Comment établir une jurisprudence fixe par des arrêts, si ces arrêts sont morts-nés : l’abus est facile à réprimer ; aucun motif d’économie ne peut empêcher sa prompte répression.

Qu’on ne cherche pas à faire valoir la crainte de rendre [2.1]plus pénible la position des ouvriers demandeurs, ce serait une mauvaise défaite. L’avance (qui sera nécessairement remboursée par la partie perdante) est minime, savoir : 35 c. pour le papier minute, et 1 fr. 10 c. pour enregistrement, en tout un franc quarante-cinq centimes : convient-il, pour une si faible somme, à la partie gagnante, de ne pas faire constater son droit ; et au conseil de ne pas infliger une peine à l’homme de mauvaise foi qui refuse ce qu’il doit légitimement. Au reste, cette somme devant être payée dans les vingt jours, si elle ne l’était pas, le receveur, sur la note à lui fournir par le greffier, pourrait être autorisé à en poursuivre le recouvrement contre la partie perdante seule.

Alors il n’arriverait plus ce qui se voit très-souvent, c’est que, faute d’avoir fait enregistrer dans le délai que la plupart des justiciables du conseil ignorent un jugement, ce jugement se trouve annulé et il faut citer de nouveau, courir les chances, subir l’embarras d’une nouvelle discussion.

Il y a des économies qui ruinent, celle-ci en est une.

Ce point établi, disons un mot de la manière dont les jugemens des prud’hommes sont réputés exécutés et acquièrent l’autorité de la force de la chose jugée. Il n’y a point de différence entre les jugemens des prud’hommes et ceux des autres tribunaux.

Un jugement ne peut-être exécuté que du consentement de la partie condamnée, par son acquiescement ou par les voies légales. Ces dernières sont du ressort des huissiers ; l’acquiescement ne peut être tacite, il doit être prouvé par écrit. Il ne peut avoir lieu à l’insu de la partie.

L’autorité de la chose jugée existe lorsque le jugement n’est plus attaquable ; or, les jugemens du conseil sont susceptibles.

1° D’opposition dans les trois jours de la signification (lorsqu’ils sont par défaut) ;

2° D’appel devant le tribunal de commerce dans les trois mois de cette même signification, s’ils sont contradictoires ;

3° De recours en cassation, mais seulement pour fausse interprétation de la loi, et sans que l’exécution judiciaire puisse être retardée que de la volonté de la partie.

On voit donc que la première chose à faire pour donner à un jugement l’autorité de la chose jugée, c’est de le faire signifier et d’attendre l’expiration des délais. Tant qu’un jugement reste au greffe, même enregistré, il n’acquiert pas cette autorité ; la partie condamnée, si d’ailleurs elle ne l’a exécuté ou si elle n’y a acquiescé, peut toujours se pourvoir.

On comprend dans quelle erreur est tombée M. le président du conseil dans les causes Nesme et Imbert (voir l’Echo, n° 3), en imposant aux demandeurs, sans même rendre de jugement, la loi de respecter des décisions périmées à leur égard, et dans tous les cas sujettes à appel. Il a commis ce qu’en termes peu polis, mais vrais, nous nous permettrons de nommer un déni de justice.


i Si en thèse générale on doit éviter les frais aux plaideurs, ce n’est que par suite de cette autre maxime : Odia sunt restringenda ; car en principe la condamnation aux dépens est une peine civile essentiellement juste.

Souscription mensuelle de 25 c. en faveur des victimes de novembre 1831.

Les souscripteurs réunis dans leur séance du 19 de ce mois, ont nommé une commission exécutive composée de MM. Bouvery, président ; Falconnet, vice-président ; [2.2]Labory, trésorier ; Marius Chastaing, secrétaire ; Duchamp, Souchet et Carrier, membres.

On continue de recevoir les souscriptions au bureau de l’Echo de la Fabrique.

Le Gérant. BERGER.

Impudeur du Courrier de Lyon.

Ce n’est pas pour messieurs du Courrier de Lyon que le poète a dit res sacra miser ; eux ne respectent rien ; ils ne connaissent aucune pudeur, ils n’obéissent à aucun sentiment généreux, jugez-en… Trois patriotes, les généraux Dubourg, Dufour et le chef d’escadron Lennox, sont en prison pour dettes… D’abord nous ne voyons pas la nécessité d’une telle nouvelle, mais au moins le Courrier aurait-il dû se borner à l’annoncer simplement. Oh ! non, l’infortune de quelques patriotes est chose trop friande ; l’honnête Courrier a peine à contenir sa joie, et il termine cette annonce par une pointe qu’il trouve apparemment plaisante, et qui ne fait que déceler la perversité, le caractère bas et haineux de ses cupides patrons : « Il ne valait pas la peine de faire tant de bruit pour arriver là. » Comme on voit bien à ce ton ironique la pensée ignoble qui cherche à se faire jour. En effet, être patriote c’est déjà un tort ; mais un tort bien plus grand aux yeux des aristocrates du Courrier, c’est d’être sans fortune, de ne pas savoir en gagner ou conserver celle qu’on a, c’est de sacrifier tout à son pays, c’est en un mot de ne pas savoir faire ses affaires en faisant celles de la nation. Aussi, nous serions bien étonnés si l’infâme qui écrivit sur son bulletin Jacques Lafaillite, pensant faire injure au vertueux Laffitte (facétie qui révolta Périer et ses amis eux-mêmes), n’avait pas reçu dans le temps cette inspiration des bureaux du Courrier.

Qu’il apprenne donc, le Courrier, que Dubourg, Dufour et Lennox, emprisonnés pour dettes, sont plus grands citoyens que ceux qui le dirigent malgré leur opulence. S’ils avaient voulu se vendre, ils seraient riches et en faveur comme tant d’autres. Qui oserait leur faire un crime de leur noble pauvreté ? La patrie leur en tiendra compte. O banquiers ! ô hommes du Courrier, que vous êtes vils et dégoûtans !

Pour nous, nous n’insulterons jamais au malheur de nos adversaires. Nous aurions pu déjà, si nous avions voulu, attaquer un actionnaire du Courrier, mais nous avons facilement compris que la vie privée devait être murée, et qu’à des chagrins domestiques il ne fallait pas ajouter le poids des haines, des dissentimens politiques. Nous nous sommes tus, et nous attendrons qu’on nous interpelle de parler.

 ACTE
DE SOCIETE D’ASSURANCE MUTUELLE
CONTRE LA PRIVATION DE TRAVAIL,

En faveur des Ouvriers Imprimeurs,

Sous la raison sociale Galien, Musch et Ce.

Les ouvriers imprimeurs de Lyon viennent de faire faire à la cause de l’émancipation des prolétaires un pas immense par cet acte vraiment original que nous avons annoncé dans notre dernière Revue quindécimale (Voir l’Echo, n° 2). Pour échapper aux prescriptions d’une législation acerbe, toute en faveur de la classe propriétaire, [3.1]ils ont demandé au code de commerce un moyen légal de sortir de leur ilotisme. L’art. 291 du code pénal est anéanti de fait ; il faut actuellement rayer de ce même code le long chapitre qui concerne les coalitions d’ouvriers. Plus ingénieux que leurs confrères, ou pour mieux dire instruits par l’expérience, les ouvriers imprimeurs se sont coalisés au nom de la loi, et ont mis sous son égide leur coalition. Cet acte de société renferme donc en lui seul le germe d’une révolution sociale. Nous devons en féliciter son auteur, M. Gruardet ; il a rendu un service signalé à la classe prolétaire. Grâces lui soient rendues. Honneur aussi à MM. Galien et Musch qui n’ont pas craint d’entrer les premiers dans cette voie d’amélioration.

Il y a des compagnies d’assurance contre l’incendie, contre le feu du ciel, les naufrages, etc. De toutes manières, et sous toutes les formes, le contrat d’assurance est venu prêter son appui tutélaire à la propriété. Sublime découverte, institution vraiment juste et libérale qui nous appelle tous à réparer les malheurs de quelques-uns ! pensée républicaine éclose sous la monarchie : par elle la civilisation marche ; par elle seule le but de la société se trouve rempli. Mais dans le nombre des propriétés à assurer, on avait jusqu’à ce jour omis la plus sacrée, celle du travail. On avait oublié que le salaire est la propriété du prolétaire, c’est-à-dire de l’immense majorité ; lui seul avait été soustrait aux avantages, aux bienfaits de l’assurance. Cette lacune est remplie. Espérons que ce nouveau système s’étendra rapidement à toutes les professions ; alors plus de crainte pour l’ouvrier laborieux ; il travaillera lorsqu’il trouvera du travail ; mais le labeur manquant, il aura recours à l’assurance devenue, moyennant une légère prime, sa débitrice. Combien cela est préférable à tout ce que nous avons vu jusqu’à ce jour sous les noms de société de bienfaisance, caisses de prêts, etc. Le salaire sera maintenu au taux convenable pour que l’ouvrier vive en travaillant, et dès lors plus de concurrence ruineuse entre les maîtres, partant, plus d’émeutes ni de coalitions. Maîtres et ouvriers doivent s’en applaudir.

Ouvriers imprimeurs, vous avez donné à tous les prolétaires un bel exemple ; il sera suivi n’en doutons pas ; encore quelques jours, et les assurances mutuelles de travail seront entrées dans nos mœurs.

M. c.

 SUR L’ÉLECTION

des juges du tribunal de commerce de lyon,

Qui aura lieu demain.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Vous vous êtes élevé avec force et raison contre le serment qu’on voulait imposer aux chefs d’atelier appelés à élire leurs prud’hommes. Vous n’avez pas prêché dans le désert puisque votre voix a été entendue, et M. le préfet a reconnu son tort en renonçant à exiger cette formalité. D’où vient donc que dans l’affiche qui convoque les notables commerçans de Lyon pour l’élection des juges du tribunal de commerce, il est dit qu’ils devront jurer fidélité au roi, etc. Est-ce que les observations que vous avez faites pour les prud’hommes, et à la justice desquelles M. le préfet a eu le bon esprit de céder, ne s’appliquent pas à toutes les élections, au moins à celles non politiques ? Espère-t-on plus de docilité des négocians que des ouvriers ? on ne fait pas [3.2]attention que c’est peut-être à cette formalité que vous avez si justement traitée d’illégale et sacrilège qu’il faut attribuer le peu d’individus qui se présentent aux diverses élections. Veuillez appeler l’attention publique sur cette matière, qui entre parfaitement dans le cadre de votre journal ; je m’adresse à vous parce que je m’aperçois que vous ne faites jamais fléchir un principe devant ses conséquences, et que vous ne craignez pas, en abordant les questions les plus ardues, de les traiter avec une franchise toute républicaine.

Je profite de cette occasion pour vous faire part d’une réflexion qui n’a rien de politique, et que vous pouvez par conséquent admettre dans vos colonnes. La liste des notables commerçans affichée, et qui est le sujet de ma lettre, ne porte que 158 noms. Est-ce qu’il n’y a que 158 négocians notables dans une place comme Lyon ? Qu’entend-on par notables, et après avoir défini cette expression, serait-il bien difficile de trouver des négocians exclus de la liste et pour le moins aussi notables que quelques-uns de ceux qui y sont inscrits ? Qu’est-ce que 158 négocians pour représenter le commerce de Lyon ? Pourquoi exclure les petits commerçans ? n’ont-ils pas autant d’intérêt que les sommités de la banque et du commerce à l’élection de leurs juges. Que devient, avec un pareil mode, le principe d’égalité qui est la base de notre constitution ? Vous rendriez service à bon nombre de marchands si vous vouliez vous donner la peine de résoudre ces diverses questions.

Agréez, etc.

H. S.

Note du rédacteur. – Nous partageons entièrement l’avis de notre correspondant. La question du serment n’est pas douteuse, il doit être refusé par les commerçans comme par les chefs d’atelier, les cas sont analogues ; les uns n’y sont pas plus astreints que les autres. Quant au nombre des électeurs, il est de beaucoup trop minime, même en se renfermant dans les prévisions de l’art. 649 du code de commerce qui règle cette matière. Nous pensons qu’on devrait réformer cette loi d’une époque où la liberté perdait chaque jour quelque chose de ses droits. On devrait appeler à l’élection des juges consulaires, tous les marchands en général payant depuis un temps qui serait fixe, patente. Si l’on craignait de passer trop brusquement d’un régime d’ilotisme à celui de démocratie, que nous préférerions sans aucun doute, on pourrait provisoirement n’appeler que ceux dont, les patentes sont d’une classe supérieure.

Nous saisissons cette occasion pour avertir nos lecteurs que nous nous occuperons, à dater de ce jour, des affaires commerciales. Là encore est une forêt d’abus dans laquelle nous entrerons la hache à la main.

 COUP-D’ŒIL

sur la direction des idées actuelles.

Quand nous disons et répétons que la politique industrielle est celle qui doit occuper aujourd’hui de préférence les esprits, nous n’avançons pas une conception sortie tout d’un coup de notre cerveau, et produite au dehors tout équipée et tout armée, comme autrefois Minerve. Ce n’est pas non plus un but exclusif que nous nous proposons : c’est une prédominance que nous indiquons,

Ainsi partout nous remarquons une tendance plus ou moins prononcée à se placer sur le terrain des intérêts positifs de la société ; et j’entends par intérêts positifs, [4.1]non-seulement ceux qui ont trait au bien-être matériel des hommes, mais aussi à la satisfaction de leurs besoins intellectuels, à l’amélioration de leurs mœurs. A la chambre, au ministère, dans les journaux de Paris, dans ceux des départemens, cette tendance se manifeste à des degrés différens. Beaucoup sans doute repoussent encore cette marche progressive des idées ; mais les idées qui sont au besoin du temps, comme dit le poète, pénètrent bientôt partout ; nous pourrons dire avec lui :

Qu’une idée au besoin des temps un jour éclose,
Elle va, court, grandit, envahit toute chose…

Eh bien ! aujourd’hui c’est cela ! la paix, le travail est le cri universel, aujourd’hui même que la citadelle d’Anvers est prise, pendant la joie de la victoire, au milieu des cris de triomphe, tous les vœux, toutes les pensées sont à la paix. On voit dans cet événement, ou tout au moins on veut y voir la fin d’une guerre à peine commencée ; on parle de retour et l’on a raison. Que peut faire aujourd’hui la guerre pour le bien de l’humanité ?

Et voyez la vivante image que vient vous offrir ce fait d’armes, où nos troupes ont fait voir ce que peuvent l’union, l’organisation et l’exaltation des sentimens d’honneur ! Voyez cette citadelle toute hérissée de bastions et de forts, vomissant le feu par mille bouches, livrée aux flammes, et vaincue par la patience et le courage inébranlable de nos frères. C’est la guerre avec ses horribles cris et ses affreux désastres ; la guerre qui tue les hommes, qui brûle les villages, qui détruit les magasins et les ateliers, qui inonde les campagnes et noie les moissons. C’est la guerre à côté de l’industrie. Cette fois la guerre a fait grâce à l’industrie ; la ville et le port d’Anvers, cette belle cité du commerce, ce rendez-vous de tant de nations qui viennent échanger avec les produits de leurs travaux, des paroles de paix, des vœux de pacifique activité, la ville et le port ont été épargnés. Chassé lui-même, le vieux guerrier, le dur et inflexible capitaine, a respecté ce symbole de la vie industrielle. Il a suivi le noble exemple de l’illustre maréchal qui a su le forcer, lui Chassé, de se rendre à discrétion.

Honneur donc à la victoire ! mais honneur aussi à ce saint respect pour la ville pacifique ! Honneur à la savante et victorieuse modération de notre général. Merci à l’ennemi que nous avons combattu. Car voici qu’il est solennellement acquis aux yeux de tous que la guerre doit respect à l’industrie. Nous pourrons donc, dégagés de ces préoccupations militaires, à présent que la voix du canon ne se fera plus entendre, nous pourrons discuter en paix et en tranquillité nos intérêts de chaque jour, notre avenir qui s’agite au sein des chambres. Nous pourrons crier haro sur les doctrines d’amortissement de M. Humann ; féliciter M. d’Argout, le laborieux ministre, de sa statistique industrielle et commerciale de la France, tout en lui contestant ses illusions de prospérité. Nous lui permettrons, s’il le veut, de se complaire dans le système auquel il attribue si bénévolement le maintien de la paix et les riches couleurs du magnifique panorama qu’il a pris soin de se peindre lui-même. Mais nous lui demanderons, au ministre, d’éclairer la discussion de tous ces projets qu’on nous apporte, la loi des sucres, la loi municipale, le budget, l’impôt du sel, les douanes, l’expropriation forcée surtout, car l’homme qui se sent de bonnes jambes, gémit d’être attaché et demande avant tout qu’on le laisse marcher : qu’on nous délivre donc de nos entraves, et qu’on nous [4.2]permette de paver ou de garnir de lames de fer le grand chemin de l’industrie qui, au bout du compte, est la source de la vie et de la prospérité.

Henry Cellier, avocat.

 INDUSTRIE.

CANNETIÈRES TRANCHAT.

Depuis quelques années diverses mécaniques ont été inventées pour le dévidage et le cannetage. Mais un perfectionnement, dont le besoin se faisait vivement sentir vient d’être ajouté aux cannetières. Son invention est due au sieur Tranchat, mécanicien, qui en a obtenu le brevet. Ce perfectionnement consiste à arrêter la cannette subitement lorsqu’un des brins casse ou que la soie d’un roquet est employée, en laissant toujours une longueur de huit pouces pour nouer. Par ce moyen, les faux tours aux cannettes sont impossibles, et l’attention pour soigner le nombre des bouts n’est point fatiguée ; toute personne, même un enfant, peut sans peine, sans gâter ni salir la soie, faire parfaitement, en quatre heures de temps, autant de cannettes qu’à un rouet pendant toute la journée. Outre cet inappréciable avantage, il en est un autre qui ne laisse rien à désirer pour la perfection des cannettes, c’est la disposition de la cantre, qui permet, en chargeant les roquets, de tendre la soie à volonté. Par ce moyen on étendra les trames dures, gros noir ou souples, elles deviendront lisses et brillantes, et l’étoffe, en diminuant de poids, prendra tout l’éclat dont elle est susceptible. Le crémage, les trames tirantes sont impossibles par l’emploi de ces canettes. Ces mécaniques procurent donc une grande économie de temps et de matières, non-seulement pour le cannetage, mais encore pour la fabrication ; l’ouvrier n’étant jamais arrêté par les défauts de la cannette, tissera plus facilement et plus régulièrement. Ainsi, en rendant l’étoffe plus belle et moins lourde, le fabricant y trouvera aussi son bénéfice, et nous ne craignons pas d’avancer, parce que nous en avons les preuves, que ce dernier peut, avec bénéfices, faire une augmentation de 5 et même de 10 c. par aune, sur les étoffes fabriquées avec les cannettes provenant de ces mécaniques.

Ainsi on peut donc, sous tous les rapports, considérer l’invention des cannetières comme une véritable amélioration dans la manutention de la soie et de la fabrication des étoffes. Son introduction immédiate dans la fabrique, supprimerait entièrement le rouet à cannettes, dont l’usage remonte à l’époque la plus reculée de l’invention du tissage, et avec lequel on ne fait péniblement qu’une seule cannette à la fois. Véritable galère pour les enfans, que la misère du père de famille force à captiver trop jeunes à ce travail ; travail qui, en les privant de l’éducation qui leur est due, les rend souvent difformes ou bossus par la mauvaise position de leur corps, étant obligés de tourner continuellement et d’une seule main, une roue ce, qui ne laisse pas d’être fatigant. L’humanité réclamait donc depuis long-temps un nouveau mode pour le cannetage, et nous avons lieu d’être surpris, après tant de mécaniques inventées pour la fabrication des étoffes façonnées, que celle qui permet de supprimer l’insipide rouet, soit venue la dernière.

Les cannetières du sieur Tranchat, répondent à tous les besoinsi, espérons que les avantages seront compris [5.1]des fabricans et des chefs d’atelier, il est de l’intérêt des premiers d’aider les seconds a s’en procurer, et dans peu tous les ateliers posséderont des cannetières, tous y trouveront avantage et l’ouvrier aura la satisfaction de pouvoir faire instruire ses enfans.

F.......


i On peut le voir en activité chez M. Morel, rue des Tables-Claudiennes.

 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. goujon.)

Audience du 24 janvier 1833.i

La salle était comble ; cette immense affluence de spectateurs était attirée par le désir d’entendre la cause du sieur Daviet contre les sieurs Gentelet frères, relative à l’enlaçage des cartons, l’une des questions les plus vitales de la fabrique lyonnaiseii dont nous allons rendre compte.

Lorsqu’un négociant écrit sur le livre du chef d’atelier ces mots : tous frais compris, peut-il se dispenser de rembourser le laçage des cartons ? – R. – Non. Le laçage des cartons est toujours à la charge du négociant dont ils sont la propriété.

À l’appel de la cause M. Daviet explique son affaire de la manière suivante : il a monté un métier pour la maison Gentelet ; on a voulu lui imposer l’obligation de lacer à ses frais le dessin, il a refusé, et sur son refus on lui a promis le remboursement. Cependant la maison Gentelet, voyant une question de principe importante à résoudre, s’est ravisée, et a fait dire au chef d’atelier Daviet que s’il ne voulait pas supporter les frais, il fallait qu’il rapportât la pièce. Daviet a répondu qu’il avait monté le métier, fait lacer les cartons, et qu’il ne pouvait rendre la pièce que contre le paiement de ses frais de montage et laçage. C’est en cet état que la cause paraissait devant le conseil. Il faut observer que le livre du chef d’atelier portait tous frais compris ; le sieur Daviet en avait demandé la suppression lorsqu’on lui promit de lui faire le remboursement, mais on lui avait répondu qu’il pouvait s’en rapporter.

M. Firmin Genteletiii se présente et prétend qu’il ne doit pas payer les frais de laçage ayant écrit sur le livre du chef d’atelier tous frais compris.

Le conseil, « attendu que les frais de laçage sont à la charge du négociant, condamne les sieurs Gentelet frères à les payer au sieur Daviet »

[5.2]Ce jugement est accueilli par un murmure général de satisfaction ; M. Gentelet s’adresse au président et lui demande si le conseil ne respecterait pas la convention écrite sur le livre du chef d’atelier et portant que le laçage des cartons serait à ses frais. – A nouveau fait nouveau conseil, répond M. Goujon ; cette réponse qui exaspère les auditeurs en leur laissant apercevoir qu’il n’y a rien de stable, et que la décision qui vient d’être rendue peut être remplacée par une autre plus tard faute d’une jurisprudence fixe ; cette réponse, ne satisfaisant pas non plus M. Gentelet, il interpelle deux fois de suite et avec une insistance ridicule le président ; mais la patience étant à bout, un houra s’élève contre lui : nous ne saurions l’approuver quoiqu’il ne différât en rîen de ceux qui ont lieu quelquefois dans les autres tribunaux.

Le président, au lieu d’imposer silence à cet homme, et d’user envers lui de son pouvoir discrétionnaire (ce qu’il aurait pu faire à plus juste titre que dans l’affaire Tiphaine dont on se souvient), cédant apparemment à une irritation malséante dans un fonctionnaire, lève brusquement la séance sans aucun avertissement. Nous croyons même qu’il a eu la velléité d’envoyer chercher la garde pour faire sortir de force les auditeurs, ce qui eût pu produire plus d’un accident fâcheux.

Par les sages et paisibles exhortations de l’huissier, la salle a enfin été évacuée au milieu d’un grand tumulte ; des cris ont long-temps poursuivi M. Gentelet qui a été accompagné chez lui par son adversaire lui-même, le sieur Davietiv ! afin de le garantir de toute rixe.

Nous pensons que ce bruit aurait été promptement apaisé, si au lieu de lever la séance, M. Goujon, plus maître de lui, eut fait taire M. Gentelet en usant contre lui des moyens coercitifsv en son pouvoir, et ordonné à l’huissier d’appeler une autre cause. Mais il n’a pas eu même l’idée de prononcer le renvoi d’office à une autre audience. Au nombre des causes qui devaient être appelées ce soir, il en est une qui regarde un citoyen de Mâcon, lequel avait fait le voyage exprès.

Nous croyons aussi qu’il serait enfin temps au conseil d’adopter une jurisprudence fixe, qui ne permît à aucun négociant sans encourir une peine grave de s’y soustraire.

M. Daviet, dans cette circonstance, a bien mérité de ses confrères par sa fermeté à soutenir son droit et le leur ; mais, nous le répétons, l’établissement d’une jurisprudence fixe peut seule prévenir ces conflits déplorables.

Le Courrier de LyonCourrier de Lyon, que nous désignerons dorénavant, et pour cause, sous le nom de journal-Goujon, a profité de cette occasion pour distiller un peu du fiel qui l’anime contre les ouvriers, auxquels il ne peut pardonner leur victoire de novembre, ni leur générosité après la victoire. Nous ne pouvons aujourd’hui lui répondre, mais ce qui est différé n’est pas perdu.


i Nous ne savons pourquoi un des nouveaux prudhommes, que nous croyons appartenir à la section de chapellerie, a siégé dans cette séance avant son installation.
ii Cette question préoccupe en ce moment les esprits, à cause principalement d’un propos qu’on prête à M. Crozier de la maison Poton, qui, s’il était vrai, décèlerait dans son auteur une profonde perversité. Suivant la rumeur publique, M. Crozier aurait dit que pour faire payer l’enlaçage aux fabricans, il faudrait de nouvelles journées de novembre. Nous avons peine à croire à un tel langage, aussi inconvenant que provocateur, et nous serons heureux de pouvoir le démentir. L’intérêt de cette maison exige une prompte réponse.
iii M. Firmin Gentelet, ex-capitaine de la garde nationale, monta le premier avec sa compagnie par la côte St-Sébastien, le 21 novembre 1831, et après des provocations insultantes aux ouvriers, s’arma d’un fusil et commença le feu. Il avait, il est vrai, une injure personnelle à venger. C’était lui, qui le matin s’étant rendu à la Croix-Rousse pour visiter les ouvriers, avait eu une altercation, à la suite de laquelle il avait reçu un coup de pierre. Mais l’officier de la garde nationale devait oublier l’injure du négociant.

 

HYGIÈNE.

L’avis sanitaire de 1833, qui vient de paraître contient de nouvelles observations des consommateurs du [6.1]Café de Santé et du Café-Chocolat, qui ajoutent encore à la confiance que ces comestibles méritent à juste titre, puisque l’expérience confirme de plus en plus leur utilité. (Voyez les Annonces.)

 Revue quindécimale.

ÉTRANGER.

Espagne. – Ferdinand VII1 a profité de sa convalescence pour rendre le 31 décembre dernier un décret qui révoque celui qu’on lui avait fait signer pendant sa maladie, par lequel la pragmatique sanction du 29 mars 1830 était abolie, et l’infant don Carlos appelé à lui succéder. Ce décret a été suivi d’émeutes à Madrid et Tolède qui ont été réprimées de suite.

– Par un décret du 4 janvier courant, Ferdinand a déclaré reprendre les rênes du gouvernement.

Belgique. – Guillaume, roi de Hollande, a ordonné la fermeture de l’Escaut pour les navires belges anglais et français.

– La chambre des représentans a adopté le 17 janvier courant, la proposition du sénat de remettre une épée d’honneur au maréchal Gérard.

Suisse. – Mme Isabelle Montolieu2, auteur de Caroline de Lichtfield et de plusieurs autres romans, est morte le 28 décembre 1832, dans le canton de Vaud, sa patrie. Ses œuvres forment 103 vol. Elle était veuve de M. Crouzaz avant d’épouser M. Montolieu.

Naples. – M. Falconnet, célèbre banquier, a épousé la Dlle Héberlé ; danseuse du théâtre Covent-Garden.

Portugal. – Le général français Solignac3, accompagné de plusieurs officiers, est arrivé à Oporto le 1er janvier 1833, et a pris le commandement de l’armée de don Pédro.

Etats-UnisÉtats-Unis. – Le général Andrew Jackson, président de la république, a adressé aux dissidens de la Caroline méridionale, le 10 décembre dernier, une proclamation fort sage datée de Washington.

Egypte. – L’armée égyptienne, sous les ordres d’Ibrahim-Pacha, est entrée le 18 novembre dernier à Koniah, sans éprouver d’empêchement de la part de l’armée turque.

Le 21 décembre, une bataille a eu lieu dans la plaine de Koniah. L’armée turque a été complètement battue et le grand vizir fait prisonnier.

INTÉRIEUR.

PARIS.

Nécrologie. – Le célèbre géomètre Legendre4, est mort le 9 janvier courant. Il a voulu être enterré sans pompe à Auteuil.

Cour de cassation. – M. Beaudoin, conseiller à la cour de Rennes, a été suspendu pour six mois à raison de sa signature mise au bas d’une adresse en faveur de la duchesse de Berry. Me Garnier, avocat, a défendu M. Beaudoin. Ce qui n’avait jamais eu lieu dans les affaires de ce genre.

Cultes. – Le 14 janvier courant a eu lieu, du consentement du gouvernement, l’inauguration d’une chapelle de l’ordre des Templiers.

(Nous en rendons compte dans ce N°, voy. ci-après.)

Antiquités étrusques – M. Orioli de Bologne, vient d’ouvrir un cours ; à ce sujet le 9 de ce mois. MM. Letronne, Ballanche, etc., y ont assisté.

Maison royale. – Le roi est revenu à Paris le 19 janvier au soir de son voyage à l’armée du Nord.

CHAMBRE DES PAIRS.

14 janvier. – M. Mounier5 prononce l’éloge de Fabre de l’Aude6. Cet éloge est remarquable en ce qu’il constate deux traits honorables de la vie de cet ancien sénateur. C’est à Fabre de l’Aude qu’on doit, 1° l’abolition de la confiscation ; 2° la perception d’un droit en faveur des pauvres sur les billets de spectacles. – M. d’Haubersaert7 fait successivement le rapport de deux projets de loi dont il demande l’adoption : 1° celui sur le règlement du budget de 1829 ; 2° celui sur la prescription des sommes confiées à la poste. – M. Siméon fait le rapport sur la proposition de M. Portalis, député, relative à l’abrogation de la loi du 19 janvier 1816, qui a ordonné de férier le 21 janvier ; il conclut à son adoption avec cet amendement qui formerait l’art. 1er : « Le 21 janvier demeure un jour de deuil national. »

15 janvier. – La proposition Portalis, ainsi amendée, est adoptée. Sur 161 votans, 96 pour 65 contre.

17 janvier. – La loi sur le règlement du budget de 1829 est adoptée par 113 votans contre 9. – Celle sur la prescription des sommes confiées à la poste et non retirées, est adoptée à l’unanimité (101 votans).

[6.2] 19 janvier. – La proposition de M. Portalis, revenue de nouveau à la chambre des pairs (Voy. ci-après chambre des députés, 15 janvier) est adoptée une seconde fois, mais amendée ainsi : « La loi du 19 janvier 1816, relative au jour funeste et à jamais déplorable du 21 janvier 1793, est abolie. » 88 votans contre 63, au scrutin secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

janvier. – Démission de M. Gavaret8, député du Gers. – Discussion de la loi départementale.

10 janvier. – M. de Riguy présente : 1° projet de loi sur les capitaines au long cours ; 2° projet de loi sur les pensions de la marine. – M. Humann présente : 1° projet de loi sur la responsabilité des agents du trésor ; 2° projet de loi sur un crédit extraordinaire pour les pensions de l’armée de terre. – Sur la demande de M. Dugas-Montbel, la chambre décide que la commission nommée pour l’examen de la proposition de MM. Salverte. Daunou, etc., se réunira à celle nommée par le projet de loi sur l’instruction primaire ; le président fait observer que cette décision ne pourra pas être invoquée comme un précédent. – Discussion de la loi départementale (suite de la).

11 janvier. – Continuation de la discussion de la loi départementale.

12 janvier. – M. Estancelin9 fait un rapport de pétitions. La seule remarquable est celle du nommé Perotte, qui accuse la police d’assassinat sur les patriotes qui étaient réunis au pont d’Arcole … On passe à l’ordre du jour malgré les réclamations des députés Cabet et Charamaule10. M. Martin (du Nord) fait un rapport sur la proposition de M. Salverte relative à la reprise de l’enquête pour constater le déficit occasionné par l’ex-caissier du trésor Kessner, et conclut à son adoption.– M. Dupin aîné lit une proposition tendante à donner à la veuve du brave général Daumesnil (voir l’Echo, n° 44.), une pension de 10,000 fr. reversible sur ses enfans jusqu’à concurrence de 6,000 fr. seulement.

14 janvier. – Le colonel Paixhans fait le rapport sur le projet de loi tendant à donner une pension de 500 fr. aux 401 vainqueurs de la Bastille ; il conclut à son adoption en réduisant le taux de la pension à 250 fr. et en formant irrévocablement la liste des ayans-droit. – La discussion sur la loi départementale continue.

15 janvier. – Discussion de la loi départementale. – Un message de la chambre des pairs apporte la proposition Portalis sur la férie du 21 janvier, amendée. – La chambre, sans désemparer, vote, rejette à la presqu’unanimité l’amendement de la chambre des pairs, et sur la proposition de M. Mauguin, rétablit le texte primitif de la proposition qui est adopté à la majorité de 232 voix contre 43.

16-17-18 janvier. – La discussion de la loi départementale continue. – En cette dernière séance M. La Pinsonnière11 a fait un rapport sur divers projets de loi relatifs à des intérêts de localités. – M. Dumont a fait le rapport sur le budget des dépenses du ministère de la justice.

19 janvier. – Rapport de pétitions.

21 janvier. La loi sur le 21 janvier 1793, amendée par la chambre des pairs est adoptée par 262 votans contre 82, – Plusieurs projets de loi relatifs à des intérêts locaux sont adoptés. – Le ministre de l’intérieur présente un projet de loi pour suspendre jusqu’au 1er avril 1834, l’organisation de la garde nationale à Ajaccio ; Bastia, Bonifacio, Corte (Corse), Arles et Tarascon. (B. du Rhône).

22 janvier. Discussion de la loi départementale.

Propositions. – M. Boudet12 fait une proposition tendante à la réorganisation des cours royales ; elle est rejetée.– M. de Ludre13 en fait une pour accorder les droits d’électeur à ceux qui sont inscrits sur la seconde partie de la liste du jury ; elle est rejetée. – M. de Corcelles14 en fait une autre pour rectifier le règlement dans le choix des commissaires, et empêcher le cumul. La lecture de cette proposition est autorisée.

DEPARTEMENS.

Privas (Ardèche). – M. Champanet15 a été nommé député.

Dax (Landes). M. Dusserré16, président du tribunal de commerce de Bayonne, idem.

Bergues (Nord). – M. Alphonse de Lamartine, idem. (Il est en Grèce en ce moment.)

Clichy-la-Garenne, près Paris (Seine). – L’abbé Auzon dirigeait depuis le mois de février 1831 l’église de cette commune, suivant le rite de l’abbé Châtel (voir l’Echo,  50.) Le 9 janvier courant ordre lui a été donné d’évacuer le presbytère. – Les scellés ont été apposés, brisés par le peuple, et ensuite rétablis malgré la résistance des habitans qui avaient fait une barricade. L’émeute a été apaisée. Huit à dix personnes sont arrêtées. Tout est rentré dans l’ordre ; une protestation a été faite par les habitans cette commune.

Aurillac (Cantal.) – M. le lieutenant-général Milhaud l’un des [7.1]grands citoyens qui siégèrent à la convention nationale et votèrent la mort du roi parjure, vient de décéder à l’âge de 66 ans.

LYON

Tribunal civil. – La 1re chambre, présidée par M. Baudrier, a jugé le 17 de ce mois une question importante. Trente-cinq huissiers s’étaient réunis par forme de société en nom collectif, et avaient établi une étude centrale place St-Pierre. Quelques huissiers avaient eu le bon esprit de rester en dehors. Cette société n’a eu qu’une éphémère existence. M. Viallon avait formé une demande en dissolution à ses confrères, et par ricochet le syndic de la communauté en avait formé une en dommages-intérêts contre l’huissier Demare qui, après avoir signé l’acte de société s’en était retiré. Il ne s’agissait rien moins que de lui faire payer 10,000 fr. de dommages-intérêts. Cet huissier a fait plaider la nullité de la société. Le procureur du roi a conclu en ce sens, et le tribunal, par un jugement très-bien motivé, l’a déchargé de tous dommages-intérêts, en déclarant la société nulle comme illégale et immoralei.

Eglise saint-simonienne. – Les bals que les saint-simoniens donnaient tous les dimanches à la Rotonde de Perrache, ont été interdits le 20 de ce mois.


i Nous traiterons cette question qui est d’ordre public et intéresse tous les citoyens. Les huissiers sont fonctionnaires, et dès lors il ne saurait leur être permis de contracter aucune société entr’eux. Il en est de même de tous les états qui sont fondés sur un privilège ; ainsi, par exemple, les drapiers peuvent s’associer en tel nombre qu’ils veulent, parce que la concurrence viendrait rétablir l’équilibre ; mais tous les bouchers ou boulangers d’une ville ne pourraient le faire attendu que leur nombre étant limité, la concurrence deviendrait impossible. Nous expliquerons cela plus amplement ailleurs.

 L’Ordre des Templiers rétabli.

Le 14 janvier de cette année sera un jour mémorable dans les fastes de l’ordre célèbre des Templiers ou johannites, que l’on croyait éteint avec Jacques Molay1, son dernier et malheureux grand-maîtrei. A 7 heures du soir, dans la cour DamietteParis), un service religieux suivant le rite de la primitive église, a été fait pour l’inauguration du temple. Voici la description de cette cérémonie d’après les journaux qui en ont rendu compte.

Les avenues étaient gardées par des gardes municipaux à pied et à cheval. L’intérieur pavoisé de drapeaux tricolores ; au fond le beau séant, étendard des templiers, et deux autres drapeaux fond blanc, l’un avec de larges raies bleues, l’autre orné d’une croix rouge ; le portrait de Jacques Molay et des armures anciennes étaient appendues aux pilastres ; sur une estrade un trône et des fauteuils en velours rouge étaient préparés pour M. Besuchet, grand-prieur, qui est arrivé précédé de trois lévites, escorté d’une douzaine de chevaliers, d’écuyers, frères servans, etc.

Les chevaliers portent une grande tunique blanche, une croix rouge est brodée sur leur poitrine ; sur leurs épaules est un manteau blanc orné sur le côté gauche d’une seconde croix rouge ; ils ont sur la tête une toque de soie blanche avec des plumes de diverses couleurs ; des éperons et le sabre gothique complètent leur costume.

Le grand-prieur a déclaré prendre possession du local sous le nom de couvent métropolitain. Un lévite s’est approché d’un autel sur lequel était un pupitre supportant un livre de prières, un vase d’eau lustrale, une branche de laurier et un trépied, de l’encens a été versé sur le trépied.

M. Bernard Raymond, grand-maître, a été introduit ; le grand-prieur lui a fait une allocution à laquelle il a immédiatement répondu. Ensuite la messe a été célébrée [7.2]en français, le Kirie eleison et le Miserere seuls ont été psalmodiés en latin.

Après l’Evangile, M. Barginet, de Grenoble, l’un des chevaliers, est monté dans une tribune et a prononcé un discours contenant l’histoire du temple.

Une quête a été faite par six hospitalières dites chanoinesses, couvertes d’un long voile de mousseline blanche.

Le lévite officiant, le grand-maître, les chevaliers et autres ont communié sous les deux espèces du pain et du vin.

La cérémonie terminée, tout le monde s’est retiré paisiblement.

A leur entrée et à leur sortie, les chevaliers ont brandi leurs épées suivant l’ancien usage.


i Le successeur immédiat de Molay dont l’existence vient d’être révélée, est Jean-Marc Larmenius de Jérusalem. Le fondateur de cet ordre est Hugues de Payens.

 De la représentation des non propriétaires.

Quoi qu’on fasse il est présumable qu’il existera toujours de grandes inégalités de condition, et que la société demeurera un composé de classes arrangées par étage, en dépit des lois qui proclameront l’égalité des citoyens ; mais il arrivera que les classes supérieures, poussées par celles qui les suivent, peu à peu disparaîtront dans leur sein, celles-ci s’abîmeront à leur tour, en sorte que la hiérarchie sociale, comme les flots de la mer, ira toujours se renouvelant sans se détruire.

Ce phénomène vient de s’accomplir sous nos yeux. Il y a quarante ans, nous avons vu mourir la noblesse féodale ; l’heure de la retraite a sonné pour la noblesse titrée. Une chose digne de remarque, qui démontre qu’elle est bien morte en effet, c’est qu’elle a pris fin sans bruit, sans convulsion. Après la nuit du 4 août 1789 l’empire a pu refaire des barons et des comtes ; il n’aurait pas pu rendre à ces dignités leurs anciens privilèges ! Aujourd’hui nous défions de rétablir les nobles de la restauration. Autrement, à coup sûr, M. Périer eût été fait duc comme M. Decazes, et nous aurions pour le moins un vicomte Barthe, un marquis Thiers et un baron Humann.

La classe des nobles a donc disparu sans retour, chassée par la classe bourgeoise ; celle-ci occupe le premier rang, tient le pouvoir dans sa main, gouverne l’Etat sans contrôle ; elle siège dans les deux chambres, dans les collèges électoraux ; dans le jury, non plus comme noble, mais comme propriétaire. On peut être un homme de rien et jouer un rôle, mais malheur à celui qui n’a rien. Pour être quelque chose on peut se passer de titre, mais il faut avoir quelque chose.

Or, la classe de citoyens ayant ce quelque chose de visible, de palpable, auquel la loi attache une prérogative politique, cette classe légale de bourgeois est fort peu nombreuse ; elle forme réellement une aristocratie tout aussi concentrée que la noblesse de l’ancien régime, et tout aussi jalouse de ses privilèges. A elle les honneurs, les emplois, les faveurs administratives. Les éligibles forment entre eux comme une société d’assurance contre l’invasion des prolétaires dans les fonctions publiques de quelque importance ; ils disciplinent sous eux les petits électeurs, leur garantissant des positions locales, à condition d’en être soutenus au jour des élections. Parlez à ces nouveaux patriciens d’entrer en partage de l’influence politique avec les non-censitaires, vous en serez repoussés avec colère, avec dédain. Guerre ! guerre, disent-ils, au prolétaire éloquent ! Ils sont environ 150,000, et la France a 32 millions d’habitans.

[8.1]A défaut d’autre nom, servons-nous donc de celui de non propriétaire, pour désigner les citoyens qui, ne payant guère que l’impôt de consommation, sont exclus légalement de toutes les fonctions politiques, et, par le fait de la plupart des emplois. De même que la bourgeoisie, ou tiers-état, a remplacé la noblesse, la classe des non propriétaires, jadis inaperçue, est montée au rang du tiers-état. Comme lui elle s’aperçoit aujourd’hui qu’elle supporte la plus lourde part des charges de la société, sans entrer dans le partage des bénéfices. Non-seulement les lois politiques, mais les lois civiles, les lois de finances, les lois de douane sont élaborées, sans que les non propriétaires aient à intervenir. Les propriétaires disposent à leur gré des tarifs, qui élèvent ou abaissent le prix des denrées les plus nécessaires à la vie. Les prohibitions, les monopoles frappent sur les intérêts matériels aussi bien que sur les intérêts moraux. Il y a long-temps que nous l’avons dit : la cour, la propriété, la bourse, ont eu chacune leur liste civile, et le nouveau tiers a été chargé de les payer.

Il est évident qu’un tel état de choses ne saurait durer et que la bourgeoisie n’a pas plus que l’ancienne noblesse, qu’elle remplace, le droit exclusif d’être représentée. Que la propriété, la classe actuelle des électeurs aient des intérêts respectables, nous ne le voulons pas nier : eh bien ! que ces intérêts se réfugient dans la chambre des pairs ; mais que les petits contribuables, les non censitaires, les prolétaires en un mot, soient introduits dans la chambre élective. C’est justice, c’est prudence, c’est nécessité. Croyez-nous, hommes du privilége, vous vous débattrez vainement contre elle, vous vous ferez peut-être du mal à vous et à nous, mais il vous faudra obéir tôt ou tard à cette loi de la société.

(Le National, 26 décembre 1832, n° 361.)

 Lectures prolétaires

L’orgueilleux a le verbe haut et le silence boudeur. Il est dissimulé dans sa joie, furieux dans sa tristesse, déshonnête au dedans, honnête au dehors, il est raide dans sa démarche, aigre dans ses réponses.
S. Bernard1.

Il n’y a que trois événemens pour l’homme : Naître, vivre et mourir, il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre.
Labruyère2.

Le meilleur des livres : l’Evangile a servi pendant des siècles de prétexte aux fureurs des Européens. Après cela qui se flattera d’être utile aux hommes par un livre.
Bernardin S. Pierre.

Et le ciel qui vous donna la réflexion pour prévoir vos besoins, nous a donné nos besoins pour mettre des bornes à la réflexion.
idem.

Voulez-vous être nobles méprisez tout jusqu’au mépris qu’on pourrait avoir pour vous. Voulez-vous être riches ne prenez rien de personne.
Confucius.

Le mot de vertu qui exprime tant de choses à l’égard des hommes n’en exprime qu’une à l’égard des femmes : la pudeur.
Servan.

L’homme sage écoute les avis qu’on lui donne, il les reçoit en amis, les examine en juge, les suit ou les néglige en maître.
d’Erlach.

Pour s’accoutumer aux refus, il faut faire comme Diogène qui tendait souvent la main à des statues.
Idem.

 Coups de navette.

[8.2]M. Fulchiron ne peut pas digérer les banquets Odillon-Barrot et Garnier-Pagès, surtout le dernier.

Il n’y a qu’heur et malheur en ce monde. Après avoir écouté M. Garnier-Pagès il faut subir le discours de M. Fulchiron.

Il n’y a rien de si sot ni de si fier qu’un parvenu.

M. Fulchiron, fils et petit-fils d’ouvriers, est ce qu’on appelle un parvenu.

Comme il a dégénéré de ses aïeux, ce M. Fulchiron, c’étaient de braves et laborieux ouvriers, et lui n’est qu’un opulent banquier.

 AVIS DIVERS.

[148] L’ALMANACH DE FRANCE, 1 vol. de 224 pages, publié à un million trois cent mille exemplaires, par la société pour l’émancipation intellectuelle, à Lyon, au bureau central du Journal des Connaissances utiles, rue de la Préfecture, n. 5, au 2e. – Prix : 50 c.

(146) PROCÈS DE M. EUGÈNE DUFAITELLE.
Les doctrines républicaines absoutes par le jury Lyonnais.
En vente au bureau de l’Echo de la Fabrique.
Prix : 1 fr.

[145] L’AVIS SANITAIRE pour 1833, contenant les nouvelles observations des consommateurs du café de santé et du café-chocolat rafraîchissant dit de la Trinité, se trouve en lecture dans tous les cabinets littéraires, et se distribue gratis dans les dépôts.
A Lyon, chez MM. Paillasson frères, négocians, rue Lanterne, n° 1.

[120] AU RABAIS.

Joinon, chapelier, quai Monsieur, n° 122, prévient le public qu’il tient un assortiment de chapeaux de feutre, feutre pour gilet et autres usages dont il démontrera l’utilité.
Les prix réduits pour les chapeaux, de 20 à 15 fr,

Idem. de 15 à 12 fr.
Idem. de 12 à 9 fr.
On cédera également au rabais les gilets et le feutre en pièce.

[136] Deux métiers velours à prendre, chez M. Bonnebouche, rue Perrache, n° 2.

[142] CHANGEMENT DE DOMICILE.
JOUBERT, mécanicien, ci-devant en bas de la côte des Carmélites, maintenant rue Flessel, cul-de-sac en face la rue Tholozan.

[128] Deux métiers de gros de Naples, tout garnis, à vendre, et appartemens à louer. S’adresser à M. Charles, cafetier, rue Tramassac, n° 50.

[130] A vendre, pliage avec six rasteaux de demi-aune à 5/4. S’adresser au bureau.

[132] A vendre deux métiers de lancés en 5/4 et 6/4, travaillant en chals cairés à corps et à lisse, ayant chacun une mécanique en 600, avec ou sans l’appartement et suite de bail ; chez Mme Bonneton, à la Guillotière, rue Basse, n° 6, au 4e, maison Comballot, près le pont.

[96] Une mécanique en 900 et deux en 400, à vendre. S’adresser au bureau.

(124) Les sieurs Nicoud et Régnier, viennent de déposer au bureau de l’Echo des navettes qu’ils ont perfectionnées. Elles sont d’une grande solidité. Les chefs d’atelier de schals lancés, et ceux qui se servent de navettes droites, sont spécialement invités à venir les voir. Les prix, réduits autant que possible, sont fixés ainsi :
Navettes cintrées, en fer 2 fr. 50 c. Idem, en cuivre, 2 fr. 75 c. – Navettes droites en fer, 2 fr. 75 c. – Idem, en cuivre, 3 f.
Ces prix ne sont ainsi réduits, que pour ceux qui souscriront d ici au 31 janvier prochain ; passé cette époque, ils seront augmentés.

Notes ( CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)

Notes ( Revue quindécimale.)
1 Roi d’Espagne en 1808 puis depuis 1814, Ferdinand VII (1784-1833) allait appeler à sa succession sa fille Isabelle II, entraînant la réaction de son propre frère, Charles de Bourbon (1788-1855) ce qui déclenchera la première guerre carliste (1833-1839).
2 Isabelle Montolieu (1751-1832), écrivain suisse.
3 Général J.-B. Solignac (1773-1850).
4 A.-M. Legendre (1752-1833), mathématicien français.
5 C.-P., baron Mounier (1784-1843), pair de France depuis 1819.
6 J.-C. Fabre, dit Fabre de l’Aude (1755-1832). Personnage important de la Révolution française, il fut notamment député aux états généraux puis commissaire du roi en 1790.
7 A.-F., comte d’Haubersaert (1771-1855), pair de France depuis 1824.
8 L.-S. Gavarret (1791-1881), député du Gers.
9 L. Estancelin (1777-1858), député de la Somme depuis 1830.
10 H.-M. Charamaule (1794-1886), député depuis 1831.
11 A.-J. Lhomme, comte de La Pinsonnière (1788-1869), alors député d’Indre-et-Loire.
12 P.-P. Boudet (1799-1844), député du Tarn-et-Garonne depuis 1831.
13 C.-L., comte de Ludre (1796-1884), député de la Meurthe.
14 C.-T. de Corcelles (1768-1843).
15 J.-A. Champannet (1785-1868), député de l’Ardèche.
16 P.-V. Duséré (1780-1847), député des Landes.

Notes ( L’Ordre des Templiers rétabli.)
1 L’ordre du Temple, ordre religieux et militaire fondé en Terre sainte en 1118-1119 par Hugues de Payens (1070-1136) et dont Jacques de Molay (1244-1314) fut le dernier grand maître. Au XIXe siècle l’ordre se consacrait aux œuvres de charité et au travail hospitalier.

Notes ( Lectures prolétaires)
1 Citation probablement tirée de l’un des écrits de saint Bernard de Clairvaux (1090-1153).
2 Jean de La Bruyère (1645-1696), moraliste français, auteur notamment des Caractères (1688) dont est tirée la citation.

 

 

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